De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 13

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Chez Antoine Vitté (p. 274-279).

Chapitre 13


sentimens de Saint Ambroise touchant la penitence.

un homme judicieux auroit remarqué que ces livres des sacremens de Saint Ambroise (si neantmoins ils sont de luy) sont faits pour les neophytes, qui sortans des eaux du baptesme, revestus d’innocence, et de pureté, ou pour mieux dire de Jesus-Christ mesme ; et remplis en suitte de la plenitude du Saint Esprit par la confirmation, se trouvoient dans les plus saintes dispositions que l’on puisse desirer pour recevoir l’eucharistie. Et pour vous faire comprendre cette verité, escoutez je vous prie, de quelle sorte il leur parle : (...).

Ce n’est donc pas de cét ouvrage qui ne s’adresse qu’aux innocens , qu’il faut apprendre les regles, que l’eglise veut qu’on observe pour remettre les pecheurs dans la participation de l’eucharistie ; mais des deux livres de la penitence, qui sont indubitablement de luy, et qui traittent plainement cette matiere. Voicy ce qu’il en dit en peu de mots, mais pleins de vigueur et de verité. (...).

Se peut-il rien adjoûter à cette decision ? Il vous la confirmera neanmoins, si vous le desirez par l’exemple de l’apostre ; (...).

Vous voyez, que les apostres ont establi le retranchement de l’eucharistie pour l’une des principales parties de la penitence ; et vous osez appeller un stratageme du diable , ce que les disciples du Saint Esprit, et les maistres de toutes les nations ont enseigné à toute l’eglise.

Et vous voyez encore que Saint Ambroise n’attribue pas à une moindre douceur d’imposer au pecheur cette peine pour sauver son ame ; que de le restablir en suitte dans l’usage des sacremens, lors que Dieu l’en a rendu digne par les œuvres de penitence : tant il est vray que le veritable esprit de la douceur chrestienne ne consiste, qu’à procurer le salut des ames, selon les differentes voyes que leurs differentes dispositions demandent, et qu’il n’y a point au contraire de plus veritable cruauté, (...).

Que si l’on considere, que les livres de Saint Ambroise de la penitence ont esté faits contre les novatiens, qui par une dureté inhumaine ne laissoient aucune esperance, à ceux qui pechoient mortellement apres le baptesme, de r’entrer dans la participation de l’eucharistie, l’on jugera facilement, que si l’on pouvoit entrer en quelque soupçon que ce saint eût passé les bornes de la verité dans cét ouvrage ; ce devroit estre plustost par une trop grande indulgence, que par une trop grande rigueur : et cependant remarquez de quelle sorte il s’oppose à l’excessive severité de ces heretiques ; et quelle penitence il veut que l’on fasse des pechez, mesme secrets, pour pouvoir estre remis dans la communion de l’eglise. (...).

Voila les veritables sentimens de Sainct Ambroise, touchant les preparations que ceux qui ont perdu par des pechez mortels le diamant celeste , c’est à dire, l’innocence de leur baptesme, comme il dit en ce mesme livre, doivent apporter à la sainte communion.

Mais pour vous faire reconnoistre encore davantage vostre peu de jugement ; je vous veux monstrer, que l’endroit mesme que vous citez du livre cinquiesme des sacremens ch. 4 porte avec luy vostre condemnation. (...) : ces dernieres paroles ne devroient-elles pas avoir un peu arresté vostre esprit, et vostre plume, lors que vous avez escrit en termes generaux, et sans exception quelconque, que les pechez mortels n’empeschent pas de communier aussi-tost que l’on s’est confessé ; de sorte que vous pouvez dire à un homme tout au contraire de S Ambroise. Quelque vie que vous meniez, quelques crimes que vous commettiez, pourveu que vous vous confessiez souvent, vous meriterez de communier souvent.