De la baguette divinatoire/Introduction
INTRODUCTION.
1. Le 21 de mars 1853, l’Académie nomma une
Commission de trois membres, MM. Chevreul, Boussingault
et Babinet, pour examiner un Mémoire de
M. Riondet (du Var), sur la baguette divinatoire employée à la recherche des eaux souterraines ; mes deux confrères me chargèrent du Rapport. Bientôt après,
les tables tournantes occupèrent le public français, et
une Lettre dans laquelle M, Kæppelin (de Colmar) en parlait à l’Académie, fut renvoyée à notre examen.
Un Rapport me semblait alors d’autant plus facile à
faire, que quelques organes de la presse quotidienne,
en entretenant leurs lecteurs de ces merveilleux phénomènes,
citèrent comme applicable à leur explication,
une grande partie de la Lettre sur une classe particulière de mouvements musculaires, que j’avais
adressée à M. Ampère, et qui fut imprimée, en 1833,
dans la Revue des Deux-Mondes[1]. Certes, si le phénomène
des tables tournantes eût été restreint à leur
mouvement circulaire, fort de l’assentiment public de
plusieurs personnes auxquelles je suis inconnu et
dont, à ce titre, je puis croire le jugement impartial,
j’aurais sans crainte soumis des conclusions à mes
deux honorables confrères de la Commission, et en
les supposant approuvées, sans hésitation je les aurais
présentées à la sanction de l’Académie.
2.Mais les tables n’ont pas seulement tourné ; elles ont frappé du pied, ou pour mieux dire, elles ont parlé, vu le passé, aperçu ce qui est actuellement en des lieux éloignés, et les événements futurs même leur ont été dévoilés. Ce ne sont plus quelques écrits légers, des articles de journaux dont elles ont été l’objet, mais le récit de leurs nombreuses merveilles a enfanté des volumes ! Enfin les tables ne sont pas exclusivement le siège de l’intelligence. La Guadeloupe possède une chaise douée de la faculté de composer en prose et en vers, comme le témoigne une brochure déposée dans la Bibliothèque de l’Institut. J’en reproduis en note le titre exact[2].
3.Les croyances du moyen âge à l’astrologie, à la magie, aux sorciers ont été évoquées comme l’expression de la vérité pure, tandis que les vérités scientifiques acquises depuis Galilée, d’après la méthode à posteriori, sacrifiées aux premières, ont été amoindries, quand on ne les a pas contestées. Pour réhabiliter d’anciennes croyances, aucune des ressources de la dialectique n’a paru superflue ; tous les arguments ont été employés. On a humilié la philosophie naturelle en la représentant les yeux fermés au merveilleux du moyen âge, menant les hommes à l’erreur dans les routes qu’elle avait ouvertes. Le supplice du feu, infligé à des hommes et à des femmes soupçonnés de sorcellerie, a été justifié en principe et en fait. Si l’on n’a pas dit que celle qui affranchit la France du joug de l’étranger fut justement condamnée à être brûlée vive comme sorcière, on a cherché du moins à montrer la majorité de ses juges guidés par des principes vrais, parce que, a-t-on dit, la preuve était acquise au procès que Jeanne d’Arc avait porté des bouquets à l’arbre des fées.
4.En lisant quelques écrits récents contre les sciences positives dont les principes peuvent être démontrés vrais, et contre les savants qui les cultivent, on est frappé de la manière de raisonner de leurs auteurs.
En parlant de l’esprit et de son activité, ils lui attribuent avec raison la faculté de se connaître par la réflexion, de discerner le bien du mal, de définir le juste et le beau ; mais ils se trompent en dédaignant, avec affectation même, la matière qu’ils considèrent comme quelque chose d’absolument passif, dont l’étude est sans importance réelle pour la connaissance du monde. À leurs yeux donc, l’esprit est tout, et la matière rien ; le premier représente la force, le mouvement, la vie, l’intelligence ; la seconde, l’immobilité, la mort, le néant. La contemplation de l’esprit, et de ses facultés, élève celui qui s’y livre, tandis que l’étude de la matière et de ses propriétés abaisse celui qui s’en occupe.
C’est de cette manière de voir absolue ou quelque peu mitigée, que découlent ces jugements défavorables aux sciences positives, aux académies instituées pour en assurer les progrès et aux savants occupés de leur culture.
5.Mais l’esprit dédaigneux de l’étude de cette matière, qui dans le monde visible tombe sous nos sens et les affecte si diversement, qu’elle soit vivante ou inorganique, peut-il réellement s’en dispenser, lorsqu’il affiche la prétention de connaître l’homme ? Non, sans doute, car notre nature est double : à la substance spirituelle qui l’anime, une substance matérielle est intimement unie. Deux principes sont donc à connaître ; dès lors, quelle que soit l’importance du premier, l’étude du second n’en est pas moins nécessaire, et pour l’entreprendre avec succès, on doit réunir les notions puisées à toutes les sources des connaissances humaines dont l’ensemble constitue la philosophie naturelle.
6.Que devient l’esprit qui, faisant abstraction de la matière, se complaît en lui-même sans tenir compte des réalités du monde visible ? En proie à la rêverie, le merveilleux, le surnaturel seulement le touchent ; absorbé dans la contemplation du monde invisible, il est le jouet perpétuel d’illusions et de fantômes que lui crée une imagination en dehors de la raison et qui, se succédant les uns aux autres avec la rapidité des rêves d’un fiévreux, ont souvent la folie pour terme.
7.Heureusement, beaucoup d’esprits religieux et de théologiens sont contraires à cette manière de voir. Je citerai pour exemples le père Pierre Lebrun, de l’Oratoire, auteur de l’Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, et en outre les docteurs de Sorbonne chargés de l’examen du livre.
Le père Lebrun, qui publiait cet ouvrage en 1702, était un de ces esprits aussi modestes qu’élevés, curieux de l’approbation de tous ceux qui aiment la vérité ; aussi, après avoir soumis le livre dont je rappelle le titre, à des théologiens capables de témoigner de la pureté de sa foi et de l’orthodoxie de ses opinions religieuses, il l’avait adressé à l’Académie royale des Sciences pour avoir son jugement sur ce qui concerne la science proprement dite ; et ce n’est pas sans un sentiment de profonde estime envers la mémoire de l’auteur, qu’après les approbations des théologiens, docteurs de Sorbonne, j’ai lu le jugement porté par une Commission de l’Académie composée du métaphysicien Malebranche, du géomètre La Hire, du médecin Dodart et du spirituel Fontenelle.
8.Toutes les fois que l’esprit religieux a fait appel à la philosophie naturelle, la science de Galilée, de Descartes, de Newton, de Leibnitz ne s’est point montrée athée ; et lorsque le génie religieux le plus élevé des temps modernes, Bossuet, fut appelé à instruire le fils du roi qui, jusque-là, avait été le plus puissant comme le plus absolu des monarques, il composa ce livre admirable de la Connaissance de Dieu et de soi-même, où il rendit aux sciences du monde visible l’hommage le plus précieux qu’elles aient jamais reçu d’aucun homme. Pour l’auteur de ce livre, qu’est-ce que la connaissance de soi-même ? Ce n’est pas seulement savoir les attributs qui établissent l’origine divine de notre substance spirituelle, c’est savoir, en outre, tout ce qui se rattache à la connaissance de notre substance matérielle ; et c’est ainsi que l’illustre auteur entend faire connaître l’homme à celui qu’il instruit pour succéder à Louis XIV. Ce livre charme par la clarté de l’exposition, la science des détails et la grandeur des images : après l’avoir lu, on est saisi d’admiration en songeant au temps que Bossuet donna à l’étude de ce que tant de gens dédaignent aujourd’hui, se croyant probablement plus spiritualistes que celui qu’on a si justement nommé le dernier Père de l’Église !
Un second exemple.
Le vénérable évêque d’Hermopolis a-t-il perdu un temps précieux pour l’objet de ses Conférences, en s’adressant aux savants aussi bien qu’à leurs livres, quand il a voulu connaître une science toute nouvelle, la Géologie ; a-t-il eu lieu d’accuser la science de matérialisme, après les arguments qu’il avait su y puiser à l’appui des doctrines qu’il prêchait à ses nombreux auditeurs ?
9.Combien il est regrettable qu’au XVIIIe siècle Bossuet n’ait pas eu de successeurs versés dans la connaissance des sciences positives et capables de discuter des questions qu’on prétendait résoudre au nom de la philosophie, et qui, on le sait aujourd’hui, l’étaient fréquemment dans un sens contraire à la vérité. Voyez, par exemple, Helvétius soutenant l’égalité d’aptitude des hommes ; Rousseau raisonnant d’après la supposition que l’homme dégénère en société au point de vue moral aussi bien qu’au point de vue physique ; Condillac expliquant l’instinct des animaux par l’imitation ou par une transmission des ascendants à leurs petits ! Qui pourrait assurer que le résultat d’une discussion libre, sérieuse et prolongée, n’eût pas alors éclairé plus d’un esprit séduit par des hypothèses qu’il croyait des vérités.
10.L’homme avec ses facultés si excessivement bornées, quand on le considère relativement à la découverte de la vérité absolue, se trouve, en toute chose qu’il doit connaître, entre l’écueil de l’extrême crédulité et celui de l’extrême doute.
Les théologiens ont fixé leur attention sur cet état de choses, en ce qui est eu dehors des traditions sacrées ou du domaine de la foi. Par exemple, lorsqu’il fut question de la baguette divinatoire de 1689 à 1702, on examina, dans le cas où elle donnait des indications justes, si elle n’était point l’organe de Dieu, ou d’un ange, ou de Satan. Le père Ménestrier, auteur de la Philosophie des images énigmatiques (1694), chercha à démontrer qu’elle était sous l’influence de Satan, parce que, disait-il, aucune tradition n’avait annoncé, ni même donné lieu à ce qu’on en induisît qu’un jour une baguette manifesterait à l’homme la parole de Dieu ou d’un ange. Le père Lebrun, qui, un an avant le père Ménestrier, avait professé la même opinion, y revint en 1702, dans son Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants ; non-seulement il la soutint de nouveau, mais il proscrivit les épreuves judiciaires du feu, de l’eau, du duel, etc., comme des superstitions qui ne pouvaient, dans aucun cas, éclairer la justice : en cela il se trouvait encore d’accord avec le père Ménestrier.
11.Si, parce que les pères Lebrun et Ménestrier attribuaient à Satan le mouvement de la baguette, on les considérait comme des gens crédules, répugnant à user de leur raison pour discuter la probabilité de propositions avancées comme des vérités, on se tromperait beaucoup ; car il est impossible de mieux raisonner que ne le fait le père Lebrun quand il veut prouver qu’aucune substance matérielle n’agit sur la baguette, et que son mouvement dépend d’une cause libre et intelligente. Tous ceux qui tiendront Compte de la différence des temps, de l’influence des progrès des sciences positives depuis plus d’un siècle et demi, et surtout de l’extrême crédulité d’un grand nombre de nos contemporains, partageront sans doute le jugement que j’exprime ici sur le père Lebrun. Le père Ménestrier ne montre pas moins de raison dans un écrit sur la baguette divinatoire, lorsqu’il traite la question de savoir si l’on pouvait y recourir dans les procès criminels pour distinguer le coupable d’avec l’innocent.
12.La philosophie naturelle, reposant en entier sur des principes qu’on démontre par le raisonnement, n’est liée, dans ses recherches et ses examens, par aucun article de foi. Tout y est du domaine de la discussion et d’une discussion parfaitement libre ; le progrès de la science l’exige. Mais chaque corps de doctrine a été établi sur des faits que la méthode a généralisés en principe, après avoir constaté l’exactitude de chacun d’eux. La liberté de l’examen et de la discussion avec la méthode qui pèse les faits et pose les principes ont donc créé la philosophie naturelle.
13. Lorsque l’antiquité et le moyen âge s’occupèrent de connaissances du ressort de cette philosophie, mais qui n’appartiennent point aux mathématiques pures, ces connaissances furent envisagées en quelque sorte à l’instar des choses religieuses ; le maître les donnait à des élèves soumis comme des articles de foi, conformément à la méthode à priori. Celle-ci repose donc sur le principe d’autorité ; elle commande la soumission de l’esprit, et la foi est une condition pour celui qui veut apprendre.
14.La philosophie naturelle n’a été en progrès qu’après l’époque où la méthode a priori fut remplacée définitivement par la méthode a posteriori dont la base est le libre examen. Elle date de Galilée, qui eut la gloire impérissable d’avoir joint l’exemple au précepte. Moins ambitieuse que la méthode a priori, elle ne part pas de la cause première pour établir comme conséquence les effets ou phénomènes qu’il s’agit d’expliquer, mais elle remonte du phénomène à sa cause immédiate. Avec son principe de libre examen, elle vit de la discussion, non de vaines paroles, mais d’arguments puisés dans l’observation des faits naturels.
Une conséquence de la pratique de cette méthode a été l’institution des académies où l’égalité des académiciens permet la liberté de la discussion, puisqu’il n’y a d’autre autorité que le président, chargé de maintenir des règlements faits précisément pour assurer à tous cette liberté.
15.Voyons les reproches que l’on fait à la méthode a posteriori et aux académies.
Il en est des facultés de l’esprit comme des facultés du corps ; l’exercice les développe et crée des habitudes.
Si les habitudes de l’esprit d’un individu sont favorables à certains travaux intellectuels, à faciliter certaines recherches, certaines découvertes, convenons qu’elles pourront avoir sur l’esprit de ce même individu une prédisposition contraire quand il s’agira de certains autres travaux, de certaines autres recherches, de certaines autres découvertes. Voilà un inconvénient que je reconnais le premier, mais inhérent à l’humanité ou plus exactement à la faiblesse de l’individu ; il n’existe pas une profession, pas une institution humaine qui en soit exempte : dès lors on ne doit pas s’étonner que les esprits exercés à la méthode a posteriori soient plus difficiles à convaincre, moins disposés à croire, surtout lorsqu’il s’agit de choses vagues ou extraordinaires, que le sont les esprits étrangers à cette méthode. Voilà pourquoi la plupart des savants, des académiciens, ont peu de disposition à admettre des choses surnaturelles quand il s’agit, bien entendu, de ce qui n’appartient pas aux traditions religieuses.
16.Il est tout simple, d’après cela, que la chute des pierres du ciel n’ait point été admise sans difficulté par les savants, quoique l’histoire des temps anciens et du moyen âge en eût parlé. Au reste, c’est ce qui arrive toujours lorsqu’un fait qui ne se lie à rien de connu parvient à la connaissance des savants par une voie étrangère à la science. J’explique la chose sans la justifier : mais le contraire ne serait-il pas un inconvénient bien autrement grave, si sans critique la science accueillait comme vérités tous les rêves et les prétendues découvertes sans cesse annoncées avec plus ou moins d’emphase ? Les principes seraient continuellement compromis ; la science, perdant toute certitude, rétrograderait au moyen âge, et la haute administration n’aurait plus intérêt à la consulter, au grand détriment de la société.
La méthode scientifique a une puissance réelle, puisque c’est elle qui établit, après examen, ce qu’il faut admettre comme vérité ou rejeter comme erreur lorsqu’il s’agit du monde visible ; et cela est si vrai, que ce même fait de la chute des pierres du ciel n’est devenu vérité qu’après avoir été constaté par la science.
Au reste, justice est rendue quelquefois aux sciences positives du monde visible par des gens qui les avaient attaquées d’abord. En effet, il n’est pas rare qu’oubliant eux-mêmes leurs attaques, et voulant disposer ceux qui les lisent ou qui les écoutent en faveur de leurs opinions sur les choses surnaturelles, ils s’écrient : Il y a cent cinquante ans, qui aurait parlé comme possible de la rapidité du transport des hommes et des choses par la vapeur, et de la transmission, pour ainsi dire, instantanée de la pensée par l’électricité, n’aurait trouvé que des incrédules, et cependant aujourd’hui ce sont des faits de tous les moments. J’accepte le raisonnement, et j’y ajoute que si ces inventions honorent le génie de l’homme, si leur utilité à la société est incontestable, il faut en rendre grâce à la science la plus élevée ; car le hasard, à qui l’on doit beaucoup sans doute, a été étranger à ces grandes choses : les éléments en ont été puisés dans les Mathématiques, la Physique et la Chimie, prises à leur plus haut degré d’abstraction. Et c’est pour m’être beaucoup occupé d’applications, que j’apprécie tout ce que vaut la science abstraite, et qu’à mon sens, hors d’elle, il ne peut exister aucun enseignement sérieux des sciences appliquées et progressives.
17.Je vais plus loin. Pour les esprits réfléchis, livrés à la culture de connaissances étrangères à la philosophie naturelle, l’étude de la méthode a posteriori, telle que je l’ai définie comme méthode expérimentale, ne peut être qu’extrêmement fructueuse, par là même qu’elle montre continuellement la voie la plus sûre pour arriver à la vérité. Un phénomène dépendant de la philosophie naturelle observé dans la nature, un atelier, un cabinet de physique, un laboratoire de chimie, éveille-t-il l’attention d’un savant de manière à l’engager dans la recherche de la cause du phénomène ; son esprit raisonne, se livre à des inductions, à des conjectures, d’après les rapports qu’il croit saisir entre ce phénomène et ce qu’il connaît ; mais ces inductions, ces conjectures ne sont que des hypothèses tant qu’il n’y a pas eu de vérification. Or, c’est cette vérification qui l’engage à instituer des expériences dont le but définitif est de faire passer les inductions, les conjectures, de l’état d’hypothèse à l’état de faits démontrés, ou bien à les faire rejeter comme erreur. Dans ce dernier cas, de nouvelles inductions, de nouvelles conjectures conduisent à instituer de nouvelles expériences.
C’est donc, en définitive, l’expérience qui sert de contrôle à des raisonnements déduits de l’observation ; de là l’expression de méthode expérimentale.
18.La méthode expérimentale n’est pas applicable seulement aux sciences d’observation, de raisonnement et d’expérience, comme la Physique et la Chimie, elle l’est encore aux sciences d’observation et de raisonnement, comme la Botanique, la Zoologie, etc.
Par exemple, plus on étudiera les corps vivants au point de vue de l’histoire naturelle, plus le besoin se fera sentir dans la détermination des espèces d’instituer des expériences propres à confirmer ou à rejeter certaines opinions qui ne reposent aujourd’hui sur aucun fait précis.
19.Il est d’autres sciences, comme l’histoire ancienne envisagée au point de vue critique, l’économie politique, la statistique, auxquelles l’expérience parait aujourd’hui étrangère, qui y recourront quelque jour avec avantage. En attendant, on ne peut méconnaître dans plus d’un travail remarquable de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’esprit de la méthode expérimentale.
Ainsi, des propositions sont mises en avant comme conclusions d’une manière d’envisager certains faits qu’on a pris pour objet d’étude.
Puis ces propositions sont démontrées vraies par des faits incontestables qu’on cite à l’appui.
Évidemment, ces faits servant de contrôle aux propositions, correspondent parfaitement aux faits qui sont déduits de l’expérience lorsqu’il s’agit de recherches qui ressortissent des sciences d’observation, de raisonnement et d’expérience.
20.Enfin une dernière réflexion terminera ces considérations générales que j’ai cru nécessaires avant de traiter la question spéciale de l’explication du mouvement du pendule explorateur, et de celui de la baguette divinatoire.
La méthode à posteriori n’admettant comme vérité que ce qui peut être démontré tel, il s’ensuit qu’un auteur qui avance une proposition sans la démontrer devra s’en prendre à lui-même si elle n’est pas adoptée ; car à lui revient la tâche de prouver ce qu’il avance. Mais si la proposition est vraie, quoique non démontrée, tôt ou tard on le reconnaîtra, et alors cette proposition servira elle-même à découvrir quelque autre vérité. Il y aura donc avancement de la science ou progrès. Telle est la marche de la véritable science ; ce qui est reconnu vrai a nécessairement tôt ou tard pour conséquence la découverte de nouvelles vérités, et en philosophie naturelle une vérité n’est jamais longtemps méconnue.
21.Maintenant, comment concevoir que des faits capitaux reconnus vrais au moyen âge auraient été mis de côté, puis oubliés, parce que leur connaissance n’aurait conduit à aucune vérité nouvelle, quoique réputés pendant des siècles des vérités réelles ? C’est, je l’avoue, ce que j’ai peine à comprendre. Or, cette difficulté, je ne l’élève pas comme hypothèse, elle est réelle.
Des personnes qui ont foi aux tables parlantes attendent les découvertes les plus brillantes, les plus imprévues, de ces merveilles qu’elles croient absolument nouvelles : eh bien, il faut qu’elles sachent que, loin de là, toutes ces merveilles ont été décrites dès 1693, 1694 et 1702 par les pères Lebrun et Mènestrier, avec cette seule différence, que les organes n’en étaient pas des tables, mais bien la baguette ou le pendule explorateur, comme on le verra dans le cours de l’ouvrage.
Que deviennent dès lors ces espérances de voir éclore en quelque sorte un monde nouveau qui enfantera des merveilles bien plus étonnantes que celles dont nous devons la connaissance aux sciences du monde visible ! Certes, que les esprits impartiaux pèsent l’observation que je fais, et ils verront qu’elle exprime une difficulté réellement grave, que les hommes professant la méthode à posteriori élèvent contre la réalité des merveilles dont on parle aujourd’hui.
22.Le silence que l’Académie des Sciences a gardé jusques ici[3] sur les tables tournantes a été interprété d’une manière peu favorable par des écrivains qui professent les opinions que je viens de combattre, et, après avoir lu leurs écrits, j’ai perdu la pensée de faire un Rapport sur ces phénomènes nouveaux. En effet, l’explication que j’ai donnée, il y a plus de vingt ans, des oscillations du pendule appelé explorateur, qui, au commencement du siècle, a été un sujet de nombreuses expériences pour Fortis, Charles Amoretti, et surtout Gerboin, professeur à l’École spéciale de Médecine de Strasbourg, cette explication, dis-je, appliquée par d’autres que par moi aux phénomènes des tables tournantes, ayant soulevé quelques critiques, il est de toute évidence qu’un jugement de ma part dans cette circonstance aurait été suspect, et que j’aurais manqué à toutes les convenances en présentant à deux de mes confrères, puis à l’Académie, des conclusions dans lesquelles on aurait pu dire que le rapporteur eût été à la fois juge et partie. Mais, fort d’une opinion dont la certitude est dans ma conscience d’honnête homme et de savant, je n’hésite point à produire dans l’Académie et hors d’elle une explication du pendule explorateur qui autrefois ne lui fut pas soumise ; je la développerai, plus que je ne l’avais fait, et dans son énoncé et dans ses conséquences ; je m’appliquerai encore à montrer que cette explication est, comme je l’avais soupçonné, applicable à la baguette divinatoire.
23.Deux motifs m’imposent la loi d’être très-réservé sur les tables tournantes : l’un concerne l’Académie des Sciences à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir depuis vingt-huit ans, et l’autre m’est absolument personnel.
24.Premier motif. — Lorsque je pensais pouvoir parler de ce phénomène comme rapporteur d’une Commission nommée par l’Académie, mon intention avait toujours été de ne l’entretenir que d’un simple mouvement circulaire qu’on disait imprimer aux tables par l’apposition des mains ; mais aujourd’hui qu’il s’agit de phénomènes tout à fait en dehors du domaine des sciences dont elle s’occupe, il est de mon devoir de n’en point dépasser les limites. Je me bornerai donc dans cet ouvrage à parler des analogies qu’on peut apercevoir entre les phénomènes du pendule explorateur, de la baguette divinatoire et des tables exclusivement tournantes.
25.Deuxième motif. — Le second motif, quoique tout personnel, ne m’en commande pas moins impérieusement la même réserve.
Je l’ai dit il y a longtemps, et répété souvent : le but de ma vie a été l’étude de la méthode par laquelle l’homme arrive à la connaissance de l’inconnu dans les sciences naturelles, plutôt qu’il n’a été de faire des découvertes proprement dites.
Je crois avoir défini la méthode expérimentale de façon à donner une idée plus précise de la méthode à posteriori et de la méthode à priori qu’on ne l’avait fait avant moi, parce que ma définition s’oppose à ce qu’on donne désormais à ces expressions, comme cela est arrivé déjà, un sens qu’elles n’ont pas.
26.La méthode à priori, essentiellement dogmatique, envisagée au point de vue le plus absolu, telle qu’elle domina dans l’antiquité et le moyen âge jusqu’à Galilée, a constamment mis en avant des principes qu’elle n’a pas tenu à prouver, parce que, suivant elle, ils émanaient d’une doctrine vraie qu’on ne pouvait mettre en question.
27.L’enseignement à priori est l’expression de cette méthode. Rattachant ses explications à des principes dérivés d’une doctrine générale qui n’a point été démontrée vraie, il ne peut dès lors, à l’époque actuelle, être admis comme moyen de faire connaître les vérités du domaine de la philosophie naturelle. Mais, en émettant cette opinion, il est absolument nécessaire d’envisager cet enseignement à priori relativement à ce qu’on appelle la synthèse et l’analyse.
L’enseignement à priori procède en descendant du principe à ses conséquences, de l’idée générale aux idées particulières. Or, un principe étant plus simple que ne l’est l’ensemble des propositions ou des choses particulières qu’on en fait dépendre, on est fondé à dire qu’en allant du principe à ses conséquences on va du simple au complexe, et que, dès lors, l’enseignement à priori est synthétique.
La considération de la simplicité du principe, relativement aux faits particuliers qu’on y rattache, a une grande importance : car si vous acceptiez le principe pour un ensemble, un tout de parties diverses, évidemment, en le prenant pour point de départ, vous diriez que l’enseignement à priori est analytique, puisque, dans cette supposition, il procéderait du tout aux parties du tout.
Ces remarques montrent la difficulté d’appliquer les mots analyse et synthèse d’une manière claire et précise à des raisonnements scientifiques lorsqu’on a négligé de s’expliquer nettement sur le point de départ.
28.La méthode à posteriori partant de l’observation des phénomènes pour en rechercher la cause immédiate, et procédant conformément à la manière dont j’ai défini la méthode expérimentale, suit la voie de l’analyse, afin d’isoler l’objet de sa recherche de ce qui y est étranger. C’est pour parvenir à cet isolement et à démontrer ensuite aux autres que le but a été atteint, qu’on recourt à l’expérience ; et c’est parce que celle-ci sert en définitive de preuve, de contrôle, de critérium, qu’on a trouvé la vérité cherchée, que j’ai qualifié la méthode d’expérimentale.
Sous ce rapport, l’analyse appartient essentiellement à la méthode à posteriori, puisque celle-ci cherche la vérité en isolant les parties du tout sans préoccupation d’une doctrine préconçue, comme le fait la méthode à priori.
29.Si nous avons montré la méthode à priori employant la synthèse, et la méthode à posteriori, l’analyse, ce serait une erreur grave de penser que l’enseignement synthétique est incompatible avec la méthode à posteriori, à laquelle tout l’enseignement actuel des sciences naturelles est subordonné.
L’enseignement synthétique devient compatible avec la méthode à posteriori toutes les fois qu’il s’agit d’un sujet parfaitement étudié, dont les généralités réduites en lois précises comprennent des faits particuliers incontestables, et recueillis conformément aux règles de la méthode expérimentale. Évidemment, toutes les recherches entreprises d’après cette méthode doivent tendre à la généralisation précise des faits particuliers ; car, dès qu’on est parvenu à le faire, l’enseignement synthétique devient possible, et l’étudiant saisit généralement bien mieux les conséquences d’un principe posé d’abord, qu’il ne remonte des faits particuliers aux principes dont ils dépendent. Mais que l’enseignement soit synthétique ou analytique, on ne trouve la vérité en philosophie naturelle, je le répète, qu’en suivant la méthode à posteriori dans la recherche des faits qui composent la matière d’un enseignement.
Effectivement, lorsqu’un sujet du domaine des sciences d’observation, de raisonnement et d’expérience est parfaitement étudié, il rentre dans la catégorie des propositions des mathématiques pures. Or, ces dernières sciences sont en dehors de tout ce que j’ai dit de la méthode à priori et de la méthode à posteriori appliquées à la recherche des vérités appartenant au domaine des premières sciences, parce que les propositions mathématiques susceptibles d’être démontrées vraies absolument, par le simple raisonnement, ne soulèvent point de discussion quant au degré de certitude de ce qu’elles enseignent. Les questions qu’elles peuvent provoquer sont celles de savoir : si, dans des cas donnés, on procède par voie de synthèse, par voie d’analyse, ou à la fois par les deux voies ; si renseignement analytique est préférable à l’autre, au point de vue de la clarté pour l’élève, et à celui de la facilité qu’il donne dans la recherche de vérités encore ignorées.
Cela posé, l’enseignement d’un sujet conformément à la méthode à posteriori, se faisant également bien, quant à la vérité des choses enseignées par la voie synthétique ou par la voie analytique, vous ne pouvez sans tomber dans le vice de raisonnement appelé pétition de principe, dire que la démonstration par l’une de ces voies sert de contrôle à la démonstration par la voie contraire, lorsque vous admettez que tous les faits sur lesquels vous vous appuyez ont été recueillis d’après la méthode à posteriori ; parce qu’en effet la question étant de savoir si ces faits sont vrais, ce n’est point en les exposant successivement par le mode analytique ou par le mode synthétique qu’on le verra, car dans les deux expositions, ils restent ce qu’ils sont respectivement, quant à leur degré de certitude.
30.Si on lit l’introduction des Principes d’Anatomie comparée de M. de Blainville, on voit[4] que l’illustre naturaliste a confondu la méthode à priori avec l’enseignement synthétique, et la méthode à posteriori avec l’enseignement analytique, et que quand il croyait démontrer une chose par la méthode à priori, c’était réellement en procédant par l’enseignement synthétique de faits recueillis par la méthode à posteriori qu’il le faisait.
31.Après ce court résumé de la manière dont j’envisage la méthode, ce serait une faute, à mes yeux, impardonnable, et une grande inconséquence à l’égard du public, si moi, qui me suis occupé d’une manière accessoire des tables tournantes et qui n’ai pas eu l’occasion d’admirer la sublime intelligence des tables frappantes, ni leur faculté divinatrice, j’allais émettre des doutes sur la capacité de ces merveilleux agents, aussi bien que sur la probité, la gravité et les lumières de leurs interprètes qui se comptent aujourd’hui, assurent-ils, par millions, sur tous les points du monde civilisé. Dans cet état de choses je ne m’exposerai pas à m’entendre dire que la première condition à remplir dans un travail scientifique quelconque étant d’avoir étudié soi-même, et un temps suffisant, ce qu’on veut expliquer, à la fin de ma carrière j’ai failli à la méthode expérimentale qui jusque-là n’avait pas cessé de me guider.
32.Les faits dont je vais m’occuper appartiennent à trois catégories distinctes :
1°. Ceux qui concernent la baguette divinatoire ; ce sont les plus anciens.
2°. Les faits relatifs au mouvement d’un pendule tenu à la main au-dessus de certains corps ; c’est ce pendule, composé d’une matière dite pesante et d’un fil flexible, qu’on a qualifié quelquefois d’explorateur.
Si des faits de cette catégorie étaient connus depuis longtemps, on n’a guère commencé à les examiner d’une manière spéciale que dans les douze premières années de ce siècle.
3°. Les faits concernant le mouvement ordinairement circulaire imprimé à une table, à un chapeau, etc., par plusieurs personnes dont les doigts se touchent.
La connaissance de ces faits ne remonte pas, en Europe, au delà de l’année 1853.
33.L’ordre le plus convenable à suivre dans l’examen auquel nous allons nous livrer est sans doute l’ordre historique, qui réunit à l’avantage de présenter les faits suivant les temps où ils se sont manifestés, celui de les montrer dans leur coordination la plus simple aux personnes curieuses d’en connaître les causes.
Je ne prétends pas seulement présenter l’histoire critique de ces faits en passant en revue les écrits les plus remarquables auxquels on en doit la connaissance, et en opposant les opinions de leurs auteurs les unes aux autres ; je veux encore, après ce double exposé, montrer l’intervention d’un principe dont je crois avoir démontré l’influence par ma propre expérience.
Ce principe concerne le développement, en nous, d’une action musculaire qui n’est pas le produit d’une volonté, mais le résultat d’une pensée qui se porte sur un phénomène du monde extérieur, sans préoccupation de l’action musculaire indispensable à la manifestation du phénomène. Cet énoncé sera développé lorsque je l’appliquerai à l’explication des faits observés par moi-même et deviendra parfaitement clair, je l’espère, lorsque le lecteur verra qu’il est l’expression précise de ces mêmes faits.
En ramenant un grand nombre d’observations et d’expériences à ce principe, loin de moi la prétention de comprendre dans une explication unique l’ensemble de celles qui ont été publiées sur le sujet qui m’occupe : il me suffira de montrer dans une partie spéciale, que la plupart des propositions avancées sous la forme d’expériences ou d’observations dans deux ouvrages publiés, l’un en 1808, sur le pendule explorateur, par Gerboin, professeur à l’École de Médecine de Strasbourg, l’autre en 1826, sur la furcelle ou baguette, par le comte de Tristan, rentrent dans mon explication, tout aussi bien qu’un certain nombre de faits décrits dans le XVIIe et le XVIIIe siècle concernant le mouvement de la baguette divinatoire.
34.S’il n’y a pas d’illusion de ma part, je montrerai sans hypothèse comment des faits qualifiés de surnaturels rentrent dans le domaine des sciences positives ; je répète que ce ne sont pas tous les faits indistinctement donnés pour tels, mais un certain nombre de ceux qu’on a attribués à des causes différentes suivant les temps ou suivant les systèmes de philosophie professés par les auteurs qui voulaient les expliquer. Ainsi, après avoir été généralement attribués à des êtres spirituels, ils ont pu l’être ensuite à des qualités ou propriétés occultes, telles que la sympathie, l’antipathie, par des péripatéticiens, à des corpuscules excessivement ténus par des cartésiens, à des fluides impondérables, tels que le magnétisme, l’électro-magnétisme, l’organo-électricité, etc., par des auteurs contemporains. C’est donc avec la réserve faite de ne pas prétendre expliquer toutes les observations, toutes les expériences, toutes les propositions données comme faits par les auteurs qui ont traité de la baguette divinatoire, du pendule explorateur et des tables tournantes, que nous allons entrer en matière.
35.J’espère en définitive montrer d’une manière précise comment des gens d’esprit, sous l’influence de l’amour du merveilleux si naturel à l’homme, franchissent la limite du connu, du fini ; dès lors comment ne sentant pas le besoin de soumettre à un examen réfléchi l’opinion nouvelle qui leur arrive sous le cachet du merveilleux et du surnaturel, ils adoptent soudainement ce qui, étudié froidement, rentrerait dans le domaine des faits aux causes desquels il est donné à l’homme de remonter. Existe-t-il une preuve plus forte de l’amour de l’homme pour le merveilleux, que l’accueil fait de nos jours aux tables tournantes ? je ne le pense pas ; plus d’un esprit fort qui accuse ses pères de crédulité en rejetant leurs traditions religieuses, admet comme réel ce que des théologiens contemporains de Louis XIV ont repoussé comme impossible ou traité de chimère. Ce fait confirme ce que j’ai dit de la crédulité à propos de l’Essai sur la magie, d’Eusèbe Salverte ; car si l’esprit fort qui repousse la révélation, ne s’appuie pas sur la méthode scientifique propre à discerner l’erreur de la vérité, l’incertain du fait démontré, il sera sans cesse exposé à adopter comme vraies les opinions les plus bizarres, les plus erronées, ou du moins les plus contestables.
36.Cet ouvrage est divisé en cinq parties.
Première partie. — Les faits concernant la baguette divinatoire, considérés au point de vue historique.
Deuxième partie. — Les faits concernant le pendule explorateur, considérés au point de vue historique.
Troisième partie. — Les faits concernant les tables tournantes.
Quatrième partie. — L’exposé de la cause à laquelle sont dus les mouvements de la baguette, du pendule explorateur et des tables tournantes ; cause que je nomme principe du pendule explorateur.
Cinquième partie. — Intervention du principe du pendule explorateur dans un grand nombre d’actes de la vie humaine.
- ↑ Livraison de mai 1833.
- ↑ JUANITA,Nouvelle par une Chaise,suivieD’UN PROVERBE ET DE QUELQUES ŒUVRES CHOISIESdu même auteur,et précédée d’une Préface de l’ÉditeurSUR LE PHÉNOMÈNE DES TABLES MOUVANTES.
Les œuvres littéraires de la Chaise ne sont que la préface d’un livre mystérieux qu’elle dépliera page à page aux yeux éblouis des croyants.(Épilogue, page 63.)
EN VENTEÀ L’IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT,Basse-Terre (Guadeloupe).
imprimerie du Gouvernement. 1853. - ↑ C’est le 1er de février 1854 que je lui communiquai les considérations qui font la matière de cette Introduction.
- ↑ Surtout page lvi, tome I.