De la fécondation dans les Phanérogames/01

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DE LA FÉCONDATION DANS LES PHANÉROGAMES


CHAPITRE PREMIER.

Exposé historique.

On doit distinguer, dans l’histoire des opinions émises sur la fécondation des végétaux phanérogames, trois périodes, pendant lesquelles l’esprit humain a successivement soupçonné l’existence, puis reconnu les organes, et enfin pénétré le mécanisme de cette fonction.

§ 1er. – L’observation de quelques faits vulgaires força certains écrivains de l’antiquité à concevoir une idée con fuse de la sexualité des végétaux, et de l’influence exercée par les sexes l’un sur l’autre. Il est question dans Hérodote[1] des Dattiers mâles et femelles, et d’une sorte de fécondation artificielle que les Babyloniens pratiquaient sur ceux-ci. Aristote, à la fin du premier livre de son Traité sur la génération des animaux, trace un parallèle entre eux et les végétaux, chez lesquels il reconnaît des sexes en vertu de certaines considérations spéculatives. Théophraste parle aussi des Palmiers, et tombe à leur sujet dans des contradictions et des erreurs fort remarquables : tantôt[2] il expose que les fruits de ces arbres sont portés soit par des mâles, soit par des femelles, et présentent dans ces deux cas certaines différences ; tantôt[3], revenant à des idées plus saines, il dit que les fruits ne peuvent se développer sur le Palmier femelle, à moins qu’on n’ait secoué sur lui la poussière des fleurs mâles. C’est ce que Pline a développé dans le passage suivant[4], copié par plusieurs auteurs du XVIe siècle :

« Arboribus, immo potuis omnibus quæ terra gignat, herbisque etiam, utrumque sexum esse diligentissimi naturae tradunt : quod in plenum satis sit dixisse hoc loco : nullis tamen arboribus manifestius. Mas in palmite floret, femina citra florem germinat tantum spicæ modo… Cetero sine maribus non gignere feminas sponte edito nemore confirmant : circaque singulos plures nutaie in eum pronas blandioribus comis. lllum erectis hispiduin afflatu visuque ipso et pulvere reliquas maritare : hujus arbore excisa viduas post sterilescere feminas. »

Dans le IIIe ou IVe siècle de notre ère, Cassianus Bassus exprime des idées analogues[5]. Voici la traduction de ce passage, telle que la donne Stapel, commentateur de Theophraste :

« Palma ipsa amat et quidem ardenter alteram palmam, velut Florentinus in Georgicis suis tradit, neque prius desiderium in ipsa cessat, donec ipsam dilectus consoletur…… Medela igitur amoris est, ut agricola frequenter masculam contingat, et manus suas amanti admoveat, et maxime ut flores de capite masculæ ademptos in caput amantis imponat ; hoc namque modo amorem mitigat…… »

Les poëtes ont plusieurs fois célébré les amours des plantes. On lit dans Claudien (In nupt. Honor. et Mar., v. 45) :

Vivunt in Venerem frondes, omnisque vicissim
Felix arbor amat ; nutant ad mutua Palma
Fædera…..

Un peu après l’époque de la renaissance des lettres, en 1505, le poëte Jovius Pontanus a décrit en vers élégants les amours de deux Palmiers qui vivaient de son temps à Brindes et à Otrante, et dont le mâle a fécondé la femelle lorsque l’un et l’autre sont parvenus à une hauteur suffisante pour s’élever au — dessus des arbres qui les entouraient.

J’interromprai un instant l’ordre chronologique pour rapprocher de ces observations celles de Prosper Alpin et de Boccone. Prosper Alpin avait observé en Égypte la fécondation artificielle des Dattiers ; il en parle dans les termes suivants[6] : « Hæc arbor alternis tantum annis copiosiores fructus edit, neque, quod dictu valde mirabile videtur, feminæ concipiunt ac fructificant ni in ramis maris feminæ ramos aliquis promiscuerit ac se quasi osculari permiserit. Plerique feminas ut fecundent non ramos sed pulverem intra maris involucrum inventum supra feminarum ramos… spargunt….. Ni etiam AEgyptii hoc fecerint, sine dubio feminæ vel nullos fructus ferent, vel quod ferent non retinebunt, neque hi maturescent. »

Guilandinus avait déjà rapporté, en 1567, des faits analogues. Boccone, près de cinquante ans plus tard, vit pratiquer en Sicile la fécondation artificielle d’un Pistachier ; il remarqua qu’on ne faisait pas cette opération quand les arbres de sexe différent étaient voisins ; et il ajoute : « Vento enim pulverem fecundantem advehi[7]. »

Ces citations suffisent pour prouver que les auteurs anciens avaient admis le principe de la fécondation végétale. Reste à savoir comment on le concevait. On va voir par quelques exemples combien cette conception était confuse.

Césalpin, après avoir nié l’existence de sexes différents dans les plantes, revient sur sa première opinion, et s’exprime ainsi[8] :

« Sunt etiam herbæ quædam, in quibus amentaceum quid oritur sine ulla spe fructus ; steriles enim omnino sunt. Quæ autem fructum ferunt, non florent, ut Oxycedrus, Taxus, et in genere herbaceo Mercurialis, Urtica, Cannabis ; quorum omnium steriles mares vocant, feminas autem fructiferas : quod ideo fieri videtur, quia feminae Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/9 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/10 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/11 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/12 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/13 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/14 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/15 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/16 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/17 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/18 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/19 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/20 Page:Fournier - De la fécondation dans les Phanérogame, 1863.pdf/21

  1. Liv. I, § 193.
  2. Hist. plant., éd. de Stapel, p. 91.
  3. De Causis, lib. III, cap. XXIII.
  4. Hist. natur., éd. de Hardouin, 1741, t. 1, p. 683.
  5. Lib. x, cap. IV.
  6. Hist, nat. Egypt., II, p. 14-15.
  7. Museo di plante rare, p. 282 ; 1697.
  8. De Plantis, lib. 1, p. 15 ; 1583.