De la génération des vers dans le corps de l’homme (1741)/Préface

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Veuve Alix ; Lambert et Durand (Tome Ip. i-xxxii).


PRÉFACE.



Je répeterai ici d’abord ce que j’ai déjà dit dans les précédentes éditions ; sçavoir, 1o. Qu’encore que les maladies causées, ou entretenues par les Vers, ne soient pas aussi fréquentes que se l’imaginent quelques personnes préocupées, qui font dépendre des Vers, presque tous les maux qui affligent le Corps Humain ; un Médecin est néanmoins obligé de s’appliquer à connoître ces maladies, s’il veut s’acquitter comme il faut d’une Profession qui le doit rendre utile à toutes sortes de Malades. 2o. Que c’est ce qui m’a porté à ne point séparer cette étude du grand nombre de celles que la Médecine exige. 3o. Que si l’on me demande pourquoi j’ai écrit sur les Vers, préférablement à tant d’autres matieres qui paroissent beaucoup plus importantes, j’avertis que ce qui m’y a principalement déterminé, est le peu d’attention que j’ai vu que l’on faisoit à un mal qui devient souvent funeste quand il est négligé. 4o. Que cette raison, jointe à l’occasion que je vais rapporter, ne m’a pas semblé indifférente.

Le quatriéme de Juin de l’année 1698, je fus appellé dans la rue S. Denis pour voir un jeune Homme attaqué depuis ce jour-là d’une forte fiévre, accompagnée d’une pressante douleur de côté, d’un crachement de sang, & d’une grande difficulté de respirer. Je commençai d’abord par la saignée, que je fis réitérer le lendemain. Le troisiéme jour je procurai au Malade une sueur qui le soulagea considerablement. Le quatriéme il parut beaucoup mieux ; mais la nuit du quatrième au cinquième, il eut un transport au cerveau qui ne finit que sur les sept heures du matin. J’ordonnai le lendemain, qui étoit le sixiéme jour, une potion purgative ; le Malade, une heure après l’avoir prise, sentit quelque chose s’agiter dans son corps. Cette agitation dura environ deux heures, & se termina par la sortie du Ver représenté dans la planche suivante.

Ce Ver est plat comme un ruban & long de quatre aulnes trois pouces, sans y comprendre l’extrémité qui s’est séparée, & qui s’est perdue. Il a une tête, & est sorti vivant. Il est mince & étroit vers la tête ; épais d’un écu, & large de demi-pouce vers le milieu de sa longueur. Il a la tête noire, plate, un peu arondie (A), où sont quatre ouvertures, deux d’un côté, & deux autres au côté opposé ; le corps tout blanc, distingué par plusieurs, emboettures (B), & les côtés garnis de mammelons (C), dans chacun desquels paroît une petite ouverture, avec un petit vaisseau bleuâtre, qui traverse jusqu’à la moitié de la largeur du corps.

Ces mammelons sont inégalement rangés : il y en a tantôt deux d’un côté, & un de l’autre, tantôt trois d’un côté, sans qu’il y en ait aucun de l’autre, &c.

Ce Ver est sorti noué ; (D) je le conserve en cet état dans de l’eau-de-vie. Le Malade se trouva guéri peu après l’avoir rendu.

Quelques Médecins ayant vu l’estampe de cet insecte, que je fis aussi-tôt graver, traiterent la chose de fable ; d’autres ayant vu le Ver même, firent courir le bruit que j’avois chassé du corps d’un Malade un Ver monstrueux, qui ne s’étoit jamais vu. Les uns & les autres se sont également trompés. J’avertis les premiers que je garde l’insecte en question, avec un grand nombre d’autres de même genre, que j’ai depuis fait sortir, la plûpart encore plus longs, & dont je donne la figure dans cette nouvelle édition. Ainsi on pourra s’éclaircir de la vérité quand on souhaitera.

Les derniers verront dans cet Ouvrage, que le Ver dont s’agit, n’est point nouveau, & qu’il a été connu aux anciens Médecins, à Hippocrate entre autres, & à Aristote, & que dans les Livres des Modernes on en trouve plusieurs exemples. J’ajouterai que M. Fagon, Premier Médecin de Louis XIV. m’a dit avoir vu plusieurs Vers de cette nature en diverses rencontres. Ils y apprendront de plus, que c’est un Ver commun en Hollande, où il s’en trouve de beaucoup plus longs que celui-ci, comme me l’a mandé d’Amsterdam M. Hartsoeker, par une Lettre que je rapporte dans ce Livre

Au reste, ce n’est pas la première fois qu’on a traité de monstres ces sortes de Vers. On verra dans une Lettre de Guillaume Fabricius, citée dans ce volume, qu’à Payerne, une Femme ayant rendu un Ver semblable, le bruit courut aussitôt dans toute la Suisse & dans toute la Bourgogne, qu’il étoit sorti un monstre épouvantable du corps d’une Femme. On parloit par-tout de ce prétendu monstre, & on ne l’appelloit que le monstre de Payerne. Voilà comme les uns refusent de croire tout ce qui leur paroît extraordinaire, & comme les autres, se plaisent même à l’exagérer.

Quant au Ver que je fis sortir du corps de ce jeune Homme, chez qui je fus appellé, rue S. Denis, je considerai cet insecte en présence de plusieurs personnes, & l’ayant mesuré avec l’aulne d’un Marchand, nous le trouvâmes de quatre aulnes trois pouces, sans y comprendre l’extrémité, qui, comme nous l’avons remarqué, s’étoit rompue, & n’a pu être trouvée.

M. Mery, de l’Académie des Sciences, à qui je montrai cet insecte, a cru que les ouvertures qui sont aux deux côtés de la tête, & que je prends pour des yeux, sont des narines ; c’est ce que nous examinerons ailleurs : je vis un col extrémement mince, dont les articles, vers le commencement, se touchoient presque, & un corps long qui alloit en élargissant vers le milieu de son étendue, & dont les articles étoient distants d’un pouce ; en un mot, je vis le Tænia[1], que quelques Auteurs, comme Arnauld de Villeneuve, entre autres, nomment Solium, (je ne sçai pourquoi) & que j’appellerai Solitaire, parce qu’il est ordinairement seul de son espéce dans le corps où il se trouve, ainsi que nous l’observerons plus bas.

Ce Ver, dit Hippocrate, demeure si opiniâtrement dans les corps où il est, qu’à moins d’un remede spécifique pour le faire sortir, il vieillit avec son hôte, & l’accompagne jusqu’au tombeau.

La tête de ces sortes de Vers, tenant à un cou fort mince, se sépare aisément, & reste presque toujours dans le corps du Malade. Ainsi la tête de celui-ci, le rend plus particulier.

Quant au Malade, il se trouva beaucoup mieux si-tôt qu’il fut délivré d’un tel hôte. Le lendemain, qui étoit le septiéme jour de la maladie, il n’eut plus de fiévre & le jour d’après il fut guéri : nous n’oublierons pas de remarquer que le Ver sortit noué ; cette circonstance que nous avons déjà observée, doit faire juger qu’il fit bien des mouvemens auparavant, & qu’ainsi le Malade ne pouvoit manquer de sentir alors beaucoup d’agitations.

Si quelques personnes ont traité de fable ce Ver, comme nous l’avons observé, d’autres ont été à une extrémité opposée, & ont dit que ç’a été de tout temps une chose si commune, qu’elle ne méritoit pas seulement la moindre attention. Comme je veux croire que ce langage est sincere, je prie ceux qui l’ont tenu, de jetter les yeux sur ce Traité. Ils y verront comme les Médecins qui nous ont devancés, ont pris soin de faire remarquer ces sortes de faits, lorsqu’il leur est arrivé d’en découvrir quelqu’un. Ils y verront entre autres, comme Guillaume Fabricius, Philibert Sarracenus, Amatus Lusitanus, Spigelius, Tulpius, nous en décrivent jusqu’aux moindres circonstances, & comme Fabricius, en parlant d’un Ver semblable, dit qu’il le conserve dans son cabinet parmi[2] ses raretés. Ils y apprendront, par l’exemple des plus sçavans Médecins, qu’on ne sçauroit faire trop d’observations en Médecine, & que ce qui souvent ne paroît pas digne de curiosité aux yeux de certains esprits, est ce qui occupe le plus les personnes sçavantes.

Quelques-uns se sont étonnés sur-tout que j’aye fait graver l’estampe d’un aussi vil insecte qu’est un Ver, & que j’aye marqué toutes les particularités qui en regardent la structure ; mais je les prie de faire réflexion à ce que dit Pline le Naturaliste ; que c’est souvent dans les plus vils animaux que la nature est plus admirable & que quand il s’agit de la contempler comme il faut, il n’est point de petites circonstances. Je les exhorte donc, en me servant des paroles de ce même Auteur, à ne pas tout-à-fait s’en fier à leur dégoût sur ce qui leur déplaira dans les détails que je fais, n’y ayant jamais rien de superflu dans ce qui sert à nous faire connoître la nature[3].

Pour ce qui est d’avoir fait graver le Ver dont il s’agit, loin de me corriger là-dessus dans cette nouvelle Edition, j’y en ai fait graver plusieurs autres y dont j’ai délivré divers Malades, & j’ai suivi en cela, l’exemple de Spigelius, de Sennert, de Fabricius, de Tulpius, &c. qui ont fait dessiner avec soin, les Vers plats qu’ils ont vûs ; afin que si ces Vers étoient différens de quelques autres de ce genre, on pût aisément s’en instruire par la confrontation des figures ; & c’est ce qui arrive en cette occasion, où l’on verra la figure de ceux-ci, différente de celle qui est dans Spigelius[4], & que voici dans cette planche, fig. 1. d’une autre qu’on voit dans aldrovandus & dans le même Spigelius, tracée ici fig. 2. de la même planche ; d’une autre que nous a laissée Fabricius, marquée dans cette autre planche, fig. 1. & d’une autre qu’on trouve dans Tulpius, où la tête est presque faite comme celle d’un poisson. Voyez ici fig. 2.

Au reste le dessein que je me propose dans cet Ouvrage, est de donner un Traité entier sur les Vers du corps humain ; d’expliquer comment ils s’engendrent ; d’en exposer les différentes espéces ; d’en déclarer les signes, les effets, les prognostics ; de marquer les meilleurs remèdes contre ce mal ; de faire voir que quelquefois ces Animaux causent ou entretiennent des maladies dans lesquelles on n’a pas coutume de les soupçonner ; & qu’il y a des pleurésies, des phthisies, des jaunisses, &c. qui ne peuvent bien se guérir que par des remédes vermifuges.

Je ne me borne pas ici aux Vers des intestins ; je parle de tous ceux auxquels les différentes parties du corps sont sujettes. J’ai soin d’éviter toutes les fables qu’on a coutûme de débiter sur ces matières, & de ne rien rapporter qui ne soit digne de la créance des Lecteurs éclairés ; car, pour le remarquer en passant, on fait tous les jours sur les Vers, cent histoires différentes, qui, examinées de près, se trouvent très-éloignées de la vérité. J’en ai vu bien des exemples : en voici un entre autres qu’il ne sera pas inutile de rapporter.

Dans la rue St Denis, proche l’Eglise Ste Opportune, chez un Marchand de Tapisserie, étoit une petite fille malade, que l’on croyoit avoir des Vers. Cette petite fille, une heure après avoir rendu un lavement, fut portée auprès du feu. On ne l’y eut pas laissée un moment debout, que parut à ses pieds, un Insecte assez extraordinaire, qui se traînoit sur le plancher. Il n’en fallut pas davantage pour faire croire que cette petite fille venoit de le rendre ; & que c’étoit un effet du remède. On appella du monde ; on considéra cet Insecte, que l’on trouva assez semblable à une Ecrevisse. Le bruit se répandit aussitôt dans tout le voisinage, qu’il étoit sorti une Ecrevisse du corps d’une petite fille. L’Apothicaire qui avoit composé le lavement, m’avertit sur l’heure : je me disposois à aller chez les parens de l’enfant pour sçavoir la vérité du fait ; mais j’appris qu’on avoit jetté l’Insecte dans le feu. Cela fut cause que je remis à une autre fois, à m’informer de la chose. Quelques semaines après, (c’étoit le 30. de Juillet de l’année 1699.) je fus voir les parens, lesquels me dirent qu’ils avoient découverts depuis peu de jours dans du bois qu’ils tenoient à la cave, des bêtes toutes semblables à celles-là ; & que lorsque cet Animal fut trouvé dans la chambre, on venoit d’y apporter du bois de la cave pour faire du feu. Cela ne me laissa pas balancer sur ce qu’il falloit juger du bruit qui s’étoit répandu ; & je balançai d’autant moins, que de la maniere dont on m’avoit déjà dépeint cet Insecte, il m’avoit paru être de ceux qu’on trouve souvent parmi le bois, lesquels ont deux cornes à la tête, deux piquans à la queue, quatre pattes assez grandes, & un corps écaillé. Mais rien ne montre mieux combien il faut examiner les choses, que la prétendue histoire de deux Couleuvres, dont nous parlons page 285 de ce Traité : nous y renvoyons.

Je ne me contente pas d’éviter les histoires fausses ou suspectes ; mais comme je décris ici plusieurs remédes, je prends garde de n’en rapporter aucun qui ne soit marqué au sçeau de la bonne Médecine. Enfin je tâche de n’assurer rien sans l’avoir bien examiné, & j’estime avec Pline le jeune, qu’on ne sçauroit être trop circonspect, quand il s’agit de donner quelque chose au Public[5].

Pour être plus en état d’observer cette exactitude dans tout ce qui concerne ce Livre ; j’ai tâché de ne m’entêter d’aucune opinion, & j’ai cru que je devois beaucoup me regler sur ce que dit Galien : « Que la Medecine ne peut arriver à sa perfection que par un grand nombre d’Observations faites de siecle en siecle : que ceux qui travaillent les premiers, ne peuvent tout ensemble, & commencer & achever ; & que c’est à la postérité, à accroître par de nouvelles découvertes, le fonds de ses Peres »[6].

Ce Traité comprend quatorze Chapitres, qu’il est bon de lire de suite, parce qu’ils ont presque tous, liaison les uns avec les autres.

J’explique dans le premier ce que c’est que Ver, & ce qu’on entend par ce mot.

Dans le second, comment ces Animaux s’engendrent en nous.

J’en examine les espéces dans le troisiéme, où je traite au long des Vers spermatiques ; & les effets dans le quatriéme.

On voit au cinquiéme tous les signes de cette maladie ; & au sixiéme, les moyens de s’en garantir.

Le septiéme contient les circonstances qui sont à considérer dans la sortie de ces Insectes, & les prognostics bons ou mauvais qu’on en peut tirer.

Le huitiéme est sur le danger de certains remédes qu’on employe d’ordinaire contre les Vers, & qu’il faut éviter.

On trouve dans le neuviéme, ce qu’il est à propos de pratiquer pour la guérison de cette maladie.

Le dixiéme, qui est une suite du précédent, renferme des remarques importantes sur l’usage de la purgation.

Le onziéme Chapitre est sur la manière dont agissent les Remedes antivermineux.

Je traite dans le douziéme, des précautions qu’il faut apporter quand on fait des Remedes contre les Vers.

Le treiziéme consiste en quelques Aphorismes, qui sont comme une récapitulation de l’Ouvrage.

Le quatorziéme offre un éclaircissement sur divers endroits du Livre.

Voilà tout ce que c’est que ce Traité. Le Volume en paroîtra peut-être un peu gros ; mais le Traité n’en est pas pour cela plus long : car je ne m’y éloigne point de la matiere que je traite. Or je crois que quand on se renferme dans son sujet, on n’est jamais long. C’est la remarque de Pline le jeune, à la fin d’une lettre où il employe plusieurs pages à décrire sa maison de campagne : « Pourvu, dit-il à son ami, que la description que je viens de vous faire, ne contienne rien qui soit hors de mon sujet, ce n’est pas ma lettre que vous devez trouver grande, mais ma maison[7]. »

J’en dis autant de ce Traité : pourvu que je n’y aye rien amené d’étranger, & que tout ce qui y est, convienne à ce que je me suis proposé d’écrire, ce n’est point mon Traité qu’on doit accuser de longueur, mais la matiere que je traite.

Au reste trois Auteurs ont écrit contre cet Ouvrage. Le premier est M. Lemery ; le second, M. Hecquet, tous deux Docteurs Régens de la Faculté de Médecine de Paris ; & le troisième, M. Valisnieri Médecin de Padoue. Je réponds à M. Lemery dans le quatorzième Chapitre. Quant au second, je me contente de rapporter simplement sa critique à la fin de ce Livre, parce qu’elle ne mérite pas d’autre réponse. A l’égard de M. Valisnieri, ce qu’il dit roule principalement sur le Tænia ; mais ses objections nous ont convaincus, qu’il n’a jamais vu de ces sortes de Vers, ni vivans, ni avec la tête. Aussi ne paroît-il nullement au fait de cette matiere. C’est pourquoi nous avons cru qu’il étoit plus à propos de ne lui point répondre du tout.

Il dit que ce que je prends pour la tête de ce Ver, n’est apparemment qu’une glaire & un mucilage. Mais il décide au hasard, puisqu’il parle de ce qu’il n’a point vu, & dont il n’y a que les yeux qui puissent juger ; ensorte qu’on peut à ce sujet, lui appliquer ces paroles mêmes de M. le Clerc son partisan. Qui de Vermibus istis à se nunquam visis verba faciunt, idonei esse testes non possunt. Ceux qui parlent de ces sortes de Vers sans les avoir vus, n’en sauroient rendre un témoignage juste[8].

M. le Clerc non plus n’a pas vu assez de Vers plats, ou Tænia, pour pouvoir juger de ce que c’est que cette sorte de Ver.

Il avoue dans son Histoire des Vers plats, que depuis plus de quarante ans qu’il exerce la Médecine, il n’en a vu qu’un seul, & qu’encore ç’a été par hasard & en passant. Cucurbitini, ut & aliud latorum lumbricorum genus tam raro apparent, ut Medicorum plurimi, vel nunquam, vel semel tantum, iterùmve, per totam vitam eos videre possint… Ad me quod attinet, spatio quadraginta amplius annorum, quo medicam artem, hactenus exercui, nunquam Cucurbitinos istos ab aliquo excretos vidisse, ingenue fateor, donec tandem eorum inspiciendorum copiam nuper casus mihi primùm fecerit, &c.

On ne doit pas s’étonner après cela qu’il paroisse aussi peu instruit sur cet article, qu’il le paroît dans son Livre[9].

Il ne nous est pas arrivé sur ce sujet, la même chose qu’à M. le Clerc & à M. Valisnieri : le grand nombre que nous avons vu de ces Vers, nous a mis en état d’en juger, & nous en avons un cabinet garni ; c’est de quoi le Public est témoin. Mais ce qu’il y a de plus, c’est que nous les avons fait sortir du corps même des Malades qui les ont rendus.

J’ai renvoyé aux derniéres pages de ce Traité, trois Lettres qui m’ont été écrites sur le sujet des Vers ; les deux premières d’Amsterdam, par M. Hartsoeker, de l’Académie Royale des Sciences. La troisiéme, de Rome, par M. Baglivi, Docteur en Médecine, & Professeur d’Anatomie dans la Sapience.

On verra dans la première Lettre, des remarques curieuses sur la longueur extraordinaire du Ver plat, ou, comme j’ai cru le devoir nommer, du Ver Solitaire, nom que je lui ai donné le premier, & qui lui convient véritablement pour la raison que nous avons rapportée au commencement de cette Préface.

On verra dans la seconde Lettre, des réfléxions importantes, sur les remedes contre les Vers, & sur les effets des Vers. Dans la troisième, qui est celle de M. Baglivi, on trouvera plusieurs expériences sur ce qui peut chasser ou tuer ces Animaux ; divers exemples de maladies vermineuses, & des raisonnemens solides touchant la production des Insectes, la longueur excessive du Solitaire, & la maniére dont il se forme dans le fœtus. Comme ces trois Lettres sont recommandables non-seulement pas le nom. & le mérite de leurs Auteurs, mais encore par la maniere dont elles sont écrites, & par le fond des choses qu’elles contiennent, j’ai cru que je n’en devois pas priver le Public.

J’ai fait dans cette nouvelle Edition, un grand nombre de réformes. J’en ai banni plusieurs articles, qu’un nouvel examen m’a convaincu devoir être absolument retranchés ; & afin qu’on voye le soin que je me suis donné là-dessus, je finis par une liste exacte de ces réformes. Il m’a fallu être ici mon Censeur moi-même ; ceux qui ont écrit contre mon Livre, n’y ayant rien repris dont j’aye pu profiter.

Dans l’Edition précédente, j’avois renvoyé les planches à un Volume in-4o. où je les avois fait graver à part ; mais ici elles sont renfermées dans le corps du Livre, sans renvoi à un autre Volume, & elles se présentent sous les yeux chacune en particulier, à mesure que le sujet le demande ; ce qui est bien plus commode pour les Lecteurs, & leur épargne en même temps de la dépense, n’étant point obligés, comme ils l’étoient auparavant, d’acheter d’un côté un Livre in-12. & de l’autre un Livre in-4o. s’ils vouloient avoir l’Ouvrage complet.



  1. Tænia, mot Grec qui signifie Ruban, aussi ce Ver est-il fait comme un Ruban.
  2. Ego Lumbricum hunc exsiccatum inter rara mea reservo. Cent. II. Observ. 70.
  3. Turrigeros Elephantorum miramur humeros, Taurorumque colla, & truces in sublime jactus Tigrium rapinas, Leonum jubas, cùm rerum natura nusquam magis quàm in minimis tota sit Quapropter quæfo, ne hæc legentes, quoniam ex bis spernunt multa, etiam relata fastidio damnent, cùm in contemplatione naturæ nihil possit videri supervacuum. Plin. Hist. nat. Lib. XII. Cap. 2.
  4. Spigel. de Lumbrico lato.
  5. Nihil curæ meæ satis est : cogito quàm sit magnum dare aliquid in manus hominum. Plin. Lib. VII. Epist. 126.
  6. Galen. Comment. in Aph. I.
  7. Sciat scriptor, si materiæ immoretur, non esse longum ; longissimum, si aliquid accersit atque attrahit. Similiter nos quum totam villam oculis tuis subjicere conamur, si nihil inductum & quasi devium loquimur, non epistola quæ describit, sed villa quæ describitur longa est. Plin. jun. Lib. V. Ep. 101.
  8. M. Daniel le Clerc, dans son Livre intitulé : Historia naturalis & medica latorum lumbric. 1715. in-4o.
  9. Danielis Clerici, Med. Doctoris, historia naturalis & medica, latorum lumbric. Genev. apud fratres de Tournes. 1715. in-4o.