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De la liberté et du hasard/Avant-propos

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De la liberté et du hasard
Essai sur Alexandre d’Aphrodisias : suivi du traité du destin et du libre pouvoir aux empereurs
Traduction par Jean-Félix Nourrisson.
Didier et Cie.
I.  ►
Avant-propos


AVANT-PROPOS


Cet essai sur Alexandre d’Aphrodisias, que je fais suivre de la première traduction française qui aura paru de son Traité du Destin et du Libre pouvoir aux Empereurs, a, au fond, pour objet la discussion des idées de liberté et de hasard. Des fragments étendus de ce travail ont été lus par moi à l’Académie des sciences morales et politiques, dans ses séances du 22 janvier et du 5 février de cette année, et c’est à la faveur d’un tel souvenir que je m’enhardis aujourd’hui à le publier intégralement.

Peut-être, à parcourir ce volume, trouvera-t-on qu’Alexandre d’Aphrodisias méritait qu’on s’arrêtât à ses doctrines, et peut-être aussi semblera-t-il que celui de ses écrits que j’ai choisi pour le traduire n’était pas trop indigne de passer dans notre langue.

Depuis l’ère chrétienne jusqu’à la renaissance, Alexandre occupe assurément, parmi les philosophes proprement dits, le rang le plus considérable. Ce n’est point, il est vrai, un génie de la race de Plotin et de Proclus. Car on ne rencontre chez lui ni l’imagination enflammée, ni la puissance méditative, ni la science enthousiaste de ces deux chefs d’école, qu’on pourrait appeler les derniers des Grecs, ou mieux encore les derniers des anciens. Toutefois, je ne crains point d’affirmer qu’en somme Alexandre n’en a pas moins exercé sur le mouvement des intelligences une influence égale, sinon supérieure à celle de Proclus et de Plotin, que d’ailleurs il précédait. D’un seul mot, c’est d’Alexandre qu’Averroès s’est porté l’émule. Cela suffit sans doute pour le recommander à l’attention des hommes qui pensent.

D’autre part, ce serait, je l’avoue, préparer au lecteur une déception véritable que de lui annoncer comme une pièce d’éloquence le Traité du Destin et du Libre pouvoir aux Empereurs. Ce livre est en effet un ouvrage purement didactique, d’un style incolore, souvent subtil, parfois même embarrassé. Mais combien l’importance du sujet n’y rachète-t-elle pas l’aridité du discours et la sécheresse de l’exposition !

À une époque de confusion et de sang et sous l’empire accablant de princes détestables, Alexandre, au dogme du fatum, à l’idolâtrie de la fortune, à la superstition du hasard, oppose une revendication victorieuse du libre pouvoir humain. N’est-ce point assez pour lui concilier la faveur de quiconque a souci de la dignité humaine ?

Aussi bien, me suis-je persuadé, en ce qui concerne cette publication, que défendre à cette heure, avec la double autorité de l’histoire et de la raison, la liberté morale, ce n’était point rester étranger à la cause de la liberté civile, politique, religieuse, dont s’est noblement épris le temps présent.

23 mars 1870.