De la génération des vers dans le corps de l’homme (1741)/Chapitre 04/Article 1

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Veuve Alix ; Lambert et Durand (Tome Ip. 291-299).
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Chapitre IV



ARTICLE PREMIER.



Les Vers qui viennent hors des intestins, sont, comme nous l’avons déja observé, 1o. les Encéphales ; sçavoir, les Encéphales, proprement dits, les Rinaires, les Ophthalmiques, les Auriculaires, les Dentaires & les Salivaires. 2o. Les Pulmonaires, les Hépatiques, les Spléniques, les Cardiaires, les Péricardiaires, les Sanguins, les Vésiculaires, les Elcophages, les Cutanés, les Umbilicaux, les Vénériens, les Oesophagiens & les Spermatiques.

Les effets que produisent les Encéphales, proprement dits, sont des douleurs extraordinaires de tête, quelquefois des fièvres violentes, ainsi qu’il a été observé dans le Chapitre précédent, Article premier.

Les effets que produisent les Rinaires, les Ophthalmiques, les Auriculaires & les Dentaires, sont suffisamment marqués dans le même Chapitre, Article premier ; il faut y recourir.

Les Pulmonaires peuvent exciter des toux violentes ; monter quelquefois dans la trachée-artére, & y causer par leurs picottemens des efforts semblables à ceux que l’on a coutume de faire quand il est entré quelque goutte de boisson dans le larynx. Ils rongent quelquefois les poumons, & y peuvent produire des ulcères.

Les Hépatiques doivent causer nécessairement des pesanteurs de foye, avec des élancemens dans le côté droit. Ils peuvent aussi causer quelquefois un sentiment excessif de chaleur dans tout le corps, avec une grande mélancolie, s’il en faut juger par le fait suivant.

On lit dans les Observations de Borelli, qu’un Chien, qui avoit un gros Ver dans le foye, ainsi qu’on le reconnut après en l’ouvrant[1], alloit, toutes les fois qu’il pleuvoit, se mettre sous les goûtieres, & s’y plaisoit tant, qu’on ne l’en pouvoit chasser : que ce Chien étoit outre cela fort mélancolique, & fuyoit tous les autres Chiens. Ce fut M. Tardin, Médecin de Tournon, qui ouvrit le Chien, & qui y trouva le Ver.

Les Cardiaires & les Péricardiaires causent souvent des syncopes, & quelquefois cette maladie, appellée Passion Lunatique, attribuée faussement à la Lune ; ils causent souvent des morts subites, & quelquefois des Epilepsies. Voyez là-dessus les pages 99. & 100. où les maux que ces Vers produisent, sont décrits au long.

Les Vers Sanguins ne font sentir aucune douleur, ils se tiennent tranquilles dans les vaisseaux, & nagent au milieu du sang, comme les Vers du vinaigre nagent dans le vinaigre. Ces Vers sont ordinairement très-menus, & il y a de l’apparence qu’après avoir été portés au cœur avec le sang, ils entrent dans les artères avec ce même sang, & sont conduits dans les chairs, d’où ils sont repris par les veines. Il est vraisemblable aussi qu’étant quelquefois trop gros pour pouvoir se dégager des filières extrêmement fines des chairs, & passer de-là dans les veines, ils restent dans ces mêmes chairs, où ils produisent des furoncles, des élevures, & souvent ces gales universelles qui affligent tout le corps.

Les Cardiaires pourroient bien être de ces Vers Sanguins, arrêtés dans les inégalités des ventricules du cœur, où ensuite ils grossissent, & acquièrent par l’accroissement, assez de force pour ronger le cœur.

Les Vésiculaires, qui s’engendrent dans les reins, & qui sortent par la vessie, causent souvent des rétentions d’urine, & de violentes douleurs au col de la vessie, lorsque l’on urine. M. Thomas Mermann, premier Médecin du Duc de Ferrare, traitant une Femme malade, d’une Dyssurie, c’est-à-dire, d’une difficulté d’uriner, accompagnée de douleur, lui fit rendre par les urines un Ver long d’une coudée, après quoi elle fut guérie par le moyen de quelques évacuans.

Les Elcophages rongent les ulcéres, & y causent une grande corruption.

Quant aux Cutanés & aux Umbilicaux, nous en avons suffisamment rapporté les effets dans le Chapitre III. Article I. j’ajouterai seulement ici une remarque au sujet des Crinons, qui est que M. Leeuwenhoek prétend que ce sont de véritables poils, & non des Vers. Il dit qu’en les examinant avec le microscope, il lui sembloit, à la vérité, y voir une maniere de tête, qui, auroit pu faire croire que c’étoient des animaux ; mais que cette apparence de tête venoît de ce que l’extrémité de poil qui étoit dehors, avoit une couleur différente du reste ; qu’après tout, il n’y avoit jamais remarqué ni mouvement ni forme d’animal.

A Aix-la-Chapelle la maladie des Crinons est assez ordinaire, & c’est la coutume dans ce pays-là, de frotter le corps des Enfans avec du miel, auprès du feu. Alors ces petits Crinons deviennent plus visibles, & on les coupe avec le razoir, croyant couper autant de têtes de Ver, quoique, selon toutes les apparences, on ne coupe que des poils que le miel a fait paroître ; car on sçait que le miel appliqué sur la peau, fait croître le poil promptement.

Le sentiment de M. Leeuwenhoek, que les Crinons sont des Vers imaginaires, paroît d’autant plus vraisemblable, que les poils qui poussent sous l’épiderme, sont capables par eux-mêmes, de produire beaucoup d’incommodités, lorsqu’ils ne trouvent pas une issue assez libre pour sortir. Cet Auteur rapporte l’exemple d’un Homme de qualité, qui après être relevé d’une grande maladie, vint le trouver, pour lui dire qu’encore qu’il eût bon appétit, il craignoit de n’être pas parfaitement guéri, à cause d’une démangeaison incommode, qu’il sentoit par tout le corps : Que les Médecins attribuoient cette démangeaison à un sang trop âcre, & qu’en travaillant à corriger cette âcreté, ils prétendoient le guérir. M. Leeuwenhoek en jugea tout autrement ; il apprit du Malade que les cheveux lui étoient tombés pendant sa maladie. Sur cela il soutint que la démangeaison venoit de ce que les poils qui étoient en même temps tombés par-tout le corps, recroissoient, & ne trouvant pas une sortie assez facile, piquoient l’épiderme ; ce qui ne se pouvoit faire sans une grande démangeaison.

Ce raisonnement paroît s’accorder avec l’expérience ; car sur la fin des Hyvers, au Printemps, qui est le temps auquel le poil commence à recroître, on ne manque guère de sentir de grandes démangeaisons ; car le poil du corps se renouvelle tous les ans, & il y a des personnes qui quand ce poil leur revient, quoiqu’il soit presque imperceptible, s’en trouvent fort incommodées ; semblables en cela aux Oiseaux qui sont tout malades lorsqu’ils muent.

Quant aux Vers vénériens, M. Hartsoeker, comme nous l’avons remarqué, page 147. est de sentiment[2] qu’ils causent tous les ravages qui arrivent dans les maladies vénériennes, qu’ils mordent & qu’ils rongent tout ce qu’ils trouvent ; & que si le mercure guérit ces maladies, c’est parce qu’il tue les Vers. Ce sentiment me paroît hasardé. Il y a des Vers dans plusieurs maladies vénériennes ; mais que ces maladies viennent de Vers, comme le prétend entre autres, l’Auteur d’une Thése Contenue à Montpellier au mois de Juillet 1713. laquelle a pour titre : An Lues Venera à Vermibus ; c’est, comme nous l’avons déjà dit, page 147. ce qu’il est difficile de prouver. Aussi l’Auteur de cette Thése, ainsi que nous l’avons remarqué dans la même page 147. n’appuye-t-il son sentiment sur aucune preuve convaincante.

Pour ce qui est des effets que produisent les Vers Oesophagiens & les Vers Spermatiques, nous avons suffisamment traité ce sujet à la page 150. Il est temps de passer aux effets des Vers qui sont dans les intestins.


  1. Borell. Observ. Medico-Physic. Cent. II. Observ. 23.
  2. Hartsoeker dans sa seconde Lettre rapportée dans ce Livre.