De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication/Tome I/05

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De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. Ip. 139-190).

CHAPITRE V.

PIGEONS DOMESTIQUES.


Énumération et description des diverses races. — Variabilité individuelle. — Variations remarquables. — Caractères ostéologiques : crâne, mâchoire inférieure, nombre des vertèbres. — Corrélation de croissance entre la langue et le bec, et entre les paupières et la peau caronculeuse des narines. — Nombre des rémiges, longueur de l’aile. — Coloration, duvet. — Pattes palmées et emplumées. — Effets du défaut d’usage. — Corrélation entre le bec et les pieds. — Longueur du sternum, des omoplates et de la fourchette. — Longueur des ailes. — Résumé des différences entre les races.


Parmi les animaux dont la domestication paraît remonter à une époque ancienne, le Pigeon est de tous celui pour lequel on peut avec le plus d’évidence, démontrer la provenance d’une souche unique et connue, de toutes les races domestiques actuelles. J’ai été ainsi conduit à étudier ces dernières avec un soin tout particulier. Un grand nombre d’ouvrages en diverses langues, dont quelques-uns déjà anciens, ayant été publiés sur le Pigeon, il nous est possible de retracer l’histoire et l’origine de plusieurs de ses races. Enfin, par suite de causes que nous pouvons en partie comprendre, la somme des variations a, chez cet animal, été excessivement grande. Nous aurons dans cette étude sur les Pigeons, à entrer dans des détails qui pourront paraître fastidieux quelquefois, mais qui sont cependant indispensables pour bien comprendre la marche et l’étendue des changements qui peuvent s’opérer chez les animaux domestiques, et qu’aucun éleveur de Pigeons, ayant eu occasion d’observer les différences qui existent entre les races, ainsi que la constance avec laquelle elles perpétuent leur type propre, ne trouvera superflus. Car, même en ce qui me concerne, malgré les preuves évidentes que toutes les races de Pigeons dérivent d’une seule espèce, ce n’est qu’après plusieurs années d’études, que je suis arrivé à la conviction que toutes les différences existantes entre elles ont dû surgir depuis que l’homme a domestiqué pour la première fois le Bizet.

J’ai eu vivantes toutes les races les plus distinctes que j’ai pu me procurer, soit en Angleterre, soit sur le continent, et ai préparé des squelettes de toutes. J’ai reçu des peaux en grand nombre de la Perse, de l’Inde et d’autres parties du globe[1]. J’ai également, depuis mon admission dans deux clubs de Pigeons[2] de Londres, pu mettre à profit le concours bienveillant de plusieurs amateurs éminents.

Les races de Pigeons qu’on peut distinguer et qui reproduisent leur type fidèlement, sont très-nombreuses. MM. Boitard et Corbière[3] en décrivent avec détails 122, auxquelles je pourrais ajouter plusieurs variétés européennes qui ne leur étaient pas connues. Si j’en juge par les peaux que j’ai reçues de l’Inde, il y a dans ce pays bien des races inconnues en Europe, et j’apprends par Sir W. Elliot qu’une collection apportée à Madras par un marchand indien, et provenant du Caire et de Constantinople, renfermait plusieurs variétés inconnues dans l’Inde. Je ne doute pas qu’il n’existe plus de 150 variétés se reproduisant exactement et ayant reçu des noms distincts, mais dont la plupart ne diffèrent probablement les unes des autres que par des caractères peu importants. Je négligerai complètement des différences de cette nature, et ne m’attacherai qu’aux points plus essentiels de conformation, qui, comme nous ne tarderons pas à le voir, présentent un bon nombre de différences importantes. J’ai parcouru la magnifique collection des Colombides du British Museum, et, à l’exception de quelques formes (telles que les Didunculus, Calaenas, Goura, etc.), je n’hésite pas à affirmer que quelques-unes des races domestiques du Bizet diffèrent entre elles par leurs caractères extérieurs tout autant que peuvent le faire les genres naturels les plus distincts. Parmi les 288 espèces connues[4], nous chercherions en vain un bec aussi petit et conique que celui du Pigeon Culbutant à courte face ; ou aussi large et court que celui du Barbe ; ou aussi droit, long et étroit avec ses énormes caroncules que celui du Messager anglais ; une queue aussi étalée et redressée que celle du Pigeon à queue de paon ; enfin un œsophage semblable à celui des Grosses-gorges. Je ne veux point par là prétendre que les races domestiques diffèrent entre elles par l’ensemble de leur organisation autant que les genres naturels distincts ; je n’ai en vue que les caractères extérieurs, sur lesquels, il faut cependant le reconnaître, la plupart des genres des oiseaux ont été établis. Lorsque nous discuterons, dans un chapitre prochain, l’application du principe de la sélection par l’homme, nous verrons clairement pourquoi les différences entre les races domestiques sont presque toujours limitées aux caractères externes, ou du moins aux caractères extérieurement visibles.

Vu l’étendue et les gradations de différences qui existent entre les diverses races, je me suis trouvé obligé, dans la classification qui suit, de les ranger par groupes, races et sous-races, auxquels il faut parfois ajouter des variétés et sous-variétés, toutes transmettant leurs caractères propres. On peut même souvent distinguer dans une même sous-variété des branches ou familles différentes, suivant l’éleveur qui les a produites et conservées pendant longtemps. Il n’y a aucun doute que si les formes bien caractérisées des diverses races de pigeons eussent été trouvées à l’état sauvage, toutes eussent été regardées comme espèces distinctes, et plusieurs d’entre elles placées certainement par les ornithologistes dans des genres différents. Les nombreuses gradations des formes, et leurs passages réciproques des unes aux autres, rendent une bonne classification des diverses races domestiques très-difficile, et il est curieux de remarquer combien dans une pareille tentative on rencontre exactement les mêmes difficultés, et comme on doit suivre les mêmes règles que pour la classification d’un groupe quelconque naturel, mais compliqué, d’êtres organisés. On pourrait plus facilement établir une classification artificielle qu’une naturelle, mais alors une foule d’affinités évidentes seraient méconnues. On peut aisément définir les formes extrêmes, mais les formes intermédiaires gênent et détruisent nos définitions. Il y a des formes présentant quelquefois comme des « aberrations, » qu’il faut comprendre dans des groupes auxquels elles n’appartiennent pas exactement. Il faut utiliser les caractères de tous genres, mais de même que, pour les oiseaux à l’état de nature, les meilleurs et les plus facilement appréciables sont ceux fournis par le bec, il n’est pas possible d’évaluer l’importance de tous les caractères qu’on peut employer, de manière à établir des groupes ou sous-groupes de valeur égale. Enfin, un groupe pourra ne contenir qu’une race, tandis qu’un autre groupe moins bien défini peut-être, devra comprendre plusieurs races et sous-races, et dans ce cas, comme cela arrive dans la classification des espèces naturelles, il est difficile d’éviter une surévaluation des caractères qui se trouvent communs à un grand nombre de formes.

Je ne me suis jamais fié uniquement à l’œil pour les mesures, et quand je parle d’une partie comme grande ou petite, c’est toujours relativement à mon terme de comparaison, le Bizet sauvage (Columba livia). Les mesures sont données en pouces et décimales[5].


Fig. 17. — Le Bizet ou Columba livia[6], la souche de tous les Pigeons domestiques.

Je vais maintenant brièvement décrire les races principales. Le tableau suivant pourra faciliter au lecteur la connaissance de leurs noms et l’intelligence de leurs affinités.

COLUMBA LIVIA OU BIZET.

Ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant, on peut en toute sécurité considérer comme l’ancêtre commun de toutes nos races artificielles le Bizet (C. livia), en comprenant sous ce nom deux ou trois sous-espèces ou races géographiques très-voisines, et que nous décrirons ultérieurement. Les noms en italiques du côté droit du tableau indiquent les races les plus distinctes, ou celles qui ont subi la somme la plus considérable de modifications. La longueur des lignes ponctuées représente grossièrement le degré de différence entre chaque race et la souche mère, et les noms placés les uns sous les autres dans les colonnes indiquent les formes qui de plus ou moins près les relient entre elles. L’écartement des lignes ponctuées représente approximativement l’étendue des différences entre les diverses races.

GROUPE I.

Ce groupe ne comprend que la race des Grosses-gorges dont la sous-race la plus fortement caractérisée, le Grosse-gorge anglais amélioré, est peut-être, de tous les pigeons domestiques, le plus distinct.

Race I. — Pigeons Grosses-gorges (Pouter Pigeons, Kropf-Tauben, Boulants).
Œsophage très-grand, à peine distinct du jabot, souvent gonflé. Corps et membres allongés. Bec de dimensions moyennes.

Sous-Race I. — Le Grosse-gorge anglais amélioré offre un aspect réellement étonnant lorsque son jabot est complètement distendu. Tous les Pigeons domestiques ont l’habitude de gonfler un peu leur jabot, mais cette faculté est poussée à l’extrême chez le Grosse-gorge. Le jabot ne diffère de celui des autres Pigeons que par ses dimensions, mais il est moins nettement séparé de l’œsophage, dont la partie supérieure a un diamètre énorme, même tout près de la tête. J’ai eu en ma possession un de ces oiseaux dont le bec disparaissait entièrement quand le jabot était complètement distendu. Les mâles, surtout quand ils sont excités, se gonflent plus que les femelles, et paraissent tout glorieux de cette faculté. Lorsque l’oiseau refuse de « jouer, » selon le terme technique, on peut, comme je l’ai vu faire, en lui soufflant dans le bec, le gonfler comme un ballon, et ainsi plein d’air et d’orgueil, il se pavane en cherchant à conserver sa grosseur le plus longtemps possible. Les Grosses-gorges prennent souvent leur vol avec leur jabot ainsi dilaté ; j’ai vu un des miens, après avoir avalé une bonne portion de petits pois et d’eau, s’envoler pour porter cette nourriture à ses petits, et j’entendais résonner les pois dans son jabot distendu comme dans une vessie. Pendant le vol, leurs ailes se choquent souvent l’une contre l’autre au-dessus du dos, et produisent ainsi un claquement particulier.


Fig. 18. — Grosse-gorge anglais.

Ces Pigeons se tiennent extrêmement droits, et ont le corps mince et allongé ; les côtes sont plus larges et les vertèbres plus nombreuses que dans les autres races. Leur manière de se tenir fait paraître leurs membres plus longs qu’ils ne le sont réellement, bien qu’en fait leurs jambes et pieds soient proportionnellement plus longs que ceux de la C. livia. Les ailes très-allongées en apparence, ne le sont réellement pas relativement à la longueur du corps. Le bec semble aussi être plus long, mais relativement au corps il est de fait un peu plus court d’environ 0,03 de pouce que chez le Bizet.

Le Pigeon Grosse-gorge, quoique peu corpulent, est un grand oiseau ; j’en ai mesuré un qui avait 34 pouces 1/2 d’envergure, et 19 pouces du bout du bec à celui de la queue. Dans un Bizet sauvage des îles Shetland, les mesures correspondantes n’étaient que de 28 pouces 1/4 et 14 pouces 3/4. Les Grosses-gorges offrent un grand nombre de sous-variétés de couleurs diverses, mais dont il est inutile de nous occuper ici.

Sous-race II. — Grosse-gorge hollandais. — Il paraît être la forme souche des Grosses-gorges améliorés d’Angleterre. J’en ai eu une paire que je soupçonne cependant n’avoir pas été parfaitement pure. Ils sont plus petits que les Grosses-gorges anglais, et paraissent avoir leurs caractères spéciaux moins développés. Neumeister dit que leurs ailes se croisent au-dessus de la queue, mais sans en atteindre l’extrémité[7].

Sous-race III. — Grosse-gorge de Lille. — Je ne connais cette race que par description[8]. Elle se rapproche par sa forme générale du Grosse-gorge hollandais, mais son œsophage gonflé prend une forme sphérique, comme si l’oiseau avait avalé une grosse orange, arrêtée immédiatement au-dessous du bec. Cette boule insufflée est figurée comme s’élevant au niveau du sommet de la tête. Le doigt médian est seul emplumé.

MM. Boitard et Corbié décrivent une variété de cette sous-race appelée le Claquant, qui ne se gonfle que peu, mais a l’habitude caractéristique de frapper fortement ensemble ses ailes l’une contre l’autre, habitude que les Grosses-gorges anglais ont aussi, mais à un moindre degré.

Sous-race IV. — Grosse-gorge allemand ordinaire. — Je ne connais cet oiseau que d’après les figures et les descriptions qu’en donne l’exact Neumeister, un des rares auteurs sur les pigeons en lesquels on puisse avoir toute confiance. Cette sous-race paraît assez différente ; la partie supérieure de l’œsophage est beaucoup moins distendue, l’oiseau se tient moins relevé, les pieds ne sont pas emplumés, et les jambes et le bec sont plus courts. Il y a donc sous ces différents rapports un rapprochement vers la forme du Bizet commun. Les pennes caudales sont très-longues, et cependant les extrémités des ailes fermées dépassent le bout de la queue ; la longueur du corps, ainsi que l’envergure des ailes, sont plus grandes que dans la race anglaise.

GROUPE II.

Ce groupe renferme trois races évidemment voisines les unes des autres, et que nous désignons sous les noms de Messagers, Runts et Barbes. Il est vrai qu’il y a entre les Messagers et les Runts des passages si insensibles qu’on ne peut tirer entre ces deux sous-races qu’une ligne tout à fait arbitraire ; les Messagers passent aussi graduellement au Bizet par l’intermédiaire de quelques races étrangères. Cependant si on eût rencontré sauvages des Pigeons Messagers et Barbes bien caractérisés (fig. 19 et 20), pas un ornithologiste ne les eût placés ensemble dans le même genre, ni avec le Bizet. Ce groupe peut d’une manière générale se reconnaître à la longueur de son bec ; la peau qui recouvre les narines est turgescente et souvent verruqueuse, ainsi que la peau dénudée qui entoure les yeux. La bouche est large et les pieds grands. Cependant les Barbes, qui doivent rentrer dans ce groupe, ont le bec très-court, et quelques types de Runts ont très-peu de peau nue autour des yeux.

Race II. — Messagers (Pigeons Turcs, Dragons, Türkische Tauben, Carriers).
Bec allongé, étroit, pointu ; yeux entourés de beaucoup de peau nue et caronculeuse ; corps et cou allongés.

Sous-race I. — Le Messager anglais. — C’est un bel oiseau, grand, dont le plumage serré est généralement de couleur foncée ; son cou est allongé. Le bec est atténué et très-long : mesuré de sa pointe à sa base emplumée, il atteignait chez un individu 1,4 de pouce de long, soit presque le double de celui du Bizet, qui n’a que 0,77. Pour comparer proportionnellement les différentes parties du corps du Messager et du Bizet, je prends comme terme de comparaison leur longueur totale, mesurée de la base du bec à l’extrémité de la queue ; d’après cette donnée, le bec d’un Messager se trouve plus long d’un demi-pouce que celui du Bizet. La mandibule supérieure est souvent légèrement arquée. La langue est très-longue ; la peau caronculée prend autour des yeux, sur les narines, et sur la mandibule inférieure, un développement prodigieux. Les paupières mesurées longitudinalement se trouvaient, dans quelques exemplaires, deux fois aussi longues que dans le Bizet. Les orifices extérieurs des narines sont également deux fois aussi longs. La bouche ouverte mesure 0,75 de pouce dans sa partie la plus large, et seulement 0,4 chez le Bizet. Cette grande largeur de la bouche se manifeste sur le squelette par les bords déjetés des branches de la mâchoire inférieure. La tête est plate au sommet et étroite entre les orbites. Les pieds sont grands et grossiers ; leur longueur, mesurée de l’extrémité du doigt postérieur à celle du médian (les ongles non compris), s’est trouvée de 2,6 de pouce sur deux exemplaires, soit, relativement au Bizet, en excès d’environ un quart de pouce. Un beau Messager mesurait 31 pouces 1/2 d’envergure. Les oiseaux de cette sous-race ont trop de valeur pour être employés comme Pigeons voyageurs.

Sous-race II — Dragons ; Messagers persans. — Le Dragon anglais diffère du Messager amélioré par ses dimensions plus petites, il a moins de peau caronculeuse autour des yeux et des narines, et point sur la mandibule inférieure. J’ai reçu de Sir W. Elliot, de Madras, un Messager de Bagdad (appelé quelquefois Khandési), nom qui dénote son origine persane, et qui en Angleterre ne serait regardé que comme un pauvre Dragon ; il avait la taille du Bizet, avec un bec un peu plus long, mesurant 1 pouce de son extrémité à sa base. La peau entourant l’œil n’était que peu caronculeuse, mais bien celle recouvrant les narines. J’ai reçu de M. C. Murray deux Messagers venant de Perse, qui offraient presque les mêmes caractères que l’oiseau de Madras ; ils avaient à peu près la taille du Bizet ; mais le bec de l’un d’eux mesurait 1,15 de pouce de longueur ; la peau des narines n’était que faiblement caronculeuse, et celle des yeux presque pas.


Fig. 19. — Messager anglais.

Sous-race III. — Bagadotten-Tauben de Neumeister (Pavdotten ou Hocker-Tauben). — Je dois à M. Baily un exemplaire de cette race singulière importée d’Allemagne, et qui, quoique certainement assez voisine des Runts, doit cependant, vu ses affinités avec les Messagers, être décrite ici. Le bec, long, est remarquablement recourbé en dessous et crochu, comme le montre la figure que nous donnons plus loin (fig. 24 et 27) à propos du squelette. Les yeux sont entourés d’une large zone de peau d’un rouge vif qui, ainsi que celle des narines, n’est que peu verruqueuse. Le sternum, très-saillant, est très-brusquement arqué en dehors. Les pieds et les tarses sont très-longs, et plus grands que chez les Messagers anglais. L’oiseau est grand, mais les rémiges et les rectrices sont courtes relativement à la grandeur du corps ; un Bizet sauvage, de taille considérablement moindre, avait les rectrices longues de 4,6 de pouce, tandis que dans un grand Pigeon de la variété Bagadotten ces mêmes plumes ne dépassaient pas 4,1 de pouce. Riedel[9] remarque que cet oiseau est très-silencieux.

Sous-race IV. — Messager de Bassorah. — J’ai reçu de Madras, de Sir W. Elliot, deux exemplaires de cette sous-race, l’un en peau et l’autre conservé dans l’alcool. Son nom indique son origine persane. Cet oiseau est très-estimé dans l’Inde, où il est regardé comme distinct du Messager de Bagdad, qui forme ma deuxième sous-race. J’ai pensé d’abord que ces deux sous-races pouvaient être le résultat récent de croisements avec d’autres, bien que l’estime qu’on a pour elles rende cette supposition peu probable. Dans un traité persan[10], qu’on croit avoir été écrit il y a cent ans environ, les races de Bassorah et de Bagdad sont décrites comme distinctes. Le Messager de Bassorah est à peu près de la taille du Bizet sauvage. Par la forme de son bec, portant un peu de peau caronculeuse sur les narines, — l’allongement de ses paupières, — la largeur intérieure de sa bouche, — l’étroitesse de sa tête, — la longueur, proportionnellement un peu plus grande que chez le Bizet, de ses pattes, — par toute son apparence générale enfin, cet oiseau est incontestablement un Messager, bien qu’un des exemplaires eût le bec égal à celui du Bizet. Dans l’autre, — le bec était très-peu plus long, de 0,8 de pouce seulement. Les yeux étaient entourés d’une assez grande étendue de peau nue et légèrement caronculeuse, mais celle des narines n’était qu’un peu rugueuse. Sir W. Elliot m’apprend que chez l’oiseau vivant l’œil paraît très-grand et saillant, ce qu’indique également le traité persan ; l’orbite osseuse n’est cependant guère plus grande que dans le Bizet.

Parmi les diverses races que Sir W. Elliot m’a envoyées de Madras se trouvait une paire de Kala Par, oiseaux noirs à bec un peu allongé, passablement de peau nue sur les narines, et un peu autour des yeux. Cette race paraît plus voisine du Messager que de toute autre race, étant presque intermédiaire entre le Messager de Bassorah et le Bizet. Les noms que portent les diverses variétés de Messagers dans les différentes parties de l’Europe et de l’Inde, indiquent tous la Perse ou les pays voisins comme patrie de cette race. Ceci mérite d’autant plus l’attention, que même en négligeant le Kala Par comme d’origine douteuse, nous avons une série à peine interrompue, depuis le Bizet, passant par le Bassorah, dont le bec n’est parfois pas plus long que celui du Bizet, et dont la peau nue des yeux et des narines n’est que peu volumineuse ou caronculeuse, par la sous-race de Bagdad et par le Dragon, pour arriver au Messager anglais amélioré, qui est si prodigieusement différent du Bizet ou Columba livia.

Race III. — Runts (Scanderoon : Florentiner-Tauben et Hinkel-Tauben de Neumeister : Pigeon Bagadais, Pigeon Romain).
Bec long, massif ; corps grand.

La plus grande confusion règne dans la classification, les affinités et les dénominations des Pigeons de cette race ; car plusieurs des caractères qui dans les autres Pigeons sont généralement assez constants, tels que la longueur des ailes, de la queue, des pattes, du cou, l’étendue de peau dénudée autour des yeux, sont au contraire très-variables dans ceux-ci. Lorsque la peau nue des yeux et des narines se développe et devient caronculeuse, et que le corps n’est pas très-grand, ils passent si graduellement à la forme des Messagers, que toute distinction entre les deux devient arbitraire. C’est ce que prouvent les noms qui leur ont été donnés dans différentes parties de l’Europe. Néanmoins, en prenant les formes les plus distinctes, on peut reconnaître au moins cinq sous-races (quelques-unes comprenant des variétés bien accusées), différant entre elles par des points de conformation assez importants pour que, trouvées à l’état de nature, on les eût considérées comme de bonnes espèces.

Sous-race I. — Scanderoons des auteurs anglais (Florentiner et Hinkel-Tauben de Neumeister). — Les oiseaux de cette sous-race, dont j’ai conservé vivant un individu et observé depuis deux autres, ne diffèrent des Bagadotten de Neumeister que par un bec moins recourbé en dessous ; la peau recouvrant les narines et entourant l’œil étant à peine verruqueuse. Néanmoins, j’ai cru devoir placer les Bagadotten dans la race II, ou celle des Messagers, et l’oiseau actuel dans la race III, celle des Runts. Le Scanderoons a une queue courte, étroite et relevée : les ailes sont très-courtes, leurs pennes primaires n’étant pas plus longues que celles d’un petit Pigeon Culbutant. Le cou est long, très-arqué, le sternum saillant. Bec allongé, ayant 1,15 de pouce de la pointe à sa base emplumée, assez épais verticalement et légèrement recourbé en dessous. La peau des narines est turgescente non verruqueuse ; celle autour des yeux l’est légèrement, et assez élargie. Les jambes sont longues, les pieds très-grands. La peau du cou est d’un rouge vif, offrant souvent une ligne médiane dénudée ; on remarque aussi une place nue et rouge à l’extrémité du radius de l’aile. L’oiseau, mesuré de la base du bec à la naissance de la queue, avait deux pouces de plus en longueur que le Bizet ; la queue ne mesurant elle-même que 4 pouces, tandis que dans le Bizet, qui est un oiseau plus petit, la queue a une longueur de 4 5/8 de pouce.

Le Hinkel ou Florentiner-Taube de Neumeister (tab. xiii, fig. 4), s’accorde par tous les caractères signalés (il n’est pas parlé du bec) avec la description que je viens de donner ; Neumeister cependant dit expressément qu’il a le cou court, tandis que mon Scanderoon l’avait très-long et courbé. Le Pigeon Hinkel formerait donc une variété bien marquée.

Sous-race II. — Pigeon Cygne et Bagadais de Boitard et Corbié (Scanderoon des auteurs français). — J’ai gardé vivants deux de ces oiseaux venant de France. Ils différaient de la première sous-race ou du vrai Scanderoon par la plus grande longueur des ailes et de la queue, et par un bec plus court ; la peau dénudée que porte la tête était plus verruqueuse. La peau du cou est rouge, mais les places dénudées sur les ailes manquent. Un des oiseaux mesurait 38 pouces 1/2 d’envergure. En prenant pour terme de comparaison la longueur du corps, les deux ailes n’avaient pas moins de 5 pouces de plus en longueur que celles du Bizet. La queue était longue de 6 pouces 1/4, et dépassait donc de 2 pouces 1/4 celle du Scanderoon, oiseau à peu près de la même taille. Le bec est, relativement au corps de l’oiseau, plus long, plus épais et plus large que celui du Bizet. Les paupières, les narines et l’ouverture de la bouche sont, comme chez les Messagers, proportionnellement très-grandes. Le pied mesurait du bout du doigt postérieur à celui du médian, 2,85 de pouce, ce qui, relativement aux dimensions des deux oiseaux, excéderait de 0,32 de pouce la longueur de celui du Bizet.

Sous-race III. — Runts Espagnols et Romains. — Je ne suis pas sûr d’être bien fondé à classer ces Pigeons dans une sous-race distincte, mais cependant si nous prenons des oiseaux bien caractérisés, leur séparation est parfaitement justifiée. Ces oiseaux sont massifs et pesants, ils ont le cou, les jambes et le bec plus courts que les races précédentes. La peau des narines est turgescente, mais non caronculeuse ; le cercle de peau dénudée qui entoure les yeux n’est pas très-large et fort peu verruqueux ; j’ai même vu un de ces oiseaux (dit Runt espagnol) qui n’en avait presque pas. Des deux variétés qu’on peut voir en Angleterre, l’une, la plus rare, a les ailes et la queue très-longues, et s’accorde assez bien avec notre dernière sous-race ; l’autre, dont les ailes et la queue sont plus courtes, paraît être le Pigeon romain ordinaire de MM. Boitard et Corbié. Ces Runts sont sujets à un tremblement comme les Pigeons Paons. Ils volent mal. M. Gulliver[11] en a exposé un il y a quelques années, qui pesait 1 liv. 14 onc. ; et j’apprends par M. Tegetmeier que deux exemplaires du midi de la France qui ont été récemment exposés au Palais de Cristal, pesaient 2 livres 2 onces 1/2. Un beau Bizet des îles Shetland ne pesait que 14 onces 1/2.

Sous-race IV. — Tronfo d’Aldrovande (Runt de Livourne). — Dans l’ouvrage publié par Aldrovande en 1600, se trouve une grossière figure sur bois représentant un grand Pigeon italien, ayant la queue relevée, les jambes courtes, le corps massif et le bec gros et court. J’avais pensé d’abord que ce dernier caractère, si anomal dans le groupe, était le résultat d’une erreur de dessin, mais, dans son ouvrage publié en 1735, Moore dit avoir possédé un Pigeon Runt de Livourne, dont le bec était fort court pour un aussi gros oiseau. Sous d’autres points de vue, le Pigeon de Moore ressemblait à la première sous-race ou Scanderoon, car il avait un long cou arqué, les jambes longues, le bec court, la queue relevée, et peu de peau dénudée sur la tête. Les oiseaux d’Aldrovande et de Moore doivent donc avoir constitué des variétés distinctes, qui paraissent actuellement éteintes en Europe. Sir W. Elliot m’informe qu’il a vu à Madras un Runt à bec court venant du Caire.

Sous-race v. — Murassa de Madras (Pigeon orné). — J’ai reçu de Madras, par Sir W. Elliot, quelques peaux de ces animaux si magnifiquement diaprés. Ils sont plutôt un peu plus grands que les plus grands Bizets, avec des becs plus longs et plus massifs. La peau des narines est développée et légèrement caronculeuse, l’œil est un peu bordé de peau nue ; les pieds sont grands. Cette race est intermédiaire entre le Bizet et une variété inférieure de Messager ou de Runt.

Nous voyons par ces descriptions que, pour les pigeons de cette troisième race comme pour les Messagers, nous avons une gradation insensible du Bizet (le Tronfo formant une branche distincte), aux pigeons gros et massifs de notre troisième race. Mais d’après la série des affinités et bien des points de ressemblance entre les Runts et les Messagers, je suis porté à croire que ces deux races ne descendent pas du Bizet suivant deux lignes indépendantes, mais bien de quelque parent commun, comme l’indique le tableau, qui aurait déjà acquis un bec modérément long, portant sur les narines un peu de peau turgescente, et une trace de peau légèrement caronculeuse autour des yeux.

Race IV. — Barbes (Pigeons polonais ; Indische Tauben).
Bec court, large, profond ; peau nue autour des yeux, large et caronculée ; peau des narines légèrement turgescente.

Trompé par la brièveté extraordinaire et par la forme du bec, je n’avais pas d’abord aperçu l’étroite affinité qui existe entre cette race et celle des Messagers, affinité qui m’a été signalée par M. Brent. Lorsque ensuite j’étudiai le Messager de Bassorah, je vis qu’il ne fallait que peu de modifications pour le transformer en Barbe. Cette affinité entre les Messagers et les Barbes est confirmée par une différence analogue qui se remarque entre les Runts à bec court et ceux à bec long, et encore plus par le fait que pendant les premières vingt-quatre heures qui suivent leur éclosion, les jeunes Barbes et les Dragons se ressemblent beaucoup plus que ne le font les Pigeonneaux de toutes les autres races également distinctes.

À ce jeune âge, la longueur du bec, la turgescence de la peau qui recouvre les narines, l’ouverture du bec et la grandeur des pieds, sont les mêmes dans les deux, bien que toutes ces parties deviennent ultérieurement fort différentes. L’embryologie (si on ose toutefois appliquer ce terme à la comparaison d’animaux très-jeunes), peut donc être utilisée pour la classification des variétés domestiques comme elle l’est pour celle des espèces naturelles.


Fig. 20. — Pigeon-Barbe anglais.

Les éleveurs de Pigeons comparent, et avec raison, sous le rapport de la tête et du bec, le Pigeon Barbe au bouvreuil. Trouvé à l’état de nature, le Barbe eût certainement été rangé dans un genre nouveau créé pour le recevoir. Son corps est un peu plus gros que celui du Bizet, mais son bec est plus court de plus de 0,2 de pouce ; il est, malgré cela, plus épais en tous sens. Par suite de l’inflexion en dehors des branches de la mâchoire inférieure, la bouche est intérieurement très-élargie, dans le rapport de 0,6 à 0,4, comparée à celle du Bizet. La tête est large. La peau des narines est turgescente, et ne devient que légèrement caronculeuse sur les oiseaux âgés : celle qui entoure les yeux l’est par contre fortement, et très-élargie. Elle se développe parfois à un degré tel qu’un oiseau appartenant à M. Harrison Weir ne pouvait qu’avec peine apercevoir sa nourriture par terre. Dans un autre individu, les paupières étaient presque le double de celles du Bizet. Les pattes sont fortes et grossières, plutôt proportionnellement plus courtes que dans le Bizet. Le plumage est ordinairement foncé et uniforme. On peut donc, en résumé, regarder les Barbes comme des Messagers à bec court, et étant, relativement à ceux-ci, ce que le Tronfo d’Aldrovande est au Pigeon Runt commun.

GROUPE III.

Ce groupe est artificiel, et comprend une collection hétérogène de formes distinctes. On peut le définir, dans les échantillons bien caractérisés des différentes races, par son bec, plus court que dans le Bizet, et par le faible développement de la membrane qui entoure ses yeux.

Race v. — Pigeons Paons.

Sous-race I. — Races européennes (Pfauen-Tauben : Trembleurs). Queue étalée, redressée, composée de plumes nombreuses ; glande huileuse atrophiée ; bec et corps un peu courts.

Dans le genre Columba les rectrices sont normalement au nombre de 12 ; chez les Pigeons Paons ce nombre peut varier depuis 12 jusqu’à 42, d’après MM. Boitard et Corbié. Dans un oiseau que j’ai eu en ma possession, j’en ai compté 33, et M. Blyth[12] en a compté 34 sur une queue imparfaite à Calcutta. Sir W. Elliot m’informe qu’à Madras le nombre type est 32 ; mais en Angleterre on estime moins le nombre des plumes que la position de la queue et son expansion. Les plumes sont disposées irrégulièrement sur deux lignes ; leur redressement et leur étalage permanents en forme d’éventail constituent un caractère plus remarquable que leur nombre. La queue est susceptible des mêmes mouvements que chez les autres Pigeons, et peut s’abaisser jusqu’à balayer le sol. Sa base est plus élargie que dans les pigeons ordinaires, et j’ai pu constater dans trois squelettes la présence d’une ou deux vertèbres coccygiennes supplémentaires. Je n’ai trouvé aucune trace de la glande huileuse dans un grand nombre d’individus de toutes couleurs et de pays divers ; il y a donc là un cas curieux d’atrophie[13]. Le cou est mince et renversé en arrière, la poitrine large et saillante, les pieds petits ; ces Pigeons ont un port très-différent des autres : dans les bons individus la tête touche les plumes de la queue, d’où il résulte un froissement habituel de celles-ci. Ils tremblent ordinairement beaucoup, et leur cou présente un mouvement d’arrière en avant très-particulier et comme convulsif. Ils ont une démarche singulière, dénotant une certaine roideur dans les pattes. Ils volent mal par le vent, à cause du développement de leur queue. Les variétés foncées sont généralement plus grandes que les blanches.


Fig. 21. — Pigeon-Paon anglais.

Bien qu’entre les Pigeons Paons communs et les variétés perfectionnées qui existent actuellement en Angleterre, il y ait de grandes différences dans la position et la grandeur de la queue, dans le port de la tête et du bec, dans les mouvements convulsifs du cou, dans la démarche et dans la largeur de la poitrine, toutes passent si insensiblement les unes aux autres qu’il est impossible d’en faire plus d’une sous-race. Une ancienne et excellente autorité, Moore[14], nous raconte qu’en 1735 il y avait deux sortes de Trembleurs à large queue, dont l’une avait le cou plus long et plus grêle que l’autre. J’apprends aussi par M. B.-P. Brent, qu’il existe en Allemagne un Pigeon Paon dont le bec est plus gros et plus court.

Sous-race II. — Pigeon Paon de Java. — J’ai reçu d’Amoy, en Chine, envoyée par M. Swinhoe, la peau d’un Pigeon Paon d’une race originaire de Java. Il différait par sa couleur de tous les Pigeons Paons européens, et son bec était remarquablement court. Il n’avait que 14 pennes caudales, mais M. Swinhoe en a compté de 18 à 24 sur d’autres individus de la même race. Il résulte d’une esquisse, qui m’a été envoyée, que dans cette race la queue n’est ni aussi étalée, ni aussi redressée qu’elle l’est même chez les Pigeons Paons européens de second ordre. L’oiseau agite son cou comme les nôtres. La glande graisseuse est bien développée. Comme nous le verrons plus loin, les Pigeons Paons étaient déjà connus dans l’Inde avant l’an 1600, et il est probable que nous devons voir dans les individus de Java un état ancien et moins amélioré de la race.

Race VI. — Pigeons à cravate. (Möven-Taube, Turbits et Owls.)
Plumes divergeant sur le devant du cou et du poitrail ; bec court, plutôt épais verticalement ; œsophage un peu agrandi.

Les Pigeons Turbits diffèrent légèrement des Pigeons Owls (hibou) par la présence d’une crête sur la tête, et par la courbure de leur bec, mais on peut cependant sans inconvénient les réunir dans le même groupe. Ces jolis oiseaux, dont quelques-uns sont fort petits, sont très-reconnaissables à une sorte de fraise qui se trouve sur le devant de leur cou, formée par une divergence irrégulière des plumes, analogue à celle qui s’observe, quoique à un moindre degré, sur la partie postérieure du cou du Jacobin. Cet oiseau a la singulière habitude d’enfler constamment, mais pour un instant, la partie supérieure de son œsophage, ce qui détermine un mouvement dans la fraise. L’œsophage d’un oiseau mort, insufflé, paraît plus grand et moins nettement séparé du jabot que dans les autres races. Le Grosse-gorge gonfle à la fois son jabot et son œsophage, le Turbit ne gonfle et à un degré bien moindre, que son œsophage. Le bec du Turbit est très-court, il a 0,28 de pouce de moins que celui du Bizet, relativement aux dimensions de son corps ; il s’est même trouvé encore plus court dans quelques individus de Pigeons Hiboux rapportés de Tunis par M. E. Verrien Harcourt. Le bec est épais et peut-être un peu plus large, toute proportion gardée, que celui du Bizet.


Fig. 22. — Pigeon-Hibou africain.

Race VII. — Culbutants. (Tümmler, ou Purzel-Tauben ; Tumblers.)
Culbutent en arrière pendant le vol ; corps généralement petit ; bec généralement et parfois excessivement court et conique.

On peut diviser cette race en quatre sous-races qui sont : la sous-race Persane, celle du Lotan, celle des Culbutants communs, et enfin celle des Culbutants courtes-faces ; lesquelles comprennent encore plusieurs variétés qui reproduisent fidèlement leur type. Sur huit squelettes de Pigeons Culbutants, à l’exception d’un seul d’ailleurs incomplet et douteux, j’ai trouvé sept côtes au lieu des huit que possède le Bizet.

Sous-race I. — Culbutants Persans. — J’en ai reçu une paire de Perse, envoyée directement par l’honorable C. Murray. Ils sont plutôt plus petits que le Bizet sauvage, blancs et pommelés, les pattes sont légèrement garnies de plumes, et le bec est un peu plus court que chez le Bizet. M. Keith Abbot, consul de Sa Majesté, m’apprend que cette différence dans la longueur du bec est si faible, qu’en Perse il n’y a que les éleveurs exercés qui puissent distinguer ces Culbutants des Pigeons communs du pays. Ils volent par bandes à de grandes hauteurs et culbutent bien ; quelquefois ils paraissent avoir le vertige et tombent à terre, ce qui arrive aussi à quelques-uns de nos Pigeons Culbutants.

Sous-race II. — Culbutants de Lotan ou Lowtun : Culbutants terriens indiens. — Ces oiseaux présentent une habitude héréditaire des plus remarquables. Les individus que Sir W. Elliot m’a envoyés de Madras sont blancs, leurs pattes sont légèrement emplumées, et les plumes de la tête sont renversées ; ils sont un peu plus petits que le Bizet et ont le bec légèrement plus court et plus mince que ce dernier. Légèrement secoués et posés par terre, ces oiseaux commencent une série de culbutes qu’ils continuent jusqu’à ce qu’on les relève pour les calmer, ce qui se fait en leur soufflant contre le museau, comme lorsqu’on veut réveiller un sujet magnétisé ou hypnotisé. Si on ne les relève pas, on prétend qu’ils continuent à se rouler par terre jusqu’à ce qu’ils en meurent. Ces particularités sont parfaitement établies, et le cas est d’autant plus digne d’attention, que cette habitude est héréditaire depuis l’an 1600, la race étant nettement décrite dans le « Ayeen Akbery[15]. » M. Evans en a gardé une paire à Londres, importée par le capitaine Vigne, et a observé qu’ils font la culbute dans l’air, aussi bien que sur le sol, de la manière ci-dessus décrite. Sir W. Elliot m’écrit cependant de Madras que ces Pigeons font exclusivement la culbute sur le sol, ou à une très-faible hauteur. Il mentionne aussi une autre sous-variété, nommée le Kalmi Lotan, qui commence à se rouler par terre dès qu’on lui touche le cou avec une baguette.

Sous-race III. — Pigeons Culbutants ordinaires. — Ils ont exactement les mêmes habitudes que les Pigeons Persans, mais font mieux la culbute. L’oiseau anglais est plutôt plus petit que le Persan et a le bec plus court. Comparé à celui du Bizet, son bec est, proportion gardée au corps, de 0,15 à 0,2 de pouce plus court, mais pas plus mince. On distingue plusieurs variétés dans les Pigeons Culbutants ordinaires, qu’on désigne sous les noms de Baldheads (Têtes chauves), de Beards (Barbes), et de Dutch Rollers (Roulants hollandais). J’ai eu de ces derniers vivants ; ils ont la tête de forme un peu différente, le cou plus long et les pattes emplumées. Ils culbutent à un degré incroyable et, d’après M. Brent[16], « toutes les quelques secondes ils partent et font un, deux ou trois tours sur eux-mêmes. Çà et là un oiseau prend un mouvement brusque et rapide de rotation sur lui-même, en tournant comme une roue ; ils perdent parfois l’équilibre, font des chutes assez lourdes et se blessent quelquefois en tombant. » J’ai reçu de Madras plusieurs échantillons des Pigeons Culbutants ordinaires de l’Inde, qui diffèrent quelque peu entre eux par la longueur de leurs becs.

M. Brent m’a communiqué un individu mort, d’une variété écossaise, le Pigeon Culbutant[17] de maison (House-Tumbler), ne différant pas du Culbutant commun par son apparence générale ni par la forme de son bec. M. Brent m’apprend que ces oiseaux commencent en général à culbuter aussitôt qu’ils sont en état de bien voler ; à trois mois ils culbutent et volent encore avec puissance ; à cinq ou six mois, ils culbutent beaucoup et, à la seconde année, ils renoncent presque complètement au vol, à cause de la succession rapide de leurs culbutes à ras de terre. Quelques-uns s’envolent et décrivent quelques cercles autour du troupeau en faisant un saut complet à tous les quelques mètres, mais bientôt épuisés et étourdis, ils ne tardent pas à être obligés de se poser. On les appelle Culbutants aériens (Air Tumblers), et ils font ordinairement de vingt à trente tours, bien nets et distincts, par minute. J’ai eu occasion d’observer, montre en main, un Pigeon mâle qui en exécutait quarante dans la minute. D’autres font leur culbute différemment. Ils commencent par faire un seul saut, puis deux, et arrivent à un roulement continu qui met fin à leur vol ; car après un parcours de quelques mètres, ils atteignent le sol en roulant. J’ai vu un pigeon se tuer de cette manière et un autre se casser une jambe. Un grand nombre font la culbute à quelques pouces de terre seulement, et en feront deux ou trois dans leur vol pour regagner leur pigeonnier. On les appelle quelquefois Pigeons Culbutants de maison (House Tumblers), parce qu’ils culbutent ainsi même dans l’intérieur des maisons. Ce mouvement de culbute paraît être tout à fait involontaire, car l’animal semble même chercher à l’empêcher, et après avoir fait tous ses efforts pour voler directement sur un espace de quelques mètres, il semble qu’une impulsion contraire le repousse en arrière, tandis qu’il lutte pour avancer. Lorsqu’ils sont brusquement effrayés, ou dans un lieu étranger, ils paraissent moins aptes à voler que lorsqu’ils sont dans leur habitation ordinaire. Ces Pigeons Culbutants de maison diffèrent du Lotan en ce qu’ils n’ont pas besoin d’être secoués pour commencer leurs culbutes. Il est probable que la race aura été produite par une sélection des meilleurs Pigeons Culbutants ordinaires ; il est aussi possible qu’ils aient pu anciennement être croisés avec les Lotans.

Sous-race IV. — Pigeons Culbutants courtes-faces. — Ce sont des oiseaux merveilleux, la gloire et l’orgueil des éleveurs. Par leur bec conique, aigu et très-court et le faible développement de leur membrane nasale, ils s’écartent presque du type des Colombides. Leur tête est globuleuse, à front redressé, ce qui l’a fait comparer par quelques amateurs[18] « à une cerise dans laquelle on aurait planté un grain d’orge. » C’est la plus petite variété de Pigeons.


Fig. 23. — Pigeon Culbutant courte-face anglais.

M. Esquilant a eu en sa possession un Pigeon à tête chauve âgé de deux ans, qui ne pesait à jeun que 6 onces et 5 drachmes ; deux autres pesaient 7 onces. Nous avons trouvé pour poids du Bizet, 14 onces et 2 drs., et pour celui d’un Runt, 34 onces et 4 drs. Les Culbutants courtes-faces ont un port extrêmement redressé, la poitrine saillante, de très-petits pieds et les ailes pendantes. Dans un individu bien caractérisé, le bec ne mesurait de la pointe à la base emplumée que 0,4 de pouce ; il était exactement du double chez un Bizet sauvage. Il est vrai que les Culbutants étant plus courts que le Bizet doivent avoir effectivement le bec plus court, mais celui-ci, rapporté à la longueur du corps, se trouve encore de 0,28 de pouce trop court. Les pieds sont absolument de 0,45 de pouce, et relativement de 0,21 de pouce plus courts que ceux du Bizet. Le doigt médian ne porte que 12 ou 13 au lieu de 14 ou 15 scutelles. Les pennes primaires de l’aile sont fréquemment au nombre de neuf au lieu de dix. Les Pigeons très-améliorés de cette race courte-face ont presque perdu la faculté de culbuter ; il y a cependant des exemples authentiques d’individus chez lesquels elle s’est conservée. Il existe quelques sous-variétés, telles que les Baldheads, Beards, Mottles et Almonds ; cette dernière n’acquiert son plumage parfait qu’après qu’elle a mué trois ou quatre fois. On a de bonnes raisons pour croire que la plupart de ces sous-variétés, dont quelques-unes reproduisent exactement leur type, ont pris naissance depuis la publication de l’ouvrage de Moore en 1735[19].

En résumé, et pour ce qui concerne le groupe de Pigeons Culbutants, il est difficile de concevoir une gradation plus parfaite que celle que nous avons pu suivre, depuis le Bizet, passant par les Culbutants Persans, Lotans et ordinaires, jusqu’à ces oiseaux à courte face si singuliers qu’aucun ornithologiste, ne jugeant que d’après la conformation extérieure, n’eût jamais placés dans un même genre avec le Bizet. Les différences qui se remarquent entre les termes successifs de cette série ne sont pas plus grandes que celles qu’on peut constater entre les Pigeons de colombier (C. livia) apportés de différents pays.

Race VIII. — Frill-Back (Dos-frisé) Indien.
Bec très-court ; plumes renversées.

J’ai reçu de Madras, par Sir W. Elliot, un exemplaire de cet oiseau conservé dans l’alcool. Il diffère complètement du Frill-Back (Dos-frisé) qu’on montre souvent en Angleterre. C’est un oiseau à peu près de la taille du Culbutant ordinaire, mais son bec a les proportions de celui de nos Culbutants courtes-faces, et ne mesure que 0,46 de pouce de longueur. Toutes les plumes du corps sont renversées ou frisées en arrière. Si cet oiseau se fût rencontré en Europe, je l’eusse regardé comme une variété monstrueuse de notre Culbutant amélioré, mais les courtes-faces étant inconnus dans l’Inde, je crois qu’il faut le considérer comme une race distincte. C’est probablement la race observée au Caire par Hasselquist, en 1757, et qu’on disait importée de l’Inde.

Race IX. — Jacobin. (Zopf ou Perrücken-Taube : Nonnains).
Plumes du cou formant un capuchon ; ailes et queue longues ; bec moyen.

Ce pigeon se reconnaît d’emblée par son capuchon qui enveloppe presque complètement la tête, et se rejoint sur le devant du cou. Ce capuchon ne paraît être que l’exagération de la crête des plumes renversées de la partie postérieure de la tête qui se remarque chez plusieurs sous-variétés, et qui dans le Latz-Taube[20], est intermédiaire entre le capuchon et la crête. Les plumes du capuchon sont allongées ; il en est de même des ailes et de la queue ; de sorte que le Jacobin, quoique plus petit comme oiseau, a l’aile repliée plus longue de 1 1/4 de pouce que celle du Bizet. En prenant pour terme de comparaison la longueur du corps sans la queue, l’aile repliée est proportionnellement à celle du Bizet, trop longue de 2 1/4 de pouce, et l’envergure trop longue de 5 1/4 de pouce. Cet oiseau est d’une nature tranquille, il remue peu et ne vole que rarement, ainsi que Bechstein et Riedel l’ont remarqué en Allemagne[21]. Ce dernier auteur signale aussi la longueur des ailes et de la queue. Le bec est proportionnellement à la grosseur du corps d’environ 0.2 de pouce plus court que dans le Bizet, mais la capacité interne de la bouche est beaucoup plus grande.

GROUPE IV.

On peut caractériser les oiseaux de ce groupe par leur ressemblance sur tous les points importants de leur structure et notamment le bec, avec le Bizet. Le Pigeon Tambour est le seul qui constitue une race bien accusée. Quant aux autres variétés et sous-races, très-nombreuses d’ailleurs, je ne signalerai que les plus distinctes parmi celles que j’ai moi-même vues et observées vivantes.

Race x. — Pigeon Tambour. (Glouglou ; Trommel-Taube ; Trumpeter.)
Une touffe de plumes rebouclées en avant et placées à la base du bec ; pieds emplumés ; voix très-particulière ; taille dépassant celle du Bizet.

C’est une race bien accusée dont la voix toute particulière ne ressemble en rien à celle d’aucun autre pigeon. Son roucoulement rapidement répété, se continue pendant plusieurs minutes, d’où leur nom de Tambours. Ils sont encore caractérisés par une touffe de plumes allongées, frisées au-dessus de la base du bec, et qu’on ne rencontre dans aucune autre race. Leurs pattes sont si fortement emplumées, qu’elles ressemblent à de petites ailes. Quoique plus grands que le Bizet, leur bec a, à peu de chose près, la même longueur proportionnelle. Leurs pieds sont plutôt petits. Cette race, dont M. Brent signale deux variétés différant par la taille, était déjà bien caractérisée du temps de Moore, en 1735.

Race XIConformation à peine différente de celle de la Columba livia sauvage.

Sous-race I. — Laughers (Rieurs). Taille inférieure à celle du Bizet ; voix très-singulière. — Je ne mentionne cet oiseau, qui, quoique un peu plus petit que le Bizet, lui ressemble par presque toutes ses proportions, qu’à cause de sa voix particulière, caractère qu’on regarde comme peu variable chez les oiseaux. Bien que la voix du Rieur soit fort différente de celle du Tambour, j’ai cependant eu un Tambour qui comme le Rieur ne poussait qu’une seule note. J’ai gardé deux variétés de Pigeons Rieurs qui ne différaient que par ce que l’une avait la tête couronnée ; celle dont la tête était lisse et que je dois à l’obligeance de M. Brent, était remarquable, outre sa note particulière, par la nature agréable et toute spéciale de son roucoulement, qui nous a paru, tant à M. Brent qu’à moi-même, ressembler beaucoup à celui de la tourterelle. Les deux variétés viennent d’Arabie ; la race était connue de Moore en 1735. On trouve mentionné dans le « Ayeen Akbery » en 1600, un Pigeon qui articule les deux sons yak-roo, et qui appartient probablement à cette même race. Sir W. Elliot m’a envoyé de Madras un pigeon nommé Yahui, qu’on dit originaire de la Mecque, et qui ne diffère pas du Rieur par son apparence ; sa voix est profonde et mélancolique, et répète constamment yahu. Ce mot yahu signifie oh ! Dieu ; et Sayzid Mohammed Musari dans son ouvrage, écrit il y a cent ans environ, dit qu’on n’emploie pas ces oiseaux parce qu’ils prononcent le nom du Dieu puissant. Je tiens cependant de M. Keith Abbott, qu’en Perse le Pigeon commun s’appelle Yahoo.

Sous-race II. — Frill-Back (Dos-frisé) commun (Die Strupp-Taube). Bec plus long que chez le Bizet ; plumes renversées. — Cet oiseau est plus grand que le Bizet, et a le bec relativement au corps un peu (0,04 de pouce) plus long. Les plumes, surtout celles des couvertures de l’aile ont leurs pointes frisées en dessus ou en arrière.

Sous-race III. — Pigeons Coquilles (Nuns). — Ces élégants oiseaux sont plus petits que le Bizet ; leur bec, égal en épaisseur à celui de ce dernier, est absolument de 0,17, et proportionnellement à la taille du corps, de 0,1 de pouce plus court. Les scutelles sur les tarses et les doigts sont de couleur noir plombé chez les jeunes, caractère remarquable (quoiqu’on l’observe à un moindre degré dans quelques autres races), parce que dans toutes les races, la couleur des pattes varie très-peu à l’état adulte. J’ai deux ou trois fois compté treize ou quatorze pennes caudales, ce qui se rencontre aussi dans une race à peine distincte qu’on nomme Casques. Les Pigeons Coquilles sont symétriquement colorés, ils ont la tête, les pennes primaires des ailes, la queue et les tectrices caudales de même couleur, rouge ou noire, et le reste du corps blanc. Depuis Aldrovande qui écrivait en 1600, cette race a conservé ses caractères. J’ai reçu de Madras des oiseaux presque semblables par leur coloration.

Sous-race IV. — Spots. (Die Bläss-Taube ; Pigeons Heurtés). — Très-peu plus grands que le Bizet, ces oiseaux ont un bec légèrement plus petit, mais des pieds décidément plus petits que le Bizet. La coloration est symétrique : ils ont une tache sur le front, les tectrices alaires et caudales d’une même couleur, le reste du corps étant blanc. Cette race existait en 1676[22] ; et en 1735 Moore a constaté qu’elle reproduisait déjà exactement son type comme cela est aujourd’hui le cas.

Sous-race v. — Hirondelles. — Ces oiseaux mesurés soit par leur envergure, soit de l’extrémité du bec à celle de la queue, sont plus grands que le Bizet, mais leur corps est moins massif, et leurs pattes plus petites. Le bec est de même longueur mais plus mince. Leur apparence générale est en somme assez différente de celle du Bizet. La tête et les ailes sont de même couleur, le reste du corps étant blanc. On dit qu’ils ont un vol particulier. La race paraît être récente, mais son origine est antérieure à 1795 en Allemagne, car elle est déjà décrite par Bechstein.

Outre les diverses races que nous venons de décrire, il a existé récemment en France et en Allemagne, quatre ou cinq sortes bien distinctes qui y existent peut-être encore. D’abord, le Pigeon Carme, que je n’ai point vu, mais qu’on décrit comme petit, ayant les jambes courtes, et un bec extrêmement court ; ensuite le Finnikin, qui est actuellement éteint en Angleterre. Ce Pigeon, d’après Moore (1735)[23], portait à la partie postérieure de sa tête une touffe de plumes descendant le long du dos, et simulant une crinière. « À l’époque des amours, il s’élève au-dessus de la femelle et tourne autour d’elle trois ou quatre fois en battant des ailes, puis il se retourne et en fait autant de l’autre côté. » Le Turner (tournant) d’autre part, « dans les mêmes circonstances, ne tourne que d’un côté. » Je ne sais si on peut se fier à toutes ces affirmations, mais après ce que nous avons vu à propos du Pigeon Culbutant de l’Inde, on peut croire à l’hérédité de quelque habitude que ce soit. MM. Boitard et Corbié ont décrit un Pigeon[24] qui a l’habitude de planer fort longtemps dans l’air sans battement d’ailes, comme les oiseaux de proie. Depuis le temps d’Aldrovande en 1600 jusqu’à ce jour, il y a une inextricable confusion dans les récits publiés sur une foule de Pigeons, remarquables par le mode de leur vol. M. Brent a vu en Allemagne une de ces races dont les plumes alaires étaient fortement endommagées par le choc constant des deux ailes pendant le vol, mais il ne l’a pas vue voler. Un ancien échantillon de Finnikin conservé empaillé au British Museum, ne présente pas de caractère particulier. On trouve dans quelques traités, la mention d’un Pigeon à queue fourchue, et comme Bechstein[25] décrit et figure cet oiseau avec une queue ayant tout à fait la structure de celle de l’hirondelle, il faut qu’il ait une fois existé, car cet auteur était trop bon naturaliste pour avoir pu confondre une espèce distincte avec un pigeon domestique.

Enfin, on a dernièrement exposé à la société Philoperisteron de Londres[26], un pigeon extraordinaire importé de Belgique, qui réunissait la couleur d’un Archange à la tête du Pigeon Hibou ou Barbe, et dont le caractère le plus frappant était la longueur des pennes caudales et alaires, celles-ci se croisant au delà de la queue, et donnant à l’oiseau l’apparence d’un martinet gigantesque, ou d’un faucon à longues ailes. M. Tegetmeier m’apprend que cet oiseau ne pesait que 10 onces, avait 15 pouces 1/2 de longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue, et 32 pouces 1/2 d’envergure ; le Bizet sauvage pèse 14 onces 1/2, mesure 15 pouces de l’extrémité du bec à celle de la queue, et n’a que 26 pouces 3/4 d’envergure.


J’ai maintenant décrit tous les Pigeons domestiques qui me sont connus, en en ajoutant quelques-uns d’après des autorités dignes de foi. Je les ai classés en quatre groupes (dont le troisième est artificiel), pour marquer leurs affinités réciproques et leurs degrés de différences. Les divers Pigeons que j’ai examinés forment onze races, comprenant plusieurs, sous-races et présentant entre elles des différences auxquelles, s’il s’était agi d’animaux à l’état de nature, on aurait certainement attribué une valeur spécifique. Les sous-races comprennent de même bien des variétés constantes et héréditaires, de sorte que, comme nous l’avons déjà dit antérieurement, il doit exister environ 150 sortes de Pigeons qu’on peut bien distinguer, quoique pour la plupart par des caractères de faible importance. Un grand nombre des genres admis par les ornithologistes dans les Colombides, ne différant que peu les uns des autres, il n’est pas douteux que plusieurs de nos formes domestiques bien caractérisées, trouvées à l’état sauvage, n’eussent donné lieu à la formation d’au moins cinq genres nouveaux. Ainsi on en aurait établi un pour recevoir le Grosse-gorge anglais amélioré : un second pour les Messagers et les Runts, genre qui eût été étendu, car il eût dû comprendre les Runts espagnols ordinaires sans peau verruqueuse, les Becs-courts comme le Tronfo, et le Messager anglais amélioré. Un troisième genre eût dû être créé pour le Barbe, un quatrième pour le Pigeon Paon, et enfin, un cinquième pour les Pigeons à bec court sans peau verruqueuse, comme les Pigeons à cravate, et les Culbutants courtes-faces. Les autres formes domestiques auraient pu être réunies avec le Bizet dans un même genre.

Variabilité individuelle. Variations remarquables. — Les différences que nous avons jusqu’à présent étudiées caractérisent certaines races ; mais il en est d’autres qu’on a pu observer, soit dans certains individus, soit souvent dans certaines races, sans cependant en être caractéristiques. Ces différences individuelles ont de l’importance, car, dans la plupart des cas, elles auraient pu être conservées, accumulées par l’action de la sélection humaine, et devenir ainsi l’occasion de modifications dans les races existantes, ou de la formation de nouvelles. Les amateurs ne remarquent et ne choisissent que les différences légères qui sont extérieurement visibles ; mais toutes les parties de l’organisation sont si intimement liées entre elles par la corrélation de croissance, qu’une modification sur un point est presque toujours accompagnée de changements sur d’autres. Pour notre but, toutes modifications, quelles qu’elles soient, ont de l’importance, mais leur importance sera d’autant plus grande, qu’elles porteront sur des parties qui ne varient pas ordinairement. Toute déviation visible d’un caractère dans une race bien affermie, est actuellement considérée comme une tare et rejetée, mais il n’en résulte pas pour cela qu’autrefois, avant que des races bien caractérisées eussent été formées, on ait toujours agi de même ; on a dû au contraire conserver à titre de nouveauté ou de curiosité ces déviations qui se seront peu à peu augmentées sous l’influence d’une sélection inconsciente, comme nous le verrons clairement par la suite.


J’ai pris dans les diverses races un grand nombre de mesures des différentes parties du corps, et ne les ai presque jamais trouvées identiques dans les individus d’une même race ; — les différences étaient plus grandes que cela n’a ordinairement lieu dans les espèces sauvages. Le nombre des pennes primaires des ailes et de la queue est généralement constant chez les oiseaux sauvages, et caractérise non-seulement des genres, mais quelquefois des familles. Quand les rectrices sont exceptionnellement nombreuses, comme dans le cygne, elles sont sujettes à varier quant au nombre, mais ceci ne s’applique pas aux espèces et genres des Colombides qui, autant que j’ai pu m’en assurer, n’ont jamais moins de douze, ni plus de seize rectrices, nombres qui, à de rares exceptions près, caractérisent des sous-familles entières[27]. Le Bizet a douze rectrices. Dans les Pigeons Paons, nous avons vu que leur nombre varie de quatorze à quarante-deux. J’en ai compté vingt-deux et vingt-sept sur deux jeunes oiseaux d’un même nid. Les Grosses-gorges ont souvent des plumes supplémentaires, j’en ai plusieurs fois trouvé quatorze ou quinze chez mes oiseaux. Un individu appartenant à M. Bult, et vu par Yarrell, en avait dix-sept. J’ai eu un Pigeon Nun avec treize et un autre avec quatorze rectrices, et sur un Casque, forme à peine distincte de la précédente, j’en ai trouvé quinze. D’autre part un Dragon de M. Brent n’en avait que dix, et un des miens, descendant de ceux de M. Brent, onze. Chez un Culbutant à tête chauve, j’en ai trouvé dix, M. Brent a vu deux Pigeons Culbutants aériens dont l’un en avait ce même nombre et l’autre quatorze. Deux oiseaux de cette race élevés par M. Brent, présentaient quelques particularités : — l’un avait les plumes centrales de la queue un peu divergentes ; l’autre avait les deux pennes extérieures un peu plus longues que les autres (de 3/8 de pouce), de sorte que dans ces deux cas la queue offrait une tendance à devenir fourchue, mais de deux manières différentes. Ceci nous explique comment une race à queue d’hirondelle, comme celle décrite par Bechstein, peut avoir été formée par une sélection suivie.

Le nombre de pennes primaires de l’aile est, chez les Colombides, de neuf ou dix. Le Bizet en a dix, mais je n’en ai compté que neuf dans huit Culbutants courtes-faces ; ce chiffre a été remarqué par les éleveurs, la présence de dix rémiges primaires de couleur blanche, étant un des traits saillants des Culbutants courtes-faces chauves. M. Brent a cependant vu un Pigeon Culbutant (non courte-face), qui avait onze rémiges primaires. M. Corker, célèbre éleveur de Messagers, me dit avoir compté onze pennes primaires chez quelques-uns de ses oiseaux. Sur deux Grosses-gorges, j’en ai trouvé onze sur une des ailes. Trois éleveurs m’assurent en avoir observé douze dans des Scanderoons, mais comme Neumeister a constaté dans le Pigeon Florentin voisin, que la rémige médiane est souvent double, le nombre douze a pu résulter de ce que deux des dix rémiges primaires portaient deux tiges sur une même base. Les rémiges secondaires sont difficiles à compter et paraissent varier de douze à quinze. Les longueurs de la queue et des ailes comparées soit entre elles, soit relativement au corps, varient certainement, et je l’ai surtout remarqué chez les Jacobins. Dans la superbe collection de Grosses-gorges de M. Bult, on remarque de grandes variations dans la longueur de la queue et des ailes, qui devient quelque fois telle que l’animal ne peut presque plus se redresser. Je n’ai observé que peu de variations dans la longueur relative des pennes primaires, et d’après M. Brent, la forme de la première penne primaire ne varie que très-légèrement. Mais la variation sur ces derniers points est excessivement faible, comparée à celle qu’on observe souvent dans les espèces naturelles des Colombides.

J’ai rencontré des différences considérables dans le bec d’oiseaux d’une même race, ainsi dans les Jacobins et les Tambours. Il y a souvent une différence très-marquée dans la forme et la courbure du bec chez les Messagers ; il en est de même dans d’autres races : ainsi j’ai eu deux familles de Barbes noires, qui différaient sensiblement par la courbure de leur mandibule supérieure. Deux Pigeons Hirondelles m’ont présenté une grande différence dans la largeur de la bouche. J’ai vu des Pigeons Paons de premier choix, avoir le cou plus long et plus mince que d’autres. Nous avons constaté chez tous les Pigeons Paons (la sous-race de Java exceptée) l’atrophie de la glande graisseuse, et je puis ajouter que cette atrophie est héréditaire, au point que, dans quelques métis de Pigeons Paons et de Grosses-gorges (quoique pas chez tous), la glande graisseuse manque. J’ai constaté également son absence sur un Pigeon Hirondelle et sur deux Pigeons Coquilles.

Le nombre de scutelles des doigts varie souvent dans la même race, et diffère même sur les deux pattes du même animal ; le Bizet du Shetland en a quinze sur le doigt médian et six sur le postérieur ; un Runt en portait sur les mêmes doigts seize et huit, et un Culbutant courte-face douze et cinq. Dans le Bizet, il n’y a pas de membrane interdigitale appréciable, mais j’ai pu constater l’existence d’une membrane ayant 1/4 de pouce de développement entre les deux doigts internes d’un Pigeon Heurté et d’un Coquille. D’autre part, comme nous le verrons avec plus de détails, les pigeons dont les pattes sont emplumées, ont généralement les bases de leurs doigts externes réunies par une membrane. J’ai eu un Culbutant rouge, dont le roucoulement assez différent de celui de ses pareils, se rapprochait par l’intonation de celui du Rieur ; cet oiseau avait à un degré que je n’ai vu chez aucun autre Pigeon, l’habitude de marcher avec ses ailes déployées et voûtées d’une manière fort élégante. Je n’ai pas besoin d’insister sur la grande variabilité qu’offrent toutes les races, quant à la taille, la coloration, l’emplumage des pattes, et le renversement des plumes sur le derrière de la tête ; je mentionnerai cependant un Pigeon Culbutant[28] exposé au Palais de Cristal, et remarquable par une touffe irrégulière de plumes qui ornait sa tête, analogue à celle du coq huppé. M. Bult éleva accidentellement une femelle de Jacobin portant sur la cuisse des plumes assez longues pour toucher terre ; un mâle présentant quoique à un moindre degré, la même particularité, il apparia ces deux oiseaux et en obtint des produits semblables, qui furent exposés au Philoperisteron Club. J’ai élevé un Pigeon métis qui avait des plumes fibreuses, et les pennes des ailes et de la queue si courtes et imparfaites qu’il ne pouvait pas même voler à un pied de hauteur.


Le plumage des Pigeons présente souvent des particularités singulières et héréditaires ; ainsi certains Culbutants ( Almond-Tumblers), n’acquièrent leur plumage pommelé complet, qu’après trois ou quatre mues. Un autre (Kite-Tumbler) qui est d’abord moucheté de noir et de rouge avec aspect barré, devient, après la chute de ses premières plumes, presque noir, avec la queue ordinairement bleuâtre, et une teinte rougeâtre sur les barbes internes des rémiges primaires[29]. Neumeister décrit une race noire portant sur ses ailes des bandes blanches, et sur la poitrine une marque en forme de croissant de la même couleur ; ces marques sont généralement d’un rouge sale avant la première mue, mais elles changent après la troisième ou quatrième ; les rémiges et le sommet de la tête deviennent alors blancs ou gris[30].

Un fait important, qui, à ce que je crois, ne souffre pas une seule exception, est la variabilité excessive des caractères spéciaux pour lesquels on estime telle ou telle race ; ainsi, dans le Pigeon Paon, le nombre et la direction des plumes de la queue, le port de l’oiseau, le degré de tremblement de son corps, sont toutes choses extrêmement variables ; il en est de même, chez les Grosses-gorges, de la forme du jabot gonflé, et du degré de distension auquel il peut arriver ; chez le Messager, de la longueur, la largeur, la courbure du bec, et de la quantité de peau verruqueuse qui le recouvre ; chez les Culbutants courtes-faces, de la brièveté du bec, de la saillie du front et du port de l’ensemble[31] ; chez une variété (Almond-Tumbler), de la couleur du plumage ; chez les Culbutants communs, de la façon de culbuter ; chez les Barbes, de l’étendue de la peau dénudée autour des yeux et de la brièveté du bec ; de la taille chez les Runts ; de la fraise chez les Pigeons à cravate ; et enfin chez les Tambours, du roucoulement, ainsi que de la grosseur de la touffe de plumes qui surmonte les narines. Ces caractères, qui sont les traits distinctifs des diverses races, recherchés par les éleveurs et, à ce titre, l’objet d’une sélection soutenue et toute spéciale de leur part, sont tous excessivement variables.

Il est intéressant d’observer que les caractères principaux des diverses races sont ordinairement le plus fortement développés chez les mâles. Dans les Messagers, cela se remarque pour le développement de la peau verruqueuse ; j’ai cependant vu une femelle de cette race appartenant à M. Haynes, et chez laquelle les caroncules étaient considérables. Sur vingt Pigeons Barbes appartenant à M. P. H. Jones, j’apprends, par M. Tegetmeier, que les anneaux de peau verruqueuse entourant les yeux étaient le plus développés chez les mâles. M. Esquilant admet aussi cette règle, mais M. H. Weir, juge des plus compétents, élève quelques doutes sur ce point. Les Grosses-gorges mâles peuvent distendre leurs jabots à un bien plus haut degré que les femelles ; j’ai bien vu une femelle appartenant à M. Evans qui pouvait se gonfler très-fortement, mais le fait est exceptionnel. M. H. Weir, l’heureux éleveur de Pigeons Paons très-estimés, m’apprend que ces oiseaux mâles ont fréquemment un plus grand nombre de rectrices que les femelles. D’après M. Eaton[32], si deux Grosses-gorges mâle et femelle étaient d’égal mérite, la femelle vaudrait le double du mâle ; or, comme les Pigeons s’associent toujours par paires, ce qui exige pour la reproduction un nombre égal des deux sexes, il en résulte que les qualités de mérite sont plus rares chez les femelles que chez les mâles. Il n’y a pas de différence entre les deux sexes dans le développement de la fraise des Turbits, du capuchon des Jacobins, ou de la touffe des Tambours ; il n’y en a pas non plus dans les sauts périlleux des Culbutants. Je signalerai ici un cas un peu différent, celui de l’existence en France[33] d’une variété de Grosses-gorges de couleur vineuse, dont le mâle a généralement le plumage marqueté de noir, ce qui n’a jamais lieu pour la femelle. Le Dr Chapuis[34] signale aussi que chez certains Pigeons de couleur claire, les mâles ont les plumes marquées de stries noires, qui s’accroissent à chaque mue, de sorte que le mâle devient finalement tout tacheté de noir. Chez les Messagers, la peau dénudée et verruqueuse tant du bec que des yeux, et chez les Barbes celle des yeux, augmente avec l’âge. Ce renforcement des caractères avec l’âge, et surtout les différences que nous avons constatées entre les mâles et les femelles sont remarquables, car chez le Bizet sauvage, on ne trouve à aucun âge de différences sensibles entre les deux sexes, et très-rarement dans toute la famille des Colombides[35].

CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES.

Il y a une grande variabilité dans les squelettes des différentes races ; et bien que quelques différences se présentent souvent, et d’autres rarement dans certaines races, il n’en est aucune qu’on puisse regarder comme caractérisant absolument une race donnée. Si nous considérons que les races domestiques fortement accusées, ont été principalement formées par la puissance de la sélection humaine, nous ne devons pas nous attendre à trouver dans le squelette de différences ni grandes ni constantes ; car les éleveurs ne voient ni ne s’inquiètent des modifications de conformation de la charpente intérieure. Nous ne devons pas non plus nous attendre à trouver des changements dans le squelette par suite de changements d’habitudes ; car à l’état domestique, les races les plus différentes sont toutes soumises au même régime, et ne sont ni libres d’errer à l’aventure, ni obligées de se procurer leur nourriture par des moyens divers. Au surplus, en comparant les squelettes des Columba livia, œnas, palumbus et turtur, que tous les classificateurs ont groupés sous deux ou trois genres distincts quoique voisins, je ne vois entre eux que des différences très-légères et certainement moindres que celles qu’on peut constater entre les squelettes des races domestiques les plus distinctes. Je ne puis apprécier le degré de constance du squelette du Bizet, n’ayant pu en examiner que deux.


Crâne. Les os pris individuellement, et surtout ceux de la base, ne diffèrent pas dans la forme. Mais le crâne entier, par son contour, ses proportions et les rapports réciproques des os, diffère beaucoup dans quelques races, comme le montre la comparaison des figures du Bizet (A), du Culbutant courte-face (B), du Messager anglais (C), et du Messager Bagadotten (D) (de Neumeister). Dans le Messager, outre l’allongement des os de la face, l’espace interorbitaire est proportionnellement plus étroit que dans le Bizet. La mandibule supérieure du Bagadotten est fortement arquée, et les maxillaires supérieurs sont proportionnellement plus larges.


Fig. 24. — Crânes de pigeons, gr. nat., vus latéralement. — A. Bizet sauvage, C. livia. — B. Culbutant courte-face. — C. Messager anglais. — D. Messager Bagadotten.

Le crâne est plus globuleux chez le-Culbutant courte-face ; tous les os de la face sont raccourcis, le devant du crâne et les os nasaux sont presque perpendiculaires : l’arcade maxillo-jugale et les maxillaires forment une ligne presque droite ; l’espace entre les bords saillants des orbites est déprimé. Dans le Barbe, les maxillaires supérieurs sont fort raccourcis, leur portion antérieure est plus épaisse que dans le Bizet, ainsi que la partie inférieure de l’os nasal. Les branches ascendantes des maxillaires étaient atténuées à leur extrémité, dans deux Pigeons Coquilles et, chez ces oiseaux comme chez quelques autres, la crête occipitale était beaucoup plus saillante au-dessus du trou occipital que dans le Bizet.

La surface articulaire de la mâchoire inférieure est, dans beaucoup de races, proportionnellement plus petite que dans le Bizet, et le diamètre vertical de la partie extérieure de la surface articulaire est notamment beaucoup plus court. Ce fait ne s’explique-t-il pas par une diminution dans l’activité des mâchoires, par suite de la nourriture abondante et riche que, depuis une longue période, on met à la disposition des Pigeons améliorés ? Dans les Runts, les Messagers et les Barbes (et à un moindre degré dans quelques autres races), le bord supérieur de la mâchoire inférieure est, du côté de l’extrémité articulaire remarquablement recourbé en dedans, et, à partir du milieu, se recourbe en dehors également d’une manière remarquable, comme le montre la figure 25 (B et C).


Fig. 25. — Mâchoires inférieures vues de dessus, gr. nat. — A. Bizet. — B. Runt. — C. Barbe.

Cet écartement du bord supérieur de la mâchoire inférieure est évidemment en rapport avec la grande ouverture de la bouche, que nous avons décrite chez ces races. Elle est bien apparente dans la tête du Runt vue en dessus, fig. 26, où on remarque de chaque côté, entre les bords de la mâchoire inférieure et ceux des maxillaires supérieurs, un large vide qui n’existe pas dans le Bizet et quelques races domestiques, chez lesquelles les bords de la mâchoire inférieure s’appliquent exactement contre les maxillaires supérieurs.

Quelques races diffèrent encore, à un degré extraordinaire, par la courbure en dessous de la moitié terminale de la mâchoire inférieure, comme le montre la fig 27. Dans quelques Runts, la symphyse de la mâchoire inférieure est très-solide. Jamais personne n’aurait cru que des mâchoires aussi différentes sur les points que nous venons d’indiquer, aient pu appartenir à la même espèce.

Vertèbres. Toutes les races ont douze vertèbres cervicales[36]. Dans un Messager Bassorah de l’Inde, la douzième portait une petite côte d’un quart de pouce de longueur et ayant une double articulation parfaite.

Fig. 26. — Crâne de Runt, vu en dessus, gr. nat., montrant le bord réfléchi de la partie antérieure de la mâchoire inférieure.
Fig. 27. — Vue latérale des mâchoires, gr. nat. — A. Bizet. — B. Culbutant courte-face. — C. Messager Bagadotten.

Les vertèbres dorsales sont toujours au nombre de huit, et portent toutes des côtes chez le Bizet ; la huitième est très-mince, et la septième n’a pas d’apophyse. Chez les Grosses-gorges, toutes les côtes sont très-larges, et sur quatre squelettes que j’ai examinés, trois avaient la huitième côte deux et même trois fois plus large que celle du Bizet, et la septième portait des apophyses distinctes. Dans plusieurs races il n’y a que sept côtes ; c’est ce que j’ai trouvé dans sept squelettes de Culbutants sur huit, dans plusieurs squelettes de Paons et quelques autres encore. Dans ces races, la septième paire est petite, dépourvue d’apophyses, ce qui la fait différer de sa correspondante dans le Bizet.

J’ai constaté l’absence d’apophyse à la sixième côte chez un Culbutant ainsi que chez le Messager de Bassorah. L’apophyse inférieure de la seconde dorsale varie beaucoup dans son développement. Elle est quelquefois (chez les Culbutants, mais pas tous) presque aussi saillante que celle de la troisième dorsale, et les deux apophyses tendent à former ensemble une arcade osseuse. Le développement de l’arcade constituée par les apophyses inférieures des troisième et quatrième dorsales, varie aussi beaucoup, ainsi que la grandeur de l’apophyse inférieure de la cinquième vertèbre.

Le Bizet a douze vertèbres sacrées ; elles varient en nombre, en grandeur et sont plus ou moins distinctes suivant les races. Il y en a treize et même quatorze chez les Grosses-gorges dont le corps est allongé ; nous constaterons aussi tout à l’heure chez ces oiseaux un nombre supplémentaire de vertèbres caudales. Les Messagers et les Runts en ont ordinairement douze, mais dans un Runt j’en ai une fois rencontré onze seulement, ainsi que dans le Messager de Bassorah. Les Culbutants ont de onze à treize vertèbres sacrées.

Les vertèbres caudales sont au nombre de sept chez le Bizet. Il y en a huit ou neuf (une fois dix) chez les Pigeons Paons, dont la queue est si fortement développée ; elles sont un peu plus longues que dans le Bizet, et leur forme varie considérablement. Les Grosses-gorges ont aussi huit ou neuf vertèbres caudales. J’en ai vu huit dans un Jacobin et un Coquille. Les Culbutants ont toujours le nombre normal de sept ainsi que les Messagers, à l’exception d’un individu chez lequel je n’en ai trouvé que six.

La table suivante résume les déviations les plus remarquables que j’aie observées dans le nombre des vertèbres et des côtes :

BIZET. grosse-gorge
de M. Bult.
CULBUTANT
hollandais.
MESSAGER
de Bassorah.
Vertèbres cervicales
12 12 12 12
La 12e portait une petite côte.
Vertèbres dorsales
8 8 8 8
Côtes
8 8 7 7
La 6e paire avec apophyse, la 7e sans. Les 6e et 7e paires avec apophyses. Les 6e et 7e paires sans apophyses. Les 6e et 7e paires sans apophyses.
Vertèbres sacrées
12 14 11 11
Vertèbres caudales
7 8 ou 9 7 7




Vertèbres totales
39 42 ou 43 38 38

Le bassin diffère très-peu dans les diverses races. Le bord antérieur de l’ilion est parfois plus également arrondi, l’ischion plutôt plus allongé, et le trou obturateur, comme dans beaucoup de Culbutants, moins développé que dans le Bizet. Les bords de l’ilion sont très-saillants chez la plupart des Runts. Je n’ai pas remarqué de différences dans les os des extrémités, si ce n’est dans leurs longueurs relatives.
Fig. 28. — Omoplates, gr. nat. — A. Bizet. — B. Culbutant courte-face.
Ainsi le métatarse d’un Grosse-gorge mesurait 1,65 de pouce, celui d’un Culbutant courte-face n’avait que 0,95 de pouce ; la différence est donc bien plus grande qu’elle ne devrait l’être d’après les proportions des corps ; mais les jambes longues chez le Grosse-gorge
Fig. 29. — Fourchettes, g. nat. A. culbutant courte-face. — B. C. Pigeons Paons. — D. Grosse-gorge.
et courtes chez le Culbutant sont précisément les points sur lesquels les éleveurs ont exercé leur sélection. L’omoplate est plus droite dans quelques Grosses-gorges, et la pointe moins allongée dans quelques Culbutants que dans le Bizet ; nous donnons, fig. 28, l’omoplate du Bizet (A) et celle d’un Culbutant courte-face (B). Dans quelques Culbutants, les apophyses coracoïdes qui reçoivent les extrémités de la fourchette, forment une cavité plus parfaite que chez le Bizet : dans les Grosses-gorges, ces apophyses sont plus grandes et d’une autre forme ; et l’angle externe de l’extrémité coracoïdienne qui s’articule au sternum est plus obtus.

Les deux bras de la fourchette divergent moins relativement à leur longueur, dans les Grosses-gorges que dans le Bizet, et la symphyse est pointue et plus forte. Le degré de divergence des deux branches de la fourchette varie considérablement. Dans la fig. 29, B et C représentent les fourchettes de deux Pigeons Paons, et montrent visiblement que celle représentée en B a ses branches moins divergentes que celles du petit Pigeon Culbutant courte-face (A) ; tandis que celle figurée en C les a aussi divergentes que le Bizet, ou que le Grosse-gorge (D), bien que ce dernier soit un oiseau plus grand. Le contour des extrémités de la fourchette, s’articulant aux apophyses coracoïdes, varie beaucoup.

Les différences de forme sont légères dans le sternum à l’exception des dimensions et des contours des perforations, qui sont quelquefois petites même dans les grandes races, circulaires ou allongées comme c’est souvent le cas dans les Messagers. Les perforations postérieures sont souvent incomplètes, restant ouvertes en arrière. Les apophyses marginales qui forment les perforations antérieures varient beaucoup dans leur développement ; il en est de même du degré de convexité de la partie postérieure du sternum, qui devient parfois presque plate. Le manubrium est plus saillant dans quelques individus que dans d’autres, et l’orifice qui se trouve au-dessous varie beaucoup dans sa grandeur.


Corrélation de croissance. — Je désigne par cette expression la liaison intime qui existe entre toutes les parties de l’organisation, et qui est telle, que toute variation d’une d’entre elles entraîne des variations dans d’autres. Quant à déterminer laquelle de deux variations coexistantes doit être regardée comme cause ou effet de l’autre, c’est ce que nous ne pouvons presque jamais faire ; mais le point intéressant pour nous est celui-ci, que les éleveurs ayant par une sélection soutenue de variations légères, modifié fortement certaines parties de l’organisation, ont en même temps et involontairement produit, par ce fait, des modifications sur d’autres points. Ainsi la sélection a agi sur le bec ; celui-ci augmentant ou diminuant de longueur, la langue a aussi augmenté ou diminué, quoique peut-être pas en proportion exacte ; car dans un Barbe et un Courte-face, ayant tous deux le bec très-court, la langue comparée à celle du Bizet, ne se trouvait pas assez raccourcie ; tandis que dans deux Messagers et un Runt, la langue, proportionnellement au bec, n’était pas assez allongée. Dans un Messager anglais de premier ordre, dont le bec mesuré de la pointe à la base emplumée, avait trois fois la longueur de celui d’un Culbutant Courte-face, la langue n’était que deux fois aussi longue. La longueur de la langue varie du reste indépendamment de celle du bec : ainsi dans un Messager, le bec ayant 1,2, la langue avait 0,67 de pouce de longueur ; tandis que dans un Runt égal par son envergure et sa taille au Messager, le bec avait 0,92, la langue 0,73 de pouce de longueur, et était par conséquent réellement plus longue que celle du Messager au long bec. La langue du Runt était aussi très-large à sa racine. De deux Runts, l’un avait le bec plus long de 0,28, et la langue plus courte de 0,14 de pouce que l’autre.

La longueur de la fente qui constitue l’orifice externe des narines, varie suivant l’accroissement ou la diminution du bec, mais pas dans une proportion exacte, car prenant pour terme de comparaison le Bizet, l’orifice nasal du Culbutant courte-face n’était pas raccourci proportionnellement à son petit bec. D’un autre côté (chose qu’on ne pouvait prévoir) dans trois Messagers anglais, un Bagadotten, et dans un Pigeon Cygne, l’orifice nasal était, toutes proportions gardées, et comparé au Bizet, trop long d’un dixième de pouce. Dans un Messager, l’orifice des narines était trois fois plus long que dans le Bizet, bien que, par sa taille et sa longueur de bec, il fût loin d’être le double de ce dernier. Cette augmentation de longueur des ouvertures nasales paraît être en corrélation avec l’augmentation de la peau verruqueuse qui surmonte la mandibule supérieure et les narines, caractère recherché par les éleveurs, et qui est pour eux un objet de sélection. Il en est de même du large cercle de peau nue et verruqueuse qui entoure les yeux des Messagers et des Barbes, lequel est en corrélation évidente avec le développement des paupières qui, mesurées longitudinalement sont, proportion gardée, plus du double de ce qu’elles sont dans le Bizet.

La grande différence (fig. 27) dans la courbure de la mâchoire inférieure dans le Bizet, le Culbutant et le Messager Bagadotten, est évidemment en corrélation avec la courbure de la mâchoire supérieure, et plus particulièrement avec l’angle que forment les maxillaires supérieurs et l’arcade zygomatique. Mais, dans les Messagers, Runts et Barbes, l’inflexion singulière du bord supérieur de la partie médiane de la mâchoire inférieure (fig. 25) n’est pas en corrélation rigoureuse avec la largeur ou la divergence des maxillaires supérieurs (fig. 26), mais bien avec la largeur des parties molles et cornées de la mandibule supérieure, qui sont toujours recouvertes par les bords de l’inférieure.

L’allongement du corps chez les Grosses-gorges, est aussi le résultat d’une sélection ; les côtes, comme nous l’avons vu, sont devenues très-larges, et la septième paire porte des apophyses ; les vertèbres sacrées et caudales ont augmenté de nombre ; le sternum s’est également allongé (sans augmentation de la hauteur de la crête) de 0,4 de pouce en plus de ce qu’il devrait avoir proportionnellement à la taille de l’oiseau, comparé au Bizet. Le nombre et la longueur des vertèbres caudales ont augmenté chez le Pigeon Paon. On voit donc que pendant le cours de la sélection et des variations graduelles qui en ont été le résultat, la charpente osseuse interne et les formes extérieures ont été modifiées jusqu’à un certain point d’une manière corrélative.

Les ailes et la queue peuvent varier de longueur d’une manière indépendante, mais elles tendent cependant généralement à s’allonger ou à se raccourcir ensemble. Cela se voit chez les Jacobins et encore mieux chez les Runts, où certaines variétés ont la queue et les ailes très-courtes. Pour les Jacobins, la longueur remarquable des pennes des ailes et de la queue n’est pas un caractère dû à une sélection intentionnelle des éleveurs ; mais ceux-ci ayant depuis longtemps, au moins depuis 1600, cherché à augmenter la longueur des plumes renversées du cou, de façon que le capuchon pût enfermer plus complètement la tête, on peut admettre que l’allongement des rémiges et des rectrices soit un fait de corrélation avec le développement des plumes du cou. Chez les Culbutants courtes-faces, les ailes, proportionnellement à la taille réduite de cette race, sont courtes, mais il est intéressant de remarquer, vu la constance, dans la plupart des oiseaux, du nombre des rémiges primaires, que chez eux on n’en trouve que neuf au lieu de dix. Je l’ai moi-même observé dans huit individus : et la « Original Columbarian Society »[37] a fixé pour type des Culbutants à tête chauve, neuf rémiges blanches au lieu de dix, estimant qu’il n’était pas juste qu’un oiseau ne pût pas concourir et mériter un prix parce qu’il n’aurait pas dix rémiges blanches. D’autre part, chez les Messagers et les Runts qui ont le corps grand et les ailes longues, on a parfois constaté la présence de onze rémiges primaires.

M. Tegetmeier m’a signalé un cas curieux et inexplicable de corrélation ; c’est que les Pigeonneaux de toutes les races qui, adultes, deviennent blanches, jaunes, argentées (c’est-à-dire d’un bleu excessivement pâle), ou fauves, naissent presque nus ; tandis que tous les autres Pigeons colorés naissent bien couverts de duvet. M. Esquilant a cependant observé que les jeunes Messagers fauves sont moins nus que les jeunes Barbes ou Culbutants de même nuance. M. Tegetmeier a vu dans le même nid deux jeunes oiseaux provenant de parents de couleurs diverses, et qui différaient beaucoup par le degré de développement du premier duvet.

J’ai observé un autre cas de corrélation qui, au premier abord, paraît inexplicable, mais sur lequel, ainsi que nous le verrons par la suite, la loi de la similitude des variations des parties homologues paraît jeter quelque jour. Lorsque les pieds sont fortement emplumés, les racines des plumes sont réunies par une fine membrane, qui paraît être en corrélation avec la réunion, par une assez notable étendue de peau, des deux doigts extérieurs. J’ai observé ce fait dans un grand nombre de Pigeons Culbutants, Tambours, Hirondelles, Roulants (observés aussi par M. Brent), et à un moindre degré dans d’autres Pigeons à pattes emplumées.

Les pattes des races plus petites ou plus grandes sont naturellement plus petites ou plus grandes que dans le Bizet, mais les écailles qui recouvrent les doigts et les tarses ont changé non-seulement dans leurs dimensions, mais aussi dans leur nombre. Ainsi, j’ai compté huit écailles sur le doigt postérieur d’un Runt, et seulement cinq sur celui d’un Culbutant courte-face. Le nombre des écailles des pattes est ordinairement un caractère constant chez les oiseaux à l’état de nature. Il y a une corrélation très-apparente entre la longueur des pattes et celle du bec, mais comme il est probable que le défaut d’usage a dû affecter les dimensions du pied, le cas peut rentrer dans la discussion suivante.

Effets du défaut d’usage. — Avant d’aborder la discussion des proportions relatives des pieds, du sternum, de la fourchette, des omoplates et des ailes, je dois prévenir le lecteur que toutes les mesures ont été prises de la même manière, et que toutes celles relatives aux parties extérieures ont été relevées sans aucune intention préconçue d’en tirer les données suivantes.


Tous les oiseaux qui m’ont passé par les mains ont été mesurés depuis la base emplumée du bec (vu la grande variabilité de la longueur du bec lui-même), jusqu’à l’extrémité de la queue, et jusqu’à la glande graisseuse, malheureusement pas (sauf quelques cas), jusqu’à la naissance de la queue. J’ai également mesuré l’envergure de chaque oiseau, ainsi que la longueur de la partie terminale de l’aile repliée, depuis l’extrémité des rémiges primaires jusqu’à l’articulation radiale.

TABLE I.
PIGEONS À BEC GÉNÉRALEMENT PLUS COURT, RELATIVEMENT À LA TAILLE DE LEUR CORPS, QUE CELUI DU BIZET.
RACE. LONGUEUR
réelle
des pieds.
DIFFÉRENCE
entre les longueurs réelles et calculées, relativement à celles des pieds et du corps du Bizet.

Bizet sauvage (moyenne)
2,02 Trop court de Trop long de
Culbutant courte-face (chauve)
1,57 0,11 »
Culbutant courte-face (almond)
1,60 0,16 »
Culbutant courte-face (pie rouge)
1,75 0,19 »
Culbutant rouge ordinaire (mesuré jusqu’à l’extrémité de la queue) 1,85 0,07 »
Culbutant chauve ordinaire
1,85 0,18 »
Culbutant roulant
1,80 0,06 »
Turbit
1,75 0,17 »
Turbit
1,80 0,01 »
Turbit
1,84 0,15 »
Jacobin
1,90 0,02 »
Tambour, blanc
2,02 0,06 »
Tambour pommelé
1,95 0,18 »
Pigeon Paon (mesuré au bout de la queue)
1,85 0,15 »
Pigeon Paon (mesuré au bout de la queue)
1,95 0,15 »
Pigeon Paon (variété à crête), mesuré au bout de la queue
1,95 » »
Dos-frisé indien
1,80 0,19 »
Dos-frisé anglais
2,10 0,03 »
Coquille
1,82 0,02 »
Rieur
1,65 0,16 »
Barbe
2,00 0,03 »
Barbe
2,00 » 0,03
Heurté
1,90 0,02 »
Heurté
1,90 0,07 »
Hirondelle rouge
1,85 0,18 »
Hirondelle bleue
2,00 » 0,03
Grosse-gorge
2,42 » 0,11
Grosse-gorge allemand
2,30 » 0,09
Messager de Bassorah
2,17 » 0,09



Nombre d’individus
28 22 5
TABLE II.
PIGEONS À BEC PLUS LONG, RELATIVEMENT À LA TAILLE DE LEUR CORPS, QUE CELUI DU BIZET.
RACE. LONGUEUR
des pieds.
DIFFÉRENCE
entre les longueurs réelles et calculées, relativement à celles des pieds et du corps du Bizet.

Bizet sauvage (moyenne)
2,02 Trop court de Trop long de
Messager
2,60 » 0,31
Messager
2,60 » 0,25
Messager
2,40 » 0,21
Messager Dragon
2,25 » 0,06
Messager Bagadotten
2,80 » 0,56
Scanderoon blanc
2,80 » 0,37
Pigeon Cygne
2,85 » 0,29
Runt
2,75 » 0,27



Nombre d’individus
8 » 8


J’ai mesuré les pattes sans les ongles, depuis l’extrémité du doigt médian jusqu’à celle du doigt postérieur, et le tarse avec le médian. Dans chaque cas j’ai pris, comme terme de comparaison, la moyenne des mesures de deux Bizets sauvages des îles Shetland. Le tableau suivant donne la longueur réelle des pieds de chaque oiseau, et la différence entre la longueur qu’ils devraient avoir d’après la taille de l’oiseau, comparés aux mêmes parties dans le Bizet ; ces différences sont calculées (sauf quelques exceptions indiquées), en prenant pour terme de comparaison la longueur des corps mesurée de la base du bec à la glande graisseuse. J’ai dû adopter de préférence cette mesure, à cause de la variabilité de la longueur de la queue. J’ai répété les mêmes calculs en prenant comme termes de comparaison soit l’envergure, soit la longueur du corps, mesurée de la base du bec à l’extrémité de la queue, et j’ai obtenu des résultats très-concordants. Pour en citer un exemple : le premier oiseau du tableau, un Culbutant courte-face, étant beaucoup plus petit que le Bizet, doit naturellement avoir les pieds plus petits ; or, en les calculant relativement à la longueur de l’oiseau, mesurée de la base du bec à la glande huileuse, et comparés à ce qu’ils sont dans le Bizet, ils se trouvent être dans le Courte-face trop courts de 0,11 de pouce. En comparant les mêmes oiseaux sous le rapport de l’envergure ou de la longueur totale du corps, j’ai trouvé également les pieds du Culbutant trop courts d’à peu près la même quantité. Je sais que ces mesures prétendent à plus d’exactitude que cela n’est possible, mais j’ai préféré inscrire les mesures réelles, telles que me les indiquait le compas.

Dans la première table vingt-deux individus avaient les pieds trop courts de 0,107 de pouce en moyenne, et cinq les avaient de 0,07 de pouce en moyenne trop longs. Quelques-uns de ces derniers cas un peu exceptionnels sont explicables ; ainsi pour les Grosses-gorges, c’est à l’allongement des pieds et des jambes que la sélection a surtout été appliquée, ce qui a dû nécessairement contrebalancer toute tendance naturelle vers une diminution de ces parties. Dans les Pigeons Hirondelles et Barbes, tous les calculs basés sur d’autres termes de comparaison que celui employé (corps mesuré de la base du bec à la glande graisseuse), ont donné une dimension trop faible des pieds.

Dans le deuxième tableau, nous avons huit oiseaux ayant le bec, tant absolument que relativement au corps, plus long que dans le Bizet ; ils ont aussi les pieds notablement plus longs à proportion d’environ 0,29 de pouce en moyenne. Je dois dire que le tableau I offre quelques exceptions partielles quant au raccourcissement du bec relativement à celui du Bizet : ainsi le bec du Pigeon Dos-frisé anglais est à peine plus long, tout comme celui du Messager de Bassorah, que dans le Bizet. Les becs des Pigeons Heurtés, Hirondelles et Rieurs ne sont que très-peu plus courts ou aussi longs, mais plus grêles. Néanmoins, ces deux tableaux, pris dans leur ensemble, indiquent suffisamment une certaine corrélation entre la longueur du bec et celle des pieds. Les éleveurs de chevaux et de bétail admettent une relation analogue entre la longueur des membres et celle de la tête, et prétendent qu’un cheval de course avec la tête d’un cheval de gros trait, ou un lévrier avec une tête de boule-dogue, seraient des produits monstrueux. Les Pigeons de fantaisie étant généralement renfermés dans de petites volières, où on les nourrit avec abondance, sans qu’ils puissent prendre d’exercice suffisant, il est infiniment probable que la réduction appréciable des pieds des vingt-deux oiseaux de la première table est due au défaut d’usage[38], et a par corrélation réagi sur les becs de la plus grande partie d’entre eux. D’autre part, le bec s’étant allongé par la sélection soutenue de légers accroissements successifs, les pieds par corrélation se sont aussi allongés relativement à ceux du Bizet sauvage, malgré le défaut d’usage.

Les mesures de l’extrémité du doigt médian à celle du postérieur, prises sur les trente-six oiseaux dont il vient d’être question, soumises à un calcul analogue à celui qui précède, ont donné les mêmes résultats, à savoir que, dans les races à bec court, à peu d’exceptions près, le doigt médian et le tarse ont diminué de longueur ; tandis qu’ils ont augmenté dans les races à bec long, d’une manière moins uniforme cependant que dans le cas précédent, car dans quelques variétés de Runts, la jambe varie passablement de longueur.

Dispensés que sont les Pigeons à l’état domestique, d’avoir à rechercher la nourriture dont ils ont besoin, ils ont depuis bien des générations, eu à se servir infiniment moins de leurs ailes que le Bizet sauvage. J’en inférai la probabilité que toutes les parties du squelette, jouant un rôle dans le vol, devaient avoir subi une certaine réduction. Je mesurai donc avec soin la longueur du sternum dans douze oiseaux de races diverses, et dans deux Bizets des îles Shetland. Pour établir une comparaison proportionnelle, j’ai dans tous essayé trois mesures : la longueur du corps mesurée de la base du bec à la glande graisseuse ; celle mesurée du même point à l’extrémité de la queue ; enfin l’envergure. Dans les trois cas, le résultat a été le même, le sternum s’est invariablement trouvé être proportionnellement plus court que dans le Bizet sauvage. Les résultats calculés d’après la longueur mesurée de la base du bec à la glande graisseuse, étant à peu près la moyenne des résultats obtenus par les deux autres modes de mensuration, ce sont ceux que je consignerai dans le tableau suivant :

LONGUEUR DU STERNUM.
RACE. Longeur réelle. Trop court de RACE. Longeur réelle. Trop court de
Bizet sauvage
2,55 »
Barbe
2,35 3,34
Scanderoon
2,80 0,60
Coquille
2,27 0,15
Messager Bagadotten
2,80 0,17
Grosse-Ge. allemand
2,36 0,54
Dragon
2,45 0,41
Jacobin
2,33 0,22
Messager
2,75 0,35
Dos-frisé anglais
2,40 0,43
Culbutant courte-face
2,05 0,28
Hirondelle
2,45 0,17

Ce tableau montre que, dans ces douze races, le sternum est en moyenne d’un tiers de pouce (exactement 0,332), plus court que dans le Bizet, proportionnellement à la grandeur de leurs corps ; le sternum a donc subi une réduction d’un septième à un huitième de sa longueur totale, ce qui est considérable.

J’ai mesuré aussi, sur vingt et un oiseaux, y compris les douze ci-dessus, la hauteur de la crête du sternum comparée à sa longueur, et indépendamment de la taille de l’oiseau. Deux sur les vingt et un oiseaux m’ont offert une crête sternale relativement aussi développée que chez le Bizet ; elle était plus saillante dans sept, mais sur cinq individus de ces sept, un Paon, deux Scanderoons, et deux Messagers anglais, on peut, jusqu’à un certain point, expliquer ce développement par le fait qu’une poitrine très-saillante étant un caractère fort prisé des éleveurs, ils ont dû chercher à le développer par sélection. Dans les douze oiseaux restants, la saillie de la crête sternale était moindre. Il résulte de là que la crête du sternum manifeste une tendance légère, mais incertaine, à se réduire un peu plus que ne le fait l’os entier relativement à la taille de l’oiseau, comparé au Bizet.

J’ai mesuré sur neuf différentes races grandes et petites, la longueur de l’omoplate ; dans toutes, cet os s’est trouvé proportionnellement plus court que dans le Bizet. La réduction était en moyenne d’environ un cinquième de pouce, soit un neuvième environ de la longueur de l’omoplate du Bizet.

Les branches de la fourchette, relativement à la taille, paraissent, dans tous les individus que j’ai examinés, différer moins que dans le Bizet ; la fourchette entière est proportionnellement plus courte. Dans un Runt, dont l’envergure mesurait 38 pouces 1/2, la fourchette n’était que fort peu plus longue et à branches à peine plus divergentes que dans un Bizet qui n’avait que 26 pouces 1/2 d’envergure. Dans un Barbe, qui sous tous les rapports était plus grand que le Bizet, la fourchette se trouvait de 1/4 de pouce plus courte. Dans un Grosse-gorge, la fourchette ne s’était pas allongée proportionnellement à l’augmentation de longueur du corps. Dans un Culbutant courte-face, dont l’envergure était de 24 pouces, soit plus courte de 2 pouces 1/2 que celle du Bizet, la fourchette était à peine des deux tiers de celle de cet oiseau.


Nous voyons donc clairement que le sternum, les omoplates, et la fourchette, sont tous réduits quant à leur longueur proportionnelle ; mais si nous examinons les ailes, nous trouvons un résultat bien différent en apparence et tout à fait inattendu. À ce sujet, je ferai remarquer que je n’ai point choisi mes échantillons et que je me suis servi indistinctement de toutes les mesures que j’ai eu occasion de relever. Prenant pour terme de comparaison la longueur comprise entre la base du bec et l’extrémité de la queue, je trouve que, sur trente-cinq oiseaux de races différentes, vingt-cinq ont les ailes proportionnellement plus longues, et dix les ont proportionnellement plus courtes que le Bizet. Mais comme il y a une corrélation entre la longueur des pennes des ailes et de celles de la queue, il vaut mieux prendre pour terme de comparaison la longueur du corps mesurée de la base du bec à la glande huileuse ; d’après cette donnée, j’ai trouvé que, sur vingt-six des mêmes oiseaux ainsi mesurés, vingt et un, comparés au Bizet, avaient les ailes trop longues, et que cinq les avaient trop courtes, dans la proportion moyenne de 1 1/3 de pouce pour les premiers, et de 0,8 de pouce pour les seconds. Très-surpris de voir les ailes d’oiseaux tenus en captivité ainsi augmentées dans leur longueur, il me vint à l’idée que cet effet pouvait résulter de l’allongement des pennes alaires, ce qui est le cas chez le Jacobin, dont l’aile a une longueur inusitée. Comme j’avais, dans presque tous les cas, mesuré les ailes repliées, je n’avais qu’à retrancher la longueur de leur partie terminale de la longueur totale des ailes étendues, pour obtenir avec une exactitude suffisante la longueur des ailes comprise entre une extrémité radiale et l’autre. Mesurées sur les mêmes vingt-cinq oiseaux, le résultat fut tout différent ; car, relativement aux ailes du Bizet, elles se trouvaient trop courtes dans dix-sept, et trop longues dans huit oiseaux seulement. Sur ces huit, cinq avaient le bec long[39], ce qui semble indiquer qu’il y a quelque corrélation entre la longueur du bec et celle des os de l’aile, comme pour les pieds et les tarses. On doit probablement attribuer au défaut d’usage le raccourcissement de l’humérus et du radius dans les dix-sept oiseaux précités, ainsi que celui de l’omoplate et de la fourchette, auxquelles s’attachent les os de l’aile ; l’allongement des rémiges, et l’extension de l’aile qui en est la conséquence, étant, d’autre part, aussi complètement indépendants de l’usage ou du défaut d’usage que peuvent l’être le développement du poil chez nos chiens à longs poils, et celui de la laine de nos moutons à grande toison.

En résumé, nous pouvons admettre que le sternum, la saillie de sa crête, les omoplates et la fourchette, comparés à ce que ces mêmes os sont dans le Bizet, ont, quant à la longueur, subi une réduction qu’on peut sûrement attribuer à un défaut d’usage et au manque d’exercice. Les ailes, mesurées de l’extrémité d’un radius à l’autre ont également diminué de longueur ; mais par suite de l’allongement des rémiges, les ailes mesurées d’une extrémité à l’autre, sont généralement plus longues que dans le Bizet. Les pieds, les tarses et le doigt médian ont aussi, dans la plupart des cas, été réduits, probablement par défaut d’usage ; cependant ce fait paraît plutôt dénoter quelque corrélation entre le bec et les pattes qu’un effet de défaut d’usage. Une corrélation semblable paraît aussi exister entre le bec et les os principaux de l’aile.

Résumé des points de différence entre les diverses races domestiques et entre les individus. — Le bec ainsi que les os de la face diffèrent considérablement par la longueur, la largeur, la forme et la courbure. Le crâne diffère par sa forme, et beaucoup par l’angle que forment ensemble les os maxillaires, nasaux et jugaux. La courbure de la mâchoire inférieure et l’inflexion de son bord supérieur, ainsi que l’ouverture de la bouche, diffèrent d’une manière remarquable. La langue varie beaucoup dans sa longueur, soit absolument, soit relativement à celle du bec. Il en est de même du développement de la peau dénudée et verruqueuse qui surmonte les narines et entoure les yeux. Les paupières ainsi que les orifices extérieurs des narines varient de longueur, et paraissent être, jusqu’à un certain point, en corrélation avec le développement de la peau verruqueuse. La forme et les dimensions de l’œsophage et du jabot varient énormément, ainsi que leur dilatabilité ; il en est de même de la longueur du cou. Les changements dans la forme du corps sont accompagnés de variations dans le nombre et la largeur des côtes, de l’apparition d’apophyses, et de modifications dans le nombre des vertèbres sacrées, ainsi que dans la longueur du sternum. Les vertèbres coccygiennes varient en grandeur et en nombre, fait qui paraît être en corrélation avec l’accroissement de la queue. La grandeur et la forme des perforations du sternum, la grandeur de la fourchette et la divergence de ses branches diffèrent. Le développement de la glande graisseuse est variable, elle est parfois totalement atrophiée. La direction et la longueur de certaines plumes sont quelquefois profondément modifiées, comme on le voit dans le capuchon du Jacobin, et la fraise du Turbit. Les rémiges et les rectrices varient généralement ensemble de longueur quelquefois cependant elles varient indépendamment les unes des autres et de la taille de l’oiseau. Les rectrices varient d’une manière incroyable quant au nombre et à la position. Les rémiges primaires et secondaires paraissent occasionnellement varier de nombre, en corrélation avec la longueur des ailes. La longueur des jambes, celle des pieds, et le nombre des scutelles sont variables. Les bases des deux doigts intérieurs sont quelquefois réunies par une membrane, et lorsque les pattes sont emplumées, il en est presque invariablement de même des deux doigts externes.

Il y a de grandes différences dans les dimensions du corps : un Runt peut peser jusqu’à cinq fois autant qu’un Culbutant courte-face. Les œufs diffèrent par la grosseur et la forme. D’après Parmentier[40], quelques races emploient beaucoup de paille pour la construction de leurs nids, d’autres très-peu, mais je n’ai trouvé aucune confirmation récente de cette assertion. La durée de l’incubation des œufs est uniforme dans toutes les races, mais il y a des différences dans les périodes où les oiseaux revêtent le plumage caractéristique de leur race, et auxquelles interviennent certains changements de couleur. Le développement du duvet dont les Pigeonneaux sont revêtus à l’éclosion est assez variable, et il est en corrélation singulière avec la coloration du plumage définitif. On remarque les différences les plus bizarres dans le mode de vol ; dans certains mouvements héréditaires, tels que le claquement des ailes, les sauts périlleux ou culbutes soit en l’air, soit sur le sol ; et dans la manière dont les mâles courtisent les femelles. Les races diffèrent par leur naturel ; quelques-unes sont très-silencieuses, d’autres ont des roucoulements tout particuliers.

Bien que, comme nous le verrons plus complètement plus loin, beaucoup de races aient conservé depuis plusieurs siècles leurs caractères propres, il y a cependant dans les races les plus constantes plus de variations individuelles que dans les oiseaux à l’état de nature. Une règle, qui paraît ne souffrir presque aucune exception, est que ce sont les caractères les plus recherchés par les éleveurs, et ceux auxquels ils s’attachent le plus, qui varient aussi le plus, et sont par conséquent, encore aujourd’hui, en voie d’amélioration par sélection continue. C’est ce que reconnaissent indirectement les éleveurs de fantaisie, lorsqu’ils constatent combien il leur est plus difficile d’amener les Pigeons de races supérieures au type voulu de perfection désiré, que de produire des Pigeons de fantaisie, qui ne sont que de simples variétés de couleur, lesquelles, une fois acquises, ne sont pas susceptibles d’une amélioration ou d’une augmentation continue. Quelques caractères se fixent plus fortement sur le mâle que sur la femelle, sans cause connue ; de sorte que, dans certaines races, on remarque une tendance à l’apparition de caractères sexuels secondaires[41], dont le Pigeon Bizet n’offre pas d’exemple.



  1. M. C. Murray m’a envoyé de Perse des exemplaires de grande valeur ; M. Keith Abbot, Consul de Sa Majesté, m’a procuré des renseignements sur les Pigeons de ce pays. Je dois à Sir W. Elliot une immense collection de peaux de Madras, accompagnée de renseignements à leur sujet. M. Blyth m’a largement communiqué ses nombreuses connaissances sur ces faits et autres sujets qui s’y rapportent. Le Rajah Sir J. Brooke m’a envoyé des échantillons de Bornéo, ainsi que le consul de S. M., M. Swinhoe, d’Amoy, en Chine, et le docteur Daniell, de la côte occidentale d’Afrique.
  2. M. B.-P. Brent, bien connu par ses travaux sur les oiseaux de basse-cour, m’a aidé de toutes manières pendant plusieurs années, et avec une obligeance inépuisable, ainsi que M. Tegetmeier. Ce dernier, très-connu pour ses ouvrages sur le même sujet, et qui a élevé des Pigeons sur une grande échelle, a revu ce chapitre et les suivants. M. Bult m’a montré sa collection sans rivale de Pigeons Grosses-gorges et m’en a remis des échantillons. J’ai eu accès dans celle de M. Wicking, qui renferme un assortiment de plusieurs variétés comme on n’en saurait voir ailleurs, et dont le propriétaire m’a aidé par des échantillons et des renseignements donnés avec la plus grande obligeance. Je dois à MM. Haynes et Corker des exemplaires de leurs magnifiques Messagers ; de même à M. Harrison Weir. Je ne dois pas omettre l’aide que j’ai trouvée auprès de MM. J.-M. Eaton, Baker, Evans et J. Baily jeune ; ce dernier pour quelques précieux échantillons ; je prie toutes ces personnes d’accepter ici l’expression de ma sincère et cordiale reconnaissance.
  3. Les Pigeons de volière et de colombier. Paris, 1824. Pendant quarante-cinq ans M. Corbière a été préposé aux soins des Pigeons de la duchesse de Berry.
  4. Prince C.-L. Bonaparte, Coup d’œil sur l’ordre des Pigeons. Paris, 1855. Cet auteur fait 288 espèces groupées dans 85 genres.
  5. Comme je dois fréquemment en référer aux dimensions de la C. livia ou Bizet, je crois devoir donner la moyenne des mesures de deux Bizets sauvages, que M. Edmondstone m’a envoyé des îles Shetland :
    Longueur de la base du bec à l’extrémité de la queue
    14,25
    Longueur de la base du bec à la glande huileuse
    9,50
    Longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue
    15,02
    Longueur des plumes de la queue
    4,62
    Longueur envergure
    26,75
    Longueur de l’aile repliée
    9,25
    Bec. Longueur de la pointe à la base emplumée
    0,77
    Bec. Épaisseur mesurée verticalement à l’extrémité des narines
    0,23
    Bec. Largeur mesurée à la même place
    0,16
    Pieds. Longueur de l’extrémité du doigt médian (sans ongle), à l’extrémité du tibia
    2,77
    Pieds. Longueur de l’extrémité du doigt médian à celle du doigt postérieur (sans ongle)
    2,02
    Poids, 14 onces 1/4.
  6. Ce dessin est fait d’après l’oiseau mort. Les six figures suivantes ont été dessinées avec grand soin par M. Luke Wells, sur des oiseaux vivants choisis par M. Tegetmeier. Les caractères de ces six races figurées ne sont en aucune manière exagérés.
  7. Das Ganze der Taubenzucht. Weimar, 1837 ; pl. 11 et 12.
  8. Boitard et Corbié : Les Pigeons, etc., p. 177, pl. 6.
  9. Die Taubenzucht. Ulm, 1824, p. 42.
  10. Ce traité a été écrit par Sayzid-Mohammed Musari, mort en 1770 ; je dois à l’obligeance de Sir W. Elliot la traduction de cet ouvrage curieux.
  11. Poultry chronicle, vol. II, p. 573.
  12. Ann. and Mag. of nat. history, vol. xix, 1847, p. 105.
  13. Cette glande se trouve dans la plupart des oiseaux ; cependant Nitsch (Ptérylographie, 1840, p. 55), en a constaté l’absence dans deux espèces de Columba, dans plusieurs espèces de perroquets et d’outardes, et dans presque tous les oiseaux de la famille des autruches. Les deux espèces de Columba, auxquelles manque la glande graisseuse, ont un nombre inusité de plumes caudales, soit 16, et sous ce rapport ressemblent aux Pigeons Paons ; cette coïncidence ne paraît guère devoir être accidentelle.
  14. Voir les deux éditions publiées par M. Eaton, en 1852 et 1858. (Treatise on Fancy Pigeons.)
  15. Traduction anglaise de F. Gladwin, 4e édit., vol. I. Cette habitude du Lotan est aussi décrite dans l’ouvrage persan publié il y a 100 ans, dont nous avons parlé ; à cette époque les Lotans étaient blancs et crêtés comme maintenant. M. Blyth : Ann. and Mag. of nat. hist., vol. XIV, 1847, p. 104, décrit ces Pigeons et dit qu’on les voit chez tous les marchands d’oiseaux à Calcutta.
  16. Journal of Horticulture, 22 oct. 1861, p. 76.
  17. Voir le récit des Pigeons Culbutants de Glasgow, dans Cottage Gardener, 1858, p. 285, ainsi que la notice de M. Brent dans Journal of Horticulture, 1861, p. 76.
  18. J.-M. Eaton, Treatise on Pigeons, 1852, p. 9.
  19. J.-M. Eaton. Treatise, etc., édit. 1858, p. 76.
  20. Neumeister, Taubenzucht, tab. IV, fig. 1.
  21. Riedel : Die Taubenzucht, 1824, p. 26. — Bechstein : Naturg. Deutschlands, vol. IV, p. 36, 1795.
  22. Willoughby’s Ornithology, édit, par Ray.
  23. Édition de J.-M. Eaton, 1858, p. 98.
  24. Pigeon-pattu-Plongeur. Les Pigeons, etc., p. 165.
  25. Naturgeschichte Deutschlands, vol. IV, p. 47.
  26. W.-B. Tegetmeier : Journal of Horticulture, 20 janv., 1863, p. 58.
  27. Coup d’œil sur l’ordre des Pigeons, par C.-L. Bonaparte. Comptes rendus, 1854–55. — Blyth : Ann. of nat. hist., vol. XIX, 1847, p. 41, mentionne le fait singulier de deux espèces d’Ectopistes, formes voisines, dont l’une a 14 plumes caudales, tandis que l’autre, le Pigeon Messager de l’Amérique du Nord, n’en a que le nombre ordinaire de 12.
  28. Décrit et figuré dans Poultry chronicle, vol. III, 1855, p. 82.
  29. B.-P. Brent : Pigeon Book, 1859, p. 41.
  30. Die Staar-halsige Taube, O. C., p. 21, tab. I (4).
  31. J.-M. Eaton : Treatise on the Almond-Tumbler, 1852, p. 8.
  32. O. C., p. 10.
  33. Boitard et Corbié : O. C., p. 173.
  34. Le Pigeon voyageur belge, 1865, p. 87.
  35. Prof. A. Newton, Proc. Zool. Soc., 1865, p. 716, dit qu’il ne connaît aucune espèce présentant quelque distinction sexuelle remarquable ; mais il est signalé dans Nat. Lib. Birds, vol. IX, p. 117, que l’excroissance de la base du bec du Carpophaga oceanica est sexuelle ; ce fait, s’il est exact, constituerait un point intéressant d’analogie avec le Messager mâle, dont les caroncules de la base du bec sont beaucoup plus développés que chez la femelle. M. Wallace m’apprend que dans la sous-famille des Treronidae, les sexes diffèrent souvent entre eux par l’éclat des couleurs.
  36. Je ne suis par très-certain d’avoir désigné correctement les différences espèces de vertèbres, car je remarque que les anatomistes suivent sous ce rapport des règles différentes ; mais comme je me sers des mêmes termes dans la comparaison de tous les squelettes, le fait n’aura, je l’espère, pas d’importance.
  37. J.-M. Eaton, O. C., éd. 1858, p. 78.
  38. D’une manière analogue mais inverse, quelques groupes naturels de Colombides, ayant des mœurs plus terrestres que d’autres groupes voisins, ont aussi les pieds plus grands. Voir Coup d’œil sur l’ordre des Pigeons, du prince Bonaparte.
  39. Il faut peut-être observer que, outre ces cinq oiseaux, deux des huit étaient Barbes, lesquels, comme je l’ai montré, doivent être classés avec les Messagers et les Runts à long bec, dans le même groupe. On pourrait appeler les Barbes des Messagers à bec court. Il semblerait donc que, pendant que leur bec subissait une réduction, leurs ailes aient conservé un peu de l’excès de longueur qui caractérise leurs parents les plus voisins et leurs ancêtres.
  40. Temminck, Hist. nat. gén. des Pigeons et des Gallinacés, t. I, 1813, p. 170.
  41. Ce terme a été appliqué par J. Hunter aux différences de conformation entre les mâles et les femelles qui ne sont pas directement en rapport avec l’acte de la reproduction, comme la queue du paon, les cornes du cerf, etc.