De la sagesse des Anciens (Bacon)/19

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De la sagesse des Anciens (Bacon)
Traduction par Antoine de La Salle.
De la sagesse des Anciens15 (p. 115-116).


XIX. Deucalion, ou la restauration.


Les poëtes racontent que les anciens habitans de la terre ayant tous été submergés et détruits par le déluge universel, Deucalion et Pyrrha, qui étoient restés seuls, animés du désir de réparer la perte immense du genre humain desir louable en lui-même, et qui les a rendus justement célèbres l’oracle, qu’ils consultèrent à ce sujet, leur répondit, qu’ils ne pourroient parvenir à ce but, qu’en prenant les os de leur mère et en les jetant derrière eux : l’effet de cette étrange réponse fut d’abord de les affliger et de les jeter dans le découragement. Mais ensuite, en y réfléchissant plus mûrement, ils comprirent enfin que ces os dont parloit l’oracle, n’étoient autres que les pierres, qui sont, en quelque manière, les os de la terre, mère commune des mortels.

Cette fable dévoile un des plus profonds secrets de la nature, et est destinée à relever une des erreurs les plus communes parmi les hommes ; leurs idées étroites et superficielles sur la nature, font qu’ils se flattent de pouvoir restaurer entièrement et renouveller des composés, à l’aide de leurs parties putréfiées et de leurs débris à peu près comme le phénix renaît de ses cendres espoir d’autant plus trompeur, que les matières de cette espèce ayant déja achevé toute leur période, et, pour ainsi dire, fait leur temps, ne sont plus propres pour opérer des recompositions. Ainsi il faut, au contraire, revenir sur ses pas, et employer des principes (élémens) plus communs[1].

  1. Les simples rudimens des composés des matières qui n’aient pas encore acquis des qualités aussi spécifiques que le sont celles des substances qui ont fait partie des composés déja dissous.