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De la non existence du Wasium comme corps simple

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DE LA NON EXISTENCE
DU WASIUM COMME CORPS SIMPLE

Par M. J. NICKLÈS

(Octobre 1863.)

Le wasium a été indiqué par M. Bahr comme existant dans l’orthite de Norwège, dans celle de l’île de Rœnsholm ainsi que dans la gadolinite d’Ytterby. Il s’y trouve à l’état d’oxyde associé à de la silice, de l’alumine, du sesqui-oxyde de fer, de l’yttria, de la cérine, du didyme, de la chaux, du manganèse, et à des traces d’urane, de thorine et de tantale.

Ces minéraux ne renferment guère plus de 1 p. 100 de wasine (oxyde de wasium).

Les propriétés que M. Bahr signale comme caractéristiques du nouveau métal n’offrent, selon nous, aucune particularité nouvelle ; de leur examen résulte, au contraire, la certitude que la wasine loin de récéler un corps simple nouveau, n’est qu’un oxyde complexe dont les éléments sont connus ; c’est de l’yttria colorée par un peu d’oxyde de didyme ou de terbium.

Donc, le wasium n’est lui-même que de l’yttrium contenant un peu de ses congénères le didyme et le terbium ; c’est ce qui résulte du tableau suivant dans lequel, pour faciliter la comparaison, les propriétés signalées comme caractéristiques du wasium, ont été mises en regard de celles qui, sur la foi des observations faites par Gadolin, Eckeberg, Klaproth, Vauquelin, Berzelius, Wœhler, Berlin et Mosander, garantissent l’autonomie de l’yttrium.

Wasium. Yttrium.
Acide oxalique et oxalates en dissolution acide. Précipité blanc. Précipité blanc.
Ammoniaque. Précipité imparfait. Précipite imparfaitement (l’yttria n’étant pas insoluble dans les sels ammoniacaux.)
Potasse caustique. Précipité blanc insoluble dans un excès. Précipité blanc insoluble dans un excès.
Sulfate de potasse. Précipité blanc cristallin. Précipité blanc cristallin.
Au chalumeau avec le borax, à la flamme oxydante et à la flamme réductrice. Perle transparente. Perle transparente.
La perle exposée à la flamme saccadée du chalumeau, devient. Blanche. Blanche.

Il faut ajouter que l’azotate de wasine est de couleur rosée tout comme l’azotate d’yttria quand, comme l’a vu Mosander, ce sel contient du didyme, ou, comme le rappelle Berzelius, il renferme de la terbine.

Que sa dissolution aqueuse fournit par l’évaporation, un précipité gélatineux de même que l’azotate d’yttria, d’après Klaproth.

Que sous l’influence du chlore, du charbon et d’une haute température, il donne un sublimé blanc de chlorure volatil[1], tandis que le caput mortuum retient un chlorure fixe ni plus ni moins que l’yttrium, lequel, selon M. Wœhler, ne se volatilise que partiellement. Dans ces circonstances, une portion persiste dans le résidu, même à une température très-élevée, ce qu’explique très-bien l’observation faite par Berzélius, suivant laquelle le chlorure d’yttrium n’est pas volatil[2].

La ressemblance entre les deux corps est donc parfaite et il est évident que le wasium n’est autre chose que de l’yttrium impur. La couleur brune de son oxyde et la teinte rosée de ses sels permettent d’y soupçonner, de plus, la présence d’un peu de didyme et probablement aussi de terbium, ce satellite de l’yttrium, si difficile à isoler et qui se fait si bien remarquer par la teinte rouge de ses dissolutions salines[3].

  1. Que M. Bahr considère comme du chlorure de thorium ; c’est le résidu fixe qui, selon lui, contiendrait du wasium.
  2. Traité de Chimie, 1846, édit. franç., t. II, p. 167 et 170.
  3. La validité de ces conclusions vient d’être révoquée en doute dans le Bulletin de la Société chimique, p. 530 (décembre 1863). Cependant nous ne voyons rien à y changer et nous les maintiendrons tant qu’on n’aura pas dit en quoi le wasium diffère de l’yttrium. En effet, qu’on le remarque bien, cette différence n’a encore été donnée par personne et dans son Mémoire relatif au wasium, M. Bahr ne dit de ce métal rien qui n’ait déjà été dit de l’yttrium plus ou moins pur.

    Ce n’est donc pas être très-exigeant que de demander sur quels faits on se base pour augmenter d’un membre la liste déjà si complète des corps simples. C’est bien le moins qu’on fasse pour le wasium ce qui vient d’être fait pour le thallium et dans l’espèce, cela est d’autant plus nécessaire que si le wasium arrivait à se faire accepter, ce ne pourrait être qu’aux dépens de l’yttrium son congénère. En effet, ce jour-là, l’yttria de Gadolin, de Vauquelin et de Berzélius aura cessé d’exister, car l’yttrium ne sera plus un corps simple mais bien un alliage composé de wasium et d’un yttrium hypothétique.

    Si donc le wasium existe, l’histoire de l’yttrium est à refaire : mais quant à présent, rien ne prouve que cette éventualité soit à craindre.

    M. Delafontaine qui connaît à fond les métaux si rares et si ressemblants du groupe yttro-cérique, n’admet pas non plus que le wasium soit un corps simple nouveau, Il pense que le wasium de M. Bahr doit ses réactions caractéristiques à du cérium. (Arch. des sc. phys. et nat., t. XVIII (décembre 1863).