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De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-10

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Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 203-204).

CHAPITRE X.
ACTES DU SECOND MINISTÈRE, ET SA CHUTE.

Les actes émanés d’un ministère aussi divisé ne pouvoient être que contradictoires : quelques-uns sont excellents, quelques autres sont déplorables, et laisseront dans nos institutions les traces les plus désastreuses. La justice oblige de reconnoître que si les ministres actuels se sont trouvés enveloppés dans des difficultés inextricables, la plupart de ces difficultés sont nées des ordonnances rendues sous leurs prédécesseurs.

Un seul exemple suffira pour montrer à quel point le second ministère se trompa dans les choses les plus importantes. Au moment où il saisit les rênes de l’État, il eût dû purger le sol de la France, traduire devant les tribunaux les grands criminels, comprendre dans une autre catégorie ceux qui devoient s’éloigner, et publier une amnistie pleine et entière pour le reste : ainsi les coupables eussent été punis, les foibles rassurés. Au lieu de prendre une mesure si clairement indiquée, on laissa planer des craintes sur la tête de tous les François. Appelées, longtemps après le délit, à prendre connoissance de ce délit, les chambres ont été forcées d’agiter des questions qui remuent trop de passions et réveillent trop de souvenirs. Les jugements partiels et sans termes se sont prolongés jusqu’au moment où j’écris ; et comme tel prévenu a été absous, et tel autre condamné en apparence pour le même crime, il en est résulté que l’indulgence et la rigueur ont eu l’air de s’accuser mutuellement d’injustice.

L’humeur augmentoit : les ministres désunis commençoient à chercher des appuis dans les opinions opposées que chaque parti du ministère auroit voulu voir triompher. L’affaire du Muséum accrut le mécontentement public. La divulgation de deux fameux rapports déroula tout ce plan révolutionnaire que j’ai expliqué, et qu’on essaya do faire adopter avant l’entrée du roi à Paris. Mais ces rapports ne pouvoient plus rien changer à l’état des choses ; le temps des craintes chimériques étoit passé : les rapports n’étoient plus que l’expression du désespoir d’une cause perdue et d’une ambition trompée. Du reste, médiocres en tout, ils étoient erronés dans les faits, vagues dans les vues et décousus dans les moyens.

Tant de contradictions, de tâtonnements, de faux systèmes, hâtèrent la catastrophe que tout le monde prévoyoit. La session alloit s’ouvrir : l’ombre des chambres suffît pour faire disparoître un ministère trop exposé à la franchise de la tribune. Quand les ministres furent tombés, on en trouva d’autres, bien qu’on eût assuré qu’il n’y en avoit plus.