De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication/Tome I/01

La bibliothèque libre.
De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. Ip. 17-51).

CHAPITRE PREMIER.

CHIENS ET CHATS DOMESTIQUES.


CHIENS, anciennes variétés. — Ressemblance, dans divers pays, entre les chiens domestiques et les espèces canines indigènes. — Absence de crainte chez les animaux qui ne connaissent pas l’homme. — Chiens ressemblant aux loups et aux chacals. — Acquisition et perte de la faculté d’aboyer. — Chiens sauvages. — Taches sus-oculaires feu. — Période de gestation. — Odeur désagréable. — Fertilité des chiens croisés. — Différences dans les diverses races dues en partie à la descendance d’espèces distinctes. — Différences dans le crâne et les dents. — Différences dans le corps et la constitution. — Différences peu importantes fixées par la sélection. — Action directe du climat. — Chiens à pattes palmées. — Historique des modifications graduellement exercées par sélection sur quelques races anglaises. — Extinction des sous-races moins améliorées.
CHATS, croisements avec plusieurs espèces. — Races différentes n’existant que dans des contrées séparées. — Effets directs des conditions de la vie. — Chats sauvages. — Variabilité individuelle.


Les nombreuses variétés domestiques du chien proviennent-elles d’une seule espèce sauvage, ou de plusieurs ? Tel est le point essentiel que nous avons à examiner dans ce chapitre.

Quelques auteurs pensent que toutes proviennent du loup ou du chacal, ou d’une espèce éteinte et inconnue. D’autres croient, et c’est l’opinion qui a prévalu dans ces derniers temps, qu’elles descendent de plusieurs espèces, récentes et éteintes, plus ou moins mélangées ensemble. Il est peu probable que nous parvenions jamais à déterminer avec certitude leur origine. La paléontologie[1] ne jette que peu de lumière sur la question, soit à cause de la grande analogie qu’offrent entre eux les crânes des loups et chacals vivants et éteints, soit à cause de la dissemblance qui se remarque entre les crânes des différentes races de chiens domestiques. Il paraît cependant qu’on a trouvé dans des dépôts tertiaires récents, des ossements se rapprochant davantage de ceux d’un gros chien que de ceux du loup, ce qui serait favorable à l’opinion de de Blainville sur la provenance de nos chiens d’une espèce unique et éteinte. D’autres auteurs vont jusqu’à affirmer que chaque race domestique principale a dû avoir son prototype sauvage. Cette dernière opinion est extrêmement improbable ; elle ne laisse rien à la variation ; elle méconnaît les caractères presque monstrueux de certaines races ; et elle suppose nécessairement l’extinction d’un grand nombre d’espèces depuis l’époque où l’homme a domestiqué le chien ; tandis que nous voyons que l’action humaine n’a pu exterminer qu’avec difficulté les espèces sauvages de la famille des chiens, puisque le loup existait encore en 1710 dans un pays aussi peu étendu que l’Irlande.

Voici quelles sont les raisons qui ont conduit divers auteurs à admettre la descendance des chiens domestiques de plus d’une espèce sauvage[2]. D’abord, les grandes différences qui existent entre les diverses races ; cette raison n’aura que peu de valeur, après que nous aurons vu combien peuvent devenir considérables les différences entre plusieurs races d’animaux domestiques provenues cependant et d’une manière certaine d’un ancêtre unique. Secondement, le fait plus important que, dès les temps historiques les plus reculés dont nous ayons connaissance, il existait déjà plusieurs races de chiens assez dissemblables entre elles, et analogues ou identiques aux races actuelles.

Parcourons rapidement les documents historiques. Entre le xive siècle et la période classique romaine[3], les matériaux sont très-peu abondants ; déjà à cette époque il existait différentes races, telles que chiens courants, chiens de garde, bichons, etc. ; mais qui, pour la plupart, comme le fait remarquer le docteur Walther, sont impossibles à reconnaître avec certitude. Toutefois Youatt donne le dessin d’une fort belle sculpture provenant de la villa Antonina et représentant deux jeunes lévriers. On trouve figuré sur un monument assyrien datant d’environ 640 avant Jésus-Christ, un énorme dogue[4], semblable à ceux que, d’après sir H. Rawlinson, on importerait encore dans le même pays. J’ai parcouru les magnifiques ouvrages de Lepsius et Rosellini, et y ai trouvé la représentation de plusieurs variétés de chiens sur les monuments de la quatrième à la douzième dynastie, c’est-à-dire de l’an 3400 à 2100 avant Jésus-Christ. La plupart se rapprochent du lévrier ; cependant vers la dernière période se trouve figuré un chien ressemblant à un chien courant, à oreilles pendantes, mais ayant le dos plus allongé et la tête plus pointue que les nôtres. Il y a aussi un basset à jambes courtes et torses, très-analogue à la variété existante ; mais ce genre de monstruosité est si commun chez divers animaux, comme chez le mouton Ancon, et d’après Rengger, chez le jaguar du Paraguay, qu’il serait peut-être téméraire de regarder l’animal représenté sur les monuments comme la souche de tous nos bassets ; le colonel Sykes[5] a aussi décrit un chien pariah indien qui présentait le même caractère monstrueux. Le chien le plus ancien figuré sur les monuments égyptiens est un des plus singuliers ; il ressemble à un lévrier, mais a les oreilles longues et pointues et la queue courte et recourbée ; il en existe encore dans l’Afrique du Nord une variété assez voisine, car M. E. Vernon Harcourt[6] raconte que le chien avec lequel les Arabes chassent le sanglier, est un animal hiéroglyphique et bizarre, comme celui avec lequel les Chéops chassaient autrefois, et ressemblant un peu au chien courant écossais ; il a la queue fortement enroulée au-dessus du dos, et les oreilles détachées à angle droit. Un chien ressemblant au pariah a coexisté avec cette très-ancienne variété.

Nous voyons donc qu’il existait déjà, il y a quatre ou cinq mille ans, plusieurs races ressemblant de plus ou moins près à nos races actuelles, chiens pariahs, lévriers, courants, dogues, bichons et bassets. Il n’est cependant pas démontré qu’aucun de ces anciens chiens ait appartenu identiquement aux sous-variétés actuelles[7]. Tant qu’on a cru que l’existence de l’homme sur la terre ne datait que de six mille ans, ce fait de la diversité des races à une période aussi reculée, constituait un argument d’un certain poids en faveur de leur provenance de plusieurs souches sauvages, vu l’insuffisance du temps écoulé pour que la modification ait pu produire d’aussi fortes divergences. Mais maintenant que la découverte d’instruments de silex enfouis parmi les restes d’animaux éteints, dans des régions qui ont depuis éprouvé de grandes modifications géographiques, nous démontre que l’homme a existé depuis une époque incomparablement plus ancienne, et que nous voyons les nations les plus barbares avoir des chiens domestiques, l’argument de l’insuffisance du temps perd beaucoup de sa valeur.

Le chien était domestiqué en Europe bien longtemps avant l’époque historique. Dans les débris de cuisine de la période néolithique du Danemark sont enfouis des ossements d’un animal du genre chien, que Steenstrup prouve fort ingénieusement devoir être rapportés à un chien domestique, parce qu’une grande partie des os d’oiseaux conservés intacts dans ces amas de rebuts, sont précisément des os longs, que les chiens, ainsi qu’on l’a constaté par expérience, ne peuvent dévorer[8]. À ce chien a succédé en Danemark, pendant la période de bronze, une variété plus grande et présentant quelques différences, qui à son tour a été remplacée, pendant l’âge de fer, par un type encore plus grand. En Suisse, le professeur Rütimeyer[9] nous apprend que pendant la période néolithique il existait un chien de taille moyenne, à peu près intermédiaire au loup et au chacal par son crâne, et devant participer aux caractères de nos chiens de chasse (Jagdhund und Wachtelhund). Rütimeyer insiste fortement sur la constance de forme de ce chien, de tous le plus anciennement connu, pendant une période très-longue. Dans la période de bronze apparaît un chien plus grand, ressemblant beaucoup par sa mâchoire au chien de la même époque du Danemark. Schmerling a trouvé dans une caverne[10] les restes de deux variétés notablement distinctes de chien, mais dont l’âge n’a pu être positivement déterminé.

L’existence d’une seule race, demeurée remarquablement constante dans sa forme, pendant toute la période néolithique, est un fait intéressant qui contraste avec ce que nous voyons chez nos races actuelles, et avec les changements que nous avons constatés chez les races canines pendant la période des monuments égyptiens. Les caractères de l’animal pendant l’époque néolithique, tels que les donne Rütimeyer, viennent à l’appui de l’opinion de de Blainville sur la provenance de nos variétés d’une forme éteinte et inconnue. Mais n’oublions pas que nous ne connaissons rien sur l’antiquité de l’homme dans les parties plus chaudes de notre globe. On attribue la succession des diverses formes de chiens en Suisse et en Danemark, à l’immigration de tribus conquérantes qui auraient amené leurs chiens avec elles, ce qui s’accorderait avec l’opinion que diverses espèces canines sauvages ont dû être domestiquées dans différentes régions. Outre l’immigration de nouvelles races d’hommes, nous savons par la grande extension du bronze, qui est un alliage d’étain, qu’il y a eu en Europe dès une époque excessivement reculée, un très-grand commerce, et probablement aussi un trafic de chiens. Actuellement, parmi les sauvages de la Guyane intérieure, les Indiens Tarumas sont regardés comme les meilleurs dresseurs de chiens, et possèdent une grande race, qu’ils échangent à un haut prix avec d’autres tribus[11].

L’argument principal en faveur de la descendance des différentes races de chiens de souches sauvages distinctes, est la ressemblance que, dans diverses régions, on peut constater entre elles et les espèces indigènes qui y existent encore. On doit toutefois supposer que la comparaison entre l’animal sauvage et le domestique n’a peut-être pas été dans tous les cas faite avec une exactitude suffisante. Avant d’entrer dans les détails, il est bon de montrer que l’opinion de la domestication de plusieurs espèces canines ne soulève à priori aucune difficulté, comme cela a lieu pour quelques autres quadrupèdes et oiseaux domestiques. Les membres de la famille canine sont répandus dans le monde entier, et plusieurs d’entre eux sont, par leur conformation et leurs mœurs, assez semblables à plusieurs de nos races domestiques. M. Galton[12] a montré combien les sauvages aiment à apprivoiser et à garder les animaux de toutes sortes. Les animaux sociables sont les plus aisément subjugués par l’homme, et plusieurs espèces de canidés chassent en troupes. On peut remarquer qu’aussi bien pour d’autres animaux que pour le chien, lorsqu’à une époque excessivement reculée, l’homme a paru dans une contrée, les animaux vivants ne devant éprouver à sa vue aucune crainte instinctive ou héréditaire, ont pu se laisser apprivoiser avec bien plus de facilité. Ainsi, lorsque les îles Falkland furent visitées par l’homme pour la première fois, le gros chien-loup (Canis antarcticus) vint, sans témoigner aucune crainte, à la rencontre des matelots de Byron, qui prenant pour de la férocité cette curiosité ignorante, se précipitèrent dans l’eau pour les éviter ; encore récemment un homme pouvait facilement avec un morceau de viande d’une main et un couteau dans l’autre, les égorger pendant la nuit. Dans une île de la mer d’Aral, découverte par Butakoff, les antilopes saïga qui sont généralement très-timides et vigilantes, ne cherchèrent point à se sauver, mais au contraire regardaient les hommes avec une sorte de curiosité. Encore, sur les côtes de l’île Maurice, dans les commencements, le lamantin n’avait aucune frayeur de l’homme ; il en a été de même dans plusieurs endroits du globe pour les phoques et le morse. J’ai montré ailleurs[13] comme les oiseaux, habitant certaines îles, n’ont acquis que lentement et héréditairement une terreur salutaire de l’homme : dans l’archipel des Galapagos, j’ai pu pousser avec le canon de mon fusil des faucons sur une branche, et voir des oiseaux se poser sur un seau d’eau que je leur tendais pour y boire. Les mammifères et oiseaux qui ont peu ou point été dérangés par l’homme, ne le craignent pas plus que nos oiseaux n’ont peur des chevaux et des vaches qui paissent autour d’eux dans les prés.

Une considération importante est celle que plusieurs espèces canines (comme nous le verrons dans un autre chapitre) se reproduisent facilement en captivité. L’infécondité de certaines espèces, dès qu’elles sont privées de leur liberté, est un des obstacles les plus communs à la domestication. Enfin, comme nous le verrons au chapitre de la sélection, les sauvages estiment le chien à une haute valeur, car cet animal, même à demi apprivoisé, leur est fort utile. Les Indiens de l’Amérique du Nord croisent leurs chiens demi-sauvages avec le loup, et les rendent ainsi plus sauvages encore, mais plus hardis. Les habitants de la Guyane s’emparent des petits de deux espèces sauvages de Canis, ceux d’Australie agissent de même avec ceux du dingo sauvage. M. Philippe King me dit avoir une fois élevé un dingo sauvage qui, dressé à conduire le bétail, lui avait été très-utile. Ces divers faits montrent qu’il n’y a aucune difficulté à admettre la domestication de plusieurs espèces canines dans différents pays. Il serait du reste bien plus étrange qu’une seule espèce eût été exclusivement domestiquée dans le monde entier.

Entrons dans quelques détails. Richardson, observateur exact et sagace, dit : « La ressemblance entre les loups de l’Amérique du Nord (Canis lupus, var. occidentalis), et les chiens domestiques des Indiens est telle, que la taille et la force plus grandes du loup constituent la seule différence. J’ai plus d’une fois pris une bande de loups pour les chiens d’un parti d’indigènes, et le hurlement de ces deux animaux est assez semblable pour tromper même l’oreille si exercée de l’Indien. » Il ajoute que, plus au nord, les chiens des Esquimaux sont extrêmement semblables aux loups gris du cercle arctique, non-seulement par la forme et la couleur, mais aussi par la taille qui est presque la même. Le docteur Kane a souvent observé dans ses attelages de chiens de traîneau, l’œil oblique, (caractère très-important d’après quelques naturalistes), la queue basse, et le regard farouche du loup. Les chiens esquimaux diffèrent peu des loups, et selon le docteur Hayes, incapables d’aucun attachement pour l’homme, ils sont assez féroces pour attaquer leurs maîtres lorsqu’ils ont faim. Selon Kane ils redeviennent volontiers sauvages. Ils se croisent fréquemment avec les loups, et les Indiens s’emparent des louveteaux pour améliorer la race de leurs chiens. Les loups demi-sang (Lamare-Picquot) ne peuvent quelquefois pas être apprivoisés, quoique le cas soit rare ; mais ils ne sont bien complètement domptés qu’à la troisième ou quatrième génération. Il ne peut donc y avoir que peu ou point de stérilité entre le chien esquimau et le loup, car autrement on n’emploierait pas celui-ci pour améliorer la race. Comme le dit le docteur Hayes, ce sont incontestablement des loups apprivoisés[14].

L’Amérique du Nord est habitée par une deuxième espèce de loup, nommé loup des prairies (Canis latrans), que tous les naturalistes regardent actuellement comme spécifiquement distinct du loup commun et qui, selon M. J. K. Lord, serait, par ses mœurs, sous certains rapports, intermédiaire entre le loup et le renard. Sir J. Richardson, après avoir décrit le chien que les Indiens emploient à la chasse du lièvre, et qui diffère sous plusieurs rapports du chien esquimau, en dit : « Il est relativement au loup des prairies ce qu’est le chien esquimau au loup gris. » Il n’a effectivement pu découvrir entre eux aucune différence, et MM. Nott et Gliddon ajoutent quelques détails qui constatent leur grande similitude. Les chiens dérivés de ces deux souches indigènes se croisent entre eux, avec les loups, du moins avec le Canis occidentalis, et avec les chiens européens. Dans la Floride, d’après Bartram, le chien-loup noir des Indiens ne diffère absolument des loups du pays que par l’aboiement[15].

Dans les parties méridionales du nouveau monde, Colomb trouva deux sortes de chiens indigènes dans les Indes occidentales, et Fernandez[16] en décrit trois à Mexico ; quelques-uns étaient muets, c’est-à-dire n’aboyaient pas. Dans la Guyane, on sait déjà depuis l’époque de Buffon que les indigènes croisent leurs chiens avec une espèce du pays, probablement le Canis cancrivorus. Sir R. Schomburgk, qui a si soigneusement exploré ces régions, m’écrit : « Les Indiens Arawaak qui habitent près de la côte m’ont plusieurs fois répété qu’ils croisaient leurs chiens avec une espèce sauvage pour en améliorer la race, et on m’a montré des chiens qui ressemblaient certainement beaucoup plus au Canis cancrivorus que les individus ordinaires de la race. Les Indiens gardent rarement le Canis cancrivorus pour l’usage domestique, et les Arecunas n’emploient maintenant que peu pour la chasse l’ai, autre espèce de chien sauvage, que je regarde comme identique au Dusicyon sylvestris de H. Smith. Les chiens des Indiens Tarumas sont tout à fait distincts, et ressemblent au lévrier de Saint-Domingue de Buffon. Il paraît donc que les naturels de la Guyane ont partiellement domestiqué deux espèces indigènes, avec lesquelles ils croisent encore leurs chiens ; ces deux espèces appartiennent à un type tout différent de celui des loups de l’Amérique du Nord et de l’Europe. D’après un observateur exact, Rengger[17], il y aurait des raisons pour croire qu’il existait en Amérique, lorsqu’elle fut pour la première fois visitée par les Européens, une race domestiquée nue, sans poils ; dans le Paraguay quelques-uns de ces chiens sont muets, et Tschudi[18] assure qu’ils souffrent du froid dans les Cordillères. Ce chien nu est toutefois très-distinct de celui qu’on trouve conservé dans les anciens cimetières péruviens, et décrit par Tschudi sous le nom de Canis Incæ, comme aboyant et supportant bien le froid. On ignore si ces deux sortes distinctes de chiens sont les descendants d’espèces indigènes, et on a supposé que, lors de la première immigration de l’homme en Amérique, il aurait amené avec lui du continent asiatique des chiens qui n’aboyaient pas ; mais cette opinion est peu probable, car sur leur ligne de marche depuis le nord, nous avons vu les habitants apprivoiser au moins deux espèces de canidés indigènes.

Dans l’ancien monde, quelques chiens européens tiennent beaucoup du loup : ainsi le chien de berger des plaines de la Hongrie est blanc ou brun rougeâtre, a le nez pointu, les oreilles droites et courtes, le poil rude, la queue touffue, et ressemble tellement au loup que M. Paget, qui en donne cette description, dit avoir vu un Hongrois prendre un loup pour un de ses chiens. Jeitteles constate également la ressemblance du chien de Hongrie et du loup. Il faut qu’anciennement en Italie les chiens de berger aient été fort semblables aux loups, puisque Columelle (VII, 12) conseille de choisir des chiens blancs en ajoutant : « Pastor album probat, ne pro lupo canem feriat. » On possède plusieurs données de croisements naturels entre chiens et loups, et Pline rapporte que les Gaulois attachaient leurs chiennes dans les bois pour être croisées par les loups[19]. Le loup d’Europe diffère légèrement de celui de l’Amérique du Nord, et a été considéré par beaucoup de naturalistes comme constituant une espèce distincte. Le loup commun de l’Inde est aussi regardé par quelques-uns comme une troisième espèce, et là encore nous pouvons constater une ressemblance très-marquée entre les chiens pariahs de certaines régions de l’Inde et le loup du même pays[20].

Pour ce qui concerne les chacals, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire[21] constate qu’on ne peut signaler aucune différence constante entre eux et les petites races de chiens. Les mœurs sont à peu près les mêmes ; le chacal apprivoisé, appelé par son maître, remue la queue, rampe et se renverse sur le dos ; il flaire les chiens à l’anus, et, comme eux, urine par côté[22]. Un grand nombre de naturalistes, depuis Güldenstadt jusqu’à Ehrenberg, Hemprich et Cretzschmar, se sont déjà prononcés très-positivement sur la grande ressemblance qu’offrent avec le chacal les chiens à moitié domestiqués de l’Asie et de l’Égypte.

M. Nordmann, par exemple, dit : « Les chiens d’Awhasie ressemblent étonnamment à des chacals. » Ehrenberg[23] affirme que les chiens domestiques de la basse Égypte et quelques chiens momifiés correspondent à un type sauvage du pays, une espèce de loup, le C. lupaster ; tandis que les chiens domestiques de la Nubie et certains autres chiens momifiés se rapportent à une espèce sauvage également du pays, le C. sabbar, mais qui n’est qu’une variété du chacal commun. Pallas[24] constate le croisement naturel du chien et du chacal en Orient, et on en a rapporté un cas en Algérie. La plupart des naturalistes divisent les chacals d’Asie et d’Afrique en plusieurs espèces, mais quelques-uns les réunissent toutes en une seule.

Sur la côte de Guinée, les chiens domestiques sont des animaux muets, semblables au renard[25]. On trouve, à ce que m’assure le Rév. S. Erhardt, sur la côte orientale de l’Afrique, entre 4° et 6° de latitude sud, et à environ dix journées de marche à l’intérieur, un chien demi-domestique, que les naturels disent être dérivé d’un animal sauvage semblable. Lichtenstein[26] affirme que les chiens des Bojesmans sont (à l’exception de la raie noire sur le dos), très-semblables, par la couleur, au C. mesomelas de l’Afrique du Sud. M. E. Layard a observé un chien caffre qui ressemblait tout à fait à un chien esquimau. En Australie on trouve le dingo à la fois domestiqué et sauvage ; quoique cet animal ait pu être originellement introduit par l’homme, on doit cependant le considérer comme une forme indigène ; car on en a trouvé des restes associés à ceux de mammifères éteints, et dans le même état de conservation, de sorte que son introduction a dû être fort ancienne[27].

D’après la ressemblance qu’offrent dans différents pays les chiens à demi domestiques avec les espèces sauvages qui s’y trouvent encore, la facilité des croisements, la valeur qu’ont aux yeux des sauvages même des animaux à demi apprivoisés, il est très-probable que les chiens domestiques descendent de deux vraies espèces de loups (C. lupus et C. latrans) ; de deux ou trois autres espèces douteuses (soit les formes européenne, indienne et africaine) ; d’au moins une ou deux espèces canines de l’Amérique du Sud ; de plusieurs races ou espèces de chacals ; enfin, peut-être, d’une ou de plusieurs espèces éteintes. Les auteurs qui attribuent à l’action du climat une grande influence peuvent expliquer par là la ressemblance que présentent les chiens domestiques avec des animaux indigènes des mêmes pays, mais je ne connais pas de faits pouvant appuyer l’admission d’une action de climat aussi considérable.

On ne peut objecter à l’idée de la domestication ancienne de plusieurs espèces canines, le fait de la difficulté de leur apprivoisement ; nous l’avons déjà vu par des faits, mais je dois ajouter que M. Hodgson[28] a parfaitement apprivoisé des jeunes C. primaevus de l’Inde, et les a trouvés aussi intelligents, gais et caressants qu’aucun chien du même âge. Ainsi que nous l’avons déjà montré, il n’y a que peu de différence entre les mœurs des chiens domestiques des Indiens de l’Amérique du Nord et celles des loups du pays, de même qu’entre les chiens pariahs de l’Inde et les chacals, ou entre les chiens redevenus sauvages et les espèces naturelles de la famille. L’habitude d’aboyer, qui est presque universelle chez les chiens domestiques, et ne caractérise aucune des espèces naturelles du genre, paraît être une exception ; mais cette habitude est vite perdue et vite réacquise. On a souvent cité le cas de chiens devenus sauvages et muets dans l’île de Juan Fernandez, et on a des raisons pour croire[29] que ce mutisme a dû se produire dans un espace de trente-trois ans ; d’autre part des chiens enlevés de cette île, par Ulloa, ont repris peu à peu l’habitude d’aboyer. Les chiens de la rivière Mackenzie, appartenant au type du C. latrans et amenés en Angleterre, ne sont jamais arrivés à l’aboiement proprement dit, mais un individu né au jardin zoologique[30], donnait de la voix aussi fortement qu’aucun autre chien de sa taille et de son âge. D’après le professeur Nillson[31], un louveteau allaité par une chienne sait aboyer. I. Geoffroy Saint-Hilaire a montré un chacal aboyant sur le même ton qu’un chien ordinaire[32]. M. G. Clarke[33] dit, à propos de chiens redevenus sauvages dans l’île de Juan de Nova, dans l’océan Indien, qu’ils avaient complètement perdu l’habitude d’aboyer, ne recherchaient pas la société des autres chiens et n’acquirent aucune voix après une captivité de plusieurs mois. Dans l’île, ils se rassemblent en grandes meutes et attrapent les oiseaux avec autant d’adresse que des renards. Les chiens redevenus sauvages, à la Plata, ne sont pas muets ; ils sont grands, chassent isolés ou en meutes, et se creusent des terriers pour leurs jeunes[34], points par lesquels ils ressemblent aux loups et aux chacals, qui aussi chassent isolés ou en meutes, et creusent des terriers[35]. À Juan Fernandez, Juan de Nova et la Plata[36], ces chiens revenus à l’état sauvage n’ont pas repris une coloration uniforme. Pœppig décrit les chiens redevenus sauvages de Cuba comme presque tous couleur souris, à oreilles courtes et yeux bleu clair. À Saint-Domingue, d’après le Col. Ham. Smith[37], les chiens marrons sont très-grands, comme des lévriers, d’une couleur uniforme d’un bleu cendré pâle, avec oreilles petites et grands yeux brun clair. Le dingo sauvage, quoique bien anciennement naturalisé en Australie, varie considérablement de couleur, à ce que m’assure M. P. P. King. Un dingo demi-sang[38], élevé en Angleterre, a manifesté des instincts fouisseurs.

Les faits précédents montrent que le retour à l’état sauvage ne donne pas d’indications sur la couleur ou la taille des espèces parentes primitives. J’avais espéré qu’un fait que j’ai une fois eu occasion d’observer sur la coloration des chiens domestiques, pourrait jeter quelque jour sur leur origine ; et il est intéressant parce qu’il montre que la coloration suit certaines lois, même chez un animal aussi anciennement et aussi complètement domestiqué que le chien. Les chiens noirs, dont les pattes sont de couleur feu, ont presque invariablement, et à quelque race qu’ils appartiennent, une tache de même couleur à l’angle intérieur et supérieur de chaque œil, et les lèvres offrent généralement la même coloration. Je n’ai vu que deux exceptions à cette règle, chez un épagneul et un terrier. Les chiens d’un brun clair offrent fréquemment au-dessus des yeux une tache plus claire, d’un brun jaunâtre ; cette tache est quelquefois blanche ; je l’ai trouvée noire chez un terrier métis. Sur quinze lévriers de Suffolk, examinés par M. Waring, onze se trouvaient noirs, ou noirs et blancs, ou tachetés, et n’avaient pas de taches sur les yeux ; trois qui étaient roux, et un gris-ardoisé, portaient tous les quatre des taches foncées au-dessus de l’œil, Quoique ces taches diffèrent ainsi quelquefois de couleur, elles tendent cependant fortement vers la nuance feu ; j’ai vu quatre épagneuls, un chien couchant, deux chiens de berger du Yorkshire, un grand métis, et quelques courants pour la chasse du renard, noirs et blancs, n’offrant d’autres marques de feu, que la tache sus-orbitaire, et quelquefois une trace sur les pattes. Ces cas et quelques autres semblent indiquer une certaine corrélation entre la coloration des pattes et celle des taches sus-orbitaires.

J’ai observé dans diverses races, tous les degrés, depuis la coloration feu de la face entière, puis, seulement d’un anneau complet autour des yeux, et réduite enfin à une petite tache au-dessus de l’angle interne de l’œil. Les taches s’observent dans plusieurs sous-races de terriers et d’épagneuls ; dans les chiens de chasse de diverses races, y compris le basset à jambes torses ; dans les chiens de berger ; dans un métis dont les parents n’avaient ni l’un ni l’autre de taches ; dans un boule-dogue pur, dont les taches étaient presque blanches ; et dans les lévriers. Les lévriers vraiment noir et feu sont excessivement rares ; M. Warwick m’en a cependant indiqué un qui a couru en avril 1860, et était marqué exactement comme un terrier noir et feu. Sur ma demande M. Swinhoe a examiné les chiens en Chine, à Amoy, et il remarqua bientôt un chien brun, avec les taches sus-orbitaires jaunes. Le colonel Smith[39] a figuré un superbe dogue noir du Thibet, marqué d’une raie de feu au-dessus de l’œil, sur les pieds et la mâchoire ; et ce qui est plus singulier, il figure l’Alco, ou chien domestique du Mexique, comme blanc et noir, avec des anneaux étroits couleur feu, autour des yeux. À l’exposition de chiens qui a eu lieu à Londres en 1863, on montra un chien du nord-ouest du Mexique, ayant au-dessus des yeux des taches de feu pâles. Cette coïncidence de ces taches couleur feu chez des races aussi diverses, et vivant dans tous les pays du monde, constitue un fait assez remarquable.

Nous verrons plus loin, surtout à propos des pigeons, que les marques colorées sont fortement héréditaires, et nous aident puissamment à retrouver les formes primitives de nos races domestiques. Aussi, si une espèce canine sauvage nous eût offert d’une façon bien distincte les taches de feu sus-orbitaires, nous eussions été autorisés à la considérer comme la forme primitive et l’ancêtre de presque toutes nos races domestiques. J’ai examiné bien des dessins coloriés, fouillé toute la collection des peaux du British Museum, sans trouver aucune espèce ainsi marquée. Il est infiniment probable que cette couleur a dû exister sur quelque espèce éteinte. D’autre part, en examinant les diverses espèces, il semble y avoir une corrélation assez nette entre les pattes couleur feu et la face, mais moins fréquemment entre les pattes noires et la face noire, et cette règle générale de coloration explique, jusqu’à un certain point, les cas ci-dessus de corrélation entre les taches sus-orbitaires et les pattes. Quelques chacals et renards offrent la trace d’un anneau blanc autour des yeux, ainsi le C. mesomelas, le C. aureus, et d’après les dessins du col. Ham. Smith, aussi le C. alopex et le C. thaleb. D’autres espèces montrent la trace d’une ligne noire au-dessus du coin de l’œil, ainsi les C. variegatus, cinereo-variegatus, fulvus, et le Dingo sauvage. Je serais donc disposé à conclure que la tendance qu’ont les taches de feu d’apparaître au-dessus de l’œil, dans les différentes races de chiens, est analogue à la règle établie par Desmarest, que toutes les fois que le blanc paraît dans un chien, le bout de la queue est toujours blanc, et rappelle la tache terminale de même couleur qui caractérise la plupart des canidés sauvages[40].

On a objecté que nos chiens domestiques ne pouvaient être dérivés du loup ou du chacal, à cause de la différence de durée de leurs périodes de gestation. Cette différence supposée a été admise sur des assertions de Buffon, Gilibert, Bechstein et autres, mais actuellement reconnues fausses, et en effet, chez ces trois formes, la durée de la gestation concorde aussi bien que possible, car chez toutes elle est quelque peu variable[41]. Tessier, qui a observé avec soin ce sujet, accorde une différence de quatre jours dans la gestation du chien. Le Rév. W. D. Fox m’a communiqué trois cas observés sur des chiens de chasse, la femelle ayant été livrée une fois seulement au mâle, les gestations ont été de cinquante-neuf, soixante-deux et soixante-sept jours. La moyenne est donc de soixante-trois jours, mais Bellingeri assure que c’est le terme pour les grandes races, et qu’il est de soixante à soixante-trois jours pour les petites. M. Eyton qui a une grande expérience des chiens, me confirme qu’en effet il faut un peu plus de temps pour les gros que pour les petits chiens.

F. Cuvier a objecté qu’on n’aurait pas domestiqué le chacal à cause de son odeur désagréable, mais les sauvages sont peu délicats à cet égard[42]. Le degré d’odeur diffère suivant les espèces de chacals, et le colonel Smith établit dans le groupe une division sur le caractère contraire. D’autre part, il y a des chiens, comme les terriers lisses et rudes, qui diffèrent beaucoup sous ce rapport ; M. Godron assure que le chien turc sans poils est beaucoup plus odorant que les autres chiens. I. Geoffroy[43] a fait contracter à un chien l’odeur du chacal en le nourrissant de viande crue.

L’opinion de la provenance de nos chiens des loups, chacals, espèces canines de l’Amérique du Sud et autres, soulève une difficulté importante. À l’état sauvage, ces animaux auraient été en quelque sorte stériles, si on les eût croisés entre eux, et cette stérilité sera admise comme certaine par tous ceux qui croient que la diminution de fécondité dans les formes croisées est le critérium infaillible d’une distinction spécifique. Quoi qu’il en soit, ces animaux restent distincts dans les pays qu’ils habitent en commun. D’autre part, tous les chiens domestiques qu’on suppose être descendus de plusieurs espèces distinctes sont généralement fertiles entre eux. Mais, comme Broca[44] le fait remarquer avec raison, la fécondité de générations successives de chiens métis n’a jamais été étudiée avec le soin qu’on a cru devoir apporter aux essais sur le croisement des espèces. On a quelques faits qui semblent conduire à la conclusion que les différentes races de chiens n’offrent pas toutes la même puissance reproductive dans les croisements, sans parler des différences de taille qui rendent le croisement difficile. L’alco[45] du Mexique paraît avoir de l’aversion pour les autres chiens ; d’après Rengger, les chiens nus du Paraguay se mêlent beaucoup moins avec les races européennes que celles-ci ne le font entre elles ; on prétend qu’en Allemagne le chien spitz se croise avec le renard plus volontiers que les autres races, et le docteur Hodgkin cite le cas d’une femelle de dingo qui, en Angleterre, attirait les renards mâles. Si ces derniers faits sont exacts, ils constatent, en effet, une différence sexuelle entre les races de chiens. Mais il n’en reste pas moins établi que nos chiens domestiques, bien que différant considérablement les uns des autres par leur conformation externe, sont bien plus fertiles entre eux que n’ont dû l’être entre eux leurs parents sauvages. Pallas[46] affirme que la domestication prolongée élimine la stérilité que manifestent les espèces voisines lorsqu’elles sont de capture récente ; cette hypothèse ne s’appuie sur aucun fait positif, mais, outre les preuves que nous en fournissent d’autres animaux domestiques, je la crois vraie, tant l’origine de nos chiens domestiques me paraît avec évidence devoir être rattachée à plusieurs souches sauvages.

La doctrine de la provenance des chiens domestiques de plusieurs souches sauvages soulève une autre difficulté, c’est qu’ils ne paraissent pas être parfaitement féconds avec leurs parents supposés. Mais l’expérience n’a pas été essayée dans ses vraies conditions ; ainsi il faudrait tenter le croisement du chien hongrois, qui ressemble si considérablement au loup d’Europe, avec ce dernier animal ; de même celui du chien pariah avec le loup et le chacal indiens. De ce que les sauvages prennent la peine de croiser leurs chiens avec le loup et d’autres espèces canines, on peut inférer que la stérilité est du moins très-faible. Buffon a obtenu quatre générations successives du loup et du chien, et les métis étaient parfaitement fertiles entre eux[47]. Plus récemment, M. Flourens a donné comme résultat positif d’expériences nombreuses, que les métis de chien et loup, croisés entre eux, deviennent stériles à la troisième génération, et ceux du chien et du chacal à la quatrième[48]. Mais ces animaux étaient en captivité, circonstance qui, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant, diminue beaucoup la fécondité des animaux sauvages et les rend même tout à fait stériles. Le dingo, qui se croise librement avec nos chiens importés en Australie, n’a donné aucun résultat dans les essais réitérés de croisement tentés au jardin des plantes[49]. Quelques chiens courants de l’Afrique centrale importés par le major Denham n’ont jamais reproduit à la Tour de Londres[50], et les produits métis d’une espèce sauvage peuvent offrir la même diminution dans leur fécondité. D’ailleurs, dans les essais de M. Flourens, les métis furent, à ce qu’il paraît, croisés entre eux pendant trois ou quatre générations ; mais, quoique cette circonstance ait dû certainement augmenter la tendance à la stérilité, elle ne suffirait pas, jointe à la captivité, pour rendre compte du résultat final, s’il n’y avait d’ailleurs une tendance vers une diminution de la fécondité. J’ai vu, il y a quelques années, au jardin zoologique de Londres un métis femelle de chien et de chacal chez lequel la stérilité, dès la première génération, était déjà apparente par l’absence des phénomènes extérieurs du rut ; mais on a tant d’exemples de pareils métis complètement féconds, que ce cas est certainement exceptionnel. Il y a, du reste, dans ces essais de croisements trop de causes d’incertitude, pour qu’on puisse arriver à aucune conclusion positive. Il semble toutefois que ceux qui sont d’avis que nos chiens proviennent de plusieurs espèces devront admettre que non-seulement leurs descendants, après une période prolongée de domestication, perdent toute tendance à la stérilité lorsqu’on les croise entre eux, mais aussi qu’entre certaines races de chiens et quelques-uns de leurs parents présumés un certain degré de stérilité a pu être conservé et peut-être même acquis.

Malgré les difficultés relatives à la fécondité, dont nous venons de nous occuper, si nous songeons à l’improbabilité que l’homme n’ait, dans le monde entier, domestiqué qu’une seule espèce d’un groupe aussi répandu, aussi utile, et aussi facile à apprivoiser que l’est celui des chiens ; si nous réfléchissons à l’antiquité extrême des différentes races, et surtout à l’analogie étroite qui se remarque soit dans la conformation, soit dans les mœurs, entre les chiens domestiques de divers pays et les espèces sauvages qui y habitent encore, la balance, penche évidemment du côté de l’origine multiple de nos races domestiques.

Différences entre les diverses races de chiens. — Si les différentes races descendent de plusieurs souches sauvages, une partie de leurs différences doivent être évidemment explicables, par celles des espèces dont elles dérivent. La forme du lévrier, par exemple, peut provenir d’un animal grêle et svelte au museau allongé, comme le Canis simensis[51] d’Abyssinie ; les gros chiens peuvent descendre des grands loups ; les formes plus petites, du chacal ; on peut encore ainsi rendre compte de certaines différences climatériques et constitutionnelles. Mais cela n’exclut pas l’intervention d’une somme considérable de variations[52]. Les croisements réciproques des diverses souches sauvages originelles et des variétés qui en sont provenues, ont augmenté considérablement le nombre total des races et, comme nous le verrons, en ont modifié fortement quelques-unes. Le croisement ne peut expliquer l’origine de formes extrêmes comme les lévriers, limiers, bouledogues, épagneuls Blenheim, terriers, etc., à moins d’admettre que des types offrant à un degré égal ou plus prononcé les caractères spéciaux de ces races, aient une fois existé dans la nature. Mais personne n’a osé encore supposer que des formes aussi peu naturelles aient jamais pu exister à l’état sauvage. Comparées aux membres connus de la famille des canidés, elles trahissent une origine distincte et anomale. On n’a aucune donnée de chiens, comme les lévriers, les épagneuls, les limiers, ayant été trouvés chez les sauvages : ils sont le produit d’une civilisation longtemps continuée.

Le nombre des races et sous-races est grand. Youatt décrit, par exemple, douze sortes de lévriers. Je n’essayerai pas d’énumérer ou de décrire ces variétés, parce que nous ne pourrions déterminer les différences qui doivent être attribuées à la variation de celles imputables à la provenance de souches originelles distinctes. Il vaut cependant la peine de mentionner quelques points. Pour commencer par le crâne, Cuvier a reconnu[53] que, quant à la forme, les différences sont « plus fortes que celles d’aucunes espèces sauvages d’un même genre naturel. » Les proportions des différents os ; la courbure de la mâchoire inférieure ; la position des condyles relativement au plan des dents (sur laquelle F. Cuvier a fondé sa classification) ; la forme de la branche postérieure chez les dogues ; celle de l’arcade zygomatique et des fosses temporales ; tout cela varie énormément[54]. Le chien possède normalement six paires de molaires à la mâchoire supérieure, et sept à l’inférieure, mais plusieurs naturalistes en ont trouvé à la mâchoire supérieure une paire additionnelle[55] ; et le professeur Gervais dit qu’il y a des chiens qui ont sept paires de dents supérieures et huit inférieures. De Blainville[56] a donné des détails complets sur la fréquence de ces déviations dans le nombre des dents, et montré que la dent surnuméraire n’est pas toujours la même. D’après H. Müller[57], dans les races à museau court, les molaires sont obliques, tandis que, dans les races à museau allongé, les molaires sont placées longitudinalement et espacées. Le chien dit égyptien ou turc, sans poils, a une dentition[58] très-incomplète, il n’offre quelquefois qu’une molaire de chaque côté, mais ceci, quoique caractéristique de cette race, peut être regardé comme une monstruosité. M. Girard[59], qui paraît avoir étudié la chose de près, assure que l’époque de l’apparition des dents permanentes n’est pas la même pour tous les chiens ; elle est plus prompte chez les grands ; ainsi, le dogue met ses dents adultes dans quatre ou cinq mois, tandis que, pour l’épagneul, il en faut sept à huit. Il y a peu à dire sur les différences minimes. I. Geoffroy Saint-Hilaire[60] a montré que, quant à la taille, quelques chiens ont jusqu’à six fois la longueur d’autres (la queue non comprise) ; et que le rapport de la hauteur à la longueur du corps varie de un à deux à un à quatre. Dans le lévrier écossais, on remarque une différence frappante et remarquable dans la taille du mâle et de la femelle[61]. Chacun sait combien les oreilles varient de grandeur suivant les races, et comment ce grand développement des oreilles entraîne l’atrophie de leurs muscles.

Certaines races offrent entre les lèvres et les narines un profond sillon. D’après F. Cuvier, les vertèbres caudales varient en nombre, et la queue manque presque complètement chez les chiens de bergers. Les mamelles varient de sept à dix. Daubenton, sur vingt et un chiens qu’il a examinés, en a trouvé huit avec cinq paires de mamelles, huit avec quatre, les autres en avaient en nombre inégal de chaque côté[62]. Les chiens ont normalement cinq doigts aux pattes antérieures, et quatre aux postérieures ; il s’en trouve souvent un cinquième ; et F. Cuvier a constaté que, lorsqu’il y a addition d’un cinquième doigt, il se développe un quatrième os cunéiforme ; dans ce cas, le grand os cunéiforme se relève et fournit par sa face interne une large surface articulaire à l’astragale ; de sorte que même les connexions réciproques des os, de tous les caractères le plus constant, varient. Ces modifications dans les pattes des chiens ne sont, du reste, pas très-importantes, car, comme l’a montré de Blainville[63], elles doivent être regardées comme des monstruosités. Elles sont cependant intéressantes par la corrélation qui se remarque entre elles et la taille, car elles sont beaucoup plus fréquentes chez les dogues et les grandes races, que chez les petites. Des variétés voisines diffèrent cependant, sous ce rapport, ainsi, M. Hodgson assure que la variété lassa noir et feu du dogue du Thibet possède le cinquième doigt, tandis que la sous-variété mustang en est dépourvue. Le développement de la peau entre les doigts varie beaucoup, nous aurons à revenir sur ce point. Les différentes races varient encore par la perfection de leurs sens, de leurs dispositions et de leurs habitudes héréditaires. Les races présentent quelques différences constitutionnelles ; d’après Youatt[64], le pouls varie suivant la race et la taille de l’animal. Les diverses races sont à différents degrés soumises à certaines maladies. Elles se sont certainement adaptées aux divers climats sous lesquels elles ont longtemps vécu. Il est notoire que la plupart de nos meilleures races européennes se détériorent dans l’Inde[65]. Le Rév. R. Everest[66] croit qu’on n’est jamais parvenu à conserver longtemps vivant le terre-neuve dans l’Inde ; Lichtenstein[67] dit qu’il en est de même au cap de Bonne-Espérance. Le dogue du Thibet dégénère dans les plaines de l’Inde, et ne peut vivre que dans les montagnes[68]. Lloyd[69] assure que nos limiers et bouledogues ne peuvent pas supporter les froids des forêts du nord de l’Europe.

En voyant par combien de caractères les races canines diffèrent les unes des autres, en nous rappelant d’une part l’assertion de Cuvier, que leurs crânes sont plus dissemblables entre eux que ne le sont ceux d’espèces d’un genre naturel, et de l’autre l’analogie étroite qu’offrent les os des loups, chacals, renards et autres canidés, n’est-il pas étonnant de rencontrer toujours maintes et maintes fois répétée cette assertion, que les races canines ne diffèrent entre elles que par des caractères sans importance. Un juge très-compétent, le professeur Gervais, dit[70] : « Si l’on prenait sans contrôle les altérations dont chacun de ces organes est susceptible, on pourrait croire qu’il y a entre les chiens domestiques des différences plus grandes que celles qui séparent ailleurs les espèces, quelquefois même les genres. » Parmi les différences énumérées plus haut, il en est quelques-unes qui, à un certain point de vue, ont peu de valeur, car elles ne caractérisent pas des races distinctes ; ainsi les dents molaires surnuméraires, ou le nombre des mamelles. Le doigt supplémentaire qui se trouve généralement chez les dogues, et quelques-unes des différences plus importantes du crâne et de la mâchoire inférieure sont plus ou moins caractéristiques des diverses races. Mais n’oublions pas que dans aucun de ces cas l’action dominante de la sélection n’a été mise en jeu ; nous avons sur plusieurs points essentiels de la variabilité, mais les différences n’ont pas été fixées par la sélection. L’homme tient à la forme et à la légèreté de ses lévriers, à la taille de ses dogues, à la puissance de la mâchoire de ses bouledogues, etc. ; mais il ne s’inquiète nullement du nombre de leurs molaires, de leurs mamelles ou de leurs doigts ; nous ne savons pas d’ailleurs en quelle corrélation les variations de ces organes peuvent se trouver avec les autres parties du corps, sur lesquelles l’homme exerce son influence modificatrice. Ceux qui se sont occupés de sélection admettront que, la nature donnant la variabilité, il serait possible à l’homme, si cela lui convenait, de fixer aux pattes postérieures de certaines races de chiens un cinquième doigt aussi sûrement qu’il l’a fait pour la poule dorking ; il fixerait probablement aussi, mais avec plus de difficulté, une paire de molaires surnuméraires à l’une ou à l’autre mâchoire, de la même façon qu’il a ajouté à certaines races de moutons des cornes additionnelles : s’il voulait encore produire une race de chiens édentés, il y arriverait probablement au moyen du chien turc, aux dents si imparfaites, car il a réussi à produire des races de bœufs et de moutons sans cornes.

Nous sommes du reste parfaitement ignorants sur les causes précises qui ont amené les diverses races de chiens à différer si considérablement entre elles. Nous pouvons expliquer une partie de la différence dans la conformation extérieure, par l’héritage des souches sauvages distinctes, c’est-à-dire due aux modifications déjà effectuées par la nature avant la domestication. Il faut accorder quelque chose aux croisements entre les races domestiques et naturelles. Je reviendrai bientôt sur ce croisement des races. Nous avons déjà vu combien les sauvages croisent leurs chiens avec les espèces indigènes libres, et Pennant[71] cite un exemple curieux d’une localité en Écosse, Fochabers, qui se trouva peuplée d’une multitude de chiens ayant l’aspect de loups par suite de l’introduction dans la contrée d’un seul métis de cet animal sauvage.

Le climat paraît modifier directement les formes du chien. Nous avons vu déjà que plusieurs races anglaises ne peuvent pas vivre dans l’Inde, et il est positivement constaté que dans ce pays, après quelques générations, elles dégénèrent soit dans leurs facultés, soit dans leurs formes. Le capitaine Williamson[72] assure que ce sont les chiens courants qui déclinent le plus promptement, puis les lévriers et les chiens d’arrêt. Les épagneuls par contre, même après sept ou huit générations et sans nouveau croisement d’Europe, sont aussi bons que leurs ancêtres. Le docteur Falconer m’apprend que les bouledogues, qui, lors de leur première introduction dans le pays, pouvaient terrasser un éléphant par sa trompe, perdent au bout de deux ou trois générations beaucoup de leur férocité et de leur vigueur, ainsi que du développement caractéristique de leur mâchoire inférieure ; leur museau devient plus fin et leur corps plus léger. Les chiens anglais importés dans l’Inde étant très-estimés, on a évité avec soin tout croisement avec les races du pays ; on ne peut donc expliquer ainsi la dégénérescence remarquée. Le Rév. R. Everest m’apprend qu’il a élevé une paire de chiens couchants nés dans l’Inde et qui ressemblaient entièrement à leurs parents écossais ; il en obtint ensuite à Delhi plusieurs portées en évitant tout croisement, mais il ne put jamais, quoique ce ne fût que la deuxième génération dans l’Inde, obtenir un seul jeune chien semblable aux parents : les narines étaient plus contractées, le museau plus pointu, la taille moindre et les membres plus grêles. Cette détérioration rapide des chiens européens sous l’influence du climat de l’Inde doit peut-être s’expliquer par une tendance que manifestent beaucoup d’animaux au retour vers un état primordial, lorsqu’on les expose à de nouvelles conditions extérieures, comme nous le verrons plus loin.

Parmi les particularités qui caractérisent les différentes races de chiens, il en est qui ont probablement apparu subitement, et qui, quoique rigoureusement héréditaires, peuvent être considérées comme des monstruosités ; ainsi la forme du corps et des pattes chez les bassets d’Europe et de l’Inde ; la forme de la tête et de la mâchoire inférieure du bouledogue et du mopse, si semblables sous ce rapport, et si différents sous tous les autres. Une singularité apparaissant brusquement peut toutefois être augmentée et fixée par la sélection humaine. Nous ne pouvons douter que l’éducation longtemps continuée, la chasse du lièvre pour le lévrier, la natation pour les chiens aquatiques, l’absence d’exercice chez les bichons, n’aient dû produire des effets directs sur leur conformation et leurs instincts. Mais nous verrons immédiatement que la cause de modification la plus puissante a été la sélection, tant méthodique qu’involontaire, de légères différences individuelles, — cette dernière sélection résultant de la conservation pendant des centaines de générations, des individus qui se trouvaient les plus utiles à l’homme pour certains usages et dans certaines conditions. Dans un chapitre futur sur la sélection, je montrerai que même les sauvages font très-attention aux qualités de leurs chiens. Cette sélection inconsciente de l’homme est aidée par une sorte de sélection naturelle, car les chiens des sauvages ont à chercher eux-mêmes une partie de leur subsistance ; ainsi en Australie nous savons par M. Nind[73], que les chiens sont souvent obligés de quitter leurs maîtres pour se pourvoir par eux-mêmes ; ils reviennent généralement au bout de quelques jours. Nous pouvons admettre que les chiens de diverses conformations, tailles et habitudes, ont le plus de chance de survivre sous des conditions variées, — dans les plaines stériles, où ils doivent forcer leur proie à la course, — sur les côtes rocheuses, où il faut qu’ils se nourrissent des crabes et des poissons qui après la marée haute restent dans les creux de rochers, comme cela est le cas à la Nouvelle-Guinée et à Tierra del Fuego. Dans ce dernier pays, M. Bridges, des missions, m’apprend que les chiens savent retourner les pierres sur la plage pour prendre les crustacés qui sont cachés dessous ; et qu’ils sont assez adroits pour détacher du premier coup de patte les mollusques collés aux rochers ; on sait que si cela n’a pas lieu, la force d’adhésion que peuvent développer les mollusques devient considérable.

On a déjà remarqué que les chiens offrent des différences quant au degré de palmure de leurs pattes. Chez les terre-neuve, qui ont des mœurs éminemment aquatiques, la peau, d’après I. Geoffroy Saint-Hilaire[74], s’étend jusqu’à la troisième phalange, tandis que chez les chiens ordinaires, elle ne dépasse pas la seconde. Sur deux terre-neuve que j’ai examinés, les doigts écartés et vus en dessous, la peau s’étendait en droite ligne jusqu’au bord extérieur des pelottes digitales ; chez deux terriers de sous-races distinctes, la membrane interdigitale, vue de la même manière, se montrait profondément échancrée. Au Canada on trouve assez communément un chien particulier à ce pays, qui a les pattes à demi palmées et aime l’eau[75]. Les chiens-loutres anglais ont, dit-on, les pattes palmées ; un ami ayant examiné pour moi les pattes de deux de ces chiens, en les comparant à celles de lévriers et de limiers, a trouvé l’étendue de la palmure variable, mais plus développée chez le chien-loutre que chez les autres[76]. Comme les animaux aquatiques appartenant aux ordres les plus divers ont les pattes palmées, il n’y a pas de doute que cette conformation ne soit utile aux chiens qui vont à l’eau. Sans admettre que l’homme ait jamais choisi ses chiens aquatiques d’après l’étendue de la palmure de leurs pattes, il n’en a pas moins, en conservant et en faisant reproduire les individus qui chassaient le mieux dans l’eau, qui rapportaient le mieux le gibier blessé, choisi ainsi et à son insu, les chiens dont les pattes étaient probablement les mieux palmées. C’est ainsi que l’homme imite la sélection naturelle. Nous trouvons dans l’Amérique du Nord une excellente démonstration de cette marche ; là, d’après Richardson[77], tous les loups, renards et chiens domestiques indigènes ont les pattes plus larges que les espèces correspondantes de l’ancien monde, et parfaitement adaptées pour la marche sur la neige. Dans ces régions arctiques, la vie ou la mort de l’animal pourra dépendre du succès de sa chasse sur la neige ramollie, lequel dépendra aussi de la largeur de ses pattes ; il ne faudrait cependant pas que cette largeur fût assez grande pour gêner les mouvements de l’animal sur un sol gluant, l’empêcher de fouir, ou contrarier ses habitudes.

Les modifications dans les races domestiques s’opérant trop lentement pour être appréciables dans un temps limité, qu’elles soient dues à une sélection de variations individuelles ou à des croisements, ont une telle importance pour faire comprendre l’origine de nos productions domestiques, et jettent indirectement une telle lumière sur les changements qui ont pu s’opérer dans l’état de nature, que je tiens à donner avec détails les exemples que j’ai pu recueillir. Lawrence[78] qui a voué une attention toute particulière à l’histoire du chien employé à la chasse du renard, écrivait en 1829, qu’environ quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans auparavant, l’art de l’éleveur avait créé pour cette chasse un chien tout nouveau, en réduisant les oreilles de l’ancien type, allégeant ses os et sa masse, allongeant son corps et élevant un peu sa taille. On croit que cela fut obtenu par un croisement avec le lévrier. Relativement à ce dernier, Youatt[79] prétend que, depuis une cinquantaine d’années, soit un peu avant le commencement du siècle, le lévrier a pris un caractère un peu différent de celui qu’il avait auparavant. Il est actuellement remarquable par une symétrie et une beauté de formes, dont il ne pouvait pas se vanter autrefois ; il est devenu aussi beaucoup plus rapide. On ne l’emploie plus pour attaquer le cerf, mais c’est entre lui et ses compagnons une lutte de vitesse pendant une course rapide mais courte. Un auteur compétent[80] croit que les lévriers anglais sont les descendants, progressivement améliorés, des grands lévriers à poils rudes qui existaient en Écosse déjà au iiie siècle. On a supposé un croisement ancien avec le lévrier d’Italie, mais le peu de vigueur de cette race rend cette supposition peu probable. On sait que lord Orford, croisa ses fameux lévriers, qui manquaient de courage, avec un bouledogue, — race qui fut choisie à cause de son peu d’odorat, — Youatt dit qu’à la sixième et à la septième génération il ne restait pas le moindre vestige du bouledogue dans les formes des descendants, mais qu’ils en avaient conservé le courage et la persévérance indomptables.

Youatt conclut, de la comparaison d’un ancien dessin d’épagneuls king-charles avec la race actuelle, que celle-ci a été matériellement altérée à son désavantage ; le museau s’est raccourci, le front est devenu plus saillant, et les yeux plus grands, modifications dues probablement à une simple sélection. Le même auteur fait remarquer que le setter est évidemment le grand épagneul amélioré et amené à sa taille et sa beauté actuelles, et auquel on a appris une autre manière de signaler le gibier. À l’appui de cette conclusion que les formes de ce chien justifient d’ailleurs complètement, il cite un document de 1685 sur ce sujet, en ajoutant que le setter irlandais pur ne montre aucun signe de croisement avec le chien d’arrêt, croisement que quelques auteurs soupçonnent avoir eu lieu pour le setter anglais. Un autre écrivain[81] remarque que si le dogue et le bouledogue anglais avaient été autrefois aussi distincts qu’ils le sont aujourd’hui (en 1828), un observateur aussi exact que le poète Gay (auteur de Rural Sports en 1711), aurait dans une de ses fables parlé du taureau et du bouledogue, et non du taureau et du dogue. Il n’y a aucun doute que les bouledogues actuels, maintenant qu’ils ne sont plus employés pour les combats de taureaux et de chiens, ont beaucoup diminué de taille, sans une intention arrêtée de l’éleveur. Nos chiens d’arrêt descendent certainement d’une race espagnole, comme l’indiquent déjà les noms qu’on leur donne ordinairement, tels que Don, Ponto, Carlos, etc. ; on assure qu’ils n’étaient pas connus, en Angleterre avant la révolution de 1688[82], mais depuis leur introduction, la race s’est bien modifiée, car M. Borrow qui est chasseur et connaît bien l’Espagne, m’apprend qu’il n’a jamais vu dans ce pays, aucune race correspondant par sa forme au chien d’arrêt anglais. Quelques chiens de cette race qu’on trouve dans les environs de Xérès y ont été importés par les Anglais. Le terreneuvien nous offre un cas analogue ; car, très-certainement importé de Terre-Neuve en Angleterre, il est maintenant si considérablement modifié, qu’ainsi que plusieurs auteurs l’ont remarqué, il ne ressemble à aucun des chiens existant actuellement dans l’île de Terre-neuve[83].

Ces divers cas de changements lents et graduels dans nos chiens anglais offrent de l’intérêt ; car, bien que ces changements aient eu généralement, mais pas toujours, pour cause un ou deux croisements avec une race distincte, nous pouvons être sûrs, vu la grande variabilité des races croisées, qu’il a fallu l’action d’une sélection rigoureuse et longtemps soutenue pour les améliorer dans un sens bien déterminé. Dès qu’une branche ou famille se trouvait légèrement améliorée et mieux adaptée aux nouvelles conditions ambiantes, elle devait tendre à supplanter les branches plus anciennes et moins parfaites. Ainsi, par exemple, aussitôt que l’ancien type du chien usité pour la chasse au renard, amélioré par le croisement avec le lévrier, ou par simple sélection, a acquis les caractères qu’il possède aujourd’hui, — modification nécessitée probablement par la rapidité croissante de nos chevaux de chasse — il a dû rapidement se répandre dans le pays, où il est actuellement à peu près le même partout. Cette marche progressive se continue toujours, car chacun cherche à améliorer encore ses produits, en se procurant à l’occasion des chiens des meilleures meutes. C’est par une série de substitutions graduelles de cette nature, que l’ancien chien de chasse anglais a disparu, il en est probablement de même de l’ancien lévrier irlandais, et de l’ancien bouledogue anglais. Une autre cause paraît contribuer à cette extinction des anciennes races ; c’est que lorsqu’une race est peu répandue et n’est élevée que sur une petite échelle, comme c’est le cas actuellement pour le chien limier, elle ne se maintient qu’avec peine, à cause des effets nuisibles résultant de croisements consanguins longtemps continués.

En résumé, de ce que plusieurs races ont été sensiblement modifiées dans le court espace de un ou deux siècles, par la sélection des meilleurs individus, aidée dans bien des cas par le croisement avec d’autres races ; et de ce que, comme nous le verrons plus tard, l’élève du chien a été pratiquée très-anciennement ainsi qu’elle l’est encore par les sauvages, nous pouvons donc conclure que la sélection, même appliquée occasionnellement, nous offre un puissant moyen de modification.

CHATS DOMESTIQUES.

Le chat a été domestiqué déjà fort anciennement en Orient ; M. Blyth m’apprend qu’il en est fait mention dans un écrit sanscrit datant de deux mille ans ; les figures des monuments et les momies nous montrent que leur antiquité en Égypte est encore plus grande. Ces momies, étudiées particulièrement par de Blainville[84], appartiennent à trois espèces, les F. caligulata, bubastes et chaus. Il paraît qu’on trouve encore dans certaines parties de l’Égypte, les deux premières, tant à l’état domestique que sauvage. Comparé à nos chats domestiques d’Europe, le F. caligulata présente, dans sa première molaire inférieure de lait, une différence d’après laquelle de Blainville conclut qu’il ne doit pas être l’ancêtre de nos chats. Plusieurs naturalistes, Pallas, Temminck, Blyth, croient à la provenance des chats domestiques de plusieurs espèces mélangées : il est certain que les chats se croisent volontiers avec diverses espèces sauvages, et il est possible que dans quelques cas, les caractères des races domestiques aient été ainsi affectés par des croisements de ce genre. Sir W. Jardine, ne doute pas que, dans le nord de l’Écosse, il ne se soit fait parfois des croisements avec une espèce indigène (F. sylvestris), et dont les produits ont été élevés dans les maisons. Il ajoute avoir vu beaucoup de chats ressemblant de très-près au chat sauvage, et un ou deux qu’on pouvait à peine en distinguer. M. Blyth[85] fait remarquer à ce sujet que, dans les parties, méridionales de l’Angleterre, on ne voit jamais de ces chats ; et que, comparé aux chats domestiques indiens, l’affinité du chat ordinaire anglais avec le F. sylvestris est évidente ; il soupçonne qu’à l’époque de l’introduction du chat domestique dans la Grande-Bretagne, où celui-ci était encore rare, tandis que l’espèce sauvage était beaucoup plus répandue qu’à présent, il a dû y avoir des mélanges fréquents. En Hongrie, Jeitteles[86] signale le cas d’un croisement entre une chatte domestique et un mâle sauvage, dont les produits métis ont vécu à l’état domestique. À Alger, le même croisement a eu lieu avec le chat sauvage du pays (F. Lybica)[87]. D’après M. Layard, le chat domestique se croise librement dans le midi de l’Afrique avec l’espèce sauvage (F. Caffra) ; et il a pu voir une paire de métis tout à fait privés et très-attachés à la personne qui les avait élevés ; M. Fry a constaté que ces métis étaient féconds. D’après M. Blyth, le chat domestique s’est croisé avec quatre espèces indiennes. Un excellent observateur, sir W. Elliot, m’apprend relativement à une de ces espèces, le F. chaus, qu’il eut une fois, près de Madras, l’occasion d’en tuer une portée de petits, qui étaient évidemment des métis du chat domestique ; ces jeunes animaux avaient une queue fournie comme celle du lynx, et portaient au côté interne de l’avant-bras la large bande brune qui caractérise le F. chaus. Il ajoute avoir souvent observé cette bande sur l’avant-bras des chats domestiques dans l’Inde. M. Blyth constate que des chats domestiques analogues par la couleur, quoique pas par la forme, sont très-abondants au Bengale ; il ajoute que cette coloration ne se remarque jamais chez les chats d’Europe, dont les tachetures (traits pâles sur un fond noir, symétriquement disposées) si communes chez les chats anglais, n’existent jamais chez ceux de l’Inde. Le docteur Short a informé M. Blyth[88], qu’on rencontre à Hansi des métis du chat commun et du F. ornata (ou torquata), et que, dans cette partie de l’Inde, un grand nombre de chats domestiques ne peuvent être distingués du F. ornata sauvage. Azara, sur le témoignage des habitants, dit que, dans le Paraguay, le chat a été croisé avec deux espèces indigènes. Ces divers cas nous montrent qu’en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique le chat commun, vivant dans une plus grande liberté que tous les autres animaux domestiques, s’est croisé avec plusieurs espèces sauvages ; et que ces croisements ont, dans quelques cas, été assez fréquents pour modifier et affecter les caractères de la race.

Que les chats domestiqués proviennent de plusieurs espèces distinctes, ou qu’ils aient seulement été modifiés par des croisements accidentels, leur fécondité paraît intacte. De toutes nos races domestiques, le gros angora ou chat persan est celui qui diffère le plus des autres par ses mœurs et sa conformation. Pallas croit, sans preuve certaine, qu’il descend du F. manul de l’Asie centrale ; mais M. Blyth m’assure que ce chat se croise librement avec le chat domestique indien, qui, comme nous l’avons vu, a été passablement mêlé avec le F. chaus. En Angleterre les angoras demi-sang produisent très-bien avec le chat commun ; je ne sais si les métis sont féconds entre eux, mais comme ils sont très-communs dans certaines parties de l’Europe, tout degré de stérilité un peu prononcé, n’aurait pas manqué d’être signalé.

Nous ne rencontrons pas, dans un même pays, des races de chats aussi tranchées que celles des chiens ou autres animaux domestiques, quoique cependant les chats présentent encore passablement de fluctuations dans leur variabilité. Ceci s’explique probablement par leurs mœurs nocturnes et vagabondes, d’où résultent une confusion inextricable de croisements et de mélanges, et l’impossibilité de produire des races distinctes par sélection, ou de conserver intactes celles importées d’ailleurs. D’autre part dans les îles et dans les régions qui se trouvent complètement séparées les unes des autres, nous rencontrons des races plus ou moins distinctes ; ces cas valent la peine d’être cités, parce qu’ils montrent que la rareté des races distinctes dans un même pays, ne tient pas à un défaut de variabilité chez l’animal. Les chats sans queue de l’île de Man, diffèrent du chat commun non-seulement par l’absence de queue, mais par la longueur de leurs membres postérieurs, la grandeur de leur tête et par leurs mœurs. Le chat créole d’Antigua, comme me l’apprend M. Nicholson, est plus petit et a la tête plus allongée que le chat anglais. D’après M. Thwaites, la différence entre le chat de Ceylan et la race anglaise frappe au premier coup d’œil ; le premier est petit, à poils couchés ; la tête est petite, le front fuyant, mais les oreilles sont larges et minces ; en somme ces chats ont une apparence vulgaire. Rengger[89] dit que le chat domestique du Paraguay qui remonte à trois cents ans en arrière, diffère d’une manière frappante du chat européen ; plus petit d’un quart, son corps est plus grêle, son poil court, brillant, rare, et fortement couché, surtout sur la queue ; il ajoute qu’à Ascension, la capitale du pays, la modification est moins sensible, par suite des croisements continuels qui ont lieu avec les chats nouvellement importés ; fait qui démontre bien l’importance de la séparation. Les conditions extérieures du Paraguay ne paraissent pas être très-favorables au chat ; car, quoique à moitié sauvage, il ne l’est pas devenu complètement, comme tant d’autres animaux européens. Dans une autre partie de l’Amérique du Sud, d’après Roulin[90], le chat a perdu l’habitude de hurler la nuit. Le Rév. W. D. Fox a acheté à Portsmouth un chat qu’on lui dit provenir de la côte de Guinée ; la peau en était noire et ridée, la fourrure d’un gris bleuâtre et courte, les oreilles un peu nues, les jambes longues et l’aspect général singulier. Ce chat nègre a produit avec le chat ordinaire. Sur la côte d’Afrique opposée à Mombas, le capitaine Owen[91] R. N., constate que tous les chats portent, au lieu de fourrure, des poils roides et courts, et raconte, à propos d’un chat de la baie d’Algoa qui avait été gardé à bord pendant quelque temps, et laissé pendant huit semaines à Mombas, que cet animal subit pendant cette courte période une métamorphose complète, et perdit complètement sa fourrure grise. Desmarest a décrit un chat du cap de Bonne-Espérance remarquable par une bande rouge sur le dos. Sur tout l’espace occupé par l’Archipel Malais, Siam, Pégu et Burmah, les chats ont une queue tronquée à demi-longueur[92] et présentant souvent un nœud à son extrémité. Dans l’archipel des Carolines les chats ont les jambes très-longues, et sont d’une couleur jaune rougeâtre[93]. Une race en Chine a les oreilles pendantes. Il y a d’après Gmelin à Tobolsk, une race rouge. En Asie nous trouvons aussi la race angora ou persane.

Le chat domestique est revenu à l’état sauvage dans plusieurs pays, et partout, autant qu’on en peut juger d’après de courtes descriptions, il a repris un caractère uniforme. À la Plata, près Maldonado, j’en ai tué un qui paraissait tout à fait sauvage ; M. Waterhouse[94], après un examen attentif, ne lui trouva de remarquable que sa grande taille. Dans la Nouvelle-Zélande, d’après Dieffenbach, les chats redevenus sauvages prennent une couleur grise panachée comme les chats sauvages proprement dits : ce qui est aussi le cas des chats demi-sauvages des Highlands de l’Écosse.

Nous avons vu que les contrées éloignées possèdent des races distinctes de chats domestiques. Les différences peuvent être dues en partie à leur descendance d’espèces primitives différentes, ou au moins à des croisements avec elles. Dans quelques cas, comme au Paraguay, Mombas, Antigua, les différences paraissent dues à l’action directe des conditions extérieures. On peut dans quelques autres attribuer quelque effet à la sélection naturelle, les chats ayant dans certaines circonstances à pourvoir à leur existence, et à échapper à divers dangers. Mais vu la difficulté qu’il y a à appareiller les chats, l’homme n’a rien pu faire par une sélection méthodique, et probablement bien peu par sélection inintentionnelle, quoiqu’il cherche généralement dans chaque portée à conserver les plus jolis individus, et estime surtout une portée de bons chasseurs de souris. Les chats qui ont le défaut de rôder à la poursuite du gibier sont souvent tués par les piéges. Ces animaux étant particulièrement choyés, une race de chats qui aurait été aux autres, ce que le bichon est aux chiens plus grands, eût été probablement d’une grande valeur ; et chaque pays civilisé en aurait certainement créé quelques-unes, si la sélection eût pu être mise en jeu ; car ce n’est pas la variabilité qui fait défaut dans l’espèce.

Dans nos pays nous voyons une assez grande variété dans la taille, les proportions du corps, et considérable dans la coloration des chats. Quoique je ne me sois occupé de ce point que depuis peu, j’ai déjà eu connaissance de quelques cas de variations fort singuliers, celui d’un chat né dans les Indes occidentales sans dents et resté tel toute sa vie. M. Tegetmeier m’a montré le crâne d’une chatte dont les canines s’étaient développées au point de dépasser les lèvres ; la dent entière avait 0,95 de pouce de longueur, et la partie nue de la dent jusqu’à la gencive avait 0,6 de pouce. On m’a parlé d’une famille de chats sexdigitaires. La queue varie beaucoup de longueur ; j’ai vu un chat qui, lorsqu’il était content portait la queue rabattue à plat sur son dos. Les oreilles varient de forme, quelques familles en Angleterre, portent à l’extrémité des oreilles, un pinceau de poils longs d’un quart de pouce ; M. Blyth dit que cette même singularité caractérise quelques chats de l’Inde. La variabilité dans la longueur de la queue et les pinceaux de poils à la pointe des oreilles paraissent correspondre à des différences analogues qui existent dans certaines espèces sauvages du genre. Une différence plus essentielle est que, d’après Daubenton[95] les intestins des chats domestiques sont plus larges et d’un tiers plus longs que ceux des chats sauvages de même taille ; résultat dû probablement à leur régime moins exclusivement carnivore.



  1. Owen, British fossil Mammals p. 123 à 133. — Pictet, Traité de Paléontologie 1853. t. I, p. 202. — De Blainville, dans son Ostéographie. Canidæ, p. 142, a longuement discuté le sujet, et conclut que l’ancêtre éteint de tous les chiens domestiques, se rapprochait plus du loup par son organisation, et du chacal par ses mœurs.
  2. Pallas, je crois, est l’auteur de cette doctrine, dans Act. acad. St.-Pétersbourg, 1780, part. II. — Ehrenberg l’a défendue, comme on le voit dans de Blainville, Ostéographie, p. 79. — Elle a été poussée à l’extrême par col. Hamilton Smith dans Naturalist Library, vol. IX et X. — M. C. Martin l’adopte dans son excellente History of the Dog, 1845 ; ainsi que le Dr . Morton et MM. Nott et Gliddon aux États-Unis. — Le professeur Lowe dans ses Domesticated Animals 1845, p. 666 arrive à la même conclusion. James Wilson d’Édimbourg, dans divers travaux lus à la Société Wernérienne et à la Société agricole des Highland, a développé la même idée avec beaucoup de force et de clarté. — Is. Geoffroy St.-Hilaire (Hist. nat. gén. 1860, t. III, p. 107), quoique regardant la plupart des chiens comme descendant du chacal, penche à croire que quelques-uns descendent du loup. Le prof. Gervais (Hist. nat. Mamm. 1855, t. II., p. 69), discutant l’opinion de la descendance des races domestiques d’une seule espèce, la regarde comme la moins probable.
  3. Berjeau, Les variétés du Chien, dans des vieilles sculptures et images, 1863. — Dr . F. L. Walther, Der Hund, Giessen 1817, p. 48. Cet auteur paraît avoir étudié avec soin tous les ouvrages classiques sur ce sujet. Voir aussi Volz, Betiräge zur Kultur-Geschichte, Leipzig, 1852, p. 115. — Youatt, The Dog, 1845, p. 6. — De Blainville en donne une histoire très-complète dans son Ostéographie, Canidœ.
  4. J’ai vu des dessins de ce chien d’après le tombeau du fils d’Esar Haddon, et des modèles du British Museum. Nott et Gliddon, dans leurs Types of Mankind, 1854, p. 393, donnent une copie de ces dessins. On a regardé ce chien comme un dogue du Thibet, mais M. A. Oldfield, qui connaît le vrai dogue du Thibet, m’assure, après avoir examiné les dessins du British Museum, qu’il considère les individus figurés comme différents.
  5. Proc. Zoolog. Soc. Juillet 12, 1831.
  6. Sporting in Algeria, p. 51.
  7. Berjeau donne des fac-simile des dessins égyptiens. — M. C. L. Martin, dans son Histoire du Chien, 1845, a copié plusieurs figures des monuments égyptiens qu’il identifie avec des races canines actuelles. — MM. Nott et Gliddon (Types of Mankind, 1854, p. 388) donnent des figures plus nombreuses. M. Gliddon prétend qu’un lévrier à queue enroulée semblable à ceux figurés sur les plus anciens monuments, est commun à Bornéo ; mais le rajah, sir J. Brooke, m’assure qu’aucun chien pareil n’existe là-bas.
  8. Ces faits, ainsi que ceux qui suivent sur ces restes trouvés en Danemark, sont empruntés au mémoire intéressant publié par M. Morlot dans Soc. vaudoise des Sciences nat., t. VI, 1860, p. 281, 299, 320.
  9. Die Fauna der Pfahlbauten, 1861, p. 117, 162.
  10. De Blainville, Ostéographie, Canidæ.
  11. Je dois ces informations à sir J. Schomburgk. — Voir aussi Journal of the R. Geographical Soc. vol. XIII, 1843, p. 65.
  12. Domestication of Animals. — Ethnol. Soc., Dec. 22, 1863.
  13. Journal of researches etc., 1845, p. 393. Voir p. 193 pour le Canis antarcticus ; pour l’antilope, voir Journal of the R. Geogr. Soc. t. XXIII, p. 94.
  14. Richardson, Fauni-Boreali-Americana, 1829, p. 64, 75. — Dr . Kane, Arctic explorations, 1856. v. I, p. 398, 455. — Dr. Hayes, Arctic Boat-Journey, 1860, p. 167. — Franklin’s Narrative, vol. I, p. 269, cite le cas de trois louveteaux d’une louve noire enlevés par les Indiens. Parry, Richardson et d’autres, signalent des croisements naturels de loups et de chiens dans les parties orientales de l’Amérique du Nord. — Seeman, dans Voyage of H. M. S. Herald, 1853, v. II, p. 26, dit que les Esquimaux prennent souvent des loups pour les croiser avec leurs chiennes, pour augmenter leur taille et leur force. — M. Lamare-Picquot, (Bull. de la Soc. d’acclimat. t. VII, 1860, p. 148) donne une bonne description des chiens esquimaux de demi-sang.
  15. Fauna Boreali-Americana, 1829, p. 73, 78, 80. — Nott et Gliddon, Types of Mankind, p. 383. — Le naturaliste voyageur Bartram, est cité par H. Smith dans Nat. Hist. Lib. v. X, p. 156. Un chien domestique mexicain paraît aussi ressembler à un chien sauvage du même pays. Un autre juge compétent M. J. K. Lord (The naturalist in Vancouver island, 1866, v. II, p. 218) dit que le chien indien des Spokans, près des Montagnes Rocheuses, n’est sans aucun doute autre chose qu’un coyote ou loup des prairies apprivoisé, ou Canis latrans.
  16. Je cite ceci d’après l’excellent récit que M. R. Hill donne de l’Alco ou chien domestique du Mexique, dans Gosse, Naturalist’s sojourn in Jamaica 1851, p. 329.
  17. Naturgeschichte der Säugethiere von Paraguay, 1830, p. 151.
  18. Cité dans Humboldt, Aspects of Nature, trad. anglaise, vol. I, p. 108.
  19. Paget, Travels in Hungary and Transylvania, v. I, p. 501. — Jeitteles, Fauna Hungariæ superioris 1862, p. 3. — Voir Pline (Histoire du Monde liv. VIII, ch. xl) sur les Gaulois croisant leurs chiens. — Voir aussi Aristote, Hist. Animal, liv. VIII, c. xxviii. — Sur les croisements naturels entre chiens et loups près des Pyrénées, voir M. Mauduyt, Du Loup et de ses races, Poitiers 1851 ; — aussi Pallas, dans Act. Acad. St-Pétersbourg, 1780, Part. II, p. 94.
  20. Je donne ce fait sur l’excellente autorité de M. Blyth (signant Zoophilus) dans le Indian sporting Review, Oct. 1856 p. 134. M. Blyth raconte qu’il fut frappé de la ressemblance entre une race de chiens pariahs à queue touffue, au nord-ouest de Cawnpore, et le loup indien ; de même pour les chiens de la vallée du Nerbudda.
  21. Pour des détails nombreux et intéressants sur la ressemblance du chien et du chacal, voir Geoffroy Saint-Hilaire, Hist. nat. gén. 1860, t. III, p. 101, — et P. Gervais, Hist. nat. des Mammifères 1855, t. II, p. 60.
  22. Güldenstadt, Nov. Comment. Acad. Petrop., t. XX, pro anno 1775, p. 449.
  23. Cité par de Blainville dans son Ostéographie, Canidæ, p. 79, 98.
  24. Voir Pallas, Act. Acad. St-Pétersb., 1780, part. II, p. 91. — Pour l’Algérie, voir I. G. St.-Hilaire. O. c. t. III, p. 177. — Dans les deux pays, c’est le chacal mâle qui s’apparie avec les femelles de races domestiques.
  25. J. Barbut, Description of the coast of Guinea in 1746.
  26. Travels in South Africa ; vol. II, p. 272.
  27. Selwyn, Geology of Victoria. — Journ. of Geol. Soc., vol. XIV, 1858, p. 536, et vol. XVI, 1860, p. 148. — Prof. M. Coy, dans Annals and Mag. of Nat. Hist. (3e série), vol. IX, 1862, p. 147. — Le dingo diffère des chiens des îles polynésiennes centrales. Dieffenbach remarque (Travels, vol. II, p. 45) que le chien natif de la Nouvelle-Zélande diffère aussi du dingo.
  28. Proceedings Zool, Soc., 1833, p. 112. — Voir aussi sur l’apprivoisement du loup ordinaire, Lloyd, Scandinavian adventures, vol. I, p. 460, 1854. — Pour le chacal, voir P. Gervais, Hist. nat. Mamm., t. II, p. 61. — Pour l’aguara du Paraguay, voir l’ouvrage de Rengger.
  29. Roulin, Mémoires présent. par div. savants, t. VI, p. 341.
  30. Martin, History of the Dog, p. 14.
  31. Cité par Lloyd dans Fieldsports of North of Europe, v. I, p. 387.
  32. Quatrefages, Soc. Acclimat., mai 11, 1863, p. 7.
  33. Ann. and Mag. Nat. Hist., v. XV, 1845, p. 140.
  34. Azara, Voy. dans l’Amér. mérid., t. I, p. 381. — Son récit est complètement confirmé par Rengger. — Quatrefages cite le cas d’une chienne amenée de Jérusalem en France, qui creusa un trou et y fit ses petits. Voir Discours à l’exposition des races canines 1865, p. 3.
  35. Pour les loups creusant la terre, voir Richardson, Fauna Bor. Amer. p. 64 et Bechstein, Naturg. Deutschl., v. I, p. 617.
  36. Pœppig, Reise in Chile, v. I, p. 290 ; voir Clarke ; et Rengger p. 155.
  37. Dogs. — Nat. Lib. vol. X, p. 121. Un chien de l’Amérique du Sud paraît être redevenu sauvage dans cette île. Voir Gosse, Jamaïca, p. 340.
  38. Low, Domesticated Animals, p. 650.
  39. Nat. Library. — Dogs, vol, X, p. 4, 19.
  40. Cité par P. Gervais, Hist. nat. Mamm., t. II, p. 66. (Cette règle souffre des exceptions. Je possède actuellement une chienne noire à poitrail et pattes tachetées de blanc, dont le bout de la queue est complètement noir. C. V.)
  41. J. Hunter a montré que la période de 73 jours de Buffon s’explique parce que la femelle a été laissée au mâle pendant 16 jours (Transact. philos., 1787, 253.) — Hunter a trouvé que la gestation d’un métis loup et chien (id. 1789, p. 160) était de 63 jours. Celle d’un métis chien et chacal fut de 59 jours. — G. Cuvier (Dict. class. Hist. nat. IV, p. 8) a trouvé 2 mois et quelques jours pour celle du loup ; I. Geoffroy Saint-Hilaire, qui a discuté tout le sujet, et d’après lequel je cite Bellingeri (Hist. nat. gén., III. p. 112), dit qu’au jardin des plantes la durée de la gestation du chacal a été trouvée être de soixante à soixante-trois jours, exactement comme chez le chien.
  42. Voir I. Geoff. Saint-Hilaire (Hist. nat. gén., III, p. 112) sur l’odeur des chacals, — et col. Ham. Smith. Nat. Hist. lib., v. X, p. 289.
  43. Cité par Quatrefages dans Bull. Soc. acclimat., mai 1863.
  44. Journal de Physiologie, t. II, p. 385.
  45. Voir la description de cette race dans Gosse, Jamaica, p. 338, et Rengger Säugethiere von Paraguay, p. 153. — Pour les chiens spitz, voir Bechstein, Naturg. Deutschlands, 1801, v. I, p. 638. — Hodgkin, voir le Zoologist, vol. IV, 1845–46, p. 1097.
  46. Act. Acad., St.-Pétersb, 1780 ; part. II, p. 84, 100.
  47. M. Broca (Journal de Physiologie, t. II, p. 353) a montré que les expériences de Buffon ont été souvent dénaturées. Broca a recueilli grand nombre de faits sur la fécondité de métis de chiens, loups et chacals.
  48. De la Longévité humaine, 1855, p. 143, par Flourens. — M. Blyth (dans Indian sporting Review, vol. II, p. 137) a vu plusieurs métis de chiens pariahs et de chacal, et le produit d’un de ces métis et d’un terrier. On connaît les expériences de Hunter sur le chacal. Voir aussi I. Geoff. St-Hilaire (Hist. nat. gén., III, p. 217), qui parle des métis de chacal comme féconds pendant trois générations.
  49. D’après F. Cuvier, cité par Brown, Geschichte der Natur, v. II, p. 164.
  50. W. C. L. Martin, History of the Dog, 1845, p. 203. — M. P. King, après bien des observations, m’assure que le dingo et les chiens d’Europe se croisent souvent en Australie.
  51. Rüppel, Neue Wirbelthiere von Abyssinien, 1835-40 ; Mamm., p. 39, pl. xiv. — Un bel exemplaire de cet animal se trouve au British Museum.
  52. Pallas même admet ceci. (Act. Acad. St-Pétersbourg, 1780, p. 93.)
  53. Cité par I. Geoffroy, loc. cit. III, p. 453.
  54. F. Cuvier, Ann. du Muséum, xviii, p. 337. — Godron, De l’Espèce, I, p. 342. — Col. Ham. Smith, Nat. Library, IX, p. 101.
  55. Isid. Geoff. St.-Hilaire, Hist. des Anomalies, 1832, I, 660. — Gervais, Hist. nat. des Mamm. II, p. 66. — De Blainville, Ostéog. Canidæ, p. 137, a vu une molaire supplémentaire des deux côtés.
  56. Ostéographie, p. 137.
  57. Würzburger Medecin Zeitschrift 1860, v. I, p. 265.
  58. M. Yarrell, Proc. Zool. Soc., oct. 8, 1833. — M. Waterhouse m’a montré un crâne d’un de ces chiens qui n’avait qu’une seule molaire de chaque côté et quelques incisives imparfaites.
  59. Cité dans le Veterinary, London, vol. VIII, p. 415.
  60. Op. cit., t. III, p. 448.
  61. W. Scrope, Art of Deerstalking, p. 354.
  62. Cité par le col. Ham. Smith, Nat. Lib., X, p. 79.
  63. De Blainville, Ostéographie, p. 134. — F. Cuvier, Annales du Museum, XVIII, p. 342. — Pour les dogues, voir col. Ham. Smith, O. C., p. 218. — Pour le dogue du Thibet, voir Hodgson, Journ. Asiat. Soc. of Bengal., I, 1832, p. 342.
  64. The Dog, 1845, p. 186. — Le lévrier italien (p. 167) est très-sujet aux polypes de la matrice, l’épagneul et le bichon à la bronchite (p. 182). Les races sont de même très-différentes sous le rapport de la disposition à la maladie des chiens (p. 232). Voir col. Hutchinson, Dog Breaking, 1850, p. 279.
  65. Youatt, The Dog, p. 15 ; — The Veterinary, London, vol. XI, p. 235.
  66. Journal of Asiat. Soc. of Bengal, v. III, p. 19.
  67. Travels, vol. II, p. 15.
  68. Hodgson. — Journal of Asiat. Soc. of Bengal, vol. III, p. 342.
  69. Field Sports of the North of Europe, v. II, p. 165.
  70. Hist. nat. des Mamm., 1855, t. II, p. 66, 67.
  71. History of Quadrupeds, 1793, vol. I, p. 238.
  72. Oriental Fieldsport, cité par Youatt, The Dog, p. 15.
  73. Cité par M. Galton, Domestication of Animals, p. 13.
  74. Hist. nat. gén, III, p. 450.
  75. M. Greenhow sur le chien canadien, London Mag. of Nat. Hist., 1833, vol. VI, page 511.
  76. Voir M. C. O. Groom-Napier sur la palmure des pattes postérieures du chien-loutre, Land and Water, oct. 13, 1866, p. 270.
  77. Fauna Bor. Americana, 1829, p. 62.
  78. The Horse in all his varieties, 1829, p. 230, 234.
  79. The Dog, 1845, p. 31, 35 ; pour l’épagneul King-Charles, p. 45. — Pour le chien-d’arrêt p. 90.
  80. Encycl. of rural Sports, p. 557.
  81. The Farrier, 1828, vol. I, p. 337,
  82. Voir col. Hamilton Smith sur l’ancienneté du chien d’arrêt, dans Nat. Library, v. x, p. 196.
  83. On présume que le terreneuvien provient d’un croisement du chien esquimau et d’un gros dogue français. Voir Hodgkin, British Association, 1844. — Bechstein, Naturgesch. Deulschlands, vol. I, p. 574. — Naturalist’s Library, vol. X, p. 132 ; — et aussi Juke, Excursion in and about Newfoundland.
  84. De Blainville, Ostéographie. — Felis, p. 65, sur les caractères du F. caligulata, et p. 85, 89, 90, 175, sur les autres espèces momifiées. Il cite Ehrenberg sur la momie du F. maniculata.
  85. Asiatic. Soc. of Calcutta. — Curators’s Report. Aug. 1856. — Le passage cité de Sir W. Jardine est tiré de ce rapport. M. Blyth, qui s’est beaucoup occupé des chats sauvages et domestiques de l’Inde, donne dans ce rapport une discussion fort intéressante sur leur origine.
  86. Fauna Hungariæ sup. 1862, p. 12.
  87. I. Geoff. St-Hilaire, O. C., t. III, p. 177.
  88. Proc. Zool. Soc. 1863, p. 184.
  89. Säugethiere von Paraguay, 1830, p. 212.
  90. O. C., part. iii, p. 346. — Gomara a signalé ce fait en 1554.
  91. Narratives of Voyages, t. VI, p. 180.
  92. J. Crawfurd, Desc. Dict. of the Indian Islands, p. 255. — Le chat de Madagascar a dit-on la queue tordue. Voir Desmarest, Encyc. nat. Mamm. 1820, p. 233, pour quelques autres races.
  93. Amiral Lutké, Voyage, vol. III, p. 308.
  94. Zoology of the voyage of the Beagle. — Mamm. p. 20. — Dieffenbach, Travels in New-Zealand, vol. II, p. 185. — Ch. St.-John, Wild sports of the Highlands, 1846, p. 40.
  95. Cité par Geoff. St-Hilaire. O. C. t. III, p.427.