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De la gourme des solipèdes

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JURY D’EXAMEN

MM. H. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
Mauri, Chefs de Service.
Bidaud,


――✾oo✾――


PROGRAMME D’EXAMEN
Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie générale ;
3o Pathologie chirurgicale ;
4o Maréchalerie, Chirurgie ;
5o Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
6o Police sanitaire, Jurisprudence ;
7o Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses chimiques ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.
ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE





DE


DE LA GOURME DES SOLIPÈDES


PAR


P. BRU


né à Laure (Aude)

Ars medicala tota in observationibus





THÈSE POUR LE DIPLÔME DE MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE

Présentée et soutenue le 28 juillet 1872.





TOULOUSE


IMPRIMERIE PRADEL, VIGUIER ET BOÉ


6, rue des gestes, 6




1872



ÉCOLES NATIONALES VÉTÉRINAIRES




inspecteur-général :


M. H. BOULEY O. ❄, membre de l’Institut de France, de l’Académie de Médecine, etc.




ÉCOLE DE TOULOUSE


directeur


M. LAVOCAT ❄ membre de l’Académie des Sciences de Toulouse, etc.


professeurs :


MM. LAVOCAT ❄, Physiologie et Tératologie.
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄, Pathologie médicale et Maladies parasitaires.
Police sanitaire.
Clinique et consultations.
LARROQUE, Physique
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON, Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES, Pathologie et Thérapeutique générale.
Pathologie chirurgicale.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des Exercices pratiques.
ARLOING, Anatomie générale.
Anatomie descriptive.
Extérieur des animaux domestiques.
Zoologie.


chefs de service :


MM. MAURI, Anatomie, Physiologie et Extérieur.
BIDAUD, Physique, Chimie et Pharmacie.
N….., Clinique et Chirurgie.


JURY D’EXAMEN

MM. H. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
Mauri, Chefs de Service.
Bidaud,


――✾oo✾――


PROGRAMME D’EXAMEN
Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie générale ;
3o Pathologie chirurgicale ;
4o Maréchalerie, Chirurgie ;
5o Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
6o Police sanitaire et Jurisprudence ;
7o Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses chimiques ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.


À MON PÈRE, À MA MÈRE


Reconnaissance et tendresse filiale.




À MA SŒUR


Gage d’affection.




À MES PROFESSEURS


P. BRU.



MEIS ET AMICIS


INTRODUCTION




Les premières années de la vie, trop souvent marquées par des maladies nombreuses et graves, sont une époque difficile à franchir pour les animaux comme pour l’homme.

Une organisation encore faible et délicate, un tempérament où prédominent toujours les éléments lymphatiques et nerveux, prédisposent alors à ces affections catarrhales, vermineuses, éruptives et ataxiques qui font de si nombreuses victimes parmi les jeunes animaux, de même que parmi les enfants.

Au nombre de ces maladies, il en est qui, particulières aux animaux de certaines espèces, leur sont imposées comme un tribut presque inévitable ; telle est, par exemple, cette sorte de coqueluche qui attaque les jeunes chiens et que l’on désigne simplement sous le nom de maladie ; telle est encore la gourme, non moins fréquente, et qu’on pourrait tout aussi bien appeler la maladie des jeunes chevaux.

Mon intention est de m’occuper quelques instants de cette dernière maladie, sur laquelle la plupart des auteurs ne s’entendent point, et qui, par ses conséquences plus ou moins éloignées, me paraît susceptible d’être plus grave qu’on ne l’admet généralement.

Peut-être trouvera-t-on certains rapports entre elle et quelques-unes des affections particulières à l’enfance. Combien nous serions heureux, si par les quelques pages de cet opuscule nous participions à dissiper l’obscurité qui règne encore en quelques points dans l’étude de ces maladies !

Les deux médecines doivent sans doute continuer de marcher séparément dans la voie du progrès ; mais il est à désirer que, tout en restant distinctes, surtout en pratique, elles se rapprochent toujours davantage dans le but de s’éclairer réciproquement. Le passé est là pour dire tout ce que l’avenir peut espérer d’une telle union.




DE LA GOURME DES SOLIPÈDES




Ars medicata tota in observationibus.


Étymologie. — L’étymologie du mot gourme n’est pas exactement connue : d’après quelques auteurs, gourme dériverait du mot celtique gormes qui veut dire pus. Pris dans ce sens, ce mot caractérise bien la tendance à la suppuration des maladies auxquelles on l’applique. Cette origine nous paraît préférable à celle admise par Ménage, qui fait dériver le mot gourme du mot gormar, qui signifie vomir. Suivant une autre étymologie, l’expression gourme aurait pour radical le mot allemand gaurn, synonyme du mot français palais, gosier, exprimant ainsi le siège le plus fréquent des manifestations gourmeuses.


Définition. — En vétérinaire, le mot gourme a servi à désigner une maladie des jeunes solipèdes, dont les causes ont été diversement interprétées, et qui se caractérise par des phénomènes variables, mais le plus ordinairement par des jetages muco-purulents et des abcès des ganglions lymphatiques inter-maxillaires et gutturaux ; quelquefois par une sorte de diathèse purulente.


NATURE


Il est peu de maladies qui aient donné lieu à autant de dissidences sur sa nature que celle de la gourme. Malgré la diversité des interprétations qui se sont produites sur ce point de médecine, il est possible de les classer presque toutes sous les quatre doctrines de l’humorisme, du naturisme, du solidisme et de l’électisme.

Les anciens hippiâtres et les vétérinaires qui vivaient avant l’ère de Broussais, considéraient cette affection comme une maladie dépuratoire, comme une maladie qui avait pour conséquence favorable d’éliminer du corps du jeune cheval une humeur nuisible à sa santé. Ils se basaient, pour admettre cette action dépuratoire, non pas sur l’analyse minutieuse et approfondie des phénomènes qui accompagnent cette maladie, mais sur l’observation pure des effets immédiatement consécutifs à la gourme, l’expérience leur ayant démontré qu’un cheval sur lequel la gourme a suivi franchement ses périodes est moins exposé à tomber malade que celui qui n’en a pas subi les atteintes.

Chabert et Boutrole considéraient la gourme, le premier comme une maladie critique, parfois compliquée de spasmes, et le second comme un effort dépurateur de la nature.

Garsault, Paulet, Ryding la regardaient comme un catarrhe ou rhume, une inflammation flegmoneuse de la gorge et des glandes salivaires.

Delabére-Blaine voyait en elle une maladie spécifique, avec disposition à l’inflammation des glandes.

Lorsque Broussais vint, ces vieilles idées de dépuration d’humeurs disparurent battues en brèche par ce vigoureux dialecticien et mal défendues par ceux qui les avaient adoptées.

Les auteurs modernes ne sont pas moins divisés sur la nature de cette affection. Les uns, M. Huzard fils, par exemple, envisagent cette maladie comme étant d’abord générale à toute l’économie, et se terminant le plus souvent par une affection de la muqueuse des narines, du larynx, des poches gutturales et en général de toutes les parties de l’arrière-bouche.

D’autres, Hurtrel en tête, regardent cette affection comme locale et catarrhale, mais réagissant quelquefois sur d’autres organes de l’économie.

Enfin, il y a à peine quelques années, cette maladie a donné lieu à de savantes discussions de la part de nos vétérinaires les plus distingués. Ils n’ont pas été tous d’accord sur sa nature et ils ont fini par adopter la conception de l’ancienne médecine sur les maladies humorales.

Ces discussions ont fourni à M. H. Bouley l’occasion de composer un travail remarquable sur la nature de la gourme. La théorie que l’auteur a développée est très-savante, mais, comme l’a dit M. Lafosse, elle offre quelques points contestables.

Ainsi, la gourme n’est pas toujours due, ainsi que le prétend M. H. Bouley, à une surabondance de matière nutritive, surabondance déterminée par le repos, et par une nourriture trop substantielle. La gourme est souvent occasionnée par des causes plus générales. On voit même fréquemment cette maladie attaquer de jeunes chevaux totalement débilités et amaigris par les privations et souvent par l’excès du travail.

Suivant M. Lafosse, la gourme n’est qu’une maladie inflammatoire liée à une constitution spéciale de l’organisme et à des actes physiologiques transitoires qui influent sur le siège et les modes de terminaison de cette inflammation.

En effet, de la prédominance des fluides circulatoires et des matériaux formateurs que l’organisme renferme dans le bas-âge, résulte que les inflammations, quelle qu’en soit leur cause provocatrice, s’accompagnent toujours d’un fluxus plus abondant, cause de sécrétions purulentes ou muqueuses plus actives.

D’un autre côté, le système lymphatique dominant, il prédispose aux maladies. C’est pourquoi l’on voit très-souvent les glandes et les vaisseaux lymphatiques être affectés, soit avant, soit après l’inflammation des autres appareils ou systèmes, et particulièrement des muqueuses.

Dans le jeune âge, un travail formateur important s’effectue du côté de la tête : c’est celui de la dentition, qui entretient un certain degré d’irritation de tous les organes placés dans la sphère nutritive des dents en évolution, irritation à laquelle répond un fluxus sanguin. De là, une prédisposition des premières voies digestives et respiratoires, ainsi que des glandes lymphatiques, à se laisser atteindre par l’inflammation.

C’est pour toutes ces raisons que l’inflammation caractéristique de la gourme se montre dans les diverses régions de la tête, et qu’elle se termine le plus souvent par un jetage abondant et par des abcès dans les glandes ou les ganglions envahis.


Peut-elle attaquer le même individu plusieurs fois ? — Notre courte pratique ne nous ayant pas permis de voir assez de chevaux gourmeux, nous ne pouvons répondre à une pareille objection. Mais tous ceux à qui il a été donné de suivre de jeunes chevaux dans leurs déplacements, tels que les vétérinaires des dépôts de remonte, les vétérinaires militaires, sont convaincus que la maladie, se développe toutes les fois que, pendant la jeunesse, les animaux sont exposés aux causes occasionnelles. Comme MM. Riquet et Reynal, M. Lafosse a vu que peu de temps après avoir été achetés pour les remontes de l’armée, les poulains étaient affectés de gourme, soit avant, soit après leur arrivée dans les dépôts de remonte, qu’ils la contractaient de nouveau, lorsque de ces dépôts ils étaient dirigés sur les régiments.


La gourme est-elle nécessaire, indispensable, et un animal doit-il l’avoir jetée pour jouir d’une santé aussi robuste que le comporte son espace ? — Solleysel donne de ce fait une explication qui confirme l’opinion que nous cherchons à faire ressortir sur la nature de la gourme : Les humeurs des poulains, d’après le célèbre hippiâtre, seraient, dans les climats chauds et secs, éliminées par une transpiration insensible, mais il n’en est pas moins vrai que si la constitution de l’organisme, une fois achevée, a pu être amenée à ses conditions d’équilibre par le seul secours des transpirations fortement excitées dans certains climats, le plus ordinairement dans les nôtres, c’est à l’occasion d’une sorte de crise violente, une ou plusieurs fois répétée, que se fait l’évacuation de la surabondance d’humeurs lymphatiques qui circulent dans l’organisme, ou en imbibent toute la trame. Aussi n’est-ce qu’après sa production que la constitution s’affermit.

Malgré l’avis de plusieurs médecins vétérinaires qui ont écrit que la gourme n’est ni nécessaire, ni utile, ni inévitable, etc., nous pensons avec M. Reynal que, dans beaucoup de circonstances, l’élimination de la gourme est préventive d’autres affections plus graves.

M. Négrier, vétérinaire au dépôt de remonte de Caen, dit : Règle générale, lorsque nous observons beaucoup de cas de gourme sur les chevaux de notre établissement, les autres maladies sont beaucoup moins nombreuses, et rarement les chevaux qui, quelques jours après leur entrée au dépôt, ont eu de fortes gourmes, ont été plus tard atteints de maladies pendant leur séjour dans nos écuries.

Suivant M. Lafosse, et nous sommes parfaitement de son avis, les effets d’une gourme bien jetée, ne se traduisent pas seulement par la puissance qu’acquièrent toutes les fonctions de l’économie, mais encore par des caractères physiques tranchés : l’œil est plus expressif, le poil plus lustré, la résistance à la fatigue augmente et les animaux sont par suite moins exposés à contracter d’autres maladies.


ÉTIOLOGIE

Il est peu d’affections qui aient réuni ou du moins auxquelles on ait supposé un aussi grand nombre de causes que celle dont nous nous occupons. Quoique cette maladie se développe avec la plus grande facilité et dans toutes les saisons, c’est dans les temps froids, et principalement en hiver, que la gourme se déclare et sévit avec plus d’intensité.

D’après plusieurs auteurs, Hurtrel, Moiroux et M. Lafosse, la cause principale de la gourme serait la dentition. Ce travail, disent ces auteurs, favorise beaucoup l’afflux du sang vers la tête. Ce qui le prouve, ajoutent ces vétérinaires, c’est que la gravité de la gourme est toujours en raison de la difficulté ou de la facilité avec laquelle s’opère la dentition.

D’autres vétérinaires, au contraire, M. Mousis, par exemple, pensent, contre l’opinion généralement reçue, que le travail de la dentition ne contribue en rien au développement de la gourme. Les poulains bien soignés, bien nourris, disent ces auteurs, et logés à l’abri des influences atmosphériques, ne contractent pas la gourme, et cependant ils éprouvent les douleurs de la dentition.

D’autres, M. Charlier notamment, signalent l’acclimatation comme cause principale presque exclusive de la gourme.

Il est certainement hors de doute que si la dentition, par exemple, n’est pas une cause déterminante, elle y prédispose beaucoup les jeunes chevaux.

L’émigration des animaux d’un pays dans un autre contribue beaucoup au développement de la gourme, et il n’est nullement douteux que l’acclimatement n’ait une grande influence sur les jeunes chevaux. Ses effets sont, non pas absolument mais jusqu’à un certain point subordonnés aux circonstances de nourriture, de travail, de régime.

Ainsi, il arrive souvent que des propriétaires ayant des travaux pressants à faire et n’ayant pas dans leurs écuries assez d’animaux disponibles, achètent des jeunes chevaux et les soumettent à des labours plus ou moins pénibles. Or, si ces animaux arrivant chez leur nouveau maître sont soumis aux mêmes travaux que ceux auxquels ils étaient employés primitivement, pas un ne sera atteint de la gourme. Si ces animaux, au contraire, viennent d’un pays où les travaux auxquels on les destine ne sont pas pratiqués, ils payeront indubitablement tribut à cette affection.

La même chose se passerait, si au lieu de faire travailler ces animaux on les laissait dans l’inaction.

Une autre cause qui prend une grande part sur le développement de la gourme est le passage du pâturage à l’écurie. Une circonstance assez remarquable, c’est que ce développement si facile, si fréquent de la gourme sur les jeunes poulains quand on les sort de l’herbage et qu’on les rentre à l’écurie ne s’observe presque pas sur les chevaux d’un âge plus avancé. Ainsi, nous mettons, dit M. Négrier, tous les ans 40 ou 50 chevaux de notre dépôt au vert en liberté : plusieurs y restent quatre mois ; en bien, quand nous les rentrons dans nos écuries, aucun des animaux n’est pris de gourme.

Ce fait est en harmonie avec ce que dit M. Barthélemy, de l’influence de l’émigration. Cette dernière n’a d’action que sur l’organisation des poulains : « S’il en était autrement, ajoute cet honorable vétérinaire, les chevaux d’un régiment seraient atteints de la gourme après chaque changement de garnison. »

M. H. Bouley, dans sa dissertation sur la gourme, dit en parlant des causes de cette maladie, qu’elle est due en partie à l’état polyhémique de l’individu, état déterminé le plus souvent par une bonne nourriture.

Mais on peut affirmer que la gourme attaque indistinctement les jeunes chevaux débilités, mal nourris, amaigris par les privations, les fatigues prématurées ; c’est même chez eux, dit avec raison M. Lafosse, qu’on observe la gourme à laquelle on a donné le nom d’adynamique ou asthénique.

Delafond fait observer aussi que c’est dans les mauvaises saisons, et surtout quand les aliments sont de mauvaise qualité et donnés avec parcimonie, qu’on rencontre le plus de gourmeux. Ainsi, d’après ce savant praticien, une nourriture insuffisante ou mauvaise et les changements brusques de température doivent être regardés comme une des principales causes de la gourme.

Cette opinion est opposée à celle de M. H. Bouley.

Nous n’en finirions pas, du reste, si nous voulions rapporter les nombreuses causes auxquelles on attribue le développement de la gourme. Nous dirons que cette maladie peut se développer sous l’influence de toutes les causes susceptibles de déterminer les phlegmasies catarrhales en général.

Nous avons déjà dit plus haut que la gourme attaque indistinctement les chevaux maigres, comme ceux qui sont gras et en bon état. Il découle naturellement de cette assertion que la préparation que l’on fait subir aux animaux pour la vente n’influe en rien sur le développement de la gourme. Loin de là, on a souvent remarqué dans les dépôts de remonte, que cette préparation, cet engraissement qu’on fait subir aux chevaux avant la vente, détermine un état pléthorique si anormal que les chevaux sur lesquels on l’observe sont presque toujours atteints subitement d’affections beaucoup plus graves que la gourme : de pneumonie, de pleuro-pneumonie, d’apoplexie pulmonaire, etc. (Le recueil et observations sur l’hygiène et la médecine vétérinaire militaire citent de nombreux exemples à l’appui de ce fait).

Nous ajouterons, néanmoins, que malgré toutes les causes multiples auxquelles on a attribué le développement de la gourme, elle naît souvent sans qu’on puisse lui assigner une cause » positive.

La gourme est-elle contagieuse ? — Quand on consulte les annales, on est frappé des dissidences qui ont régné et qui règnent encore à l’égard de la contagion de la gourme.

Elle a été admise, d’abord, par presque tous les hippiatres et les agriculteurs français et étrangers qui ont écrit dans la première période du siècle qui vit naître les écoles vétérinaires ; Bourgelat même, leur illustre fondateur, l’appuya de toute l’autorité de son nom.

Mais il faut le dire, quelque grande que fût la réputation justement acquise de ces premiers maîtres, leur opinion exprimée d’une manière générale parut aux vétérinaires qui les suivirent dans la carrière de nature à commander le doute ; insensiblement et par une transmission dans les idées, basée, il faut le dire, bien moins sur des observations que sur une disposition de l’esprit à regarder comme non transmissible une maladie fréquente, il est vrai, mais en général bénigne, la croyance de la contagion succéda au doute. Néanmoins, à des époques assez rapprochées, des vétérinaires recommandables par leurs travaux, Gilbert et Gohier en France, Brugnone et Toggia en Italie, entreprirent des expériences qui établirent de nouveau la contagion de la gourme du cheval.

Gohier a expérimenté sur deux chevaux, une mule et trois ânes ; il a essayé de faire développer la gourme par cohabitation, par injection de la matière du jetage dans les narines : un âne seul, parmi les animaux soumis à l’expérience, a été atteint de catarrhe nasal.

Était-il nécessaire d’injecter le jetage d’un cheval gourmeux pour obtenir un pareil résultat ? N’aurait-on pas obtenu un pareil effet en injectant toute autre substance, du pus d’un seton par exemple ? D’après les résultats obtenus, l’expérience n’est pas concluante.

Toggia aurait inoculé à plus de soixante-quatorze poulains du jetage de chevaux gourmeux, qui tous seraient devenus gourmeux. Il dit ensuite qu’aucun de ces poulains n’a éprouvé la gourme depuis cette inoculation jusqu’à l’âge de 5 ans. Il suffit, dit M. Lafosse, de citer de pareilles assertions pour faire ressortir l’invraisemblance du résultat fourni par ces prétendues expérimentations,

Dans ces dernières années, presque tous les praticiens étaient persuadés que la gourme ne jouissait point de propriétés contagieuses, et cette opinion partagée par les vétérinaires les plus recommandables, entre autres par Delafond, devint si générale qu’elle figurait il y a quelques années au rang des vérités acquises.

Ce n’est que vers 1845, époque à laquelle MM. Mousis, Charlier et Donnarieux ont adressé à la Société d’agriculture un mémoire remarquable sur la contagion de la gourme, qu’elle a eu du retentissement en vétérinaire.

Mais, pour expliquer le développement de la gourme sur les animaux d’une même écurie, est-il nécessaire de recourir à la contagion ? Pourquoi cette maladie agit-elle de préférence sur les uns plutôt que sur les autres ? Pourquoi épargne-t-elle isolément des animaux élevés dans la même écurie, soumis aux mêmes influences climatériques ? Pourquoi, enfin, ne subissent-ils pas tous les conséquences d’une manière d’être qui leur est commune ? Sans doute, ce sont là des objections sérieuses, disent les contagionistes, dont on doit tenir grand compte dans certaines circonstances pour expliquer l’apparition subite de la gourme sur les chevaux d’une même écurie. Et ne peut-on pas, à l’aide de ce raisonnement physiologique, se rendre un compte suffisant de l’instantanéité de cette maladie ? Évidemment oui.

En fait de contagion, il est difficile qu’il n’y ait pas des dissidences nombreuses ; en effet, ici comme dans toutes les querelles médicales où le point litigieux est peu susceptible d’une démonstration rigoureuse, où au contraire les circonstances qui l’environnent échappent souvent aux investigations les plus minutieuses, on comprend cette diversité d’opinions, on comprend que les uns disent oui, que les autres disent non.

Il faut donc, dans l’avenir, que ceux qui essaieront de résoudre la question, s’occupent avec soin des conditions de leurs expériences ; ils devront placer les sujets d’expérimentation dans des conditions telles où ils ne trouveront aucune cause de développement de maladie catarrhale. S’ils agissent par le procédé d’inoculation, ils devront agir avec précaution afin de ne pas enflammer la pituitaire. S’ils opèrent par la cohabitation, il faudra que les sujets d’expérience restent dans leur écurie et soient en nombre plus considérable que les poulains gourmeux qu’on introduira au milieu d’eux. La proportion devra être de un sur dix. Alors que toutes ces précautions auront été prises, si on obtient le développement de la gourme, qu’on ait opéré par tel ou tel autre procédé, alors, il sera permis de conclure que cette affection est réellement contagieuse. La conclusion serait d’autant plus rigoureuse, dit M. Lafosse, en ce qui concerne la cohabitation, si l’on expérimentait parallèlement en introduisant dans des groupes égaux de sujets, d’un côté des poulains gourmeux, de l’autre des poulains en parfaite santé, parce que plusieurs fois nous avons vu éclater la gourme dans des groupes de chevaux habitués à vivre en commun à l’occasion de l’introduction d’un nouveau venu non malade dans le local qu’ils occupaient.


DIVISION DE LA GOURME


La division la plus simple de la gourme consiste à connaître, comme la plupart des auteurs, une gourme bénigne et une maligne, variée dans ses modes d’expressions ; aussi la subdivise-t-on en G. M. hypersthénique et en G. M. hyposthénique.

DE LA GOURME BÉNIGNE

Symptômes. — Début. — La maladie s’annonce souvent par du malaise, une sorte de courbature. À la vivacité qui est le propre du jeune âge, succède une tristesse souvent profonde ; le malade baisse la tête ou l’appuie sur la mangeoire, se tient au bout de la longe et témoigne sa souffrance par cette attitude propre aux maladies dont le siège n’est pas encore indiqué par des symptômes locaux.

L’appétit a diminué ; de temps en temps l’animal fait entendre une toux qui à cette période est sèche, répétée, indice de la phlegmasie dans les organes respiratoires. Un petit jetage séreux ou un peu opalin, inodore et non adhérent s’écoule par les naseaux ; la pituitaire est rosée et ses capillaires sont plus apparents. À cette période de la maladie, il n’est guère possible de distinguer une altération dans le rhythme respiratoire. L’appareil circulatoire témoigne déjà d’une réaction générale ; les muqueuses apparentes sont plus rosées, la conjonctive est parfois un peu jaune ; le pouls est ample, fort, vite.

En outre, on aperçoit déjà un engorgement pâteux du tissu cellulaire entourant les ganglions lymphatiques et gutturaux. C’est là le début de la gourme bénigne ; quoique généraux et peu marqués, ces symptômes jettent un rayon de lumière dans l’esprit du praticien.


État. — De jour en jour, aggravation des symptômes. Le jetage se modifie, il devient plus épais, plus gluant et s’échappe en flocons transparents des cavités nasales, entraînant avec lui quelques parcelles alimentaires. En même temps les symptômes généraux acquièrent de l’intensité : l’animal porte la tête basse ou bien la relève, la maintient tendue sur l’encolure si l’engorgement trop considérable de la ganache gêne les mouvements de flexion. La toux est plus fréquente, encore sèche, les mouvements du flanc sont irréguliers ; l’animal mange peu, il lui arrive parfois de rejeter le bol après l’avoir mâché ; la soif est ardente et une partie des liquides employés à, l’éteindre est rejetée par les naseaux. La bouche est chaude, pâteuse, les muqueuses sont rouges, injectées ; l’œil est larmoyant.

Bientôt les symptômes fournis par l’appareil respiratoire et lymphatique dominent la scène-morbide ; le jetage devenu plus épais a subi une modification dans sa couleur ; il est devenu blanc avec une teinte tirant sur le vert. La toux, par son timbre humide, témoigne de la présence de mucosités abondantes dans les bronches ; elle est douloureuse et se fait avec expectoration. L’auscultation de la poitrine fait percevoir un râle muqueux qui disparaît momentanément quand on a provoqué la toux. Le flanc est plus agité.

Sous l’auge, les doigts perçoivent de la fluctuation. La région est devenue moins douloureuse au toucher à mesure que la suppuration s’est réunie en un foyer unique. Bientôt la peau s’amincit, s’ouvre et le pus s’écoule au dehors. Mais il arrive parfois que des abcès profondément logés entre les branches du maxillaire sont d’un diagnostic plus difficile parce que la fluctuation n’est pas manifeste. L’immobilité de la tête sur l’encolure, la douleur de l’engorgement, la difficulté de respirer, de déglutir, les menaces d’asphyxie suffisent pour permettre d’affirmer l’existence d’abcès profonds.


Déclin. — Cet état persiste avec les mêmes caractères pendant quatre, cinq jours et plus ; mais une fois le pus évacué, soit naturellement, soit artificiellement, les symptômes disparaissent un peu. L’animal commence à manger, sa physionomie devient un peu plus expressive, les abcès se ferment, le jetage diminue, devient comme séreux. La toux devient de plus en plus rare ; quelques jours encore et l’animal récupère sa santé ; la guérison est complète de dix quinze jours après l’invasion.


Variétés. — Sans cesser d’être bénigne, la gourme peut se traduire par une bronchite légère, par une inflammation des poches gutturales, suivie de suppuration se faisant jour dans le pharynx et dans la région parotidienne ou par diverses inflammations extraordinaires, au nombre desquelles on peut citer des pustules.

Comme la gourme bénigne franche, cette variété se montre aux yeux du praticien avec le cortège des symptômes propres aux maladies inflammatoires, tels que tristesse, conjonctive rouge, pouls fort, etc. Mais en même temps que ces symptômes se manifestent, la peau devient elle-même le siège de lésions très-importantes à connaître.

De petites élevures se montrent çà et là, de préférence dans les régions où la peau est dénudée de poils, vers la commissure des lèvres. Ces petites élevures constituent bientôt des vésicules du volume d’une noisette, aplaties à leur sommet et contenant un liquide séreux puis blanchâtre purulent. Bientôt elles se crèvent et alors se constituent autant de petites plaies circulaires à bords taillés à pic, à fond rose bourgeonneux, qu’à première vue il serait possible de confondre avec l’ulcération spéciale au farcin. Ce qui distingue ces ulcérations gourmeuses des chancres farcineux, c’est que, plus superficielles, elles tendent à se cicatriser régulièrement et non à envahir les tissus voisins.

L’éruption peut se borner à la peau, mais parfois la muqueuse des lèvres se recouvre elle-même de phlyctènes ; les barres, la face interne des joues ne forment qu’une large plaie. Dans ces conditions les lèvres constamment béantes laissent écouler une salive visqueuse très-abondante ; la mastication est pénible ; aussi les animaux choisissent-ils les aliments les plus faciles à mâcher.

Chez d’autres animaux, la surface cutanée devient le siégé d’altérations de même nature encore, mais plus nombreuses et plus vastes. Sur l’encolure, vers le bas de la gouttière de la jugulaire, se montrent une ou plusieurs cordes lymphatiques noueuses insensibles qui descendent de la parotide jusqu’aux ganglions pectoraux. De distance en distance s’élèvent sur le trajet de ces cordes des nodosités isolées ou confluentes de la grosseur d’un pois, d’un œuf, qui ne tardent pas à leur tour à constituer un fond bourgeonneux à contours circulaires et irréguliers.

Le tissu cellulaire sous-cutané devient, dans d’autres circonstances, le siège à peu près exclusif du travail inflammatoire ; c’est un engorgement diffus qui apparaît sur les côtés de la poitrine dans une étendue de sept à huit centimètres carrés, rémittent, non douloureux dont la surface se recouvre de quelques mamelons saillants qui s’ouvrent et s’ulcèrent.

D’autrefois, ce sont de véritables abcès.

Ces variétés de la maladie se joignent à la forme typique aussi souvent qu’elles existent isolées. Dans tous les cas, on remarque assez ordinairement que le jetage est en raison inverse de la suppuration extérieure.


DE LA GOURME MALIGNE


De même nature que la précédente, elle en diffère néanmoins par le peu de régularité qu’elle offre dans sa marche, par la diversité de ses formes et surtout par la gravité des symptômes. Peu grave, la gourme franche affecte toujours une marche régulière, mais la gourme devenue maligne par la grande activité du principe qui la détermine ou par l’action d’une cause intempestive survenue pendant son cours, détermine assez fréquemment la mort, ou traîne en longueur d’une manière fâcheuse.


Gourme hypersthénique.


Symptômes. — Les symptômes n’ont rien de fixe et de constant ; ils varient suivant la constitution de l’individu ou bien se rattachent à certaines conditions organiques individuelles qu’on ne peut connaître. Parfois ces symptômes débutent d’emblée avec un caractère de gravité qui inspire certaines craintes ; ainsi, mouvement fébrile très-intense, promptement suivi d’une rhinite, d’une laryngite ou d’une pharyngite sur-aiguë. Les poches gutturales, la trachée, les bronches, participent assez sauvent à l’inflammation. La dyspnée, le cornage, la dysphagie qui se produisent alors aggravent l’état du malade.


Complications. — Parmi les complications qui viennent aggraver considérablement les manifestations de la gourme, il en est une qui est assez redoutable : c’est l’aggravation de l’inflammation des muqueuses pharyngienne et laryngienne. Le jetage reste mousseux, devient roussâtre, sanguinolent ; les ganglions intermaxillaires s’engorgent de plus en plus sans suppurer. Il arrive un moment où la gangrène se déclare et la mort termine les souffrances.

D’autres fois, l’inflammation s’étend des bronches au poumon ; le malade court alors les plus grands dangers. Aux symptômes ordinaires de jetage, de toux, d’engorgement ganglionnaire, viennent s’en ajouter d’autres dont l’expression insidieuse parfois devient de plus en plus nette à mesure que la maladie se confirme.

La respiration devient difficile, quelquefois bruyante ; le larynx et le pharynx sont sensibles, les mouvements du flanc sont irréguliers. Le pouls est accéléré, l’artère tendue, la bouche chaude et sèche, la déglutition est parfois pénible. Bientôt les symptômes s’aggravent et d’autres apparaissent. Les conjonctives revêtent cette teinte rouge sur fond jaune qui caractérise les maladies de poitrine ; le pouls est grand et mou, la toux se fait fréquemment entendre ; le murmure respiratoire disparaît dans une partie d’un ou des deux poumons et fait place à un râle crépitant humide, puis à un bruit de souffle. La percussion de la poitrine, douloureuse, décèle de la matité là où l’hépatisation se localise. Alors le malade ne se couche plus et refuse les aliments ; l’abattement, la prostration des forces sont tellement prononcées qu’on peut souvent craindre une mort prochaine. Si la résolution doit s’accomplir, tous ces symptômes disparaissent.

Mais lorsque la fièvre persiste, que la diathèse ne s’exprime pas au dehors par ses traits ordinaires, la gangrène peut être la suite de cet état morbide.

Dans certains cas, après que la fièvre s’est apaisée, un jetage peu abondant, mal élaboré, se produit ; des abcès chauds ou froids s’ouvrent. Un malaise général persiste, l’animal mange peu, des troubles quelquefois obscurs apparaissent du côté des systèmes digestif, respiratoire, nerveux. Des abcès superficiels ou profonds suppurant abondamment ou peu s’ouvrent. La cicatrisation se fait plus ou moins promptement, sans que l’état général du sujet s’améliore sensiblement. La suppuration extérieure se produit ou non, mais la fièvre hectique se, prononce et l’animal meurt dans le marasme ; ou bien quelquefois on voit éclater une méningo-encéphalite, une cardite ou une péricardite grave, ou bien les accidents d’une pleurite, d’une péritonite par perforation. La gourme a revêtu dans ce cas le caractère d’une infection purulente.

Il est des cas, et principalement quand on a à faire à des individus à tempérament lymphatique ou lymphatico-sanguin, où l’on voit apparaître les entérites diarrhéique et typhoïde. C’est ordinairement sur les sujets gras pléthoriques, sur lesquels les causes occasionnelles ont agi avec intensité, que l’on voit se déclarer la gourme hypersthénique.


Gourme hyposthénique irrégulière, adynamique.


Symptômes. — Dans cette variété de gourmes, la rhinite, la laryngite, la pharyngite, les tumeurs de l’auge apparaissent encore mais sous le type chronique.

Les muqueuses présentent une couleur plutôt pâle que rouge ; elles présentent quelquefois des pétéchies. Le pouls est sans force ; le jetage est peu abondant, clair, cailleboté, intermittent ; les engorgements ganglionnaires de l’auge suppurent peu ou pas du tout ; tantôt ils augmentent, tantôt ils diminuent, mais sans se résoudre complètement ; l’appétit est diminué ; l’animal est triste, l’engorgement des membres augmente ; les séreuses de ses membres deviennent hydropiques. Si cette forme de la maladie a débuté dans la mauvaise saison et sur des animaux entretenus dans la misère, il arrive parfois que par l’effet du retour du printemps, du régime du vert, les inflammations acquièrent de l’acuité, le jetage et la suppuration des abcès reparaissent et la santé se rétablit.


Complications. La pleurite, la pneumonite chroniques, l’inflammation du tissu cellulaire forment le cortège des maladies qui peuvent compliquer ordinairement la maladie en question. Il en est une autre non moins redoutable et qui ne leur cède en rien de ses propriétés mortelles, c’est l’inflammation des ganglions du mésentère. Cette inflammation se terminant par des abcès qui s’ouvrent habituellement dans le péritoine et rarement sur les surfaces muqueuses, est toujours mortelle.

D’autrefois, mais dans des circonstances exceptionnelles, la phlogose de la membrane pituitaire se complique d’une inflammation œdémateuse du tissu cellulaire de la face et d’une angeioleucite consécutive. Alors les lèvres se tuméfient, deviennent chaudes, très-douloureuses à la pression et la formation de flegmons diffus dans le tissu cellulaire leur donne un aspect irrégulièrement bosselé. Ces centres flegmoneux deviennent le point de départ d’une multitude de cordes qui accusent l’inflammation des vaisseaux lymphatiques et qui, se dessinant en relief le long des lèvres et du bord inférieur des maxillaires, sur les fausses narines, à la surface du chanfrein, peuvent faire croire au développement du farcin. Cette ressemblance devient plus frappante encore, lorsqu’avec les progrès de la maladie les flegmons formés dans les lèvres se sont convertis en abcès dont la matière se fait jour au dehors par des ouvertures qui prennent facilement le caractère ulcéreux.

Quelquefois en même temps se produisent à la peau dans les lymphatiques et dans le tissu cellulaire sous-cutané ces phénomènes d’inflammation et d’ulcération ; la membrane pituitaire, siège elle-même d’une phlogose très-intense, se couvre de vésicules qui d’abord remplies d’une sérosité limpide ne tardent pas ensuite à devenir lactescentes, puis enfin à se flétrir, en laissant à leur place une plaie superficielle, de forme circulaire, dont l’aspect peut dans le principe, à un examen superficiel, être jusqu’à un certain point confondu avec celui du chancre qui succède à la pustule morveuse.

La gourme maligne, comme la gourme bénigne, peut se compliquer de l’éruption pustuleuse caractéristique du horse-pox.

L’engorgement des vaisseaux et des ganglions lymphatiques de la face se distingue du farcin véritable, par le volume et les dimensions des tumeurs, par l’inflammation œdémateuse et par la nature du produit morbide secrété ; les foyers purulents sont rarement circonscrits dans le canevas fibreux dos lèvres ; d’ordinaire le pus s’infiltre comme dans une éponge, plutôt que de s’y ramasser en collection, et lorsque par le travail progressif de l’inflammation, il aboutit à la peau, c’est par une multitude de petites ouvertures confluentes qui se font jour au dehors ; puis toutes ces ouvertures se réunissent ensemble par le fait du travail ulcérateur qui continue pendant quelque temps aux ouvertures extérieures des abcès. Le pus qui s’écoule est blanc et épais ; il n’est pas filant, huileux comme cela s’observe quand c’est le produit d’un lymphatique farcineux.

Des maladies vermineuses, la gale, l’herpès, le prurigo, les eaux-aux-jambes, le crapaud compliquent parfois la scène et contribuent pour leur part à faire naître la consomption qui amène l’animal à sa fin.

C’est surtout pendant le cours de cette variété de gourme que l’on voit survenir les paralysies et les phénomènes épileptiformes dont M. Lafosse a observé plusieurs cas et qui caractérisent la gourme que Chabert appelait spasmodique.

Parmi les autres complications qui signalent le cours de la gourme, nous pouvons parler des abcès qui s’ouvrent dans les poches gutturales et dans les sinus, de l’inflammation suppurative des glandes salivaires, de l’ouverture du canal de Sténon.


DURÉE

La durée de la gourme varie avec le mode suivant lequel elle s’exprime. Sous la forme bénigne elle ne dépasse pas une dizaine de jours ; elle est plus longue, quand elle se complique d’une angine intense, d’abcès dans l’espace inter-maxillaire. Elle atteint alors le vingt-cinquième et le trentième jour. La durée de la gourme maligne est proportionnée à la gravité des complications qui surviennent. Quand les lésions locales, expressions de cette maladie, revêtent un caractère chronique, lorsque des abcès apparaissent périodiquement sur divers points du corps, elle peut se prolonger jusqu’au terme de deux ou trois mois et même davantage.


LÉSIONS

Nous avons peu de détails à donner sur cette question relativement à la gourme, car malgré les cas fréquents de cette maladie, on perd relativement peu de malades ; et nous nous exposerions à présenter un tableau inutilement compliqué, si nous voulions décrire toutes les lésions de la gourme, puisque nous aurions à revenir sur celles de la congestion ou de l’inflammation de la plupart des organes, soit externes, soit internes.

Un des traits de la gourme étant de s’exprimer par son attribut essentiel, la suppuration, on trouve ordinairement ce produit morbide chez les sujets morts de gourme, dans les ganglions lymphatiques, le foie, la rate, les poumons et jusques dans le cœur et dans les muscles mixtes, tels que ceux de la langue, du voile du palais, etc., etc.

Et si par exception, dans les poumons, l’inflammation est parfois terminée par gangrène et si sur les membranes séreuses elle est souvent exsudative ou exhalante, le plus ordinairement elle provoque dans les organes de la suppuration.

M. Négrier cite un exemple de gourme, compliquée d’angine gangreneuse, complication à la suite de laquelle l’animal succomba. Voici les lésions que rapporte cet estimable auteur : « Les cavités nasales, les sinus, le pharynx et le larynx sont gorgés d’un sang noir ; les membranes recouvrant ces organes, ainsi que celles de la trachée étaient épaissies, ramollies et pénétrées de nombreuses ulcérations, principalement vers l’arrière-bouche ; ces ulcérations offraient une teinte verdâtre caractéristique de la gangrène.

» Les trompes d’Eustache étaient envahies ; de nombreux abcès existaient dans les poches gutturales. Les ganglions inter-maxillaires étaient gonflés et très-rouges. L’œsophage, à deux centimètres de son origine, était le siège d’une perforation à bords inégaux, flétris et gangrenés ; cette ouverture aurait pu donner passage à un œuf de pigeon. La poitrine et l’abdomen n’offraient rien de particulier. »

Dans le cas de complication de maladie de poitrine, les poumons sont souvent hépatisés, quelquefois ramollis ; d’autrefois, ils offrent des tubercules, la plupart ramollis et présentant une série de petits foyers purulents, distincts, remplis d’un liquide putrilagineux d’une odeur infecte. Ces organes ainsi que les plèvres sont souvent partout adhérents.

Quant au sang, il n’offre point d’altérations chimiques de ses principes constituants, ni de lésions propres de ses éléments histologiques. Personne n’a constaté qu’il eût acquis des propriétés spécifiques.


TRAITEMENT

Il est préservatif et curatif, et pour être fructueux, il doit être basé tout à la fois sur l’interprétation que nous avons donnée précédemment de la nature et des causes de la, gourme.


Traitement préservatif. — Éviter les excès de toute nature, notamment une nourriture à la fois copieuse et relâchante ; ménager les transitions trop brusques du repos au travail, de l’encombrement à l’air libre et vice versa ; entretenir les transpirations actives sans les surexciter. Il faut, en outre, réduire leur nourriture lorsqu’ils quittent les lieux de leur élevage pour être réunis en troupe et qu’ils subissent l’émigration, plutôt que de les alimenter trop fortement ; en même temps, les parquer au grand air ou les loger dans des écuries spacieuses, bien aérées, sans courants d’air, sous des hangars à l’arrivée aux étapes. D’après M. Riquet, ces deux mesures adoptées en Allemagne sont d’une efficacité qui ne serait pas, assez connue en France.

Malgré l’exécution exacte des règles qui précèdent, on ne peut, sans doute, compter de préserver toujours de la gourme, mais il est moins certain qu’elle se montrera bénigne et disposée à marcher vers une favorable solution.


Traitement curatif. — La thérapeutique de la gourme est non-seulement basée sur la forme qu’elle affecte, sur la gravité de ses modes de manifestation, mais encore sur l’état différent des organismes malades.


Gourme bénigne irrégulière. — La première indication à remplir, c’est de placer les animaux dans des conditions hygiéniques convenables. Il faut les tenir dans un lieu où la température soit douce, où surtout ils ne soient pas exposés aux alternatives brusques d’une température froide et humide. Des couvertures doivent être placées sur le corps des animaux même pendant leur séjour à l’écurie ; des bandages matelassés ou une peau de mouton seront maintenus sous la gorge afin d’entretenir dans cette région plus spécialement atteinte une température uniforme et douce.

Le travail doit être suspendu et le régime des farineux en barbotages substitué au régime ordinaire.

Dès que les abcès sous-glossiens sont fluctuants, on les ouvre et on les panse avec du digestif, du basilicum, pour les entretenir pendant quelques jours en suppuration.

La toux et le jetage diminuent, on peut remettre graduellement au régime habituel et permettre quelques promenades. Tels sont les soins réclamés dans ce type de l’affection.

Si on veut hâter la guérison, on donne dès le début de la maladie des fumigations émollientes d’eau de son, de mauves, de graine de lin. Application de pommade de peuplier sur les engorgements. Gargarismes avec de l’eau d’orge miellée ou additionnée d’oxymel. Dès que la suppuration apparaît, on l’entretient comme précédemment avec du basilicum, du digestif ; et l’on termine en donnant quelques soins hygiéniques.


Gourme maligne hypersthénique. — Lorsque la fièvre se manifeste avec un caractère d’acuité trop violent, il est nécessaire de la modérer par une saignée.

L’intensité de la fièvre et la plénitude du pouls doivent guider le vétérinaire dans la pratique des émissions sanguines.

Mais la saignée est toujours contre-indiquée, dit M. Reynal, lorsque le jetage, comme l’apparition du flux nasal, coïncide avec l’atténuation des symptômes de la fièvre générale. On comprend que dans ces cas les saignées exposent l’organisme à toutes les suites qui résultent de la suppression brusque d’un travail de suppuration ; en arrêtant brusquement l’inflammation de la muqueuse respiratoire ou digestive, elles tarissent subitement la sécrétion mucoso-purulente qu’elles fournissent.

Mais l’important, au point de vue de la thérapeutique de cette forme de la maladie, c’est de favoriser son cours par un régime approprié. Les boissons blanches, le régime, les fumigations émollientes, tièdes, sont indiquées. À moins d’un état inflammatoire trop accusé et que l’animal ne refuse l’avoine et le foin, il ne faudra pas adopter une diète trop sévère. L’influence d’une alimentation donnée avec modération, suivant les règles de l’hygiène, a pour résultat de soutenir les forces du malade, de faciliter la réaction et de rendre les convalescences moins longues.

S’il y a lieu d’insister sur les révulsifs, il importe de faire suivre leur action par celle des dérivatifs tels que vésicatoires volants et surtout les setons à l’aide desquels on peut obtenir des suppurations prolongées, sans exposer les animaux aux tares indélébiles que produisent les vésicatoires fixes.

Dans le cas d’angine suffocante, M. Lafosse recommande la trachéotomie. Maintes fois, il a vu l’inflammation baisser sensiblement après avoir fait cesser, par l’emploi de la trachéotomie, le passage de l’air dans le pharynx et le larynx, dont il entretient et aggrave l’inflammation.


Gourme maligne hyposthénique. — Cette variété qui survient, comme nous l’avons dit, chez les individus débiles et lymphatiques pendant les saisons froides et humides, exige une nourriture douce et substantielle : fourrages de bonne qualité, farineux, avoine concassée, des condiments excitants et toniques, tels que sel marin, gentiane, année.

Si une stimulation suffisante n’est pas produite par ces divers agents hygiéniques et médicamenteux, on donnera des électuaires ayant pour bise le carbonate, le chlorhydrate d’ammoniaque, le quinquina, le camphre, la thériaque.

Les engorgements des ganglions tendant à s’indurer plutôt qu’à suppurer, on prévient cette tendance par l’application des vésicants, la cautérisation en pointes fines dans la profondeur des empâtements et des engorgements qui entourent les lymphatiques. La toux, le cornage, les enchifrènements sans évacuations muqueuses sont-ils les conséquences de cette maladie adynamique, on donne des fumigations excitantes de plantes aromatiques, de goudron, etc. À l’intérieur, on donne de l’oxymel scillitique, de la fleur de soufre, du sulfure de mercure.

Si à l’aide de ces agents on n’obtient pas d’évacuations, on place des setons aussi près que possible du siège de l’inflammation.

Les fondants viennent souvent en aide aux stimulants toniques pour résoudre les engorgements indurés.

Lorsque des entozoaires appartenant le plus souvent à l’ordre des Nématoïdes, tels qu’Ascarides, Oxyures, viennent compliquer la maladie, il importe d’en débarrasser l’économie, et pour cela on emploie, soit en breuvages, soit en lavements, le semencontra, l’armoise, l’absinthe, l’huile empyreumatique, la tanaisie. Cette médication continuée pendant sept ou huit jours doit être accompagnée de l’administration de l’huile de ricin additionnée de quelques gouttes de croton-tiglium.

Les troubles nerveux qui surviennent pendant le cours de cette variété sont traités suivant qu’ils sont ataxiques ou adynamiques. Dans le premier cas, on emploie le camphre, l’assa-fœtida, l’aconit, la valériane ; dans le deuxième, la noix vomique ; dans ce dernier cas, les setons, les vésicatoires appliqués sur les parties privées de sensibilité ou de mouvement sont de puissants auxiliaires. Les frictions d’huile de croton-tiglium sur la nuque et la base des oreilles produisent de bons effets.

Toutefois, le praticien ne doit jamais perdre de vue dans l’application des moyens thérapeutiques la diathèse pathologique qui tient sous sa dépendance toutes les maladies locales par lesquelles elle s’exprime.