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De la métamorphose des fontaines (recueil)/Hymne pour la Couronne

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De la métamorphose des fontainesBibliothèque artistique et littéraire (p. 53-58).

HYMNE
POUR LA COURONNE

Il le faut, je te prie, ô Silence, dénoue
Ce lien d’une année à mon carquois mêlé.
Que d’un accent plus fort j’aille gonflant ma joue
Et que le but soit prompt où ma flèche a volé.



Prophétique au parlant feuillage de Dodone
Qu’agite un dieu muet sur les chênes vermeils,
Ô Silence, à présent, que la corde résonne
D’une lyre et d’un arc en leurs travaux pareils.


Je dirai le laurier chéri des Piérides,
Afin que, par mes vœux,
Clio n’ayant ouvert pour moi des bois arides,
J’en courbe à tes cheveux ;


Que je t’honore enfin, célébrant la Victoire,
Puisque tu n’as laissé
Rien de grand qui ne fût, dans l’humaine mémoire
Par tes vers dépassé ;



D’un cœur athénien et d’un français courage,
Moréas, ne vas-tu,
Des sots te retirant, lever en ton ouvrage
Ce Ronsard abattu,


Ce Vendômois, orgueil des Princes et le nôtre,
Qui prit dedans sa main
La lyre et le laurier en rendant l’un et l’autre
À l’éclatant Thébain !


Comme l’Égidien, je ne sens la puissance
Bruissante ma voix
Qu’à louer les héros ou qui par la science
S’égalerait aux rois.



Comme envers lui Ronsard je ne veux autre peine
Que d’aller moissonner
La tige au droit surgeon de l’onde riveraine,
Et que t’en couronner.


Si vraiment des neuf sœurs j’ai reçu cette audace
Y saurais-je mentir ?
Et nul ne me verra, quelques vers que je fasse
Encore retentir,


À d’autres réserver ce glorieux trophée,
Brillant, et, tel qu’un dieu,
Fait d’immortalité, moi qui du sang d’Orphée
Ai bu le même feu !



Du Plessys, qu’à sa course un frère de Diane
Bien reconnaîtrait-on,
Encor qu’il ait dressé la torche amycléane
Si haut au double mont.


Et que forçant la Nuit de la flamme jumelle
Étendre la clarté,
N’aura pas l’Hélicon et sa feuille nouvelle
Tout entier dévasté ;


La barre de la mer, levée aux vents contraires,
Ne m’aura point jeté
Trop longtemps loin du bord des sources salutaires
Par Pégase heurté,



Si je mêle aux rameaux dont l’illustre origine
Se vante d’Apollon,
Celui qui va tirant au suc de sa racine
La cendre d’Ilion.