De la démocratie en Amérique/Édition 1866/Vol 2/Chapitre 10-A

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Michel Lévy (Œuvres complètes, volume 2p. 269-301).

état actuel et avenir probable des tribus indiennes qui habitent le territoire possédé par l’union.

Disparition graduelle des races indigènes. — Comment elle s’opère. — Misères qui accompagnent les migrations forcées des Indiens. — Les sauvages de l’Amérique du Nord n’avaient que deux moyens d’échapper à la destruction : la guerre ou la civilisation. — Ils ne peuvent plus faire la guerre. — Pourquoi ils ne veulent pas se civiliser lorsqu’ils pourraient le faire, et ne le peuvent plus quand ils arrivent à le vouloir. — Exemple des Creeks et des Chérokées. — Politique des États particuliers envers ces Indiens. — Politique du gouvernement fédéral.

Toutes les tribus indiennes qui habitaient autrefois le territoire de la Nouvelle-Angleterre, les Narragansetts, les Mohicans, les Pecots, ne vivent plus que dans le souvenir des hommes ; les Lénapes, qui reçurent Penn, il y a cent cinquante ans, sur les rives de la Delaware, sont aujourd’hui disparus. J’ai rencontré les derniers des Iroquois : ils demandaient l’aumône. Toutes les nations que je viens de nommer s’étendaient jadis jusque sur les bords de la mer ; maintenant il faut faire plus de cent lieues dans l’intérieur du continent pour rencontrer un Indien. Ces sauvages n’ont pas seulement reculé, ils sont détruits[1]. À mesure que les indigènes s’éloignent et meurent, à leur place vient et grandit sans cesse un peuple immense. On n’avait jamais vu parmi les nations un développement si prodigieux, ni une destruction si rapide.

Quant à la manière dont cette destruction s’opère, il est facile de l’indiquer.

Lorsque les Indiens habitaient seuls le désert dont on les exile aujourd’hui, leurs besoins étaient en petit nombre ; ils fabriquaient eux-mêmes leurs armes, l’eau des fleuves était leur seule boisson, et ils avaient pour vêtement la dépouille des animaux dont la chair servait à les nourrir.

Les Européens ont introduit parmi les indigènes de l’Amérique du Nord les armes à feu, le fer et l’eau-de-vie ; ils leur ont appris à remplacer par nos tissus les vêtements barbares dont la simplicité indienne s’était jusque-là contentée, En contractant des goûts nouveaux, les Indiens n’ont pas appris l’art de les satisfaire, et il leur a fallu recourir à l’industrie des Blancs. En retour de ces biens, que lui-même ne savait point créer, le sauvage ne pouvait rien offrir, sinon les riches fourrures que ses bois renfermaient encore. De ce moment, la chasse ne dut pas seulement pourvoir à ses besoins, mais encore aux passions frivoles de l’Europe. Il ne poursuivit plus les bêtes des forêts seulement pour se nourrir, mais afin de se procurer les seuls objets d’échange qu’il pût nous donner[2].

Pendant que les besoins des indigènes s’accroissaient ainsi, leurs ressources ne cessaient de décroître.

Du jour où un établissement européen se forme dans le voisinage du territoire occupé par les Indiens, le gibier prend l’alarme[3]. Des milliers de sauvages, errants dans les forêts, sans demeures fixes, ne l’effrayaient point ; mais à l’instant où les bruits continus de l’industrie européenne se font entendre en quelque endroit, il commence à fuir et à se retirer vers l’ouest, où son instinct lui apprend qu’il rencontrera des déserts, encore sans bornes. « Les troupeaux de bisons se retirent sans cesse, disent MM. Cass et Clark dans leur rapport au Congrès, 4 février 1829 ; il y a quelques années, ils s’approchaient encore du pied des Alleghanys ; dans quelques années, il sera peut-être difficile d’en voir sur les plaines immenses qui s’étendent le long des montagnes Rocheuses. » On m’a assuré que cet effet de l’approche des Blancs se faisait souvent sentir à deux cents lieues de leur frontière. Leur influence s’exerce ainsi sur des tribus dont ils savent à peine le nom, et qui souffrent les maux de l’usurpation longtemps avant d’en connaître les auteurs[4].

Bientôt de hardis aventuriers pénètrent dans les contrées indiennes ; ils s’avancent à quinze ou vingt lieues de l’extrême frontière des Blancs, et vont bâtir la demeure de l’homme civilisé au milieu même de la barbarie. Il leur est facile de le faire : les bornes du territoire d’un peuple chasseur sont mal fixées. Ce territoire d’ailleurs appartient à la nation tout entière et n’est précisément la propriété de personne ; l’intérêt individuel n’en défend donc aucune partie.

Quelques familles européennes, occupant des points fort éloignés, achèvent alors de chasser sans retour les animaux sauvages de tout l’espace intermédiaire qui s’étend entre elles. Les Indiens, qui avaient vécu jusque-là dans une sorte d’abondance trouvent difficilement à subsister, plus difficilement encore à se procurer les objets d’échange dont ils ont besoin. En faisant fuir leur gibier, c’est comme si on frappait de stérilité les champs de nos cultivateurs. Bientôt les moyens d’existence leur manquent presque entièrement. On rencontre alors ces infortunés rôdant comme des loups affamés au milieu de leurs bois déserts. L’amour instinctif de la patrie les attache au sol qui les a vus naître[5], et ils n’y trouvent plus que la misère et la mort. Ils se décident enfin ; ils partent, et suivant de loin dans sa fuite l’élan, le buffle et le castor, ils laissent à ces animaux sauvages le soin de leur choisir une nouvelle patrie. Ce ne sont donc pas, à proprement parler, les Européens qui chassent les indigènes de l’Amérique, c’est la famine : heureuse distinction qui avait échappé aux anciens casuistes et que les docteurs modernes ont découverte.

On ne saurait se figurer les maux affreux qui accompagnent ces émigrations forcées. Au moment où les Indiens ont quitté leurs champs paternels, déjà ils étaient épuisés et réduits. La contrée où ils vont fixer leur séjour est occupée par des peuplades qui ne voient qu’avec jalousie les nouveaux arrivants. Derrière eux est la faim, devant eux la guerre, partout la misère. Afin d’échapper à tant d’ennemis ils se divisent. Chacun d’eux cherche à s’isoler pour trouver furtivement les moyens de soutenir son existence, et vit dans l’immensité des déserts comme le proscrit dans le sein des sociétés civilisées. Le lien social depuis longtemps affaibli se brise alors. Il n’y avait déjà plus pour eux de patrie, bientôt il n’y aura plus de peuple ; à peine s’il restera des familles ; le nom commun se perd, la langue s’oublie, les traces de l’origine disparaissent. La nation a cessé d’exister. Elle vit à peine dans le souvenir des antiquaires américains et n’est connue que de quelques érudits d’Europe.

Je ne voudrais pas que le lecteur pût croire que je charge ici mes tableaux. J’ai vu de mes propres yeux plusieurs des misères que je viens de décrire ; j’ai contemplé des maux qu’il me serait impossible de retracer.

À la fin de l’année 1831, je me trouvais sur la rive gauche du Mississipi, à un lieu nommé par les Européens Memphis. Pendant que j’étais en cet endroit, il y vint une troupe nombreuse de Choctaws (les Français de la Louisiane les nomment Chactas) ; ces sauvages quittaient leur pays et cherchaient à passer sur la rive droite du Mississipi, où ils se flattaient de trouver un asile que le gouvernement américain leur promettait. On était alors au cœur de l’hiver, et le froid sévissait cette année-là avec une violence inaccoutumée ; la neige avait durci sur la terre, et le fleuve charriait d’énormes glaçons. Les Indiens menaient avec eux leurs familles ; ils traînaient à leur suite des blessés, des malades, des enfants qui venaient de naître, et des vieillards qui allaient mourir. Ils n’avaient ni tentes ni chariots, mais seulement quelques provisions et des armes. Je les vis s’embarquer pour traverser le grand fleuve, et ce spectacle solennel ne sortira jamais de ma mémoire. On n’entendait parmi cette foule assemblée ni sanglots ni plaintes ; ils se taisaient. Leurs malheurs étaient anciens et ils les sentaient irrémédiables. Les Indiens étaient déjà tous entrés dans le vaisseau qui devait les porter ; leurs chiens restaient encore sur le rivage ; lorsque ces animaux virent enfin qu’on allait s’éloigner pour toujours, ils poussèrent ensemble d’affreux hurlements, et s’élançant à la fois dans les eaux glacées du Mississipi, ils suivirent leurs maîtres à la nage.

La dépossession des Indiens s’opère souvent de nos jours d’une manière régulière et pour ainsi dire toute légale.

Lorsque la population européenne commence à s’approcher du désert occupé par une nation sauvage, le gouvernement des États-Unis envoie communément à cette dernière une ambassade solennelle ; les blancs assemblent les Indiens dans une grande plaine, et après avoir mangé et bu avec eux, ils leur disent : « Que faites-vous dans le pays de vos pères ? Bientôt il vous faudra déterrer leurs os pour y vivre. En quoi la contrée que vous habitez vaut-elle mieux qu’une autre ? N’y a-t-il des bois, des marais et des prairies que là où vous êtes, et ne sauriez-vous vivre que sous votre soleil ? Au-delà de ces montagnes que vous voyez à l’horizon, par-delà ce lac qui borde à l’Ouest votre territoire, on rencontre de vastes contrées où les bêtes sauvages se trouvent encore en abondance ; vendez-nous vos terres et allez vivre heureux dans ces lieux-là. » Après avoir tenu ce discours, on étale aux yeux des Indiens des armes à feu, des vêtements de laine, des barriques d’eau-de-vie, des colliers de verre, des bracelets d’étain, des pendants d’oreilles et des miroirs[6]. Si, à la vue de toutes ces richesses, ils hésitent encore, on leur insinue qu’ils ne sauraient refuser le consentement qu’on leur demande, et que bientôt le gouvernement lui-même sera impuissant pour leur garantir la jouissance de leurs droits. Que faire ? À demi convaincus, à moitié contraints, les Indiens s’éloignent ; ils vont habiter de nouveaux déserts où les blancs ne les laisseront pas dix ans en paix. C’est ainsi que les Américains acquièrent à vil prix des provinces entières, que les plus riches souverains de l’Europe ne sauraient payer[7].

Je viens de retracer de grands maux, j’ajoute qu’ils me paraissent irrémédiables. Je crois que la race indienne de l’Amérique du Nord est condamnée à périr, et je ne puis m’empêcher de penser que le jour où les Européens se seront établis sur les bords de l’océan Pacifique, elle aura cessé d’exister[8].

Les Indiens de l’Amérique du Nord n’avaient que deux voies de salut : la guerre ou la civilisation ; en d’autres termes, il leur fallait détruire les Européens ou devenir leurs égaux.

À la naissance des colonies, il leur eût été possible, en unissant leurs forces, de se délivrer du petit nombre d’étrangers qui venaient d’aborder sur les rivages du continent[9]. Plus d’une fois ils ont tenté de le faire et se sont vus sur le point d’y réussir. Aujourd’hui la disproportion des ressources est trop grande pour qu’ils puissent songer à une pareille entreprise. Il s’élève encore cependant, parmi les nations indiennes, des hommes de génie qui prévoient le sort final réservé aux populations sauvages et cherchent à réunir toutes les tribus dans la haine commune des Européens ; mais leurs efforts sont impuissants. Les peuplades qui avoisinent les blancs sont déjà trop affaiblies pour offrir une résistance efficace ; les autres, se livrant à cette insouciance puérile du lendemain qui caractérise la nature sauvage, attendent que le danger se présente pour s’en occuper ; les uns ne peuvent, les autres ne veulent point agir.

Il est facile de prévoir que les Indiens ne voudront jamais se civiliser, ou qu’ils l’essaieront trop tard, quand ils viendront à le vouloir.

La civilisation est le résultat d’un long travail social qui s’opère dans un même lieu, et que les différentes générations se lèguent les unes aux autres en se succédant. Les peuples chez lesquels la civilisation parvient le plus difficilement à fonder son empire sont les peuples chasseurs. Les tribus de pasteurs changent de lieux, mais elles suivent toujours dans leurs migrations un ordre régulier, et reviennent sans cesse sur leurs pas ; la demeure des chasseurs varie comme celle des animaux mêmes qu’ils poursuivent.

Plusieurs fois on a tenté de faire pénétrer les lumières parmi les Indiens en leur laissant leurs mœurs vagabondes ; les jésuites l’avaient entrepris dans le Canada, les puritains dans la Nouvelle-Angleterre[10]. Les uns et les autres n’ont rien fait de durable. La civilisation naissait sous la hutte et allait mourir dans les bois. La grande faute de ces législateurs des Indiens était de ne pas comprendre que, pour parvenir a civiliser un peuple, il faut avant tout obtenir qu’il se fixe, et il ne saurait le faire qu’en cultivant le sol ; il s’agissait donc d’abord de rendre les Indiens cultivateurs.

Non seulement les Indiens ne possèdent pas ce préliminaire indispensable de la civilisation, mais il leur est très difficile de l’acquérir.

Les hommes qui se sont une fois livrés à la vie oisive et aventureuse des chasseurs sentent un dégoût presque insurmontable pour les travaux constants et réguliers qu’exige la culture. On peut s’en apercevoir au sein même de nos sociétés ; mais cela est bien plus visible encore chez les peuples pour lesquels les habitudes de chasse sont devenues des coutumes nationales.

Indépendamment de cette cause générale, il en est une non moins puissante et qui ne se rencontre que chez les Indiens. Je l’ai déjà indiquée ; je crois devoir y revenir.

Les indigènes de l’Amérique du Nord ne considèrent pas seulement le travail comme un mal, mais comme un déshonneur, et leur orgueil lutte contre la civilisation presque aussi obstinément que leur paresse[11].

Il n’y a point d’Indien si misérable qui, sous sa hutte d’écorce, n’entretienne une superbe idée de sa valeur individuelle ; il considère les soins de l’industrie comme des occupations avilissantes ; il compare le cultivateur au bœuf qui trace un sillon, et dans chacun de nos arts il n’aperçoit que des travaux d’esclaves. Ce n’est pas qu’il n’ait conçu une très haute idée du pouvoir des blancs et de la grandeur de leur intelligence ; mais, s’il admire le résultat de nos efforts, il méprise les moyens qui nous l’ont fait obtenir, et, tout en subissant notre ascendant, il se croit encore supérieur a nous. La chasse et la guerre lui semblent les seuls soins dignes d’un homme. [12]. L’Indien, au fond de la misère de ses bois, nourrit donc les mêmes idées, les mêmes opinions que le noble du moyen âge dans son château fort, et il ne lui manque, pour achever de lui ressembler, que de devenir conquérant. Ainsi, chose singulière ! c’est dans les forêts du nouveau monde, et non parmi les Européens qui peuplent ses rivages, que se retrouvent aujourd’hui les anciens préjugés de l’Europe.

J’ai cherché plus d’une fois, dans le cours de cet ouvrage, à faire comprendre l’influence prodigieuse que me paraissait exercer l’état social sur les lois et les mœurs des hommes, Qu’on me permette d’ajouter à ce sujet un seul mot.

Lorsque j’aperçois la ressemblance qui existe entre les institutions politiques de nos pères, les Germains, et celles des tribus errantes de l’Amérique du Nord, entre les coutumes retracées par Tacite, et celles dont j’ai pu quelquefois être le témoin, je ne saurais m’empêcher de penser que la même cause a produit, dans les deux hémisphères, les mêmes effets, et qu’au milieu de la diversité apparente des choses humaines, il n’est pas impossible de retrouver un petit nombre de faits générateurs dont tous les autres découlent. Dans tout ce que nous nommons les institutions germaines, je suis donc tenté de ne voir que des habitudes de barbares, et des opinions de sauvages dans ce que nous appelons les idées féodales.

Quels que soient les vices et les préjugés qui empêchent les Indiens de l’Amérique du Nord de devenir cultivateurs et civilisés, quelquefois la nécessité les y oblige.

Plusieurs nations considérables du Sud, entre autres celles des Chérokées et des Creeks[13], se sont trouvées comme enveloppées par les Européens, qui, débarquant sur les rivages de l’Océan, descendant l’Ohio et remontant le Mississipi, arrivaient à la fois autour d’elles. On ne les a point chassées de place en place, ainsi que les tribus du Nord, mais on les a resserrées peu à peu dans des limites trop étroites, comme des chasseurs font d’abord l’enceinte d’un taillis avant de pénétrer simultanément dans l’intérieur. Les Indiens, placés alors entre la civilisation et la mort, se sont vus réduits à vivre honteusement de leur travail comme les blancs ; ils sont donc devenus cultivateurs ; et sans quitter entièrement ni leurs habitudes, ni leurs mœurs, en ont sacrifié ce qui était absolument nécessaire à leur existence.

Les Chérokées allèrent plus loin ; ils créèrent une langue écrite, établirent une forme assez stable de gouvernement ; et, comme tout marche d’un pas précipité dans le nouveau monde, ils eurent un journal[14] avant d’avoir tous des habits.

Ce qui a singulièrement favorisé le développement rapide des habitudes européennes chez ces Indiens a été la présence des métis[15]. Participant aux lumières de son père sans abandonner entièrement les coutumes sauvages de sa race maternelle, le métis forme le lien naturel entre la civilisation et la barbarie. Partout où les métis se sont multipliés, on a vu les sauvages modifier peu à peu leur état social et changer leurs mœurs[16].

Le succès des Chérokées prouve donc que les Indiens ont la faculté de se civiliser, mais il ne prouve nullement qu’ils puissent y réussir.

Cette difficulté que trouvent les Indiens à se soumettre à la civilisation naît d’une cause générale à laquelle il leur est presque impossible de se soustraire.

Si l’on jette un regard attentif sur l’histoire, on découvre qu’en général les peuples barbares se sont élevés peu à peu d’eux-mêmes, et par leurs propres efforts, jusqu’à la civilisation.

Lorsqu’il leur est arrivé d’aller puiser la lumière chez une nation étrangère, ils occupaient alors vis-à-vis d’elle le rang de vainqueurs, et non la position de vaincus.

Lorsque le peuple conquis est éclairé et le peuple conquérant à demi sauvage, comme dans l’invasion de l’Empire romain par les nations du Nord, ou dans celle de la Chine par les Mongols, la puissance que la victoire assure au barbare suffit pour le tenir au niveau de l’homme civilisé et lui permettre de marcher son égal, jusqu’à ce qu’il devienne son émule ; l’un a pour lui la force, l’autre l’intelligence ; le premier admire les sciences et les arts des vaincus, le second envie le pouvoir des vainqueurs. Les barbares finissent par introduire l’homme policé dans leurs palais, et l’homme policé leur ouvre à son tour ses écoles. Mais quand celui qui possède la force matérielle jouit en même temps de la prépondérance intellectuelle, il est rare que le vaincu se civilise ; il se retire ou est détruit.

C’est ainsi qu’on peut dire d’une manière générale que les sauvages vont chercher la lumière les armes à la main, mais qu’ils ne la reçoivent pas.

Si les tribus indiennes qui habitent maintenant le centre du continent pouvaient trouver en elles-mêmes assez d’énergie pour entreprendre de se civiliser, elles y réussiraient peut-être. Supérieures alors aux nations barbares qui les environneraient, elles prendraient peu à peu des forces et de l’expérience, et, quand les Européens paraîtraient enfin sur leurs frontières, elles seraient en état, sinon de maintenir leur indépendance, du moins de faire reconnaître leurs droits au sol et de s’incorporer aux vainqueurs. Mais le malheur des Indiens est d’entrer en contact avec le peuple le plus civilisé, et j’ajouterai le plus avide du globe, alors qu’ils sont encore eux-mêmes à moitié barbares ; de trouver dans leurs instituteurs des maîtres, et de recevoir à la fois l’oppression et la lumière.

Vivant au sein de la liberté des bois, l’Indien de l’Amérique du Nord était misérable, mais il ne se sentait inférieur à personne ; du moment où il veut pénétrer dans la hiérarchie sociale des blancs, il ne saurait y occuper que le dernier rang ; car il entre ignorant et pauvre dans une société où règnent la science et la richesse. Après avoir mené une vie agitée, pleine de maux et de dangers, mais en même temps remplie d’émotions et de grandeur[17], il lui faut se soumettre à une existence monotone, obscure et dégradée. Gagner par de pénibles travaux et au milieu de l’ignominie le pain qui doit le nourrir, tel est à ses yeux l’unique résultat de cette civilisation qu’on lui vante.

Et ce résultat même, il n’est pas toujours sûr de l’obtenir.

Lorsque les Indiens entreprennent d’imiter les Européens leurs voisins, et de cultiver comme ceux-ci la terre, ils se trouvent aussitôt exposés aux effets d’une concurrence très funeste. Le blanc est maître des secrets de l’agriculture. L’Indien débute grossièrement dans un art qu’il ignore. L’un fait croître sans peine de grandes moissons, l’autre n’arrache des fruits à la terre qu’avec mille efforts.

L’Européen est placé au milieu d’une population dont il connaît et partage les besoins.

Le sauvage est isolé au milieu d’un peuple ennemi dont il connaît incomplètement les mœurs, la langue et les lois, et dont pourtant il ne saurait se passer. Ce n’est qu’en échangeant ses produits contre ceux des Blancs qu’il peut trouver l’aisance, car ses compatriotes ne lui sont plus que d’un faible secours.

Ainsi donc, quand l’Indien veut vendre les fruits de ses travaux, il ne trouve pas toujours l’acheteur que le cultivateur européen découvre sans peine, et il ne saurait produire qu’à grands frais ce que l’autre livre à bas prix.

L’Indien ne s’est donc soustrait aux maux auxquels sont exposées les nations barbares que pour se soumettre aux plus grandes misères des peuples policés, et il rencontre presque autant de difficultés à vivre au sein de notre abondance qu’au milieu de ses forêts.

Chez lui, cependant, les habitudes de la vie errante ne sont pas encore détruites. Les traditions n’ont pas perdu leur empire ; le goût de la chasse n’est pas éteint. Les joies sauvages qu’il a éprouvées jadis au fond des bois se peignent alors avec de plus vives couleurs à son imagination troublée ; les privations qu’il y a endurées lui semblent au contraire moins affreuses, les périls qu’il y rencontrait moins grands. L’indépendance dont il jouissait chez ses égaux contraste avec la position servile qu’il occupe dans une société civilisée.

D’un autre côté, la solitude dans laquelle il a si longtemps vécu libre est encore près de lui ; quelques heures de marche peuvent la lui rendre. Du champ à moitié défriché dont il tire à peine de quoi se nourrir, les Blancs ses voisins lui offrent un prix qui lui semble élevé. Peut-être cet argent que lui présentent les Européens lui permettrait-il de vivre heureux et tranquille loin d’eux. Il quitte la charrue, reprend ses armes, et rentre pour toujours au désert[18].

On peut juger de la vérité de ce triste tableau par ce qui se passe chez les Creeks et les Chérokées, que j’ai cités.

Ces Indiens, dans le peu qu’ils ont fait, ont assurément montré autant de génie naturel que les peuples de l’Europe dans leurs plus vastes entreprises ; mais les nations, comme les hommes, ont besoin de temps pour apprendre, quels que soient leur intelligence et leurs efforts.

Pendant que ces sauvages travaillaient à se civiliser, les Européens continuaient à les envelopper de toutes parts et à les resserrer de plus en plus. Aujourd’hui, les deux races se sont enfin rencontrées ; elles se touchent. L’Indien est déjà devenu supérieur à son père le sauvage, mais il est encore fort inférieur au blanc son voisin. A l’aide de leurs ressources et de leurs lumières, les Européens n’ont pas tardé à s’approprier la plupart des avantages que la possession du sol pouvait fournir aux indigènes ; ils se sont établis au milieu d’eux, se sont emparés de la terre ou l’ont achetée à vil prix, et les ont ruinés par une concurrence que ces derniers ne pouvaient en aucune façon soutenir. Isolés dans leur propre pays, les Indiens n’ont plus formé qu’une petite colonie d’étrangers incommodes au milieu d’un peuple nombreux et dominateur[19].

Washington avait dit, dans un de ses messages au Congrès : « Nous sommes plus éclairés et plus puissants que les nations indiennes ; il est de notre honneur de les traiter avec bonté et même avec générosité. »

Cette noble et vertueuse politique n’a point été suivie.

À l’avidité des colons se joint d’ordinaire la tyrannie du gouvernement. Quoique les Chérokées et les Creeks soient établis sur le sol qu’ils habitaient avant l’arrivée des Européens, bien que les Américains aient souvent traité avec eux comme avec des nations étrangères, les États au milieu desquels ils se trouvent n’ont point voulu les reconnaître pour des peuples indépendants, et ils ont entrepris de soumettre ces hommes, à peine sortis des forêts, à leurs magistrats, à leurs coutumes et à leurs lois[20]. La misère avait poussé ces Indiens infortunés vers la civilisation, l’oppression les repousse aujourd’hui vers la barbarie. Beaucoup d’entre eux, quittant leurs champs a moitié défrichés, reprennent l’habitude de la vie sauvage.

Si l’on fait attention aux mesures tyranniques adoptées par les législateurs des États du Sud, à la conduite de leurs gouverneurs et aux actes de leurs tribunaux, on se convaincra aisément que l’expulsion complète des Indiens est le but final où tendent simultanément tous leurs efforts. Les Américains de cette partie de l’Union voient avec jalousie les terres que possèdent les indigènes[21] ; ils sentent que ces derniers n’ont point encore complètement perdu les traditions de la vie sauvage, et avant que la civilisation les ait solidement attachés au sol, ils veulent les réduire au désespoir et les forcer à s’éloigner.

Opprimés par les États particuliers, les Creeks et les Chérokées se sont adressés au gouvernement central. Celui-ci n’est point insensible à leurs maux, il voudrait sincèrement sauver les restes des indigènes et leur assurer la libre possession du territoire que lui-même leur a garantie[22] ; mais quand il cherche à exécuter ce dessein, les États particuliers lui opposent une résistance formidable, et alors il se résout sans peine à laisser périr quelques tribus sauvages déjà à moitié détruites, pour ne pas mettre l’Union américaine en danger.

Impuissant à protéger les Indiens, le gouvernement fédéral voudrait au moins adoucir leur sort ; dans ce but, il a entrepris de les transporter à ses frais dans d’autres lieux.

Entre les 33º et 37º degrés de latitude nord, s’étend une vaste contrée qui a pris le nom d’Arkansas, du fleuve principal qui l’arrose. Elle borne d’un côté les frontières du Mexique, de l’autre les rives du Mississipi. Une multitude de ruisseaux et de rivières la sillonnent de tous côtés, le climat en est doux et le sol fertile. On n’y rencontre que quelques hordes errantes de sauvages. C’est dans la portion de ce pays, qui avoisine le plus le Mexique, et a une grande distance des établissements américains, que le gouvernement de l’Union veut transporter les débris des populations indigènes du Sud.

À la fin de l’année 1831, on nous a assuré que 10,000 Indiens avaient déjà été descendus sur les rivages de l’Arkansas ; d’autres arrivaient chaque jour. Mais le Congrès n’a pu créer encore une volonté unanime parmi ceux dont il veut régler le sort : les uns consentent avec joie à s’éloigner du foyer de la tyrannie ; les plus éclairés refusent d’abandonner leurs moissons naissantes et leurs nouvelles demeures ; ils pensent que si l’œuvre de la civilisation vient à s’interrompre, on ne la reprendra plus ; ils craignent que les habitudes sédentaires, à peine contractées, ne se perdent sans retour au milieu de pays encore sauvages, et où rien n’est préparé pour la subsistance d’un peuple cultivateur ; ils savent qu’ils trouveront dans ces nouveaux déserts les hordes ennemies, et pour leur résister ils n’ont plus l’énergie de la barbarie, sans avoir encore acquis les forces de la civilisation. Les Indiens découvrent d’ailleurs sans peine tout ce qu’il y a de provisoire dans l’établissement qu’on leur propose. Qui leur assurera qu’ils pourront enfin reposer en paix dans leur nouvel asile ? Les États-Unis s’engagent à les y maintenir ; mais le territoire qu’ils occupent maintenant leur avait été garanti jadis par les serments les plus solennels[23]. Aujourd’hui le gouvernement américain ne leur ôte pas, il est vrai, leurs terres, mais il les laisse envahir. Dans peu d’années, sans doute, la même population blanche qui se presse maintenant autour d’eux sera de nouveau sur leurs pas dans les solitudes d’Arkansas ; ils retrouveront alors les mêmes maux sans les mêmes remèdes ; et la terre venant tôt ou tard à leur manquer, il leur faudra toujours se résigner à mourir.

Il y a moins de cupidité et de violence dans la manière d’agir de l’Union envers les Indiens que dans la politique suivie par les États ; mais les deux gouvernements manquent également de bonne foi.

Les États, en étendant ce qu’ils appellent le bienfait de leurs lois sur les Indiens, comptent que ces derniers aimeront mieux s’éloigner que de s’y soumettre ; et le gouvernement central, en promettant à ces infortunés un asile permanent dans l’Ouest, n’ignore pas qu’il ne peut le leur garantir[24].

Ainsi, les États, par leur tyrannie, forcent les sauvages à fuir ; l’Union, par ses promesses et à l’aide de ses ressources, rend cette fuite aisée. Ce sont des mesures différentes qui tendent au même but[25].

« Par la volonté de notre Père céleste qui gouverne l’univers, disaient les Chérokées dans leur pétition au Congrès[26], la race des hommes rouges d’Amérique est devenue petite ; la race blanche est devenue grande et renommée.

« Lorsque vos ancêtres arrivèrent sur nos rivages, l’homme rouge était fort, et, quoiqu’il fût ignorant et sauvage, il les reçut avec bonté et leur permit de reposer leurs pieds engourdis sur la terre sèche. Nos pères et les vôtres se donnèrent la main en signe d’amitié, et vécurent en paix.

« Tout ce que demanda l’homme blanc pour satisfaire ses besoins, l’Indien s’empressa de le lui accorder. L’Indien était alors le maître, et l’homme blanc le suppliant. Aujourd’hui, la scène est chargée : la force de l’homme rouge est devenue faiblesse. À mesure que ses voisins croissaient en nombre, son pouvoir diminuait de plus en plus ; et maintenant, de tant de tribus puissantes qui couvraient la surface de ce que vous nommez les États-Unis, à peine en reste-t-il quelques-unes que le désastre universel ait épargnées. Les tribus du Nord, si renommées jadis parmi nous pour leur puissance, ont déjà à peu près disparu. Telle a été la destinée de l’homme rouge d’Amérique.

« Nous voici les derniers de notre race, nous faut-il aussi mourir ?

« Depuis un temps immémorial, notre Père commun, qui est au ciel, a donné à nos ancêtres la terre que nous occupons ; nos ancêtres nous l’ont transmise comme leur héritage. Nous l’avons conservée avec respect, car elle contient leur cendre. Cet héritage, l’avons-nous jamais cédé ou perdu ? Permettez-nous de vous demander humblement quel meilleur droit un peuple peut avoir à un pays que le droit d’héritage et la possession immémoriale ? Nous savons que l’État de Géorgie et le président des États-Unis prétendent aujourd’hui que nous avons perdu ce droit. Mais ceci nous semble une allégation gratuite. À quelle époque l’aurions-nous perdu ? Quel crime avons-nous commis qui puisse nous priver de notre patrie ? Nous reproche-t-on d’avoir combattu sous les drapeaux du roi de la Grande-Bretagne lors de la guerre de l’indépendance ? Si c’est là le crime dont on parle, pourquoi dans le premier traité qui a suivi cette guerre n’y déclarâtes-vous pas que nous avions perdu la propriété de nos terres ? pourquoi n’insérâtes-vous pas alors dans ce traité un article ainsi conçu : Les États-Unis veulent bien accorder la paix à la nation des Chérokées, mais pour les punir d’avoir pris part à la guerre, il est déclaré qu’on ne les considérera plus que comme fermiers du sol, et qu’ils seront assujettis à s’éloigner quand les États qui les avoisinent demanderont qu’ils le fassent ? C’était le moment de parler ainsi ; mais nul ne s’avisa alors d’y penser, et jamais nos pères n’eussent consenti à un traité dont le résultat eût été de les priver de leurs droits les plus sacrés et de leur ravir leur pays. »

Tel est le langage des Indiens : ce qu’ils disent est vrai ; ce qu’ils prévoient me semble inévitable.

De quelque côté qu’on envisage la destinée des indigènes de l’Amérique du Nord, on ne voit que maux irrémédiables : s’ils restent sauvages, on les pousse devant soi en marchant ; s’ils veulent se civiliser, le contact d’hommes plus civilisés qu’eux les livre à l’oppression et à la misère. S’ils continuent à errer de déserts en déserts, ils périssent ; s’ils entreprennent de se fixer, ils périssent encore. Ils ne peuvent s’éclairer qu’à l’aide des Européens, et l’approche des Européens les déprave et les repousse vers la barbarie. Tant qu’on les laisse dans leurs solitudes, ils refusent de changer leurs mœurs, et il n’est plus temps de le faire quand ils sont enfin contraints de le vouloir.

Les Espagnols lâchent leurs chiens sur les Indiens comme sur des bêtes farouches ; ils pillent le nouveau monde ainsi qu’une ville prise d’assaut, sans discernement et sans pitié ; mais on ne peut tout détruire, la fureur a un terme : le reste des populations indiennes échappées aux massacres finit par se mêler à ses vainqueurs et par adopter leur religion et leurs mœurs[27].

La conduite des Américains des États-Unis envers les indigènes respire au contraire le plus pur amour des formes et de la légalité. Pourvu que les Indiens demeurent dans l’état sauvage, les Américains ne se mêlent nullement de leurs affaires et les traitent en peuples indépendants ; ils ne se permettent point d’occuper leurs terres sans les avoir dûment acquises au moyen d’un contrat ; et si par hasard une nation indienne ne peut plus vivre sur son territoire, ils la prennent fraternellement par la main et la conduisent eux-mêmes mourir hors du pays de ses pères.

Les Espagnols, à l’aide de monstruosités sans exemples, en se couvrant d’une honte ineffaçable, n’ont pu parvenir à exterminer la race indienne, ni même à l’empêcher de partager leurs droits ; les Américains des États-Unis ont atteint ce double résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans répandre de sang, sans violer un seul des grands principes de la morale[28] aux yeux du monde. On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l’humanité.

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  1. Dans les treize États originaires, il ne reste plus que 6,373 Indiens. (Voyez Documents législatifs, 20e congrès, nº 117, p. 90.)
  2. MM. Clark et Cass, dans leur rapport au Congrès, le 4 février 1829, p. 23, disaient :

    « Le temps est déjà bien loin de nous où les Indiens pouvaient se procurer les objets nécessaires à leur nourriture et à leurs vêtements sans recourir à l’industrie des hommes civilisés. Au-delà du Mississipi, dans un pays où l’on rencontre encore d’immenses troupeaux de buffles, habitent des tribus indiennes qui suivent ces animaux sauvages dans leurs migrations ; les Indiens dont nous parlons trouvent encore le moyen de vivre en se conformant à tous les usages de leurs pères ; mais les buffles reculent sans cesse. On ne peut plus atteindre maintenant qu’avec des fusils ou des pièges (traps) les bêtes sauvages d’une plus petite espèce, telles que l’ours, le daim, le castor, le rat musqué, qui fournissent particulièrement aux Indiens ce qui est nécessaire au soutien de la vie

    « C’est principalement au nord-ouest que les Indiens sont obligés de se livrer à des travaux excessifs pour nourrir leur famille. Souvent le chasseur consacre plusieurs jours de suite à poursuivre le gibier sans succès ; pendant ce temps, il faut que sa famille se nourrisse d’écorces et de racines, ou qu’elle périsse : aussi il y en a beaucoup qui meurent de faim chaque hiver. »

    Les Indiens ne veulent pas vivre comme les Européens : cependant ils ne peuvent se passer des Européens, ni vivre entièrement comme leurs pères. On en jugera par ce seul fait, dont je puise également la connaissance à une source officielle. Des hommes appartenant à une tribu indienne des bords du lac Supérieur avaient tué un Européen ; le gouvernement américain défendit de trafiquer avec la tribu dont les coupables faisaient partie, jusqu’à ce que ceux-ci lui eussent été livrés : ce qui eut lieu.

  3. « Il y a cinq ans, dit Volney dans son Tableau des États-Unis, p. 370, en allant de Vincennes à Kaskaskias, territoire compris aujourd’hui dans l’État d’Illinois, alors entièrement sauvage (1797), l’on ne traversait point de prairies sans voir des troupeaux de quatre à cinq cents buffles : aujourd’hui il n’en reste plus ; ils ont passé le Mississipi à la nage, importunés par les chasseurs, et surtout par les sonnettes des vaches américaines. »
  4. On peut se convaincre de la vérité de ce que j’avance ici en consultant le tableau général des tribus indiennes contenues dans les limites réclamées par les États-Unis. (Documents législatifs, 20e congrès, nº 117, pp. 90-105.) On verra que les tribus du centre de l’Amérique décroissent rapidement, quoique les Européens soient encore très éloignés d’elles.
  5. Les Indiens, disent MM. Clark et Cass dans leur rapport au congres, p. 15, tiennent à leur pays par le même sentiment d’affection qui nous lie au nôtre ; et, de plus, ils attachent à l’idée d’aliéner les terres que le grand Esprit a données à leurs ancêtres certaines idées superstitieuses qui exercent une grande puissance sur les tribus qui n’ont encore rien cédé ou qui n’ont cédé qu’une petite portion de leur territoire aux Européens. « Nous ne vendons pas le lieu où reposent les cendres de nos pères », telle est la première réponse qu’ils font toujours à celui qui leur propose d’acheter leurs champs.
  6. Voyez dans les Documents législatifs du congrès, doc. 117, le récit de ce qui se passe dans ces circonstances. Ce morceau curieux se trouve dans le rapport déjà cité, fait par MM. Clark et Lewis Cass, au congrès, le 4 février 1829. M. Cass est aujourd’hui secrétaire d’État de la guerre.

    « Quand les Indiens arrivent dans l’endroit où le traité doit avoir lieu, disent MM. Clark et Cass, ils sont pauvres et presque nus. Là, ils voient et examinent un très grand nombre d’objets précieux pour eux, que les marchands américains ont eu soin d’y apporter. Les femmes et les enfants qui désirent qu’on pourvoie à leurs besoins commencent alors à tourmenter les hommes de mille demandes importunes, et emploient toute leur influence sur ces derniers pour que la vente des terres ait lieu. L’imprévoyance des Indiens est habituelle et invincible. Pourvoir à ses besoins immédiats et gratifier ses désirs présents est la passion irrésistible du

    sauvage : l’attente d’avantages futurs n’agit que faiblement sur lui ; il oublie facilement le passé, et ne s’occupe point de l’avenir. On demanderait en vain aux Indiens la cession d’une partie de leur territoire, si l’on n’était en état de satisfaire sur-le-champ leurs besoins. Quand on considère avec impartialité la situation dans laquelle ces malheureux se trouvent, on ne s’étonne pas de l’ardeur qu’ils mettent à obtenir quelques soulagements à leurs maux. »
  7. Le 19 mai 1830, M. Ed. Everett affirmait devant la chambre des représentants que les Américains avaient déjà acquis par traité, à l’est et à l’ouest du Mississipi, 230,000,000 d’acres.

    En 1808, les Osages cédèrent 48,000,000 d’acres pour une rente de 1,000 dollars.

    En 1818, les Quapaws cédèrent 20,000,000 d’acres pour 4,000 dollars ; ils s’étaient réservé un territoire de 1,000,000 d’acres afin d’y chasser. Il avait été solennellement juré qu’on le respecterait ; mais il n’a pas tardé à être envahi comme le reste.

    « Afin de nous approprier les terres désertes dont les Indiens réclament la propriété, disait M. Bell, rapporteur du comité des affaires indiennes au congrès, le 24 février 1810, nous avons adopté l’usage de payer aux tribus indiennes ce que vaut leur pays de chasse (hunting-ground) après que le gibier a fui ou a été détruit. Il est plus avantageux et certainement plus conforme aux règles de la justice et plus humain d’en agir ainsi, que de s’emparer à main armée du territoire des sauvages.

    « L’usage d’acheter aux Indiens leur titre de propriété n’est donc autre chose qu’un nouveau mode d’acquisition que l’humanité et l’intérêt

    (humanity and expediency) ont substitué à la violence, et qui doit également nous rendre maîtres des terres que nous réclamons en vertu de la découverte, et que nous assure d’ailleurs le droit qu’ont les nations civilisées de s’établir sur le territoire occupé par les tribus sauvages.

    « Jusqu’à ce jour, plusieurs causes n’ont cessé de diminuer aux yeux des Indiens le prix du sol qu’ils occupent, et ensuite les mêmes causes les ont portés à nous le vendre sans peine. L’usage d’acheter aux sauvages leur droit d’occupant (right of occupancy) n’a donc jamais pu retarder, dans un degré perceptible, la prospérité des États-Unis. » (Documents législatifs, 21e congrès, nº 227, p. 6.)

  8. Cette opinion nous a, du reste, paru celle de presque tous les hommes d’État américains.

    « Si l’on juge de l’avenir par le passé, disait M. Cass au Congrès, on doit prévoir une diminution progressive dans le nombre des Indiens, et s’attendre à l’extinction finale de leur race. Pour que cet événement n’eût pas lieu, il faudrait que nos frontières cessassent de s’étendre, et que les sauvages se fixassent au-delà, ou bien qu’il s’opérât un changement complet dans nos rapports avec eux, ce qu’il serait peu raisonnable d’attendre. »

  9. Voyez entre autres la guerre entreprise par les Wampanoags, et les autres tribus confédérées, sous la conduite de Métacom, en 1675, contre les colons de la Nouvelle-Angleterre, et celle que les Anglais eurent à soutenir en 1622 dans la Virginie.
  10. Voyez les différents historiens de la Nouvelle-Angleterre, Voyez aussi l’Histoire de la Nouvelle-France, par Charlevoix, et les Lettres édifiantes.
  11. « Dans toutes les tribus, dit Volney dans son Tableau des États-Unis, p. 423, il existe encore une génération de vieux guerriers qui, en voyant manier la houe, ne cessent de crier à la dégradation des mœurs antiques, et qui prétendent que les sauvages ne doivent leur décadence qu’à ces innovations, et que, pour recouvrer leur gloire et leur puissance, il leur suffirait de revenir à leurs mœurs primitives. »
  12. On trouve dans un document officiel la peinture suivante :

    « Jusqu’à ce qu’un jeune homme ait été aux prises avec l’ennemi, et puisse se vanter de quelques prouesses, on n’a pour lui aucune considération : on le regarde à peu près comme une femme.

    « À leurs grandes danses de guerre, les guerriers viennent l’un après l’autre frapper le poteau, comme ils l’appellent, et racontent leurs exploits : dans cette occasion, leur auditoire est composé des parents, amis et compagnons du narrateur. L’impression profonde que produisent sur eux ses paroles paraît manifestement au silence avec lequel on l’écoute, et se manifeste bruyamment par les applaudissements qui accompagnent la fin de ses récits. Le jeune homme qui n’a rien à raconter dans de semblables réunions se considère comme très malheureux, et il n’est pas sans exemple

    que de jeunes guerriers dont les passions avaient été ainsi excitées, se soient éloignés tout à coup de la danse, et, partant seuls, aient été chercher des trophées qu’ils pussent montrer et des aventures dont il leur fût permis de se glorifier. »
  13. Ces nations se trouvent aujourd’hui englobées dans les États de Géorgie, de Tennessee, d’Alabama et de Mississipi.

    Il y avait jadis au Sud (on en voit les restes) quatre grandes nations : les Choctaws, les Chickasaws, les Creeks et les Chérokées.

    Les restes de ces quatre nations formaient encore, en 1830, environ 75,000 individus. On compte qu’il se trouve à présent, sur le territoire occupé ou réclamé par l’Union anglo-américaine, environ 300,000 Indiens. (Voyez Proceedings of the Indian Board in the city of New York.) Les documents officiels fournis au Congrès portent ce nombre à 313,130. Le lecteur qui serait curieux de connaître le nom et la force de toutes les tribus qui habitent le territoire anglo-américain devra consulter les documents que je viens d’indiquer. (Documents législatifs, 20e congrès, nº 117, pp. 90-105.)

  14. J’ai rapporté en France un ou deux exemplaires de cette singulière publication.
  15. Voyez dans le rapport du comité des affaires indiennes, 21e congrès, nº 227, p. 23, ce qui fait que les métis se sont multipliés chez les Chérokées ; la cause principale remonte à la guerre de l’indépendance. Beaucoup d’Anglo-Américains de la Géorgie ayant pris parti pour l’Angleterre furent contraints de se retirer chez les Indiens, et s’y marièrent.
  16. Malheureusement les métis ont été en plus petit nombre et ont exercé une moindre influence dans l’Amérique du Nord que partout ailleurs.

    Deux grandes nations de l’Europe ont peuplé cette portion du continent américain : les Français et les Anglais.

    Les premiers n’ont pas tardé à contracter des unions avec les filles des indigènes ; mais le malheur voulut qu’il se trouvât une secrète affinité entre le caractère indien et le leur. Au lieu de donner aux barbares le goût et les habitudes de la vie civilisée, ce sont eux qui souvent se sont attachés avec passion à la vie sauvage : ils sont devenus les hôtes les plus

    dangereux des déserts, et ont conquis l’amitié de l’Indien en exagérant ses vices et ses vertus. M. de Sénonville, gouverneur du Canada, écrivait à Louis XIV, en 1685 : « On a cru longtemps qu’il fallait approcher les sauvages de nous pour les franciser ; on a tout lieu de reconnaître qu’on se trompait. Ceux qui se sont approchés de nous ne se sont pas rendus Français, et les Français qui les ont hantés sont devenus sauvages. Ils affectent de se mettre comme eux, de vivre comme eux. » (Histoire de la Nouvelle-France, par Charlevoix, vol. II, p. 345.)

    L’Anglais, au contraire, demeurant obstinément attaché aux opinions, aux usages et aux moindres habitudes de ses pères, est resté au milieu des solitudes américaines ce qu’il était au sein des villes de l’Europe ; il n’a donc voulu établir aucun contact avec des sauvages qu’il méprisait, et a évité avec soin de mêler son sang à celui des barbares.

    Ainsi, tandis que le Français n’exerçait aucune influence salutaire sur les Indiens, l’Anglais leur était toujours étranger.

  17. Il y a dans la vie aventureuse des peuples chasseurs je ne sais quel attrait irrésistible qui saisit le cœur de l’homme et l’entraîne en dépit de sa raison et de l’expérience. On peut se convaincre de cette vérité en lisant les Mémoires de Tanner.

    Tanner est un Européen qui a été enlevé à l’âge de six ans par les Indiens, et qui est resté trente ans dans les bois avec eux. Il est impossible de rien voit de plus affreux que les misères qu’il décrit. Il nous montre des tribus sans chefs, des familles sans nations, des hommes isolés, débris mutilés de tribus puissantes, errant au hasard au milieu des glaces et parmi les solitudes désolées du Canada. La faim et le froid les poursuivent ; chaque jour la vie semble prête à leur échapper. Chez eux les mœurs ont perdu leur empire, les traditions sont sans pouvoir. Les hommes deviennent de plus en plus barbares. Tanner partage tous ces maux ; il connaît son origine européenne ; il n’est point retenu de force loin des blancs ; il vient au contraire chaque année trafiquer avec eux, parcourt leurs demeures, voit leur aisance ; il sait que du jour où il voudra rentrer au sein de la vie civilisée il pourra facilement y parvenir, et il reste trente ans dans les déserts. Lorsqu’il retourne enfin au milieu d’une société civilisée, il confesse que l’existence dont il a décrit les misères a pour lui des charmes secrets qu’il ne saurait définir ; il y revient sans cesse après l’avoir quittée et ne s’arrache à tant de maux qu’avec mille regrets ; et lorsqu’il est enfin fixé au milieu des blancs, plusieurs de ses enfants refusent de venir partager avec lui sa tranquillité et son aisance.

    J’ai moi-même rencontré Tanner à l’entrée du lac Supérieur. Il m’a paru ressembler bien plus encore à un sauvage qu’à un homme civilisé.

    On ne trouve dans l’ouvrage de Tanner ni ordre ni goût ; mais l’auteur

    y fait, à son insu même, un peinture vivante des préjugés, des passions, des vices, et surtout des misères de ceux au milieu desquels il a vécu.

    M. le vicomte Ernest de Blosseville, auteur d’un excellent ouvrage sur les colonies pénales d’Angleterre, a traduit les Mémoires de Tanner. M. de Blosseville a joint à sa traduction des notes d’un grand intérêt qui permettront au lecteur de comparer les faits racontés par Tanner avec ceux déjà relatés par un grand nombre d’observateur anciens et modernes.

    Tous ceux qui désirent connaître l’état actuel et prévoir la destinée future des races indiennes de l’Amérique du Nord doivent consulter l’ouvrage de M. de Blosseville.

  18. Cette influence destructive qu’exercent les peuples très-civilisés sur ceux qui le sont moins se fait remarquer chez les Européens eux-mêmes.

    Des Français avaient fondé, il y a près d’un siècle, au milieu du désert, la ville de Vincennes sur le Wabash. Ils y vécurent dans une grande abondance jusqu’à l’arrivée des émigrants américains. Ceux-ci commencèrent aussitôt à ruiner les anciens habitants par la concurrence ; ils leur achetèrent ensuite leurs terres à vil prix. Au moment où M. de Volney, auquel j’emprunte ce détail, traversa Vincennes, le nombre des Français était réduit à une centaine d’individus, dont la plupart se disposaient à passer à la Louisiane et au Canada. Ces Français étaient des hommes honnêtes, mais sans lumières et sans industrie ; ils avaient contracté une partie des habitudes sauvages. Les Américains, qui leur étaient peut-être inférieurs sous le point de vue moral, avaient sur eux une immense supériorité intellectuelle : ils étaient industrieux, instruits, riches et habitués à se gouverner eux-mêmes.

    J’ai moi-même vu au Canada, où la différence intellectuelle entre les deux races est bien moins prononcée, l’Anglais, maître du commerce et de l’industrie dans le pays du Canadien, s’étendre de tous côtés, et resserrer le Français dans des limites trop étroites.

    De même, à la Louisiane, presque toute l’activité commerciale et industrielle se concentre entre les mains des Anglo-Américains.

    Quelque chose de plus frappant encore se passe dans la province du Texas ; l’État du Texas fait partie, comme on sait, du Mexique, et lui sert de frontière du côté des États-Unis. Depuis quelques années, les Anglo-Américains pénètrent individuellement dans cette province encore mal peuplée, achètent les terres, s’emparent de l’industrie, et se substituent rapidement à la population originaire. On peut prévoir que si le Mexique ne se hâte d’arrêter ce mouvement, le Texas ne tardera pas à lui échapper.

    Si quelques différences, comparativement peu sensibles dans la civilisation européenne, amènent de pareils résultats, il est facile de comprendre ce qui doit arriver quand la civilisation la plus perfectionnée de l’Europe entre en contact avec la barbarie indienne.

  19. Voyez, dans les documents législatifs, 21e congrès, nº 89, les excès de tous genres commis par la population blanche sur le territoire des Indiens. Tantôt les Anglo-Américains s’établissent sur une partie du territoire, comme si la terre manquait ailleurs, et il faut que les troupes du Congrès viennent les expulser ; tantôt ils enlèvent les bestiaux, brûlent les maisons, coupent les fruits des indigènes ou exercent des violences sur leurs personnes.

    Il résulte de toutes ces pièces la preuve que les indigènes sont chaque jour victimes de l’abus de la force. L’Union entretient habituellement parmi les Indiens un agent chargé de la représenter ; le rapport de l’agent

    des Chérokées se trouve parmi les pièces que je cite : le langage de ce fonctionnaire est presque toujours favorable aux sauvages. « L’intrusion des Blancs sur le territoire des Chérokées, dit-il, p. 12, causera la ruine de ceux qui y habitent, et qui y mènent une existence pauvre et inoffensive. » Plus loin on voit que l’État de Géorgie, voulant resserrer les limites des Chérokées, procède à un bornage ; l’agent fédéral fait remarquer que le bornage n’ayant été fait que par les Blancs, et non contradictoirement, n’a aucune valeur.
  20. En 1829, l’État d’Alabama divise le territoire les Creeks en comtés, et soumet la population indienne à des magistrats européens.

    En 1830, l’État de Mississipi assimile les Choctaws et les Chickasaws aux Blancs, et déclare que ceux d’entre eux qui prendront le titre de chef seront punis de 1,000 dollars d’amende et d’un an de prison.

    Lorsque l’État de Mississipi étendit ainsi ses lois sur les Indiens Chactas qui habitaient dans ses limites, ceux-ci s’assemblèrent ; leur chef leur fit connaître quelle était la prétention des blancs, et leur lut quelques-unes des lois auxquelles on voulait les soumettre : les sauvages déclarèrent d’une commune voix qu’il valait mieux s’enfoncer de nouveau dans les déserts. (Mississipi papers.)

  21. Les Géorgiens, qui se trouvent si incommodés du voisinage des Indiens, occupent un territoire qui ne compte pas encore plus de sept habitants par mille carré. En France, il y a cent soixante-deux individus dans le même espace.
  22. En 1818, le Congrès ordonna que le territoire d’Arkansas serait visité par des commissaires Américains, accompagnés d’une députation de Creeks, de Choctaws et de Chickasaws. Cette expédition était commandée par MM. Kennerly, Mc Coy, Wash Flood et John Bell. Voyez les différents rapports des commissaires et leur journal dans les papiers du Congrès, nº 87, House of Representatives.
  23. On trouve, dans le traité fait avec les Creeks en 1790, cette clause : « Les États-Unis garantissent solennellement à la nation des Creeks toutes les terres qu’elle possède dans le territoire de l’Union. »

    Le traité conclu en juillet 1791 avec les Chérokées contient ce qui suit : « Les États-Unis garantissent solennellement à la nation des Chérokées toutes les terres qu’elle n’a point précédemment cédées. S’il arrivait qu’un citoyen des États-Unis, ou tout autre qu’un Indien, vînt s’établir sur le territoire des Chérokées, les États-Unis déclarent qu’ils retirent à ce citoyen leur protection, et qu’ils le livrent à la nation des Chérokées pour le punir comme bon lui semblera. » Art. 8.

  24. Ce qui ne l’empêche pas de le leur promettre de la manière la plus formelle. Voyez la lettre du président adressée aux Creeks le 23 mars 1829 (Proceedings of the Indian Board in the city of New York, p. 5) : « Au-delà du grand fleuve (le Mississipi), votre Père, dit-il, a préparé, pour vous y recevoir, un vaste pays. Là, vos frères les blancs ne viendront pas vous troubler ; ils n’auront aucuns droits sur vos terres ; vous pourrez y vivre vous et vos enfants, au milieu de la paix et de l’abondance, aussi longtemps que l’herbe croîtra et que les ruisseaux couleront ; elles vous appartiendront à toujours. »

    Dans une lettre écrite aux Chérokées par le secrétaire du département de la Guerre, le 18 avril 1829, ce fonctionnaire leur déclare qu’ils ne doivent pas se flatter de conserver la jouissance du territoire qu’ils occupent en ce moment, mais il leur donne cette même assurance positive pour le temps où ils seront de l’autre côté du Mississipi (même ouvrage, p. 6) : comme si le pouvoir qui lui manque maintenant ne devait pas lui manquer de même alors !

  25. Pour se faire une idée exacte de la politique suivie par les États particuliers et par l’Union vis-à-vis des Indiens, il faut consulter : 1o  le, lois des États particuliers relatives aux Indiens (ce recueil se trouve dans les documents législatifs, 21, congrès, nº 319) ; 2o  les lois de l’Union relatives au même objet, et en particulier celle du 30 mars 1802 (ces lois se trouvent dans l’ouvrage de M. Story intitulé : Laws of the United States) ; 3o  enfin, pour connaître quel est l’état actuel des relations de l’Union avec toutes les tribus indiennes, voyez le rapport fait par M. Cass, secrétaire d’État de la Guerre, le 29 novembre 1823.
  26. Le 19 novembre 1829. Ce morceau est traduit textuellement.
  27. Il ne faut pas du reste faire honneur de ce résultat aux Espagnols. Si les tribus indiennes n’avaient pas déjà été fixées au sol par l’agriculture au moment de l’arrivée des Européens, elles auraient sans doute été détruites dans l’Amérique du Sud comme dans l’Amérique du Nord.
  28. Voyez entre autres le rapport fait par M. Bell au nom du comité des Affaires indiennes, le 24 février 1830, dans lequel on établit, p. 5, par des raisons très logiques, et où l’on prouve fort doctement que : « The fundamental principle, that the Indians had no right by virtue of their ancient possession either of soil, or sovereignty, has never been abandoned expressly or by implication. » C’est-à-dire que « les Indiens, en vertu de leur ancienne possession, n’ont acquis expressément aucun droit de propriété ni de souveraineté, principe fondamental qui n’a jamais été abandonné, ni expressément, ni tacitement. »

    En lisant ce rapport, rédigé d’ailleurs par une main habile, on est étonné de la facilité et de l’aisance avec lesquelles, dès les premiers mots,