De la littérature dans l’Amérique du Nord

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DE
LA LITTÉRATURE
DANS

L’AMÉRIQUE DU NORD.



« Cantar non pot gaire valer,
Si d’inz del cor no mov le chanz. »
(Tencon Provençale.)


(Le chant du poète n’a guère de prix quand
il ne jaillit pas du fond du cœur.)


La parole humaine, ou, s’il fallait nous exprimer métaphysiquement, le verbe, sera toujours le vrai lien des nations. L’homme qui parle votre langue est votre frère. Jamais le Canada qui parle français ne cessera d’être Français ; jamais la tradition espagnole ne cessera de hanter les républiques du Mexique et du Pérou ; vingt guerres de l’indépendance n’empêcheraient pas les États-Unis de rester Anglais et puritains. La chaîne intellectuelle et magique des hommes entre eux, c’est la parole. Quittez votre pays pour deux années seulement, et que, sous la glace polaire ou l’ardeur du tropique, vous entendiez l’accent national, un mot, un seul ; le buon giorno des Italiens, le welcome des Anglais, le bonjour de la France ; le tressaillement de votre cœur vous dira que la patrie est dans le langage plus que dans le sol. La communauté de l’idiome représente la communauté des intérêts. La parole ! la parole ! elle est plus que la force, que l’espace et le temps ; c’est la pensée devenue palpable.

Jamais les colonies qui ont emprunté leur dialecte à une contrée-mère déjà civilisée, n’ont eu de littérature propre. Asservies, révoltées ou émancipées, le langage les enchaîne éternellement à la métropole ancienne. Pour s’isoler un peu de l’Angleterre, l’Écosse a été forcée d’employer un dialecte de l’anglais ; encore n’a-t-elle créé qu’une nuance diverse de la même littérature. Une colonie voit-elle naître un grand écrivain ? aussitôt il va se confondre avec les célébrités de la métropole. Parmi les poètes assez nombreux que le Mexique a produits, un seul homme de génie s’est montré, Alarcon : phrase, pensée, images, tout en lui est espagnol ; l’instrument dont il se servait, rebelle à tout autre usage, ne voulait reproduire que le génie de l’Espagne. Rien de mexicain chez Alarcon, dramaturge admirable, oublié, bien supérieur, selon nous, à Lope de Vega, et dont la demi-obscurité est une de ces injustices littéraires que le temps répare quelquefois[1].

Les États-Unis sont donc anglais : ils n’ont point de littérature spéciale. Ce grand peuple, cette république fractionnée en vingt républiques, et qui en produira mille dans un espace de temps donné ; cette nouvelle Europe, ce rajeunissement de toutes les destinées du monde vieilli, ce modèle et cette expérience gigantesque ; n’avoir point de littérature ! Non, une société si vierge, si inouïe, si peu semblable à tout ce qui a vécu, n’a pu trouver une voix, une expression solennelles, indigènes ! Fenimore Cooper et Washington Irving sont tout Anglais : l’un copie Adisson ; l’autre se modèle sur Walter Scott.

Il y a d’autres raisons pour que la littérature manque à l’Union américaine. La première, la voici : les États-Unis ne sont point une société. On sait l’origine des États-Unis. Des sectaires gênés en Europe passèrent dans l’Amérique du Nord, où ils étaient sûrs d’être à l’aise ; des aventuriers en firent autant, et semèrent ces magnifiques déserts de colonies, imperceptibles germes de nations. Les indigènes, repoussés pied à pied dans les bois et les savanes, disparurent presque entièrement, sans avoir mêlé leur nationalité à l’établissement des vainqueurs, et le génie sauvage ne porta point sa vigoureuse sève dans l’esprit européen.

Voici donc deux faits bien remarquables :

D’abord les indigènes s’anéantissent, et avec eux cet ordre particulier d’idées et de sentimens, qui naît de l’affinité d’une classe d’hommes avec un sol et un climat, et imprime aux mœurs, aux lois, à la parole, un caractère ineffaçable. Puis, l’incohérence des établissemens européens des États-Unis, les oppositions de foi, d’habitude, de langage, affaiblissent encore le caractère social de ce ramas d’hommes, que l’extinction graduelle de la race indigène privait déjà d’un grand moyen d’union. On sourit en songeant à la figure que durent faire ces Anglais, ces Hollandais, ces Allemands, ces Français, que tant de causes et tant de hasards faisaient tomber sur les terres vierges du Nouveau-Monde. On les voit, sous leurs accoutremens bizarres, au milieu de leurs pins équarris et de leurs pierres mal taillées, contrastant, par leur gaucherie et leurs grossières tentatives, avec la majesté des lieux qu’ils se permettaient d’habiter. Supposez qu’un poète alors, un vrai poète inconnu, las d’avoir faim à Londres ou à Paris, s’avisât de quitter la plume pour la pioche et la hache, et de sacrifier l’espérance de l’hôpital à l’envie de voir la Virginie ou le Massachussets. En arrivant dans ce monde immense, dans un monde rempli de Dieu et de poésie sans nom, il contemple de ses yeux les sauvages fuyant de forêt en forêt, chargés des os de leurs pères, et disant adieu à leur sol. Ne comprend-il pas qu’ils emportent avec eux la poésie américaine, et que les bûcherons, les serruriers, les menuisiers, qui vont leur succéder, n’auront aucune inspiration à transmettre aux générations futures ?

Dès que les colonies s’affermirent en Amérique, les idées positives s’y développèrent et y dominèrent. La religion, première cause de ces migrations, n’y fut point élevée et resplendissante, comme à l’origine d’une grande civilisation. Les sectaires avaient quelque chose de grand par la persévérance et la force, mais aussi de raide et de mesquin, qui s’alliait aux calculs honnêtes, mais vulgaires, de l’intérêt ; la moralité américaine eut la trivialité du bon sens commercial. Ce christianisme réformé, déjà pâle quand ils l’apportèrent d’Europe, n’avait pu prendre ni couleur, ni mouvement en Amérique, où les besoins renaissans de la vie matérielle avaient tourné toutes les pensées vers la terre. La multiplicité des sectes contribuait encore à l’affaiblir, et à lui ôter ce qu’il avait d’inspirateur. Une religion n’exalte l’ame qu’autant qu’elle est générale.

Quand les hommes croient comme un seul homme, ce magnifique concert achève de les rendre frères. Il confond leurs pensées, leurs émotions, leurs besoins, et si quelque ame, marquée secrètement de ce sacerdoce qu’on nomme poésie, vient à entendre ce grand murmure d’un peuple qui cause avec Dieu, elle chante alors ; elle exprime ce que tous ressentent ; elle est écho sublime ; elle dit ce que la foule cherche à dire ; elle laisse à son siècle et à tous les siècles un chef-d’œuvre national.

Le protestantisme américain était autre chose : chaque secte se divisait en d’autres sectes ; tel symbole que vous imputiez à une province, n’était plus que dans telle ville ; bientôt vous le reconnaissiez à peine dans telle famille, et enfin il vous échappait jusque dans l’individu. Les croyances éparpillées réduisaient à rien les hautes sympathies, sans lesquelles la poésie est impossible. Le poète est par essence l’homme de tous, et quand tous sont isolés, que devient sa mission ?

L’Amérique ne pouvait donc avoir son poète, elle n’avait point une nation à lui donner, ni un culte, ni une patrie ; elle ne présentait à son esprit nulle grande et mystérieuse unité, qu’il embrassât sans effort, et avec laquelle il mêlât son individualité propre ; la société américaine n’était pas née, elle ne l’est pas encore.

Or, qui n’a point de poésie nationale, ne peut avoir de littérature nationale. La poésie est à la littérature ce que l’accent est à la parole, l’ame au corps, et Dieu à l’ame. Poésie, c’est le cri naïf du cœur et de l’imagination ; elle précède toutes les beautés régulières du langage, parce qu’elle les enfante toutes. Aux époques les plus raffinées, où la poésie semble renchérir sur le scepticisme et la corruption des masses, elle est encore l’expression de l’abus général de l’intelligence et du cœur, le cri d’angoisse émané de je ne sais quelle maladie inconnue, dont elle révèle l’existence. Le poète est indépendant ; le littérateur est enchaîné par un système, par une science, par un intérêt souvent vulgaire ; le poète est un enfant-homme, qui s’extasie devant une fleur, et croise les bras en contemplant les cieux.

Ne dites pas que le puritanisme date de loin, qu’il n’a plus d’influence sur les États-Unis, qu’il est vieux en Amérique, et que le pays n’est plus sous la loi de ces antiques mœurs. Le principe qui a créé une société dure plus long-temps que les philosophes ne le pensent ; chaque famille est encore patriarcale aux États-Unis ; la femme obéit, comme obéissait la femme de l’Ancien Testament ; le fils se soumet, comme le fils se soumettait du temps d’Abraham. La société de Cromwell, basée sur les préceptes de la Bible, s’est perpétuée et fleurit sous la démocratie actuelle, avec laquelle sa rigidité calviniste s’accorde très bien. Tolérante pour le sectaire, elle repousse sans pitié tout ce qui n’est pas chrétien, elle vous clôt dans votre maison le jour du sabbat ; elle vous parque dans une communion quelconque ; elle vous fait l’esclave de votre créancier, si vous devez ; elle vous enlève tout droit légal, si vous êtes juif ou sceptique : elle vous déshérite, si vous avez un père qui veuille vous enlever sa fortune ; elle a porté dans un sol nouveau et les vieilles idées et les vieilles mœurs du calvinisme.

Examinez un peu les types héroïques de ce peuple. Voici Franklin, ferme et exacte intelligence, observateur patient, esprit économe, qui a régularisé la vertu et mis l’honnêteté et le vice en partie double. Franklin, c’est, pour l’Américain du Nord, le symbole de la vertu civile. Washington représente à ses yeux la vertu militaire. Ce pater patriœ, ce demi-dieu, est un grand caractère sans poésie. Jamais homme ne fut plus complètement dénué d’imagination. Qu’on ne nous accuse pas de flétrir cette vertu civique, de rabaisser cet héroïsme utilitaire ! Washington prouve que toutes les espèces de grandeur sont possibles, et que sans un grain d’enthousiasme, sans une parcelle d’imagination, on peut très bien sauver son pays.

De tels modèles feront d’excellens citoyens, jamais des artistes. Washington était le vrai descendant de ces vendeurs de tabac, de ces colons économes et rangés, qui, à force de bien gouverner leurs domaines, et de soigner leurs plantations, devinrent assez riches pour lever la tête et se révolter. On a conservé deux volumes de lettres autographes écrites par Washington à ses agens commerciaux à Londres, peu de temps avant la révolution d’Amérique ; il faut y admirer avec quel soin, quelle minutieuse exactitude, quelle économie rigide, quel esprit de détail il met ordre à ses affaires ; il compte ses carottes de tabac ; il ne perd pas un pouce de son droit ; il est marchand comme ses pères, comme ses frères, comme ses concitoyens. Le héros avait toujours un almanach dans sa poche ; dans cet almanach étaient intercalées des feuilles blanches, divisées en trois compartimens ; le premier portait pour titre : Où, comment, avec qui, j’ai passé mon temps (Where, how, and with whom, my time is spent) ? — Le second : Journal de la Température (Account of the weather). — Le troisième : Remarques et observations (Remarks and observations). Chacune de ces pages était remplie à la fin de la journée[2]. Jamais bourgeois amoureux d’entomologie ne se montra plus curieusement exact, plus patiemment minutieux.

Il y a, dans ce type américain, quelque chose de profondément incompatible avec l’émotion, l’élan et l’enthousiasme des arts. Aussi l’Amérique du Nord n’a-t-elle vu naître, jusqu’à ce jour, qu’une espèce, une classe d’hommes, la classe industrieuse. Pour exploiter le sol, elle avait besoin de la force brute ; à elle le pouvoir. Quand les bras se reposeront, la vraie civilisation intellectuelle commencera ; il faut auparavant défricher ce vaste désert et ces vastes forêts qui bordent l’Amérique civilisée. Le diadème et le sceptre appartiennent donc aux bras, à l’industrie manuelle ; et comme dans ce monde il y a plus de mains que de têtes, comme les êtres doués de l’énergie de la pensée sont toujours en minorité relative, comme la force physique est donnée à presque tous, et la force de l’esprit à un petit nombre, ce petit nombre attendra patiemment que son tour arrive. Un voyageur moderne, dont le grand sens et l’impartialité sont remarquables[3], affirme que la plupart des hommes éclairés et instruits de l’Union se condamnent volontairement à l’obscurité et à la retraite ; ils redoutent le suffrage universel ; ils fuient devant la tyrannie de la majorité. La chambre des représentans se remplit d’avoués et de procureurs de village, de petits commerçans, et d’avocats qui font de bonnes affaires, et qui souvent ne savent pas l’orthographe, « chose surprenante, ajoute M. de Tocqueville, dans un pays où l’éducation est populaire et universelle. » Ainsi l’intelligence est bannie du maniement des affaires publiques ; un bon sens pratique la remplace : toujours le bon sens de Franklin, celui de Washington.

On ne peut comparer cet essai phénoménal, les États-Unis, aux républiques anciennes, sanglantes aristocraties portées sur leur char de triomphe par des foules de bipèdes rampans. Ici pour la première fois, les masses dominent ; ce qu’elles désirent s’exécute, ce qu’elles abandonnent tombe. Veut-on un succès ? il faut le leur demander. Exercer un emploi ? il faut le mendier et l’obtenir d’elles. La communauté est reine, et l’individu esclave ; il ne peut s’affranchir qu’en gagnant beaucoup d’or : signe unique du pouvoir, symbole devant lequel tous s’inclinent. Personne n’ignore les biens que donne la richesse ; personne ne conteste sa fécondité : à genoux donc en face du comptoir et de la banque, de l’atelier et de la fabrique ; à genoux en face de toutes les manufactures d’opulence ! Que l’intelligence se tourne tout entière vers l’amélioration matérielle ; qu’elle se consacre à rendre le pays fertile, les fleuves navigables, le numéraire abondant, les produits nombreux ; si elle s’avisait de spéculations poétiques, d’élan vers le beau, chacun se moquerait d’elle. Elle fera des journaux et les fera pour le peuple ; elle s’embarrassera peu des formes, du style, de la pensée, de l’originalité, de la perfection ; elle prendra les vices des laquais ; elle sera menteuse, calomniatrice, adulatrice et pillarde ; elle ne sera plus que la servante salariée du bien-être matériel. L’éternelle loi de la nature est renversée ; l’esprit est l’instrument du corps.

La littérature américaine a dû commencer par le journalisme. Chaque maison de poste était le bureau de rédaction d’un journal, imprimé sur papier gris ou jaune, tantôt in-octavo, tantôt in-douze. On y donnait toutes les nouvelles intéressantes : ventes de maisons, arrivée de vaisseaux, formalités judiciaires, achat d’esclaves ; enfin c’étaient des petites affiches. Le journal des États-Unis a toujours marché dans cette voie ; il s’est fait organe des partis, aussitôt que les partis sont nés, mais sans jamais prétendre à aucune force intrinsèque, à aucune valeur littéraire. À l’époque où nous écrivons, les journaux pullulent dans ce pays ; leur nombre menace d’augmenter encore, et les citoyens mêmes de l’Union avouent leur complète nullité[4].

Franklin, dont le nom n’est pas même cité par les auteurs modernes qui se sont occupés de ce qu’ils appellent la littérature des États-Unis[5], est le premier qui, parmi les colons, ait montré quelques-unes des qualités de l’écrivain. Ses Essais, imprimés dans le journal de son frère, se rapprochaient à la fin du style d’Ardisson et de celui de Goldsmith. On y cherchait en vain la naïveté piquante de ce dernier, le Lafontaine irlandais, et le bon ton semi-puritain du Spectateur. L’humour de Franklin était plus humble, plus rustique, plus économique ; elle sentait le marchand et l’artisan ; elle était fort peu littéraire, mais elle offrait le cadre presque complet d’une vie honnête et industrielle ; le Bonhomme Richard a fait le tour du monde.

Benjamin Franklin a rimé quelques vers dont nous ne parlerons que pour mémoire, et qui peuvent se classer, pour la force poétique, tout auprès des Quatrains du sieur de Pybrac. Peu de temps après sa mort, la carrière poétique des États-Unis s’ouvrit par un poème épique, la Colombiade, de Joël Barlow. Le sujet, la découverte du Nouveau-Monde, était magnifique. Rien de plus ennuyeux que ce poème ; et faut-il le dire ? cet ennui est commun à la plupart des poèmes nés en Amérique.

Nous avons expliqué cette énigme. Le bon sens règne sur le pays de Franklin. Voulez-vous chercher la partie poétique de cette civilisation nouvelle ? C’est précisément celle que le bon sens désapprouve, celle qui n’a encore aucune expression littéraire. Voici, dans les forêts lointaines, et dans les vastes prairies, des bacchanales chrétiennes : au centre d’une foule enivrée, un prêtre orgiaque qui se dit chrétien, des danses effrénées et des hurlemens insensés, une exaltation qui rappelle les corybantes antiques. C’est le génie de l’inspiration puritaine, rendu furieux par l’isolement, exalté par la vie sauvage et la longue absence des cérémonies religieuses. Ces revivals, ou ravivemens de la foi, sont terribles et grandioses ; les arrière-neveux des Américains modernes y trouveront de la poésie. Voici encore la lutte des planteurs et de la nature, celle des trappeurs et des sauvages ; brutalité, férocité, existence de meurtre et de vol ; je vous le répète, toute la poésie de l’Amérique. L’Amérique civilisée la voit d’un œil de souverain mépris.

En général, elle se renferme dans le genre de l’idylle. Ce mode pastoral, assez borné de sa nature, se resserre encore dans des limites plus étroites, lorsque le contraste des peuplades guerrières et nomades, la lutte avec la nature sauvage et la voluptueuse rêverie du berger s’en trouvent bannis. Telle est la muse américaine. Qu’elle se garde bien de se montrer passionnée ou trop tendre ! Gare la censure du ministre calviniste ! Point d’excès : le décorum n’admet pas l’excès. N’admirez jamais la nature avec trop de ferveur, vous tomberiez dans le panthéisme ; contentez-vous d’une espèce d’idylle bourgeoise ; il vous est défendu de lui prêter la sensibilité larmoyante et la nuance gris-rose de Salomon Gessner. Un peuple marchand trouverait cette sensibilité absurde. N’allez pas y jeter non plus cette odeur de pipe, de bierre ou de cidre, que Voss, en Allemagne, Philips, en Angleterre, ont si plaisamment, quelquefois si gaiement répandue sur la pastorale, devenue un tableau de Téniers. On est sévère sur l’étiquette en Amérique ; quand on est riche, on prétend au bon ton. Voyez que d’obstacles ! que de négations ! que de chaînes ! quelle contrainte ! Pauvre poète américain ! chante comme tu pourras, dans ta cage puritaine, sous ton niveau populaire, les ailes proprement coupées, sans nid de feuillage et sans ciel d’azur.

D’ailleurs, il y a peu de mal-être en Amérique ; la poésie souffre de cet état prospère. Le mal-être fait les grands poètes. En Amérique, dès qu’un citoyen est mécontent, qu’un fils trouve sa légitime trop courte, qu’un banqueroutier se lasse de sa cinquième banqueroute, il y a, pour tous ces hommes, la ressource du désert, ressource honorable et réhabilitante, colonisation incessante et facile. On défriche, on exploite, on travaille, et nul n’y trouve à redire. La société compte sur cet exutoire perpétuel. Mais aussi elle n’a pas de lord Byron, que les souffrances des salons grandissent et irritent ; pas de chapelain Crabbe qui ait vécu à l’école de la faim et de la souffrance ; pas d’Ebenzer Elliot, qui se plaigne en vers éloquens de n’avoir pas de pain ; pas de Lamartine, que les tourmentes de l’empire et de la restauration aient ramené à la poésie religieuse ; pas de Béranger, qui exprime avec un sourire amer le désillusionnement des peuples. Hélas ! que d’amertume sans doute chez tous ces poètes ! que d’angoisses dans l’inspiration de leurs chants. L’Amérique septentrionale est trop heureuse aujourd’hui de son exertion[6] physique pour produire rien qui en approche.

On ne me forcera pas, je l’espère du moins, à donner une liste complète des poètes américains. À la tête d’un recueil intitulé Selections from the American poets[7], l’éditeur, afin de repousser l’accusation intentée contre son pays, cite une grande quantité de poètes nés à Baltimore, Boston et New-York : Hopkins, Dwight, Barlow, Humphreys, Trumbull, Freneau, Servell, Linn, Lathrop, Prentiss, Boyd, Clifton, Isaac Story, Allen Osborne, Spence, Braynard, etc., etc., une armée tout entière. En effet, voilà beaucoup de gens qui font des vers.

La plupart d’entre eux imitent surtout une femme-poète de second ordre, mistriss Hemans, poète agréable, écho sentimental et triste, remarquable par la tendresse et la pureté de son inspiration, mais plus morale qu’énergique, plus aimable que créatrice. L’accent timide et doux de mistriss Hemans s’accorde avec la moralité scrupuleuse des Américains modernes ; aussi ont-ils adopté avec empressement l’imitation de cette imitatrice. « J’ai lu les œuvres de trois ou quatre cents poètes américains, dit un rédacteur de la Revue américaine du Nord, et je n’en ai pas trouvé plus de trois ou quatre dignes d’estime. — A host of them… three or four good ones… And three or four hundred poor ones.» Parmi ces poor ones, on peut distinguer quelques écrivains qui ont de la pureté, quelquefois de la sensibilité : P. M. Wetmore, négociant de New-York et le Roscoe de sa ville natale ; Samuel Woodworth, qui a écrit des chansons populaires ; Jean Neal, avocat de Baltimore ; Jacques Nack, le sourd-muet ; Edouard Pinckney, officier de marine ; Braynard, éditeur d’un journal ; George Washington Doane, ministre de l’église épiscopale ; H. W. Longfellow, professeur ; N. P. Willis, attaché à la légation américaine de Paris ; Sprague, commis d’un banquier de Boston ; Jean Pierpont, prédicateur unitaire ; mistriss Lydia Sigourney, la seconde mistriss Hemans ; Rodman Drake, qui a essayé la poésie fantastique ; Fitz-Green Halleek, banquier fort riche, et qui se distingue par l’humour et la vivacité.

Mais en général tous ces poètes se ressemblent, l’individualité leur manque. On se rappelle, en les lisant, ce personnage comique de Shakspeare, Dogberry le recors, qui dit toujours que les mauvaises actions dont il est témoin « sont tolérables (il veut dire intolérables) et tout-à-fait fatigantes. » Pour nous servir de la locution de ce bon Dogberry, la médiocrité de tous ces poètes nous semble très tolérable, mais tout-à-fait fatigante. C’est une monotonie extrême, une langueur qui endort, une moralité narcotique.

Rarement l’ame du poète américain s’élève, s’échauffe, s’émeut, se répand au dehors : la sincérité de l’accent, la puissance de l’émotion, la profondeur de l’inspiration lui sont peu connues ; vous le voyez gêné, il chante en tremblant, il pressent qu’on ne l’écoutera pas ; son idée ne le pénètre jamais, et il s’arrête souvent aux mots, heureux et satisfait d’avoir formé, avec des paroles, je ne sais quelle mélodie douce, dont la caresse est plus assoupissante qu’enivrante. À ce triste allanguissement de la vraie poésie, je ne vois d’autre cause que la fausse position du poète. Il a perdu le sacerdoce ; il étouffe dans la boutique ; le marchand est le seul prêtre de la société où il vit. On traite son art de puéril, et il l’exerce puérilement ; quand il veut se relever un peu, il fait de la morale ; pauvre morale enfantine, babillage vertueux en vers rimés ou en vers blancs ; causerie scandée, que l’on pourrait distribuer en prix à toutes les jeunes personnes des deux hémisphères ; poésie qui ne va pas beaucoup plus haut que Florian et Berquin. Le poète d’Amérique se renferme (ce qui est louable) dans les limites du décent et du convenable ; il met de la probité dans sa versification, de la loyauté dans son mètre, un extrême fini dans sa strophe, de l’exactitude dans sa main-d’œuvre et de la chasteté dans ses tableaux ; toutes ces choses assurées, il s’attache à ne rien négliger ; la description l’entraîne ; nul choix dans les détails : il marche devant lui, peignant les passions à la gouache, amortissant les teintes trop sensuelles et trop fortes, copiant les instrumens de ménage, ainsi que les armures de guerre, craignant de pervertir son public, et ne craignant pas assez de l’ennuyer.

Trois poètes, Bryant, Percival et Dana sont dignes d’être mentionnés. Le sentiment moral est profond et chaste chez Bryant ; il ne manque ni de pureté, ni d’élégance, mais de verve. On ne sent pas assez vivement dans sa poésie le souffle de l’inspiration. James G. Percival, avec plus d’inégalités, a peut-être plus de génie. La prolixité, l’entassement des images, la lenteur des périodes et l’incorrection déparent presque toutes ses œuvres. La misère et l’isolement ont peut-être flétri dans le germe cette intelligence née pour de grandes destinées ; et quelques-uns des morceaux sortis de sa plume annoncent qu’il se serait élevé jusqu’à la passion, si la passion pouvait fleurir en Amérique. Enfin George Dana, qui jouit aujourd’hui de toute la popularité que les Américains peuvent accorder à un poète, s’est habilement modelé sur le type de Wordsworth. Vous retrouverez chez Bryant le calque de Campbell ; chez Percival l’imitation de Byron ; chez Dana, celle de Wordsworth. Vous diriez qu’un écrivain des États-Unis ne peut être lui-même. Il faut aussi reprocher aux hommes de ce pays le peu de mobilité de leur imagination. La plupart épuisent un sujet ; ils marchent ; leur pas est grave, égal et monotone ; ils ne savent ni s’arrêter, ni s’élancer.

Citons quelques fragmens de poésie américaine :

Les leçons d’une Mère.

« — Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est l’alouette ! À peine le matin a souri sur la montagne, elle part d’un élan, et quitte la mousse de son nid. Elle part, et la goutte de rosée brille encore sur son sein ; elle part, et l’hymne de joie jaillit déjà de sa poitrine ; hymne d’amour, qui chante le Créateur. Toujours, mon fils, que les chants de ta matinée soient un hymne au Dieu de bonté !

— Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est la colombe ! Entends-tu ? sa voix est tendre, sourde, plaintive, comme le pleur[8] du veuvage. Elle attend le retour du bien-aimé, et son gémissement est continu comme le bruissement de l’onde qui s’écoule. Toujours, mon fils, sois, comme elle, fidèle à tes amitiés, constant dans tes amours.

— Qu’est-ce que cela, mère ?

— Mon fils, c’est l’aigle ! Orgueilleux et joyeux, il monte dans le ciel. Sûr de sa force, l’enfant des montagnes fend la nue orageuse et brave l’éclair rougissant. Son aile puissante lutte contre le vent ; son œil de feu s’arrête sur le soleil. Il va, il va toujours ; son vol est droit et rapide. Toujours, toujours, mon enfant, puisse ta vie imiter le vol de l’aigle ; rapide, hardie, puissante, invariable, infatigable, inflexible ! »

Ces stances, assez jolies, sont de M. Doane, ministre unitairien.


Cette poésie domestique a du charme ; elle n’a point d’élévation : elle ressemblerait aux inspirations premières de la muse slave et lithuanienne, si cette dernière n’était ingénue comme un enfant, et simple comme le chant de l’oiseau des bois. J’aime la naïveté du berceau ; le garçon de boutique peut être simple sans prétendre qu’on l’admire. C’est quelque chose de délicieusement suave que les petites odes lithuaniennes, si courtes, si mélodieuses, si gracieuses, qui émanent d’un sentiment tendre, et s’exhalent d’un cœur paternel, d’une émotion filiale, d’un souvenir de mère. Aucun des grands mouvemens de la vie civilisée n’a encore diversifié ce tissu primitif des affections humaines, cette naïveté charmante, qui jaillit d’un terrain fécond et vierge encore. La poésie américaine, au contraire, est revenue à la naïveté par la stérilité ; c’est une poésie d’économie et de jeûne, une poésie pénitentiaire.


Un autre poète[9] adresse la pièce suivante à un enfant fatigué d’avoir joué.


« Tu as bien joué ! et te voici las ! Qu’as-tu donc fait pendant le jour entier ? Tous les êtres ont accompli leur destin de la journée : les oiseaux se taisent ; l’abeille ne murmure plus ; le soleil glisse en se perdant au sommet de l’arbre, au sommet du clocher ; la colombe a fui sous son ombrage protecteur ; les feuilles épaisses cachent les nids qu’elles abritent : voici le crépuscule ; enfant ! qu’as-tu fait de ta journée ?

« Que vas-tu dire à ta mère, quand tu reviendras près d’elle ? Ce que ta petite voix lui avait promis le matin, l’as-tu fait ? As-tu pardonné ? as-tu aimé ? Ton camarade a-t-il reçu de toi d’heureuses et douces paroles ? Dans les bois, au bord des ruisseaux, quel enseignement as-tu recueilli ?

« Va ; une soirée arrivera, la soirée du grand jour : tu seras las encore, mais non d’avoir trop joué ! Ton corps pliera, tes yeux se fermeront comme aujourd’hui. Tu diras : « Pourquoi l’ombre est-elle si lente à se répandre ? je voudrais, je voudrais dormir ! » Dieu veuille qu’alors ton front soit pur comme aujourd’hui, pur de péché et de honte ! Quel compte auras-tu à rendre de ta journée, la journée de ta vie ? Si ta main s’est ouverte, si ton cœur s’est livré à la pitié ; si la pénitence a mortifié ton ame, et que les éloquentes voix de la nature t’aient révélé leurs saints mystères ; si ta sympathie s’est associée à ce qui est humble, à ce qui est grand ; — ces souvenirs, enfant, calmeront ta lassitude ; ces souvenirs auront pour toi des charmes ; tu verras la nuit venir ; — et tu ne trembleras pas, et, paisible comme aujourd’hui, tu t’endormiras sur le sein maternel ! »


Le sujet traité par Percival, dans le morceau suivant, prêtait à l’expression la plus pathétique.

La Femme abandonnée.

« Il ne vient pas ; la lune est descendue dans le ciel ; je veille toujours ; il ne vient pas.

« Ah ! ce ne fut pas toujours ainsi. Pendant que son orgie l’entraîne et l’enivre dans la ville voisine, il oublie que je pleure ici, que je pleure amèrement. Quand il viendra, sa voix sera dure et grondante ; je pleurerai encore, et mon enfant, qui s’éveillera dans son berceau, mêlera sa faible voix à mes larmes. Veiller là, sur ce berceau, veiller en mère sur ces petites paupières closes, c’est le dernier délice de mon cœur désespéré.

« J’avais un époux autrefois ; je n’en ai plus ; la colère est toujours sur son visage ; il boit le poison d’une volonté fatale sur les lèvres d’une femme sans mœurs, comme l’abeille s’enivre du venin que renferme la feuille du laurier. Je ne puis le haïr, pourtant ! Ah ! que sont devenues les heures où mon regard ne se détachait pas du sien ! — Je l’aimais tant ! — il m’aimait aussi ! La marche silencieuse des heures semait de fleurs toute notre vie. Qu’il revienne ! qu’il sourie seulement ; mon cœur se rajeunira, et toute ma tendresse va se réveiller.»


Cette pièce est touchante ; elle est bien, sans être mieux ; et, au milieu d’une naïveté qui plaît, on y cherche en vain la trace ardente du génie.


Mais citons un morceau plus énergique ; un petit conte écrit en strophes, et qui jouit d’une grande réputation par delà les mers. Le Boucanier, de tous les poèmes américains le plus énergique et le plus original, est encore une imitation. Wordsworth avait chanté le Vieux Matelot puni par le ciel pour avoir tué un albatros ; Crabbe, en écrivant son Pierre Grimes[10], avait donné, pour ainsi dire, l’anatomie complète du remords ; Byron avait jeté de l’intérêt sur la vie du corsaire. Toutes ces sources d’intérêt, le fantastique de Wordsworth, la vie sauvage des brigands de la mer, le repentir furieux dans une nature vulgaire, ont concouru au poème de Dana.

Le Boucanier.

« Il y a neuf lieues, du rivage à l’île. C’est une île solitaire, bordée de roches aiguës et dentelées ; point de bruit sur sa grève, point de bruit sur ses rochers âpres ; vous n’entendez que le roulis des flots, quelquefois le cri de la mouette qui, fendant d’une aile hardie l’écume blanche et jaillissante, revient trouver son nid sauvage. »

Ainsi parle le poète.

Il raconte ensuite que, depuis douze ans, le roi de cette île solitaire est Mathieu Lee, le boucanier, le meurtrier ; un homme trapu, à l’œil gris, au sourcil épais, au front bas, à la parole tour à tour violente et terrible, ou douce et caressante. Quiconque approchait de l’île, tombait sous sa hache ; les chaloupes chargées de matelots ne l’effrayaient pas ; il les attirait dans un piége, les tuait et les dépouillait. C’était un terrible homme que Mathieu Lee. Ses expéditions augmentaient sa fortune ; mais il dépensait beaucoup ; et un jour, je ne sais quel caprice le dégoûtant de cette existence aventureuse et sanguinaire, il arma un beau navire qu’il chargea de marchandises. Son intention était de devenir honnête homme. La mer ne fut pas de cet avis ; elle désempara le vaisseau, qu’elle jeta fort maltraité sur une côte d’Espagne.


« Ah ! s’écrie le boucanier, le métier de bon capitaine ne me réussit pas ! le navire est dans cet état ! À notre ancien labeur, mes enfans ! radoubons le vaisseau, et repartons ! »

Une jeune Espagnole, riche, qui vient de perdre son mari dans les guerres d’Espagne, va partir pour l’Amérique ; Mathieu Lee la prend sur son bord, avec ses domestiques, ses femmes et tout ce qui compose sa fortune. Laissons parler le poète.

« La lune monte, la nuit avance ; sous le mât, un homme se tient debout, pensif, les bras croisés ; c’est Mathieu Lee ! — Tu sais quelle est ta promesse ; tu sais qu’elle est jeune et malheureuse ; qu’elle est seule et qu’elle se fie à toi !

« Tu sais qu’elle te parlait avec plaisir et t’écoutait avec douceur : tu étais plus heureux et moins sombre, quand sa voix harmonieuse s’adressait à toi. Pauvre enfant ! elle n’a point de consolateur ! Non, Mathieu Lee ! tu ne lui feras pas de mal. Mathieu regarde la mer calme et le ciel calme ! Un murmure et un juron lui échappent. — « Pas ce soir ! la nuit est trop belle ! »

« Mathieu s’endort ; il rêve d’or et de diamans ; il étend ses mains avides vers un monceau de perles étincelantes ; il s’éveille en criant : Un rêve ! Se laisser troubler par un rêve ! Non, non, ce n’est pas possible ! Ce repentir passager t’a donc ôté le courage ? Sois homme, morbleu, et ne perds pas l’occasion de la fortune, parce qu’une femme est triste !

« Allons, main sanglante, il te faut du sang ! prends-le ! L’écume roule sur la crête des flots ; les étoiles se cachent et se troublent ; l’Océan pleure sur les morts qu’il a ensevelis. L’œuvre fatale va commencer ; Mathieu a fait un signe ; l’équipage silencieux glisse dans l’entrepont ; le vaisseau marche, comme un tombeau sur la mer, sans faire de bruit ; on entend, du fond du navire, jaillir des cris affreux qui semblent émaner du centre de la terre ; des cris infernaux : — on égorge les passagers dans leur sommeil.

« L’accent de l’agonie, le hurlement, le gémissement, la lutte, les coups portés et rendus, la malédiction, le sanglot, le soupir, la prière étouffée, le dernier râle, le sourd murmure, tous ces bruits se confondent. Et la lampe de la cabine éclaire douloureusement ces hommes pâles, ces joues brûlantes, ces taches de sang, ces fronts humides, ces mains chaudes et rouges. — Lee arrive et regarde. — « Ah ! ils dorment bien ; et leur réveil n’aura pas besoin de valet-de-chambre. »

« Mais la porte s’ouvre ; on entend une voix perçante ; on voit une forme sépulcrale, une longue robe blanche, des cheveux épars, une femme ; elle s’élance, elle court. — Un bruit dans l’eau ! Tout est dit. — Flots aux crêtes bruyantes, savez-vous ce que vous entraînez dans votre marche triomphale ?

« Il s’agit d’emporter les cadavres ; on les tire de cette chambre dont la lampe va s’éteindre. Leurs funérailles seront sans prières, leur cénotaphe sans amis. Les vagues avides dévorent les cadavres un à un ; elles les dévorent, passent et grondent.

« Encore un ! s’écrie Lee. Il reste un cheval, le beau cheval de guerre que cette femme avait placé sur notre bord. Qu’on aille chercher le cheval ; il est habitué à se laisser monter ; qu’il monte l’Océan et qu’il essaie !

« Le cheval est jeté à la mer. Quel hennissement ! Jamais clameur aussi épouvantable n’a couru d’un bout à l’autre bout de l’horizon. Il monte, il descend ; il hennit toujours ; et l’écho de cette clameur arrive jusqu’à Lee, tantôt sourde, tantôt bruyante. À travers l’onde prismatique, ses prunelles rouges étincellent comme des prunelles de démon irrité. La peur ressemble à de la colère ; il tombe, il remonte, il nage encore ; il n’est pas mort. Oh ! vous entendrez long-temps encore cet épouvantable cri.

« Allons, tout est dit. L’or est à nous. Lavez-moi cette tache. Qui diable repousserait la fortune quand elle se présente ? Enfans, enfans, partageons nos gains. Partageons en frères ; la nuit a été bonne ! »

« On chante, on joue, on rit, on boit ; la joie est sur le vaisseau. Point de prière, peu de sommeil. Le diable est roi. Jack s’écrie : — Mathieu nous trompe ! — Mathieu le frappe au cœur. — C’est mal, reprend un autre. — Mathieu frappe un second coup.

« Eh bien ! dit-il au reste, n’êtes-vous pas contens ? notre part sera meilleure. »


Le boucanier met le feu à son vaisseau ; accompagné de ses complices, il regagne l’île des Forbans.

Un an après, Mathieu Lee, que cette prise a enrichi et qui brave la loi dans son île, veut renouveler l’orgie et fêter l’anniversaire de cette nuit de massacre. On boit beaucoup ; on parle du cheval blanc, de sa navigation périlleuse et de son hennissement infernal. Le boucanier est ivre.


— « Mais là-bas, dit le poète, sur la mer, qu’aperçoit-il ? D’abord une étincelle, une étoile, une flamme rouge qui grossit et avance, qui ressemble bientôt à la lune sanglante dans le ciel désert, puis à la comète échevelée, puis à un navire en flammes. Il vient, il marche, ce vaisseau embrasé, projetant ses vagues sur les promontoires et sur les baies, sur les montagnes et sur les collines. Il va, il va toujours ; et du sein de l’incendie furieux, Lee voit sortir une tête, la tête du cheval blanc ; bientôt c’est le cheval tout entier qui se montre, qui gagne le rivage et qui approche. De ses flancs diaphanes sort une lueur sépulcrale. Il brille en galopant vers la porte de Mathieu Lee ; le même hennissement terrible résonne ; la face de Lee a blanchi, le verre tombe de ses mains, ses lèvres sont immobiles et pâles.

« Je ne puis rester là, s’écrie-t-il. Il faut que je parte ; je le sens, il le faut. Le cheval est à la porte ; l’entendez-vous ? Il m’appelle. »


Le poète, qui abandonne l’imitation de Wordsworth et de Byron pour s’attacher à celle de Burger, peint fort bien la course rapide du cheval de flamme et de Mathieu ; le cheval-fantôme s’arrête sur un roc, et laisse le boucanier contempler d’un œil épouvanté l’incendie du vaisseau. Puis le cheval-fantôme disparaît ; la folie s’empare du meurtrier, qui, naguère tout puissant dans l’île, devient le jouet des petits enfans, et meurt sous le poids du remords.

On voit ce qu’il y a de forcé, d’étrange et de commun dans la donnée du poème, et combien d’idées étrangères Dana s’est vu obligé de mettre à contribution. C’est la fuite de Lénore, c’est le coursier des morts va vite ; — c’est la vengeance divine et le remords incarné du mariner. Je ne sais quelle puissance mélodramatique et de pure décoration l’emporte sur la profondeur, sur la beauté des détails ; et le lecteur, tout étonné qu’il soit, ne ressent pas cette vibration intérieure qui annonce que le poème est là.


Ainsi les Américains ont été, jusqu’ici, semblables aux mauvais classiques parmi nous ; ils ont copié des copies ; ils ont donné la contr’épreuve d’une contr’épreuve. Lorsque la poésie de lord Byron fit naître l’admiration générale, l’anathème énergique de ses vers trouva une foule d’imitateurs dans les États-Unis. À Walter Scott ont succédé plus de cent romanciers sans coloris. Comme ces rhéteurs de collège qui se croient de petits Cicéron par la grace du Flores latinœ locutionis, et de petits Virgile par la faveur spéciale du Gradus, les Américains ont pris des mots pour des idées, et des formes pour des sentimens ; leur littérature est vide ; elle puise sans cesse aux sources européennes, sans atteindre ni la perfection qu’elle imite, ni l’originalité du génie. Chez tous ces poètes américains, l’alouette chante, parce que Shakspeare a fait chanter l’alouette ; malheureusement l’alouette ne chante pas en Amérique : ils sont aussi fort éloquens à propos du rossignol, et l’Amérique n’a jamais entendu le rossignol chanter. C’est un géant dans les langes ; ses bras sont nerveux, sa vigueur physique étonne ; il marche, il lève sans peine un poids énorme, il a précisément ce qu’il faut d’intelligence pour l’action physique. Mais son esprit n’a pas dépassé encore les limites de la vie matérielle ; il a montré du cœur dans les grandes circonstances ; enfant sage, économe, rangé, industrieux, courageux, sa sensibilité dort sous le livre de compte ; son imagination est à peine éclose, sa poésie bégaie. Étrange spectacle que celui d’une énergie matérielle si intense, et d’une pensée dans les lisières de la première enfance ; d’un pays si grand et si petit, si puissant et si faible.

Puis, je le répète, l’Amérique est trop uniformément heureuse.

De quelle civilisation confuse et bizarre sont sortis Corneille, Racine, Molière ! Les types originaux abondaient alors ; la société fourmillait d’anomalies ; il y avait dans les mœurs françaises quelque chose du fanfaron espagnol, de l’intrigant italien, du séditieux de la ligue et du vieux Gaulois. Les originalités plaisantes pullulaient de toutes parts : un contemporain a rempli des volumes de toutes les anecdotes bizarres que fournissait l’époque. Le sol était préparé pour Labruyère et pour Molière. L’Amérique actuelle, dont la population augmente si rapidement, ne présente rien de semblable à cette société bigarrée, bariolée, extravagante, rieuse, aventureuse, folle, goguenarde, héroïque. Tout y est réglé : des mariages, conclus dès l’adolescence, se perpétuent sans orage et sans passion jusqu’à la dernière vieillesse ; des spéculations heureuses ou malheureuses font et détruisent les fortunes ; une activité digne d’estime entraîne tous les citoyens ; un mouvement politique dont la ferveur s’exhale en pamphlets et en journaux occupe les esprits ; enfin une prospérité financière et industrielle, que la raison approuve, et qui n’est cependant que la première assise de la civilisation, prépare l’avenir de ce monde nouveau.

Une teinte pâle et morne se répand sur la poésie. Sa douceur monotone fatigue l’oreille, sa langueur inanimée assoupit l’ame en la berçant de pensées plus communes que mélancoliques. Chaque vers semble un écho affaibli de quelque poésie étrangère ; chaque idée, un souvenir emprunté à la vieille Europe. D’imitation en imitation, d’emprunt en emprunt, vous parcourez ainsi toute une forêt de stances, de vers rimés ou non rimés ; et votre ame n’a conservé aucune impression puissante ; elle ne s’est point émue dans ses profondeurs. Quelquefois les plus heureux entre ces poètes parviennent à faire naître un recueillement religieux, une pieuse rêverie. C’est le seul sentiment vrai et contagieux que cette poésie renferme, que cette civilisation suppose : mais ce sentiment n’étant pas combattu par des passions ardentes, manque d’intérêt dramatique ; une fois que le poète a élevé son ame à Dieu, il n’a plus rien à dire. Il chante la noblesse et la puissance du Créateur ; puis il se tait. Il a aussi des hymnes (tels que je les ai répétés) en l’honneur du foyer domestique, mais sans beaucoup d’énergie ; il ne craint rien pour ce foyer, ni la guerre étrangère, ni la guerre civile, ni la famine, ni les incursions des sauvages, ni les volontés du tyran. Ses fils seront élevés pour le commerce ou l’agriculture ; il ne redoute pour eux aucune des séductions terribles que fait naître notre civilisation européenne. Il est trop paisiblement heureux, trop facilement moral par tempérament et par habitude ; sa destinée marche avec une simplicité trop grave. Il n’a pas même le loisir de se créer ces douleurs de mélancolique rêverie, ces douleurs voluptueuses dont nous connaissons toute l’amertume et toute la sensualité, ces peines raffinées qui sont des tristesses de luxe. L’état social dans lequel il vit l’oblige à l’activité la plus constante ; tout ce qui l’entoure partage cette activité ; les routes se creusent ; les rainures se forment ; les bois s’abattent ; l’eau gronde dans les canaux ; le sol est bouleversé ; les manufactures naissent ; les machines sifflent, murmurent, enfantent leurs produits ; les villes sortent de terre comme les fungus après la pluie ; la vapeur et les chemins de fer anéantissent l’espace et multiplient la terre. Poésie ! poésie ! toi qui veux le silence, l’ombre, le bonheur du repos ; toi qui n’es féconde que loin de l’activité matérielle et de la production brute, tu n’as rien à faire en un tel pays.


Mais du moins l’éloquence et l’histoire devraient y prospérer. La parole est un pouvoir énorme, un levier sans égal, là où nul intérêt n’échappe à la discussion publique. Nous n’avons point assisté aux séances du sénat américain, et nous ne pouvons juger cette éloquence républicaine que d’après les rapports des voyageurs, qui tous s’accordent à lui reprocher la diffusion, la prolixité, le pédantisme même[11].

Je n’ai lu qu’un seul passage de Daniel Webter qui ait produit sur moi l’impression de la haute éloquence. « Dans les assemblées politiques des États-Unis, il semble, dit Hamilton, que parler long-temps équivaille à bien parler. »

Les Américains des États-Unis ont regardé comme un modèle d’éloquence le discours prononcé par Everett, homme d’ailleurs distingué, après la mort de Lafayette. Faneuil-Hall, le berceau de l’Union américaine, était orné de draperies ; un théâtre s’élevait au milieu de la grande salle ; on voyait d’un côté le buste de Lafayette, d’un autre le portrait de Washington ; on avait voilé d’un crêpe cette statue et le portrait. Tout était calculé pour l’effet dramatique. J’avoue qu’après avoir lu attentivement cette composition imprimée, il m’est difficile d’y trouver autre chose qu’une véritable amplification de rhétorique. Après s’être adressé successivement à la statue et au portrait, l’auteur s’écrie : « Vents qui avez conduit ici les pèlerins puritains, allumez dans les cœurs de leurs petits-fils l’amour de la liberté ; — sang que nos pères ont versé, criez du sein de la terre ; — voûtes de cette salle, faites retentir les voix du temps passé ; — glorieux Washington, rompez le silence prolongé de ce canevas votif ; — et vous, parlez, parlez, lèvres de marbre, enseignez-nous la liberté protégée par la loi ! » Faut-il admirer cette éloquence puérile qui nous rappelle trop les essais du collége ? Est-ce là une éloquence virile ?

L’histoire, qui avait à retracer de grandes actions, aurait pu atteindre une certaine hauteur. L’esprit d’exactitude mercantile l’a frappée de paralysie. L’historien américain veut tout dire, tout prouver ; il apporte tous ses documens, cite toutes ses autorités. Vous croyez voir un notaire inventoriant des manuscrits ou dressant un catalogue. Dominée par les habitudes commerciales, cette histoire se rapproche toujours de la probité de détail, de la boutique et du magasin : espèce de rigidité pharisaïque qui n’a point de parenté avec le génie. Bancroft, dans son histoire des États-Unis, dont un seul volume a paru ; Jared Sparks, dans ses biographies[12], ont prouvé cette incapacité de concentration, cette absence de vues générales, d’idées philosophiques, ce défaut de talent graphique, qui font des annales humaines je ne sais quoi de sec, d’aride, de diffus et d’inutile. Sparks écrit avec lucidité ; ses recherches sont vastes et consciencieuses. Bancroft a des prétentions plus élevées, que justifient son érudition fort étendue et le soin qui préside à ses investigations. Mais rien ne marche, rien ne se groupe, rien ne se colore ; point de mouvement ni de force ; point de hardiesse dans l’exécution, ni de largeur dans le dessin ; toujours une main incertaine, tremblante ; une forme lâchée, molle et prolixe ; toujours des documens pour l’histoire, jamais d’histoire.


Trois écrivains, Washington Irving, Fenimore Cooper et Channing, ont franchi la barrière de l’Atlantique et sont connus en Europe. Deux d’entre eux sont devenus populaires en Angleterre et en France. Je me serais arrêté davantage sur ces célébrités, qui nous appartiennent, si l’opinion publique n’était pas fixée depuis long-temps sur leur compte. Il serait injuste de ne point leur adjoindre Jonathan Edwards, métaphysicien de l’école écossaise.

Aux yeux de l’Europe, toutefois, il n’y a que deux représentans intellectuels des États-Unis : Irving et Cooper. Les Anglais ont de l’estime, et non sans raison, pour un ou deux romanciers secondaires ; pour Charles Brockden Brown, auteur de Carwin et de Wieland, écrivain assez énergique, qui imite l’anatomie sentimentale et l’énergie concentrée de Godwin ; et pour miss Sedgwicke, auteur de Hope Leslie.

Il est incontestable que le succès de Walter Scott a éveillé le talent de Cooper. Seul, et que cet honneur lui soit rendu, il a su choisir le côté saisissant de la vie américaine. Officier de marine, il a merveilleusement reproduit le combat de l’homme avec l’océan ; il a montré le navire, être vivant, luttant avec la nature et la tempête et l’ennemi. Il s’est enfoncé dans les forêts primitives ; il a peint, si ce n’est avec une vérité complète et précise, au moins avec une énergie virile et frappante, le développement des caractères humains dans la solitude. Quant à la société civilisée, il ne l’a jamais décrite sans un insuccès complet et fatal à sa réputation.

La Hollande et l’Écosse ont contribué à la formation du caractère américain : l’amour du foyer domestique et des vertus de ménage distingue également ces deux pays. Aussi trouve-t-on dans les pages de Washington Irving, et surtout dans un petit roman de Paulding intitulé le Coin du feu du Hollandais, un sentiment vif et puissant de ce home, de ces jouissances intérieures, de ce bonheur paisible, de cette existence retirée, calme et contemplative. Le puritanisme, avec sa sévérité biblique, développait ce sentiment de la vie domestique ; et dans les cantons où l’agriculture règne encore, dans les provinces que le commerce n’a pas envahies, on trouve mille débris de l’existence patriarcale. Irving l’a reproduite avec un grand bonheur dans quelques-uns de ses essais. Mais, chose singulière ! ce ne sont pas ces écrivains qui sont les vrais organes de la semi-civilisation américaine : Audubon, dans un magnifique ouvrage sur les oiseaux ; Châteaubriand ; Campbell, dans son admirable poème (Gertrude of Wyoming), ont peut-être mieux fait comprendre à l’Europe la beauté, la nouveauté, la singularité spéciale de la nature transatlantique, sa grandeur colossale, ses peuplades inconnues d’oiseaux et de mammifères, que les Irving, les Cooper et les Paulding.

Un des plus éloquens écrivains de l’Amérique est cet Audubon que je viens de citer. Les critiques des États-Unis le citent comme naturaliste, et ce n’est pas assez. C’est un admirable coloriste de style. L’orateur artificiel qui, pendant six séances, endort noblement la patience des législateurs et les force d’écouter, fidèles à leur mandat, des fragmens de mauvais latin mêlés à un nombre infini d’hypotyposes et de catachrèses, cet homme passe pour un Démosthènes. Audubon, qui a jeûné et veillé dans les bois, ivre de son étrange et fanatique amour pour la nature transatlantique ; Audubon, qui a reproduit ses émotions et décrit de couleurs aussi éclatantes et plus vives que Buffon les mœurs des oiseaux et des quadrupèdes de ces forêts, n’est pas même compté parmi les prosateurs.

À Washington Irving[13] appartient le reflet douloureux et comme le regret de la civilisation européenne ; reflet pâle et triste comme le clair de lune ; regret combattu par l’orgueil des nouvelles institutions républicaines. La pensée intime de Washington Irving, pensée à peine avouée, imprime à son style cette faiblesse et cette douceur de coloris qui ne sont pas sans grâce ; il cherche l’inspiration poétique dans le passé de l’Europe. Il imite les formes d’Adisson et de Goldsmith, comme un moderne imite les formes latines de Cicéron et de Virgile. Il est lent dans sa marche, il détaille minutieusement comme tous ses compatriotes.

Ce défaut est devenu le mérite de Fenimore Cooper. En dressant l’inventaire exact d’un navire et de ses agrès, de la hutte du planteur et des ustensiles qui s’y trouvent, du wigwam sauvage et de ses ornemens, Cooper nous apprend assez de choses nouvelles, pour que l’intérêt naisse de la curiosité. Aussi le lit-on avec plaisir. Dès qu’il repasse l’Atlantique et retrouve l’Europe ; dès que cette exactitude minutieuse s’applique aux objets que nous connaissons, dans les scènes qu’il emprunte à l’histoire vénitienne et allemande, le peintre souvent admirable des déserts et des colonies primitives retombe au niveau des plus médiocres conteurs.


C’est ainsi que la littérature des États-Unis m’est apparue, après une assez longue étude consacrée à ses écrivains. Loin de moi l’idée de rabaisser cette nationalité littéraire et de partager avec mistriss Trollope la triste gloire de ravaler un peuple grand, quoique jeune : Hercule au berceau. J’ai exprimé, comme disent les Anglais, honnêtement ma pensée, my honest thought. Que d’autres la jugent. Selon moi, le temps littéraire n’est pas venu pour ce vaste pays. Là l’esprit passe sous le même niveau qui égalise toutes les conditions humaines ; les hommes d’élite se taisent ou s’éteignent ; les supériorités d’intelligence meurent comme les supériorités de rang. Curieux et fabuleux spectacle, de voir cette démocratie de l’Amérique septentrionale, idole immense, toujours prosternée devant elle-même, et s’adorant éternellement, anéantir la minorité, écraser toute opposition, même mentale, proscrire toute liberté de pensée, et vivre heureuse ainsi ! La liberté matérielle et mécanique lui suffit à présent. Pour elle, tous les individus ne représentent qu’une seule puissance, le labeur ; c’est lui qui est nécessaire et qui règne. La société américaine est un atelier. Là, le travail de l’esprit est secondaire et vassal, le travail des bras indispensable et suzerain. Situation diamétralement contraire à celle du moyen-âge en Europe. Alors la domination du spiritualisme était écrasante ; les arts matériels n’acquéraient de valeur que s’ils étaient symboles d’une pensée. Le moyen-âge catholique a fait son œuvre. Que l’Union américaine fasse la sienne.

Toutes les civilisations donnent leurs produits, modifications presque infinies de l’humanité, que, pour comble de bizarrerie, l’humanité n’observe jamais. Pour moi, si je cherchais un amusement, ce serait celui-là. Les races intellectuelles et morales de notre espèce sont plus intéressantes à observer que les races des animaux. Quel caractère naît d’une société commerciale ? Le besoin du lucre, l’esprit commercial ne laissent-ils pas bien peu de diversité à l’expansion de l’ame et de l’esprit ? Un marchand ressemble terriblement à un marchand. C’est un homme utile et estimable qui vend le plus cher possible, achète au meilleur marché possible, hasarde peu, dote sa fille, met ses affaires en ordre et meurt. N’oublions rien ; il appartient à la garde civique, et (si le cas échet) à la garde nationale ; c’est là son héroïsme, hélas ! peu coûteux et qui se résume en quelques gardes montées. Tout au plus, s’il est membre d’un conseil de discipline, exercera-t-il sur ses concitoyens une sévérité de Brutus.

Mais la société américaine existe, et n’a pas de poésie originale. C’est une littérature de reflet ; un tel malheur n’était arrivé à aucun peuple.

Toutes les nations d’Europe, malgré les influences qui les ont dominées, sont devenues mères d’une littérature à part. Nous sommes les fils des Grecs et des Romains. Les Espagnols et les Anglais ont reçu l’influence arabe et gothique, l’influence teutonique et saxonne. Cependant ces peuples possèdent une sève littéraire très marquée, très distincte, et qui a donné de curieux produits. Quant aux États-Unis, rien de tel. Ce peuple a prouvé sa grandeur ; il a ses lettres de noblesse, il marche en tête des peuples libres ; il est fort, persévérant, hardi, intelligent ; il commence à balancer l’Europe ; on tourne les yeux vers lui ; l’Europe, dans sa vieillesse, est tentée de demander conseil à cette contrée nouvelle. L’Union américaine a de belles villes, des havres magnifiques, un commerce florissant, des navires admirables, et point de littérature. Elle a une société et une civilisation animées, qui doivent produire des contrastes, des intérêts, des passions, des caractères complexes. La nouveauté inouie de cette civilisation doit ajouter à la nouveauté de ces caractères même ; et cependant la Muse ne se montre pas, et l’inspiration n’est pas née !


Je m’arrête sur cette observation, parce que le mouvement social qui nous entraîne n’est pas sans analogie avec le mouvement américain. Et pendant que tout nous porte vers les habitudes commerciales et bourgeoises, l’art, qui paraît prévoir sa décadence, se rue avec fureur, si j’ose le dire, dans toutes les orgies qu’il peut inventer. Il marche à rebours de la société réelle. La société réelle est terre-à-terre ; l’art se déguise en corybante. C’est un malheur. La mission de l’art doit être aujourd’hui de ramener les peuples à la raison, non par la violence, mais par l’élévation des idées. Ce n’est pas assez pour un peuple d’être matériellement riche, il ne doit sa vraie grandeur qu’à l’intelligence, développée dans les produits de l’esprit et dans ceux des arts.

Voyez un peu ce qui est arrivé. L’Amérique est la reine de l’industrie. Une si grande nation, et pas de poésie ! Il s’est élevé des écrivains honorables, mais dont aucun ne pouvait créer. Ces hommes honnêtes et vulgaires dans leurs idées, quoique ayant d’ailleurs ce qu’on appelle du talent, se sont donné une peine infinie pour trouver un maître, et parfois ils s’imaginèrent qu’ils le tenaient enfin. Ils firent du Shakspeare, du Dante, du Voltaire ; ils furent aussi peu Américains que possible, sans devenir pour cela Anglais, Italiens ou Français. D’autres, plus fiers, se cantonnèrent dans leur Amérique, et voulurent à tout prix qu’elle fût inspiratrice ; mais cette obstination n’aboutit qu’à prouver la stérilité du sujet. Il y eut des romans estimables, des poèmes parfaitement moraux, et je ne sais quoi encore de malheureusement irréprochable, mais tout cela ne fit point une littérature. La multitude et l’incohérence de ces efforts constituèrent une sorte de protestantisme littéraire, assez analogue au protestantisme religieux, par lequel les États-Unis sont presque tout ce qu’ils sont. L’art américain, divisé par la nature des choses, alla se subdivisant de plus en plus, pour tomber enfin dans une anarchie incurable. Et les États-Unis, après de belles actions accomplies, n’ont eu ni poésie ni littérature, c’est-à-dire ni grand élan d’ame, ni physionomie propre.

Je suis effrayé d’une telle remarque, et je voudrais pouvoir la rétracter. Dire d’un peuple qu’il est froid et indéfinissable, c’est lui refuser la vie, la puissance, donner gain de cause à tous ses détracteurs passés ou futurs. Mais l’avenir reste : il est immense. Cette nation, ou plutôt ces nations, n’ont point leur poésie et leur littérature. Dans les faits littéraires, il y a moins de hasard que dans les faits historiques. Les derniers ont souvent un caractère mobile, singulier, bizarre, qui résiste à la philosophie de l’observateur, et lui refuse éternellement son secret : avec toute la sagacité du monde, on ne voit pas toujours la vraie cause d’une guerre, d’une émeute, d’un acte diplomatique ; mais le mouvement littéraire d’un peuple répond exactement au caractère de ce peuple, à sa religion, à sa gloire, à ses malheurs : de là vient que pour juger un peuple, pour marquer son rang parmi les autres, c’est d’ordinaire sa littérature que l’on cite avant tout. Les nations sont faites de telle sorte, que, pour se comprendre mutuellement, elles ont besoin de résumer en quelques grands noms une multitude d’idées. Elles choisissent donc par instinct les renommées littéraires, pour indiquer lumineusement le pays où elles ont brillé. Shakspeare, Milton, Scott, Byron, n’en disent-ils pas plus sur l’Angleterre, que toute l’histoire de ses guerres, de son commerce ? Corneille, Bossuet, Fénelon, Racine, Mme de Sévigné, ne sont-ils pas la personnification de la France, de son humeur avantageuse, de sa foi, de sa politesse, de sa galanterie, de sa folle sagesse ? Calderon, Lope de Vega, Cervantès, ne sont-ils pas l’Espagne tout entière, l’Espagne fougueuse en amour et en religion, absurde et sublime, imperturbable et bouffonne ; l’Espagne enfin, qui toujours aura en littérature ses Pyrénées, quoi qu’on fasse pour la rendre française ? Grâce à ces quelques hommes, on sait ce que c’est qu’une nation. Essayez cela pour les États-Unis-vous trouverez de fort honnêtes écrivains, qui se croient Américains, et qui ne sont qu’Anglais ou Allemands, quand ils s’élèvent un peu ; ou bien hommes de tel district, de telle partie de ce district, quand ils restent à leur hauteur naturelle : mais vous ne grouperez pas trois ou quatre hommes de génie, qui aient puisé à des sources tout-à-fait américaines, et dont la gloire fasse écho au plus sourd battement du cœur de la nation.

Bien des gens nous diront qu’on se passe de littérature, quand on n’en a pas, et ils pourront féliciter les États-Unis de ce que nous appelons un bonheur ; mais nous invitons les esprits graves à résoudre une grande et neuve question, celle de savoir si une société qui ne peut avoir de littérature est une société modèle ; et par littérature je n’entends point, on le pense bien, une manufacture plus ou moins active de romans, de mémoires, de drames et d’élégies ; mais l’expression de quelque chose, l’image de l’état des esprits, le cachet d’une nation.

Les États-Unis, qui n’ont point de littérature, sont-ils dans les grandes conditions de la vie sociale, telles que les ont faites les nouvelles générations ? Certes, on ne peut le nier aujourd’hui, nous sommes las de calculs, las d’affaires, las de chicanes ; il nous faut ce que les États-Unis n’ont jamais donné, une poésie vivante et véritable, qui rafraîchisse nos ames, et nous porte vers une croyance digne de nous. Les choses positives semblent être la seule passion d’un siècle sans Dieu ; mais si l’on y regarde de près, on reconnaît bien vite qu’elles ne nous suffisent plus. Qui ne s’est arrêté devant ces essais de religion, ces fièvres de progrès, ces monomanies de régénération artistique, dont notre époque fait justice, souvent avec une rigueur si injuste ? Qui n’attend chaque jour, avec une ironie à demi sincère, l’apparition d’un Mahomet ou d’un Bonaparte ? Qui ne s’est dit souvent, dans ses heures d’isolement et de réveil intérieur : Voici venir une grande et très grande chose, que je ne puis définir, mais que je pressens bien ; je ne mourrai pas sans avoir salué l’époque qui va naître : j’y crois d’avance, d’avance j’aime sa pensée infinie, son langage digne de sa pensée ; je la prends telle qu’elle sera, dût-elle être trop belle ; je m’abandonne à ce Dieu qui nous arrive, et par qui nos ames recouvreront les droits que la matière avait usurpés ? S’il est vrai que nous ayons ces besoins, que pourrait faire pour nous la société américaine ?

Cependant l’esprit mercantile nous presse ; et c’est lui qui a usé en Amérique toute inspiration ; l’individualisme y est d’autant plus profond, qu’il se cache sous des formes politiques extrêmement larges, et l’obstination avec laquelle l’Américain nous les vante, n’est pas la moindre preuve de leur inutilité.

L’art ne nous est-il pas nécessaire comme le pain ? Et que feront les arts d’une société sans ressort et sans élan moral, d’une société où le plus vif intérêt sera de créer un nouveau canal et de renverser le parti Jackson ou le parti de la banque, d’une société qui ne connaît de passions que les deux passions les plus tristes et les plus infécondes, celle de l’intérêt et celle des factions politiques ? Vices et vertus, tout, dans une société ainsi bâtie, se trouve contraire au génie des arts. Les grandes existences commerciales, en accumulant la fortune dans certaines mains, en faisant, pour ainsi dire, de grands lacs d’argent au milieu de la société, semblent entraîner la nécessité du luxe, et par conséquent ce besoin du superflu, cet éclat de mœurs, cette splendeur de la vie matérielle, favorable à la peinture, à la musique, à la poésie. Mais les grandes existences dont nous parlons se trouvent en face d’une démocratie toujours croissante. Malgré l’exemple des républiques anciennes, nous ne croyons pas la démocratie favorable aux arts : les républiques anciennes n’étaient que le gouvernement de quelques nobles qui se nommaient citoyens, et qui avaient pour bêtes de somme, pour instrumens et pour prolétaires, l’armée obéissante de leurs esclaves.


Donnez-moi une société passionnée, une grande croyance, d’autres intérêts que les intérêts matériels, des ames facilement ou profondément émues. Donnez-moi de vieilles traditions, des superstitions populaires ; de ces matériaux brûlans vous verrez jaillir une poésie, comme la lave sort du cratère, une poésie bouillonnante et resplendissante comme celle de l’Espagne, une poésie molle et voluptueuse comme celle de l’Italie. La sève des passions fait seule éclore les belles fleurs de la poésie. L’Angleterre n’était pas seulement un pays de commerce, mais un pays d’orgueil aventureux, de factions acharnées et de passions profondes. Le bourreau y jouait le rôle d’une Providence fabuleuse ; l’aristocratie y était puissante et la roture y était fière. Les injustes guerres que la Grande-Bretagne avait soutenues, ses conquêtes sur la France, ses rapports avec l’Espagne, ses essais de domination sur la mer, lui constituaient un passé héroïque et plein d’émotions. Cette civilisation avait marché entre les bûchers et les échafauds, à travers les champs de bataille couverts de cadavres. La pauvre espèce humaine achète ainsi sa poésie ; ce sont nos larmes, c’est notre sang qui la font naître ; elle ne retombe en rosée céleste qu’après avoir été nourrie de ces émanations douloureuses. Que de fureurs théologiques et guerrières n’a-t-il pas fallu pour donner à l’Europe sa poésie ? Que de guerres intestines et de renversemens de trônes, que d’iniquités éclatantes ont valu à la Grèce ancienne son génie ! Hélas ! il faut bien le dire, sans passion, l’art n’existe pas ; et la passion n’est que le développement exagéré des facultés humaines ; la passion est excessive, et elle touche au vice par l’excès ; presque tous les grands hommes, intelligences à la fois passionnées et réfléchies, ont dû leurs souffrances, moins encore à la société qui les environnait, qu’à leurs fautes personnelles. Dante a été vindicatif jusqu’à la rage ; Tasse a été tendre jusqu’à la faiblesse ; la délicate susceptibilité de Racine excitait la raillerie de ses contemporains ; et les fautes de Jean-Jacques, et cet orgueil malade qui lui a fait avouer ses fautes, sont trop connus pour être rappelés. La force de ces hommes était leur faiblesse. La foudre que portaient ces aigles, dévorait leurs ailes puissantes.

Les peuples sont soumis à la même destinée ; médiocres et honnêtes, ils parviendront à la prospérité matérielle, jamais à la hauteur de la pensée, à la beauté de l’art. De grandes fautes et de grandes vertus sont pour les nations des garanties de gloire et de génie ; une probité louable et une vertueuse persévérance contribuent au bien-être, jamais au développement du génie. Ce don fatal, le génie, ce flambeau allumé à la source des passions, comme à une source de naphte, a été refusé aux existences les plus sages et les plus réglées. Si vous faites de Shakspeare un honnête marchand de Cheapside ; que vous enleviez à Calderon son fanatisme catholique ; que vous donniez à Rousseau la paix de l’ame, et la parfaite équité des jugemens ; vous éteindrez le feu qui les tue, mais aussi la pensée qui les éclaire. Si vous ôtez à la France sa sociabilité féconde en défauts et en illusions, sa galanterie ennemie des mœurs et de la fidélité conjugale, sa facilité d’impression et d’émotion ; à l’Espagne son mépris romain pour la vie des hommes et son orgueilleuse étiquette, et son catholicisme terrible et son point d’honneur féroce ; vous dessécherez la sève vitale du génie chez ces nations, diversement grandes. Que faut-il donc conclure ? — que la passion et l’art se touchent ; — que nous devons accepter l’humanité dans tous ses développemens, et chercher un contrepoids aux excès de l’une et de l’autre, dans une moralité haute, passionnée, religieuse, puissante.

Je ne dis point que la vertu soit incompatible avec le génie. Non certes ; peuples et individus n’achèteront pas le génie en adoptant le vice ; mais une certaine probité marchande, une certaine exactitude de comptoir, une certaine piété de formule, une certaine régularité mécanique, éteignent le feu des arts, sans profit pour la véritable vertu. Le sacrifice de soi aux autres, la force héroïque de l’ame, la conviction intime d’une grande vérité, s’allient au contraire à toutes les prédispositions du génie. Et ces vertus d’enthousiasme, remarquez-le, sont à la fois les plus fragiles, les plus passionnées, les plus dangereuses ; elles tendent tous les ressorts de l’ame ; elles sont voisines de l’excès et de l’exagération, elles enivrent la pensée ; souvent à force d’orgueil et d’intensité, elles équivalent à de grands vices. Un seul mobile peut les réduire et les dompter ; une seule loi peut en devenir maîtresse ; il faut l’avouer, quel que soit le dégoût du temps où nous sommes pour toutes les convictions puissantes, cette loi qui conserve la sainteté des passions en dirigeant leur énergique flamme, c’est la pensée religieuse ; c’est la seule modératrice que l’homme ait trouvée, la seule arbitre de ce grand débat entre l’art et la vertu.

Le développement de l’esprit mercantile nous pousse, je le répète, vers une situation assez semblable à celle de l’Amérique du nord. Nous voici marchands et utilitaires. En vain les utilitaires ont essayé de construire sur la base du négoce une philosophie, une poésie. Que faire de grand et de noble, dit Burke, lorsqu’on a pour autel un comptoir, et pour bible Barème ! Gagner de l’argent est une très bonne chose ; le conserver et l’économiser sont de louables habitudes. Notre individualité se trouve très bien de ces vertus personnelles ; il est même vrai d’ajouter que l’ordre, le calme, la netteté de coup d’œil et la prévoyance exigés par le maniement des affaires commerciales sont favorables à certaines demi-vertus ; la ponctualité dans les affaires d’argent se rattache au sentiment de l’honneur ; la modération de la dépense habitue à certaines privations, et l’abnégation porte avec elle une force salutaire. Luxe, débauche, facilité de mœurs, légèreté de conduite, entraînement fatal, facilité, imprudence, imprévoyance, tous ces vices disparaissent et s’effacent nécessairement sous l’influence de la vie marchande. Mais remarquez que les avantages attachés à l’esprit de négoce, sont des négations ; il supprime et ne crée pas ; il émonde et ne fertilise pas ; il arrache des fleurs luxuriantes, sous prétexte que leurs épines sont dangereuses, mais il n’a rien de spécialement, d’intimement fécond. Sous le rapport intellectuel et moral, c’est le néant. Toute sa fertilité est matérielle. Il augmente les capitaux, il supporte les intérêts, il canalise, il défriche, il multiplie les routes, il cherche les mines d’or et d’argent, il invente des machines, il change les hommes en machines, il dispose les populations comme des groupes de chiffres, il demande à la terre autant de gerbes qu’elle peut en produire, aux eaux du fleuve un moteur puissant. Les qualités d’esprit et d’ame que supposent de telles conquêtes, sont des qualités presque négatives ; patience, persévérance, sagacité, tout cela exclut l’élan, le dévouement, l’abandon, le jet spontané de l’intelligence. Mettez, si vous le pouvez, de l’enthousiasme dans l’esprit industriel, et de la verve dans une route à rainures ! Le gain étant posé comme principe et comme but, le dévouement est la plus grande des sottises. Au lieu de la force expansive du génie et de l’art, vous aurez la concentration ardente et avide de l’intérêt. L’intérêt personnel se fait centre, il attire à lui les jouissances matérielles, pour se les approprier et les conserver. Le génie et l’art au contraire sont involontairement magnétiques ; idées, plaisirs, émotions, n’aboutissent à eux de tous les points de l’univers que pour acquérir une force nouvelle, une intensité victorieuse, et rayonner ensuite sur les intelligences vaincues et charmées !


Philarète Chasles.
  1. Dans la Colleccion de las piezas dramaticas de los autores espanoles (Madrid 1826), les éditeurs ont inséré deux comédies de don Juan Ruiz de Alarcon y Mendoza, Mexicain. Ce nom, à peine connu en France, est peu apprécié même en Espagne. C’est à lui que Corneille doit le Menteur (la Verdad sospechosa). Au mérite de l’invention la plus féconde, Alarcon joint une facilité, une énergie, une pureté d’exécution qui l’auraient placé au premier rang, si les critiques de tous les pays, vrais moutons de Panurge, ne s’étaient contentés de copier leurs prédécesseurs.
  2. Washington Papers, edited by Jared Sparks.
  3. M. de Tocqueville.
  4. V. North-American Review, No 60. — Athenœum, Letters on America, etc. — Fenimore Cooper’s Address to his fellow-citizens, etc.
  5. Hamilton, Men and Manners in America, Blackwood’s Mag., february, 1825, etc.
  6. Je demande accès dans la langue française pour cet admirable mot anglais qui n’a pas d’équivalent : exertion, déploiement actif et utile d’une énergie qui se développe au dehors.
  7. In-8o . Dublin, Wakeman, 1834.
  8. Bossuet a employé ce mot au singulier.
  9. N. P. Willis.
  10. J’ai traduit Pierre Grimes dans les Caractères et Paysages (p. 200)
  11. Sans parler de mistriss Trollope, dont la partialité est évidente, on peut consulter à ce sujet Basil Hall, Hamilton, Arwensled, le Backwoodsman in America, et même les écrivains des Revues américaines, qui ne ménagent pas leurs compatriotes.
  12. Sparks’s American Biography, Boston, 1835. Le troisième volume de cette Biographie américaine, que nous venons de recevoir, contient la Vie et la trahison de Benedict Arnold.
  13. Une très belle édition en un seul volume des œuvres complètes d’Irving vient de paraître chez Baudry, à Paris. Nous l’indiquons à cause de son bon marché et de la correction du texte.