De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 38

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Chez Antoine Vitté (p. 413-415).

Chapitre 38


refutation de la derniere raison : qu’il n’y a point de condition en laquelle on ne puisse prendre le temps necessaire, pour se disposer à la communion les dimanches et les festes.

enfin, pour la derniere raison, et qui sans doute fait le plus d’impression sur vostre esprit ; c’est dites-vous, qu’il n’y a condition aucune en laquelle on ne puisse prendre le temps necessaire pour se disposer à la communion les dimanches et les autres festes. (...), vous ne connoissez pas l’esprit du christianisme. Vous traittez en pharisien les mysteres les plus augustes de nostre religion : vous prenez une chose exterieure pour regle de la plus importante des actions d’un chrestien. Quoy ? Vous vous imaginez que toute la preparation pour recevoir l’eucharistie, ne consiste qu’à dire quelques prieres avant que de communier, et que l’on merite de le faire toutes les fois que l’on peut prendre ce temps ? Et quelle asseurance avez-vous que le Saint Esprit s’assujettisse à vos heures, et qu’apres qu’un homme du monde aura passé toute la semaine à satisfaire à ses plaisirs, à son ambition, à son avarice, c’est à dire qu’il aura oublié Dieu toute la semaine ; Dieu s’oblige à luy donner chaque dimanche les graces necessaires pour n’approcher pas indignement de son autel ? Les saints veulent, que pour juger s’il est plus utile de communier souvent, que rarement, l’on regarde aux merites, aux affections, aux reglemens des mœurs, à la pureté de la vie, aux operations du Saint Esprit : et vous, (pour user des termes de Saint Chrysostome) vous croyez que c’est assez pour se preparer à une action si grande, et pour s’approcher d’une hostie, que les anges ne regardent qu’avec tremblement, de s’y regler par l’intervalle des festes et des dimanches, et par le loisir que nos autres affaires nous laissent. Si un roy avoit resolu de faire manger à sa table ses plus fidelles serviteurs pour recompense de leurs services, et pour gage de la grandeur de son affection ; pourroit-on, sans se rendre ridicule ; persuader à un homme, qu’il a droict de se presenter à cette table royalle par cette seule raison, qu’il ne manque pas de loisir pour aller au palais du prince, et pour se preparer à ce festin ? Vous faites icy la mesme chose. Le roy des roys par une bonté sans exemple, pour tesmoigner la grandeur de son amour à ceux qui le servent fidellement, ne les reçoit pas seulement à sa table ; mais les nourrit de son propre corps, estant tout ensemble, comme Saint Hierosme dit excellemment, (...) : c’est la plus grande recompense qu’il puisse donner en ce monde à ses plus grands amis, et à ses plus chers enfans ; et le gage plus amoureux des recompenses eternelles qu’il leur prepare dans l’autre : et vous entreprenez de nous faire croire, qu’il n’y a personne, quelque imparfait et quelque dénué de vertu et de sainteté qu’il puisse estre, qui ne doive tres-souvent pretendre à cette faveur, à cause seulement qu’il n’y a point de condition, où l’on ne puisse prendre le temps necessaire pour se disposer à communier souvent. Vous ressemblez en ce poinct à la plus grande partie des gens du monde, qui vivans dans toute sorte de déreglemens et de crimes, ne laissent pas de se flatter de l’esperance de leur salut, sur la confiance qu’ils ont, que Dieu leur donnera quelques heures avant que de mourir, pour se preparer à la mort, et qui se persuadent, que c’est assez pour bien mourir, d’avoir quelque temps pour y penser, comme vous croyez que c’est assez pour meriter de communier souvent, d’avoir le temps necessaire pour s’y disposer souvent.