De la Tyrannie/De la Religion

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Traduction par Merget.
Molini (p. 73-89).

CHAPITRE HUITIÈME.

De la Religion.


Quelle que soit l’opinion que l’homme s’est faite ou laissée donner des choses qu’il ne comprend pas, telles que l’âme et la divinité, cette opinion, dis-je, est souvent un des plus fermes soutiens de la tyrannie. L’idée que le vulgaire s’est généralement formée du tyran, ressemble tellement à celle que presque tous les peuples ont faussement conçue d’un Dieu, que l’on en pourrait induire que le premier tyran n’a pas été le plus fort, comme on a coutume de le supposer, mais bien le plus fourbe et le plus savant dans la connaissance du cœur humain, et dès-lors le premier à leur donner une idée quelconque de la divinité. C’est pour cela que parmi la plupart des peuples, la tyrannie religieuse a enfanté la tyrannie civile. Souvent elles se sont réunies sur la tête d’un seul, mais jamais elles n’ont manqué de se prêter des secours mutuels.

La religion payenne, en multipliant sans fin le nombre des Dieux, en faisant de l’Olympe une espèce de république, en soumettant Jupiter lui-même aux lois du destin, en lui faisant respecter les usages et les privilèges de la cour céleste, devait être, et fut en effet très-favorable à la liberté. La religion Judaïque, ensuite les religions Chrétienne, Mahométane, qui admettent un Dieu seul, maître terrible et absolu de toutes choses, devaient être, ont été, et sont toujours beaucoup plus favorables à la tyrannie.

Je passe légèrement sur ces choses qui ne m’appartiennent pas, et que d’autres ont dites avant moi. Je reviens à mon sujet, et je n’examinerai entre les diverses religions que la nôtre, et seulement par rapport à son influence sur les tyrannies européennes.

La religion chrétienne, qui est celle de presque toute l’Europe, n’est pas, par sa nature, favorable à la liberté ; mais la religion catholique se montre tout-à-fait incompatible avec la liberté : il suffira, je crois, pour prouver la vérité de la première de ces propositions, de démontrer qu’elle n’appelle, n’exhorte, ni ne conduit les hommes à la liberté ; et cependant les hommes devraient recevoir la première impulsion vers un objet si important de la religion elle-même, puisqu’il n’y a rien qui ait tant de pouvoir sur leur âme, qui grave plus fortement dans leur cœur telle ou telle opinion, et qui les excite si puissamment à exécuter de grands desseins. En effet, dans l’antiquité payenne, Jupiter, Apollon, les Sybilles, les Oracles, commandaient à l’envi aux divers peuples qui les adoraient, l’amour de la patrie et de la liberté. Née chez un peuple esclave, ignorant et déjà entièrement subjugué par des prêtres, la religion chrétienne ne sait qu’ordonner la plus aveugle obéissance, et elle ignore jusqu’au nom de la liberté ; et le tyran prêtre ou laïc est par elle assimilé à un Dieu.

Si on examine de quelle manière elle se propagea, on verra qu’elle pénétrait et se fixait plus facilement sous les tyrannies que dans les républiques. Elle ne put s’établir dans l’empire romain que lorsque la tyrannie militaire eut entièrement détruit la liberté : et à la chûte de cet empire, ces nations barbares qui d’abord occupèrent, et qui s’établirent depuis dans l’Italie, dans les Gaules, en Espagne et en Afrique, sous leurs divers commandans, embrassèrent peu après la religion chrétienne ; et il me parait qu’en voici la raison : ces conducteurs d’hommes voulaient rester tyrans, et leurs peuples habitués à être libres, quand ils n’étaient pas en guerre, ne voulaient pas obéir autrement que comme des soldats à leurs capitaines, et jamais comme des esclaves à leurs maîtres. Le christianisme vint se mêler dans cette disparité d’humeurs, comme un moyen par lequel on pouvait persuader au peuple la nécessité d’obéir, et par lequel on assurait l’empire aux capitaines devenus tyrans dans le cas où ils voudraient accorder aux prêtres une partie de leur autorité. Pour preuve de ce que j’avance, il suffit d’observer que la partie de ces nations du Nord, restée pauvre, simple et libre dans ses forêts natives, a été le dernier peuple de l’Europe qui reçut la religion chrétienne, plus encore par la violence que par la persuasion.

Le peu de nations éloignées de l’Europe, qui la reçurent, y furent forcées presque toujours par la crainte et la force, par exemple, comme dans les diverses contrées de l’Afrique et de l’Amérique ; mais on peut manifestement conclure du fanatisme féroce avec lequel elle était reçue et embrassée à la Chine, et encore plus au Japon, combien elle eût germé et prospéré sous les tyrannies de ces deux pays. Le trop grand nombre d’abus qu’elle renferme, forcèrent, avec le temps quelques peuples, beaucoup plus sages qu’enthousiastes, à la modérer, en la dépouillant de beaucoup de superstitions funestes ; et ces peuples distingués ensuite par le titre d’Hérétiques, s’ouvrirent par un tel moyen une route à la liberté. Elle revint parmi eux après avoir été long-tems bannie de l’Europe, pour y apporter le bonheur. Les Suisses, la Hollande, quelques villes d’Allemagne, l’Angleterre et l’Amérique, nous prouvent cette vérité. Mais les peuples qui, n’osant pas mettre un frein à cette religion, voulurent la conserver entière, se privèrent pour toujours des moyens de reconquérir leur liberté ; lorsque je dis entière, ce n’est pas cependant comme elle avait été prêchée par Jésus, mais telle que l’art, le mensonge et la violence l’avaient défigurée dans la bouche de ses successeurs. Je ne produirai pas maintenant toutes les raisons, mais les principales pour lesquelles il me paraît presqu’impossible qu’un état catholique puisse vraiment devenir libre, ni se conserver tel, en restant catholique.

Le culte des images, la présence réelle dans l’Eucharistie, et les autres points dogmatiques, ne sont pas certainement ceux qui, crus ou non, influent sur la liberté politique ; mais le Pape, mais l’Inquisition, le Purgatoire, la Confession, le Mariage, rendu sacrement indissoluble, et le Célibat des religieux ; voilà les six anneaux de la chaîne sacrée, qui donnent à la chaîne profane une telle force, qu’elle devient plus pesante et plus difficile à rompre. En commençant par la première de ces choses, je dis qu’un peuple qui croit qu’il peut y exister un homme, qui représente immédiatement Dieu, un homme qui ne peut jamais errer, un tel peuple est certainement un peuple stupide ; mais si ne le croyant pas, il vient à être tourmenté, forcé et persécuté par une force supérieure et effective, il arrivera que cette première génération d’hommes croira au Pape par crainte, leurs fils par habitude, et leurs petits-fils par stupidité. Voilà de quelle manière un peuple qui reste catholique doit nécessairement, par l’influence du Pape et de l’Inquisition, devenir le plus ignorant, le plus esclave et le plus stupide des peuples.

Mais, me dira-t-on, les Hérétiques croient cependant à la Trinité, et cette Trinité aux yeux du sens commun, paraît une chose certainement encore plus absurde que celles énoncées ci-dessus ; les Hérétiques ne sont donc pas moins stupides que les Catholiques. Je réponds que les Romains aussi croyaient au vol et au béquetter des oiseaux, ce qui était plus puérile et plus absurde, et cependant les Romains étaient grands et libres ; ils ne devinrent stupides et vils, que lorsque dépouillés de leur liberté, ils crurent à l’infâme divinité de César, d’Auguste et des autres tyrans plus méchans qu’eux encore. C’est pourquoi notre Trinité ne pouvant tomber sous les sens, qu’on y croie ou non, elle ne peut influer jamais sur la vie politique. Mais l’autorité plus ou moins grande d’un homme, l’autorité illimitée sur des choses de la plus haute importance, l’autorité qui se cache, qui se couvre du manteau sacré de la religion, entraîne des conséquences bien grandes, des conséquences telles enfin, que tout peuple qui croit ou admet une telle autorité, se rend esclave pour toujours.

Admettre cette autorité sans y croire me paraît une de ces contradictions humaine si répugnantes à la saine raison, qu’elle ne peut durer long-temps ; et cette non-croyance étant générale dans presque toute l’Europe catholique, il n’est pas nécessaire d’en parler davantage. Mais les peuples qui admettent l’autorité du Pape, parce qu’ils y croient comme nos ancêtres et quelques nations présentes de l’Europe, croient nécessairement ou par crainte, ou par ignorance, ou par stupidité ; si ils croient par ces deux dernières raisons, il est clair, qu’une nation stupide, et tout-à-fait ignorante, ne peut, dans l’état présent des choses, être libre ; mais si la force est la seule cause de la croyance des peuples, qui est-ce qui peut leur inspirer cette crainte ? Ce n’est pas, certainement, l’excommunication du Pape, puisqu’ils n’y ont plus de foi. Ce n’est donc que par la force qu’ils sont réduits à feindre une croyance qu’ils n’ont plus. Et par quelle force, par quelles armes ? Ce sont la force, les armes et la violence du tyran qui les opprime politiquement et religieusement. Ainsi ces peuples étant forcés de craindre l’oppression de celui qui les gouverne relativement à une chose qu’ils devraient être libres de croire où de ne pas croire, il en résulte que celui qui les commande est nécessairement tyran, et que les peuples qui sont obligés de céder à une pareille croyance, inspirée par la force, ne sont et ne peuvent jamais être libres. En effet, ni Athènes, ni Sparte, ni Rome, ni les autres républiques libres et éclairées, ne forcèrent jamais les peuples à croire à l’infaillibilité des Oracles, et beaucoup moins à se rendre tributaires et aveuglement esclaves d’un sacerdoce étranger.

L’Inquisition, ce tribunal affreux, dont le nom suffit pour faire dresser les cheveux d’horreur, subsiste cependant encore avec plus ou moins de puissance, dans tous les pays catholiques. Le tyran s’en sert à son gré ; il augmente ou restreint son autorité suivant le besoin qu’il en a ; mais cette autorité des prêtres et des moines, c’est-à-dire, de la classe la plus cruelle, la moins soumise aux liens de la société, et la plus lâche en même-temps, quelle influence pourrait-elle avoir par elle-même ? quelle terreur pourrait-elle inspirer aux peuples, si le tyran ne l’assistait et ne l’investissait de sa propre force effective ? Or, une force qui soutient un tribunal injuste et tyrannique, n’est certainement ni juste, ni légitime : où règne l’Inquisition, règne indubitablement la tyrannie ; où domine le catholicisme, l’inquisition existe ou peut exister à tous momens ; il est donc impossible qu’un peuple soit tout-à-la-fois et catholique et libre.

Que dirai-je maintenant de la Confession ? Je ne dirai pas ce que tout le monde sait bien, que la certitude d’obtenir le pardon de toute espèce d’iniquité, en la confessant seulement est plutôt un encouragement qu’un frein pour le crime. Je ne parlerai pas de beaucoup d’autres inconvéniens, qui dérivent journellement et manifestement de l’usage et de l’abus d’un tel sacrement. Je me contenterai de dire seulement qu’un peuple qui confesse ses actions, ses paroles et ses pensées à un homme, en croyant les révéler par ce moyen à Dieu ; qu’un peuple qui, parmi ses autres péchés, est forcé de confesser comme un des plus grands jusqu’au plus petit désir de secouer le joug injuste de la tyrannie, pour se mettre dans une liberté naturelle et discrète ; je dirai qu’un tel peuple ne peut être libre et ne mérite pas de l’être.

La doctrine du Purgatoire, en même-temps cause et effet de la Confession, ne contribue pas peu à appauvrir, et par conséquent à rendre esclave le peuple catholique. Pour racheter de ce lieu d’esclavage leurs pères et leurs parens, ils donnent aux prêtres, dans l’espérance d’en être aussi redimés par leurs fils ou petit-fils, non-seulement leur superflu, mais encore très-souvent, leur propre nécessaire. De là la richesse immense des prêtres ; de leur richesse naît leur connivence avec le tyran, et de cette double conjuration la double et universelle servitude. De là le peuple pauvre dans tout gouvernement, devenu plus pauvre encore par le moyen de cette tyrannie catholique, doit devenir tellement abruti, qu’il ne pensera pas et n’osera jamais essayer de se rendre libre. Les prêtres, au contraire, de pauvres qu’ils devraient être, sans mendier cependant, devenus, par le moyen de leur Purgatoire, très-riches, et par là plus nombreux et plus orgueilleux, sont toujours, dans chaque gouvernement inclinés ou même forcés par leurs richesses immenses et illégitimes à se liguer avec les oppresseurs du peuple, et à devenir eux-mêmes ses oppresseurs pour les conserver.

De l’indissolubilité du mariage, devenu sacrement, il résulte palpablement ce grand nombre de maux politiques, que nous voyons journellement se multiplier sous nos tyrannies. Des mauvais maris, des femmes plus méchantes encore, des pères détestables, des fils dénaturés, et tout cela parce que cette indissolubilité forcée, au lieu de resserrer les liens domestiques et de les adoucir, en les perpétuant, ne fait que les corrompre et les dissoudre entièrement.

Et de même, enfin, que ces mariages que la force a rendus perpétuels, ne produisent ni bons maris, ni femmes fidelles, ni pères sensibles ; de même aussi les prêtres catholiques condamnés, par la force, à un célibat perpétuel, ne peuvent se montrer ni bons fils, ni bons frères, ni bons citoyens ; car, pour connaître et exercer vertueusement ces trois états, il est trop nécessaire de connaître, par expérience, les tendres sentimens qui doivent naître dans le cœur d’un père et d’un époux.

Des raisons que j’ai exposées jusqu’ici, il me paraît clairement résulter, qu’un peuple catholique, déjà subjugué par la tyrannie, peut difficilement se rendre libre, et rester véritablement catholique. Pour en donner un seul exemple, choisi parmi tous ceux que je pourrais fournir dans la révolte des Pays-Bas ; les provinces pauvres qui n’avaient pas engraissé leurs prêtres, et qui avaient pu se faire hérétiques, restèrent libres ; celles qui étaient riches, surchargées d’Abbés, d’Évêques et de Moines, restèrent catholiques et esclaves. Voyons maintenant si un peuple qui se trouve tout-à-la-fois libre et catholique, peut se maintenir long-temps l’un et l’autre.

Il est certainement très-difficile de croire qu’un peuple subjugué par toutes les erreurs politiques qui sont commandées par le catholicisme, puisse jouir de la liberté politique ; mais quand même il en jouirait, la conservation en devient pour lui une chose impossible. Un peuple qui croit à l’autorité infaillible et illimitée du Pape, est déjà entièrement disposé à croire à celle d’un tyran, qui joint à des forces plus réelles et plus effectives, celle des excommunications de ce même Pape. Comment ne le persuadera-t-il pas ou ne le forcera-t-il pas à obéir à lui seul dans les choses politiques, comme il obéit au Pape en matière de religion ? Un peuple qui tremble sous l’Inquisition, à bien plus forte raison doit trembler sous les armes qui prêtent leur force à l’Inquisition. Un peuple qui se confesse de cœur, peut-il ne pas être toujours l’esclave de celui qui peut ou non l’absoudre. Je prétends même que s’il n’y avait pas de tyran laïc, bientôt il en sortirait un de la classe même des prêtres ; mais dans tous les cas, les prêtres seront toujours prêts à approuver et à défendre le tyran qui s’élèvera, dans l’espoir d’obtenir de lui, en échange de leurs secours, le droit de tromper les peuples. — Une chose qui se prouve par des faits, c’est que dans les demi-républiques italiennes, les prêtres ont moins concentré de pouvoir et de richesses que sous la tyrannie absolue d’un seul. Un peuple enfin où les chefs de famille se dépouillent de leurs biens, au détriement de leurs parens, même de leurs enfans, pour enrichir des prêtres célibataires, doit devenir, avec le temps, tellement pauvre et misérable, qu’il sera la proie de quiconque voudra le conquérir ou le rendre esclave.

Je ne sais si l’on doit au sacerdoce la première invention de respecter le despotisme politique comme une chose sainte et sacrée, ou bien si le despotisme a créé cette idée en faveur du sacerdoce. Quoi qu’il en soit, cette idolâtrie réciproque et mensongère est très-ancienne, puisque nous voyons dans l’ancien testament, les prêtres et les rois se donner tour-à-tour le titre de sacrés, mais jamais ces deux races usurpatrices n’ont appellé sacrés les droits naturels et incontestables des sociétés humaines. La vérité est que presque tous les peuples de la terre ont été, sont, et seront peut-être malheureusement toujours pressés et dominés par ces deux classes d’hommes, qui, quoique se reconnaissant réciproquement pour iniques et oppressives, n’en continuaient pas moins à se faire respecter comme sacrées. Leurs crimes ont été quelquefois dévoilés, le peuple les a souvent abhorrées ; mais hélas ! il les a toujours adorées comme divines.

Une vérité bien reconnue, c’est que dans notre siècle, les catholiques actuels ne croient que très-peu au Pape, que l’inquisition religieuse a perdu beaucoup de sa force ; qu’il n’y a plus que les idiots qui se confessent, qu’on n’achète plus désormais d’indulgence, sinon de quelques voleurs religieux et vulgaires. Mais à présent, chez les Catholiques, la milice, la seule milice, tient facilement lieu, et du Pape, et de la confession, et des aumônes du purgatoire, etc., c’est à-dire, que le tyran obtient maintenant par la terreur qu’inspirent ses nombreuses armées, les mêmes effets qu’il obtenait ci-devant de la superstition et de l’ignorance absolue de ses peuples. Peu lui importe à présent, qu’on croie ou qu’on ne croie pas en Dieu ; il suffit au tyran qu’on croie en lui, et pour aider à cette croyance, plus avilissante et bien moins consolante pour nous, il emploie la persuasion qui résulte des armées permanentes qu’il solde à nos dépens.

Il y a cependant encore en Europe quelques tyrans, qui, pour couvrir leurs œuvres du masque de l’hypocrisie, se déclarent les soutiens de la religion, soit pour se faire passer pour pieux, soit pour plaire à la majorité, qui, jusqu’à présent, y croit encore et la respecte. Tout tyran prudent et rusé doit se conduire ainsi, soit pour ne pas se priver par une incrédulité inutile, de cette branche précieuse de l’autorité absolue qui naît de la fureur des prêtres dirigée par lui, et vice versa, de la sienne dirigée par eux ; soit qu’il craigne, en se conduisant autrement, qu’un fanatique religieux ne vienne à remplir les devoirs d’un fanatique de la liberté, et ces fanatiques religieux sont moins rares, beaucoup plus audacieux que les autres. Pourquoi les fanatiques de la liberté sont-ils plus rares ? C’est que le nom de la religion est dans toutes les bouches, tandis que celui de la liberté n’est que dans celles d’un petit nombre, et presque dans le cœur de personne.

Le plus sublime et le plus utile de tous les fanatismes, celui qui produirait des hommes plus grands que tous ceux qui ont existé, serait le fanatisme qui créerait et propagerait une religion dont le Dieu ordonnerait, sous les peines futures et présentes, les plus graves, à tous les hommes d’être libres. Mais les hommes qui soufflaient le feu du fanatisme dans le cœur des autres, n’étaient presque jamais fanatiques eux-mêmes, et ils avaient trop d’intérêt à leur annoncer une religion et un Dieu qui commandassent sévèrement aux hommes d’être esclaves.