De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication/Tome I/09

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De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. Ip. 324-352).

CHAPITRE IX.

PLANTES CULTIVÉES : PLANTES CULINAIRES ET CÉRÉALES.


REMARQUES PRÉLIMINAIRES sur le nombre et l’origine des plantes cultivées. — Premiers degrés de culture. — Distribution géographique des plantes cultivées.
CÉRÉALES. — Incertitude sur le nombre des espèces. — Froment et ses variétés. — Variabilité individuelle. — Changements d’habitudes. — Sélection. — Histoire ancienne des variétés. — Maïs, sa grande variation. — Action directe du climat sur le maïs.
PLANTES CULINAIRES. — Chou : ses variétés par le feuillage et la tige, mais pas par d’autres parties. — Leur origine. — Autres espèces de Brassicæ. — Pois : importance des différences entre les diverses sortes, surtout dans les gousses et les graines. — Constance et variabilité de quelques variétés. — Ne s’entre-croisent pas. — Fèves. — Nombreuses variétés de pommes de terre. — Différences entre les tubercules. — Caractères héréditaires.


Je n’entrerai pas, au sujet de la variabilité des plantes cultivées, dans autant de détails que je l’ai fait pour les animaux domestiques. Le sujet offre des difficultés considérables. Les botanistes ont généralement négligé, comme indignes de leur attention, les variétés cultivées. Dans beaucoup de cas, le prototype sauvage est douteux ou inconnu, et dans d’autres, il est presque impossible de distinguer entre les sauvageons échappés et les plantes vraiment sauvages, de sorte qu’on n’a aucun terme de comparaison sûr, qui permette d’apprécier l’étendue des changements survenus. Beaucoup de botanistes croient que plusieurs de nos plantes anciennement cultivées ont été si profondément modifiées, qu’il est actuellement impossible de reconnaître les formes primitives dont elles descendent. On est également très-embarrassé pour savoir si quelques-unes proviennent d’une seule espèce, ou de plusieurs, inextricablement mélangées par des croisements et modifiées par variation. Les variations passent souvent à des monstruosités dont on ne peut les distinguer ; un grand nombre de variétés ne se propagent que par greffes, bourgeons, marcottes, bulbes, etc., et très-fréquemment, on ignore jusqu’à quel point leurs particularités peuvent se transmettre par la graine. On peut cependant glaner quelques faits qui ont de l’importance, et dont nous aurons à parler plus loin. Le but principal des deux chapitres qui vont suivre est de démontrer combien presque tous les caractères de nos plantes cultivées sont devenus variables.

Faisons précéder les détails de quelques remarques générales sur l’origine des plantes cultivées. Dans une admirable discussion sur ce sujet, qui dénote chez son auteur une grande étendue de connaissances, M. Alph. de Candolle[1] donne une liste de 157 plantes cultivées parmi les plus utiles, dont il estime qu’environ 85, sont presque certainement connues à l’état sauvage, point sur lequel cependant d’autres juges compétents paraissent élever quelques doutes[2]. Pour 40 d’entre elles, M. de Candolle admet une origine douteuse, soit à cause de certaines dissemblances qu’elles présentent avec les formes sauvages les plus voisines auxquelles on peut les comparer, soit à cause de la probabilité que ces dernières ne soient pas réellement des plantes sauvages, mais les produits de graines échappées à la culture. Sur les 157 plantes, d’après M. de Candolle, il n’y en a que 32 dont l’état primitif soit complètement inconnu. Mais il faut observer qu’il ne comprend pas dans sa liste, plusieurs plantes à caractères mal définis, comme les diverses formes de courges, de millet, de sorgho, de haricots, de dolichos, de capsicum et d’indigo, non plus que les fleurs ; or plusieurs des fleurs les plus anciennement cultivées, telles que certaines roses, le lis impérial ordinaire, la tubéreuse et même le lilas, sont inconnues à l’état sauvage[3].

D’après les chiffres relatifs donnés plus haut, et d’autres arguments d’une grande valeur, M. de Candolle conclut que ce n’est que rarement que les plantes ont été assez fortement modifiées par la culture, pour qu’on ne puisse plus les identifier avec leurs prototypes sauvages. Mais, d’après cette manière de voir, si nous considérons qu’il n’est pas probable que les sauvages aient choisi des plantes rares pour les cultiver ; que les plantes utiles sont généralement remarquables, et qu’elles ne devaient pas habiter des déserts ni des îles écartées et récemment découvertes, il me paraît étrange qu’il y ait autant de plantes cultivées, dont les formes primitives soient encore douteuses ou inconnues. Si, d’autre part, un grand nombre de ces plantes ont été profondément modifiées par la culture, la difficulté disparaît ; elle serait également levée par l’hypothèse de l’extermination des formes sauvages pendant les progrès de la civilisation, mais M. de Candolle démontre l’improbabilité que cela ait dû arriver souvent. Dès qu’une plante aura été cultivée dans une localité, ses habitants demi-civilisés n’auront plus eu besoin de la chercher sur toute l’étendue du pays, ce qui pouvait entraîner son extirpation complète, et même en supposant que cela ait pu arriver momentanément, pendant une disette, il en serait resté des graines dans le sol. Ainsi que Humboldt l’a remarqué depuis longtemps, dans les pays tropicaux, la luxuriance de la nature sauvage est au-dessus des faibles efforts de l’homme. Dans les pays tempérés anciennement civilisés, où la surface entière du sol a été considérablement changée, quelques plantes ont pu, sans aucun doute, être exterminées, néanmoins M. de Candolle a montré que toutes les plantes que, par les données historiques, on sait avoir été en premier lieu cultivées en Europe, y existent encore à l’état sauvage.

MM. Loiseleur-Deslongchamps[4] et de Candolle ont remarqué que nos plantes cultivées, et particulièrement les céréales, doivent avoir primitivement existé à peu près dans leur état actuel, car autrement, on ne les aurait pas remarquées et appréciées comme nourriture. Mais ces auteurs n’ont pas songé aux descriptions qu’ont données les voyageurs de la misérable nourriture que recueillent les sauvages. J’ai lu un récit relatif à des sauvages australiens qui, pendant une disette, avaient dû apprêter de diverses façons une foule de végétaux pour les rendre inoffensifs et plus nourrissants. Le Dr Hooker trouva les habitants à moitié affamés d’un village dans le Sikhim souffrant gravement pour avoir mangé des racines d’arum[5], qu’ils avaient pilées et laissées fermenter pendant plusieurs jours, pour leur enlever une partie de leurs propriétés vénéneuses ; il ajoute qu’ils cuisaient et mangeaient plusieurs autres plantes délétères. Dans l’Afrique du Sud, Sir A. Smith m’informe que, dans les moments de disette, on consomme un grand nombre de fruits et de feuilles succulentes, et surtout des racines. Les naturels connaissent même les propriétés d’une grande quantité de plantes, que, dans des moments de détresse, ils ont reconnues mangeables, nuisibles à la santé, ou meurtrières. Il rencontra un parti de Baquanas, qui, expulsés par le conquérant Zulus, avaient, depuis quelques années, vécu de racines et de feuilles contenant fort peu de nourriture, mais qui, en leur distendant l’estomac, calmaient les angoisses de la faim. Ils semblaient des squelettes ambulants, et souffraient horriblement de constipation. Sir A. Smith m’apprend aussi que, dans ces circonstances, et pour se guider par leur exemple, les naturels observent ce que mangent les animaux sauvages, surtout les singes.

C’est par des expériences innombrables faites par les sauvages de tous les pays, sous l’empire de la nécessité, et dont la tradition a transmis les résultats, qu’ont été découvertes les propriétés nutritives, stimulantes ou médicinales des plantes. Il semble, à première vue, étonnant que l’homme sauvage ait, dans trois parties éloignées du globe, découvert au milieu d’une multitude de plantes indigènes, que les feuilles du thé et les baies du caféier renfermaient une essence nutritive et stimulante, dont l’analyse chimique a plus tard démontré l’identité. Nous voyons aussi que les sauvages, souffrant de la constipation, ont dû observer naturellement quelles étaient parmi les racines qu’ils mangeaient, celles qui avaient des propriétés apéritives. Nous devons ainsi probablement toutes nos connaissances sur les usages et les vertus des plantes, au fait que l’homme, ayant à l’origine vécu à l’état barbare, a souvent été contraint par le besoin à essayer comme nourriture à peu près tout ce qu’il pouvait mâcher et avaler. D’après ce que nous savons des habitudes des sauvages dans les différentes parties du globe, il n’y a pas de raison pour supposer que nos céréales aient primitivement existé à leur état actuel, si précieux pour l’homme. Voyons ce qu’il en est dans le continent africain. Barth[6] raconte que, sur une grande partie de la région centrale, les esclaves recueillent régulièrement les graines d’une herbe sauvage, le Pennisetum distichum : il a vu, dans une autre contrée, les femmes ramassant les graines d’un Poa en promenant une sorte de panier, au travers des herbages des riches prairies. Près de Tête, Livingstone a vu les naturels récoltant les graines d’une herbe sauvage ; et, plus au midi, d’après Anderson, les habitants font grand usage d’une graine grosse comme celle du panais, qu’ils font bouillir dans l’eau. Ils mangent aussi les racines de certains roseaux, et tout le monde sait que les Boschimans déterrent, pour s’en nourrir, diverses racines au moyen de pieux en bois durcis au feu. On pourrait citer d’autres faits analogues sur l’emploi des graines d’herbes sauvages dans d’autres parties du globe[7].

Accoutumés que nous sommes à nos excellents légumes et à nos fruits savoureux, nous nous persuadons difficilement que les racines astringentes de la carotte, ou les petits rejetons de l’asperge sauvage, ou les fruits des pommiers et pruniers sauvages, etc., aient jamais pu avoir quelque valeur ; et cependant ce que nous savons des habitudes des Australiens et des sauvages de l’Afrique du sud, ne peut nous laisser aucun doute à cet égard. Pendant la période de la pierre, les habitants de la Suisse récoltaient, sur une vaste échelle, les prunes et les pommes, les fruits de l’églantier, du sureau, les faînes, et autres baies et fruits sauvages[8]. Jemmy Button, un natif de la Terre de Feu, qui était à bord du Beagle, me disait que les pauvres cassis acides de cette localité étaient encore trop doux pour son goût.

Dans chaque pays, les habitants sauvages ayant, à la suite de rudes expériences, reconnu les plantes qui pouvaient être utilisées telles quelles, ou le devenir moyennant certains apprêts culinaires, ont dû faire le premier pas vers leur culture, en les plantant dans le voisinage de leurs habitations. Livingstone[9] raconte que les sauvages Batokas laissaient des arbres fruitiers sauvages dans leurs jardins, et quelquefois en plantaient, chose qui ne se faisait nulle part ailleurs chez les indigènes. Du Chaillu a vu un palmier et quelques arbres à fruits, qui avaient été plantés, et qu’on regardait comme une propriété particulière. Un second pas vers la culture, mais qui demande déjà un peu de prévoyance, est de semer les graines des plantes utiles ; et, comme le sol voisin des huttes des naturels[10], est à quelque degré fumé, des variétés améliorées peuvent tôt ou tard y prendre naissance. Ou bien une variété nouvelle et meilleure d’une plante indigène, peut avoir attiré l’attention d’un vieux sauvage plus sagace, qui la transplante ou en sème la graine. Il est très-certain qu’on rencontre occasionnellement des variétés supérieures d’arbres à fruits sauvages, comme l’a signalé le professeur Asa Gray[11] dans les espèces américaines d’aubépines, de prunes, de cerises, de raisins et de noyers. Downing parle aussi de quelques variétés sauvages de noyers américains, comme étant plus grandes et ayant une saveur plus fine que l’espèce commune. J’ai parlé des arbres fruitiers américains, parce qu’il n’y a aucune possibilité que leurs variétés aient pu provenir de sauvageons échappés de cultures artificielles. Quant au fait de transplanter des variétés supérieures ou de semer des graines, il ne suppose pas plus de prévoyance qu’on ne pouvait en attendre à une époque reculée d’une grossière civilisation. Même les barbares australiens ont pour principe de ne jamais arracher une plante après sa floraison, et Sir G. Grey[12] n’a jamais vu violer cette loi, évidemment établie pour la conservation de la plante. La même pensée semble inspirer cette superstition des natifs de la Terre de Feu, que, si on tue les oiseaux aquatiques trop jeunes, il s’ensuivra beaucoup de pluie, de neige et de vent[13]. Comme exemple de prévoyance chez des barbares des plus inférieurs, j’ajouterai que, lorsque les habitants de la Terre de Feu trouvent une baleine échouée sur la plage, ils en ensevelissent dans le sable la plus grande partie, et, lors des famines auxquelles ils sont fréquemment exposés, ils reviennent de fort loin pour en chercher les restes à demi putréfiés.

On a souvent remarqué[14] que ni l’Australie, ni le cap de Bonne-Espérance — quoique les espèces indigènes y abondent, — ni la Nouvelle-Zélande, ni l’Amérique au sud de la Plata et selon quelques auteurs au nord du Mexique, ne nous ont fourni une seule plante utile. À l’exception du blé des Canaries, je ne crois pas que nous ayons tiré aucune plante comestible ou de quelque valeur, d’une île océanique ou inhabitée. Si presque toutes nos plantes utiles, natives d’Europe, d’Asie et de l’Amérique du Sud, avaient primitivement existé dans leur état actuel, l’absence complète de plantes utiles semblables dans les grands pays que nous venons de nommer, serait certes un fait bien étonnant. Mais, si ces plantes ont été assez profondément modifiées et améliorées par la culture pour ne plus ressembler de près à aucune espèce naturelle, nous pouvons comprendre pourquoi les contrées ci-dessus mentionnées ne nous ont fourni aucune plante utile, car elles étaient habitées par des hommes qui, comme en Australie et au Cap, ne cultivaient pas du tout la terre, ou ne la cultivaient que très-imparfaitement, comme dans certaines parties de l’Amérique. Ces pays produisent bien des plantes utiles à l’homme sauvage ; le Dr Hooker[15] n’en énumère pas moins de 107 qui sont dans ce cas dans la seule Australie ; mais ces plantes n’ont pas été améliorées, et ne peuvent par conséquent pas lutter avec celles qui, depuis des milliers d’années, ont été cultivées et perfectionnées dans le monde civilisé.

Le cas de la Nouvelle-Zélande, île magnifique à laquelle nous ne devons encore aucune plante un peu généralement cultivée, peut paraître en opposition avec cette manière de voir, car, lors de sa première découverte, les naturels cultivaient bien certaines plantes ; mais tous les investigateurs admettent, en conformité des traditions des indigènes, que les premiers colonisateurs polynésiens avaient apporté avec eux des graines, des racines, ainsi que le chien, qui tous avaient été sagement conservés pendant leur long voyage. Les Polynésiens se sont si souvent perdus sur l’Océan, qu’ils devaient prendre en s’embarquant des précautions de ce genre. Les premiers colonisateurs de la Nouvelle-Zélande, non plus que les colons européens plus récents, ne devaient donc avoir de motifs pressants pour se livrer à la culture des plantes indigènes. D’après M. de Candolle, nous devons au Mexique, au Pérou et au Chili, trente-trois plantes utiles ; ce fait n’a rien d’étonnant, si nous songeons à l’état de civilisation auquel étaient parvenus ces pays, à en juger par les travaux pour l’irrigation artificielle, les tunnels percés dans des roches dures sans le secours du fer ou de la poudre, exécutés par leurs habitants, qui, en ce qui concerne les animaux, et par conséquent probablement aussi les plantes, connaissaient et appliquaient le principe de la sélection. Le Brésil nous a fourni quelques plantes, et les anciens voyageurs, entre autres Vespuce et Cabral, décrivent le pays comme très-peuplé et cultivé. Dans l’Amérique du Nord[16], les naturels cultivaient du maïs, des courges, des fèves et des pois, tous différents des nôtres, et le tabac ; et nous ne sommes nullement autorisés à affirmer qu’aucune de nos plantes actuelles ne puisse pas descendre de ces formes de l’Amérique du Nord. Si ce pays avait été civilisé depuis une aussi longue période, et aussi fortement peuplé que l’Asie et l’Europe, il est probable que la vigne indigène, le mûrier, les pommiers et pruniers auraient, après une culture prolongée, donné naissance à une foule de variétés, dont plusieurs fort différentes de leur souche primitive, et dont les produits échappés auraient probablement, tant dans le nouveau monde que dans l’ancien, singulièrement compliqué les questions relatives à leur distinction spécifique et à leur origine[17].


Céréales. — Abordons maintenant les détails. Les céréales cultivées en Europe appartiennent à quatre genres, qui sont : le froment, le seigle, l’orge et l’avoine. Les autorités modernes les plus compétentes[18] admettent quatre, cinq et même sept espèces distinctes de froment, une de seigle, trois d’orge, et deux, trois ou quatre d’avoine, soit en tout, d’après les divers auteurs, de dix à quinze espèces différentes, qui ont donné naissance à une multitude de variétés. Il est remarquable que les botanistes ne s’accordent sur la forme primitive d’aucune céréale. Ainsi, l’un d’eux écrivait, en 1855 :[19] « Nous n’hésitons pas à affirmer notre conviction, basée sur les preuves les plus évidentes, qu’aucune de nos céréales cultivées, n’existe ni n’a existé à l’état sauvage dans son état actuel, mais que toutes sont des variétés cultivées d’espèces qui se trouvent encore en abondance, dans l’Europe méridionale ou l’Asie occidentale. » M. Alph. de Candolle[20] a, d’autre part, montré que le froment commun (Triticum vulgare), a été trouvé sauvage dans différentes parties de l’Asie, où on ne peut pas le considérer comme échappé de culture. M. Godron fait, à ce sujet, la remarque que, même en supposant que ces plantes doivent leur origine à des graines échappées à l’agriculture[21], puisqu’elles se sont propagées par elles-mêmes pendant de nombreuses générations à l’état sauvage, leur ressemblance persistante au froment cultivé est une preuve probable que ce dernier a conservé ses caractères primitifs.

M. de Candolle appuie fortement sur l’apparition fréquente, en Autriche, de seigle et d’une espèce d’avoine dans un état, en apparence sauvage. Exceptant ces deux cas, qui sont à la vérité un peu douteux, et deux autres formes de froment et une d’orge, que M. de Candolle croit avoir été reconnues à l’état vraiment sauvage, cet auteur ne paraît pas être complètement satisfait des autres formes qu’on a présentées comme les souches primitives de nos céréales. D’après M. Buckman[22], quelques années de culture soigneuse et de sélection peuvent convertir l’Avena fatua, espèce sauvage d’avoine anglaise, en des formes presque identiques à deux races cultivées et fort distinctes. En somme, l’origine et la distinction spécifique des diverses céréales, sont des sujets très-difficiles à traiter ; peut-être pourrons-nous mieux établir un jugement, après avoir étudié l’étendue des variations que, dans le cours prolongé de sa culture, le froment a éprouvées.

Metzger décrit sept espèces de froment, Godron cinq et de Candolle quatre seulement. Il n’est pas improbable, qu’outre les formes connues en Europe, il puisse, dans différentes parties éloignées du globe, y en exister d’autres bien nettement caractérisées ; car Loiseleur-Deslongchamps[23] mentionne trois nouvelles espèces ou variétés envoyées, en 1822, en Europe, de la Mongolie chinoise, et qu’il regarde comme indigènes à ce pays. Moorcroft[24] parle aussi du froment Hasora de Ladakh, comme très-particulier. Si les botanistes, qui admettent l’existence d’au moins sept espèces primitives de froment, ont raison, les variations que cette céréale a éprouvées sous l’action de la culture, quant à ses caractères importants, sont légères ; mais s’il n’y a eu, dans l’origine, que quatre espèces ou même moins, il est alors évident qu’il s’est formé des variétés assez tranchées, pour que des juges compétents aient pu les regarder comme spécifiquement distinctes. Toutefois, l’impossibilité où nous sommes de déterminer lesquelles formes doivent être considérées comme espèces, et lesquelles comme variétés, rend inutile la spécification détaillée des différences qui se remarquent entre les diverses sortes de froment. Les organes de la végétation, pris dans leur ensemble, varient peu[25] ; mais quelques formes croissent serrées et droites, tandis que d’autres s’étalent et traînent par terre. La paille diffère de qualité, et peut être plus ou moins creuse. Les épis[26], varient de couleur et de forme, et peuvent être quadrangulaires, comprimés ou cylindriques ; les fleurons diffèrent par leur degré de rapprochement, leur pubescence et leur plus ou moins grande longueur. La présence ou l’absence de barbes dans les épis, constitue une différence très-apparente, et sert même de caractère générique pour certaines graminées[27] ; bien que, comme Godron le fait remarquer[28], la présence des barbes varie dans quelques herbes sauvages, et surtout dans celles qui, comme le Bromus secalinus et le Lolium temulentum, croissant mélangées parmi nos céréales, se sont ainsi trouvées accidentellement soumises à la culture. Les grains varient de grosseur, de poids et de couleur ; ils peuvent être plus ou moins duvetés à une de leurs extrémités, lisses ou ridés, globuleux, ovales ou allongés ; enfin, ils peuvent différer par leur structure, étant tantôt tendres ou durs et même cornés, et par la proportion de gluten qu’ils contiennent.

Presque toutes les races ou espèces de froment, ainsi que le fait remarquer Godron[29], varient d’une manière parfaitement parallèle, — par les grains qui sont tomenteux ou glabres ; par la couleur, par la présence ou l’absence de barbes sur les fleurons, etc. — Ceux qui admettent la descendance commune des différentes variétés, d’une espèce sauvage unique, peuvent expliquer cette variation parallèle, comme la conséquence de l’héritage d’une même constitution, d’où une tendance à varier de la même manière. Ceux qui croient à la théorie générale de la descendance avec modifications, peuvent étendre leur manière de voir aux diverses espèces de froment, si jamais elles ont existé à l’état de nature.

Quoique peu de variétés de froment présentent des différences très-marquées, leur nombre est considérable. Pendant trente ans, Dalbret en a cultivé de cent cinquante à cent soixante sortes, qui toutes ont conservé leur type, en exceptant la qualité du grain ; le colonel Le Couteur en possédait plus de cent cinquante variétés, et Philippar trois cent vingt-deux[30]. Le froment étant annuel, nous voyons combien des différences insignifiantes peuvent rester strictement héréditaires pendant un grand nombre de générations. Le colonel Le Couteur appuie fortement sur ce fait ; dans ses tentatives persévérantes et heureuses pour créer, par sélection, de nouvelles variétés, il commença par choisir les plus beaux épis, mais trouvant que, dans un même épi, les grains différaient beaucoup les uns des autres, il fut conduit à trier les grains séparément, et chaque grain transmit généralement ses caractères propres. Il y a, dans les plantes d’une même variété, une variabilité remarquable, qu’un œil exercé par une longue expérience peut seul bien apprécier ; ainsi, le colonel Le Couteur raconte[31] que, dans un de ses champs de froment, qu’il considérait comme aussi pur que possible, le professeur La Gasca trouva vingt-trois variétés ; le professeur Henslow a observé des faits analogues. À côté de variations individuelles de ce genre, il apparaît souvent subitement des formes assez accusées, pour qu’on les remarque et qu’on les propage sur une grande échelle ; c’est ainsi que M. Sheriff a, pendant sa vie, eu la bonne fortune de créer sept variétés, qui sont actuellement répandues et largement cultivées dans plusieurs parties de l’Angleterre[32].

Parmi toutes ces variétés, comme cela est le cas pour beaucoup d’autres plantes, il en est quelques-unes, tant anciennes que nouvelles, dont les caractères sont plus constants que dans d’autres. C’est ainsi que le colonel Le Couteur s’est vu obligé de rejeter quelques-unes de ses sous-variétés, comme trop capricieuses, et que, pour ce fait, il soupçonnait être des produits de croisements. Melzger[33] donne, sur cette tendance à la variation, quelques cas intéressants qu’il a observés. Il décrit trois sous-variétés espagnoles, dont l’une, connue pour être très-constante en Espagne, ne manifesta, en Allemagne, ses caractères propres que dans les étés chauds ; une autre variété ne se maintenait que dans une bonne terre ; cependant, après une culture de vingt-deux ans, elle devint plus constante. Il mentionne encore deux autres sous-variétés qui, inconstantes d’abord, s’habituèrent ultérieurement, sans sélection apparente, à leurs nouvelles conditions, et conservèrent leurs caractères propres. Ces faits montrent que de petits changements dans les conditions extérieures peuvent causer la variabilité, et en outre, qu’une variété peut finir par s’y habituer. On serait d’abord porté, avec Loiseleur-Deslongchamps, à conclure que le froment cultivé dans le même pays se trouve dans des conditions tout à fait uniformes ; mais les engrais diffèrent, les graines sont portées d’un sol à un autre, et ce qui est plus important, on évite aux plantes toute lutte avec les autres, ce qui leur permet d’exister dans des conditions diversifiées. À l’état de nature, chaque plante est limitée à la station particulière et au genre de nourriture qu’elle peut arracher aux plantes voisines qui l’entourent.

Le froment prend très-promptement de nouvelles habitudes. Linné avait classé, comme espèces distinctes, les froments d’été et d’hiver. Mais M. Monnier[34] a montré que la différence entre les deux n’est que temporaire. Il sema au printemps le froment d’hiver, dont quatre plantes seulement sur cent donnèrent des grains mûrs ; ceux-ci, semés et resemés, donnèrent, au bout de trois ans, des plantes dont tous les grains arrivèrent à maturité. Inversement, toutes les plantes levées du froment d’été, semées en automne, périrent par le gel ; cependant quelques-unes échappèrent, mûrirent, et, au bout de trois ans, la variété d’été se trouva convertie en variété d’hiver. Il n’est donc pas étonnant que le froment finisse par s’acclimater jusqu’à un certain point, et que des grains importés de pays éloignés et semés en Europe, végètent d’abord et même pendant assez longtemps[35], d’une manière autre que nos variétés européennes. Au Canada, les premiers colons, d’après Kulm[36], trouvèrent les hivers trop rigoureux pour le froment d’hiver qu’ils avaient apporté de France, et les étés souvent trop courts pour leur froment d’été ; et, jusqu’à ce qu’ils se fussent procuré du froment d’été des parties septentrionales de l’Europe, qui réussit fort bien, ils crurent que la culture du blé était impossible dans le pays. La proportion de gluten varie beaucoup suivant le climat, et celui-ci affecte rapidement le poids du grain. Loiseleur-Deslongchamps[37] ayant semé dans les environs de Paris, cinquante-quatre variétés provenant du midi de la France et de la mer Noire, trouva dans les produits de cinquante-deux d’entre elles, les grains de dix à quarante pour cent plus pesants que ceux des souches parentes. Ces grains plus pesants renvoyés et semés dans le midi de la France, produisirent immédiatement des grains plus légers.

Tous les observateurs qui ont étudié le sujet, insistent sur l’adaptation remarquable des nombreuses variétés de froment, aux divers sols et climats dans un même pays, et c’est ce qui fait dire au colonel Le Couteur[38] « que c’est par cette adaptation d’une variété spéciale à un sol donné, que le fermier peut arriver à payer son fermage en cultivant cette variété, tandis qu’il serait dans l’impossibilité de le faire, s’il voulait lui en substituer une autre, peut-être meilleure en apparence. » Ce résultat peut être en partie dû, à ce que chaque sorte s’est habituée à ses conditions extérieures, ainsi que le prouvent les essais de Metzger, mais probablement surtout à des différences innées qui existent entre les diverses variétés.

On a beaucoup écrit sur la dégénérescence du froment ; il est presque certain que la qualité de la farine, la grosseur du grain, l’époque de floraison, et la rusticité, peuvent être modifiées par le sol et le climat ; mais, il n’y a pas de raison pour croire qu’une sous-variété puisse, dans son ensemble, se transformer en une autre sous-variété distincte. Ce qui doit arriver, d’après Le Couteur[39], c’est que, parmi les nombreuses sous-variétés qu’on peut reconnaître dans un même champ, il s’en trouve une qui, plus forte ou plus prolifique que les autres, finit par graduellement supplanter celle qui avait été semée la première.

Quant à ce qui est relatif aux croisements naturels entre les diverses variétés, les faits sont contradictoires, mais semblent cependant indiquer que de tels mélanges ne sont pas fréquents. Plusieurs auteurs admettent que la fécondation a lieu dans la fleur fermée, mais mes observations m’autorisent à affirmer que cela n’est pas le cas, du moins dans les variétés que j’ai examinées. Mais comme j’aurai à discuter ce sujet dans un autre ouvrage, je le laisserai pour le moment de côté.


Pour conclure, tous les auteurs admettent l’existence de nombreuses variétés de froment, mais dont les différences sont peu importantes, à moins cependant que les soi-disantes espèces ne soient considérées comme étant elles-mêmes des variétés. Ceux qui admettent l’existence primitive de quatre à sept espèces de Triticum sauvage, dans des conditions analogues à celles où elles sont aujourd’hui, basent surtout leur opinion sur la grande antiquité des diverses formes[40]. Nous avons eu récemment connaissance, par les admirables recherches de Heer[41], du fait important que les habitants de la Suisse, déjà dès la période néolithique, ne cultivaient pas moins de dix céréales, dont cinq sortes de froment, sur lesquelles quatre sont ordinairement regardées comme des espèces distinctes ; trois d’orge ; un Panicum et une Setaria. Si on pouvait prouver que, dès les tout premiers commencements de l’agriculture, on cultivait cinq sortes de froment et trois d’orge, nous serions obligés de considérer ces formes comme des espèces distinctes. Mais, comme le remarque Heer, même à l’époque des habitations lacustres, l’agriculture avait déjà fait de grands progrès, car outre les dix céréales, on cultivait encore les pois, les pavots, le lin, et probablement la pomme. On peut aussi inférer d’une variété de froment dite égyptienne, et de ce qu’on sait du pays d’origine du Panicum et de la Setaria, ainsi que de la nature des herbes qui croissaient parmi les récoltes, que les habitants lacustres avaient, ou conservé des rapports commerciaux avec quelques peuples méridionaux, ou étaient eux-mêmes comme colons, venus du Midi.

Loiseleur-Deslongchamps[42] a objecté que, puisque nos céréales ont été fortement modifiées par la culture, il aurait dû en être de même des herbes qui croissent habituellement mélangées avec elles. Mais cet argument montre combien on méconnaît le principe de la sélection. M. H. C. Watson et le professeur Asa Gray, assurent que ces herbes n’ont pas varié, ou du moins ne varient pas beaucoup actuellement ; mais, qui peut prétendre qu’elles ne varient pas autant que les plantes individuelles d’une même sous-variété de froment ? Nous avons déjà vu que des variétés de froment pures, cultivées dans le même champ, présentent de légères variations qu’on peut trier et propager séparément ; et qu’il apparaît occasionnellement, des variations plus prononcées, qui, ainsi que l’a montré M. Sheriff, méritent d’être propagées en grand. L’argument tiré de la constance des mauvaises herbes, sous l’influence d’une culture non intentionnelle, n’a aucune valeur, tant qu’on n’aura pas donné à la variabilité et à la sélection de ces herbes, l’attention qu’on a apportée à la céréale. La sélection nous donne l’explication du pourquoi les organes de la végétation diffèrent si peu dans les diverses variétés cultivées du froment ; car une plante qui apparaîtrait avec des feuilles particulières, n’attirerait aucunement l’attention, si en même temps les grains de blé n’étaient pas supérieurs en grosseur ou en qualité. La sélection des grains de blé était fortement recommandée dans les temps anciens par Columelle et Celsus, car, comme le dit Virgile[43] : « J’ai vu que les semences, choisies et examinées avec le plus grand soin, dégénèrent encore, si chaque année la main de l’homme n’en choisit les plus belles. » Nous pouvons cependant douter, que la sélection ait été bien méthodiquement poursuivie dans les temps anciens, à en juger par la peine que M. Le Couteur a dû se donner pour l’appliquer. Malgré l’importance de la sélection, le résultat minime auquel l’homme est arrivé, après des efforts incessants pendant des milliers d’années[44], pour rendre les plantes plus productives, ou les grains plus nutritifs qu’ils ne l’étaient du temps des anciens Égyptiens, semblerait infirmer son efficacité. Mais il ne faut pas oublier qu’à chaque période successive, ce sont l’état de l’agriculture, et la quantité d’engrais fournis à la terre, qui ont déterminé le degré maximum de sa productivité, car il ne serait pas possible de cultiver une variété très-productive, dans une terre qui ne contiendrait pas la proportion voulue des éléments chimiques nécessaires.

Nous savons maintenant que, dès une époque excessivement reculée, l’homme était assez civilisé pour cultiver la terre, de sorte que le froment pouvait déjà avoir été depuis fort longtemps amélioré jusqu’au point de perfection compatible avec l’état existant de l’agriculture d’alors. Quelques faits semblent appuyer cette idée de l’amélioration lente et graduelle de nos céréales. Dans les plus anciennes habitations lacustres de la Suisse, où les hommes n’employaient que des instruments de pierre, le froment qu’ils cultivaient était une sorte particulière, dont les épis et les grains étaient fort petits[45]. Tandis que les grains des formes modernes ont de sept à huit millimètres de longueur, les plus grands des habitations lacustres n’ont que six, rarement sept, et les plus petits quatre millimètres de longueur. L’épi est ainsi plus étroit, et les épillets plus horizontaux que dans nos formes actuelles. De même pour l’orge, l’espèce la plus ancienne et la plus abondamment cultivée, avait les épis petits, et ses grains étaient moins gros, plus courts, plus compactes que dans l’espèce que nous cultivons ; ils avaient (sans les glumes), 2 1/2 lignes de long, et 1 1/2 de large, tandis que dans notre espèce, ils atteignent pour la même largeur une longueur de 3 lignes[46]. Heer croit que ces variétés de froment et d’orge à petits grains sont les formes parentes de certaines variétés voisines actuelles, qui ont supplanté leurs premiers ancêtres.

Heer donne un intéressant aperçu de la première apparition et de la disparition finale des diverses plantes qui, pendant d’anciennes périodes successives, ont été cultivées en Suisse en plus ou moins grande abondance, et qui généralement différaient de nos variétés actuelles. L’espèce la plus commune pendant la période de pierre, était la forme de froment à petits grains et épis dont nous venons de parler ; elle a duré jusqu’à l’époque helvético-romaine, et a disparu. Une seconde forme, d’abord rare, devint plus tard plus abondante. Une troisième, le froment égyptien (T. turgidum), qui était rare pendant l’époque de pierre, n’est pas identique à la variété actuelle. Une quatrième (T. dicoccum), diffère de toutes les variétés connues de cette forme. Une cinquième (T. monoccum), dont on a pu reconnaître l’existence pendant la période de pierre, grâce à la découverte d’un épi unique. Une sixième sorte, le T. spelta commun, n’a été introduite en Suisse qu’à l’âge du bronze. Quant à l’orge, outre la forme à épis courts et à petits grains, deux autres étaient encore cultivées, dont une, assez rare, ressemblait à notre H. distichum commun. Le seigle et l’avoine ont été introduits pendant l’âge de bronze ; les grains d’avoine étaient quelque peu plus petits que ceux de nos variétés actuelles. Le pavot était largement cultivé pendant la période de pierre, probablement pour son huile, mais on ne connaît pas la variété qui existait alors. Un pois particulier à petits grains, a duré de l’âge de pierre à celui du bronze, et s’est alors éteint ; tandis qu’une fève, ayant également les graines petites, a apparu lors de la période du bronze, et a duré jusqu’au temps des Romains. Ces détails ressemblent aux descriptions que peut donner un paléontologiste, des mutations dans les formes, de la première apparition, de la rareté croissante, et enfin de l’extinction des espèces fossiles enfouies dans les couches successives d’une formation géologique.

Finalement, chacun doit juger par lui-même, s’il est plus probable que les différentes formes de froment, d’orge, de seigle et d’avoine, proviennent de dix ou quinze espèces, dont la plupart sont inconnues ou éteintes ; ou si elles sont descendues de quatre à huit espèces, qui peuvent, ou avoir ressemblé de près à nos formes actuellement cultivées, ou en avoir été trop différentes pour pouvoir leur être identifiées. Dans ce cas, nous devons conclure, que l’homme a dû cultiver les céréales dès une période infiniment ancienne, et qu’il n’est pas improbable que dans cette culture, il ait dû pratiquer une certaine sélection. Nous pouvons aussi admettre que, sous l’influence des premières cultures, les grains et les épis auront promptement grossi, de la même manière qu’on voit les racines de la carotte sauvage augmenter rapidement de volume, lorsqu’on les soumet à la culture.


Maïs. (Zea mais). — Les botanistes sont à peu près unanimes pour admettre que toutes les formes cultivées de cette plante appartiennent à la même espèce. Le maïs est incontestablement d’origine américaine[47], et était cultivé par les indigènes, dans tout le nouveau continent depuis la Nouvelle-Angleterre jusqu’au Chili. Sa culture doit remonter à une époque fort ancienne, car Tschudi[48] en décrit deux espèces, actuellement inconnues au Pérou ou éteintes, et qu’on a trouvées dans des tombeaux antérieurs à la dynastie des Incas. Comme preuve encore plus convaincante de l’antiquité du maïs, je citerai le fait que, sur les côtes du Pérou[49], j’ai déterré des têtes de maïs, accompagnant dix-huit espèces de coquilles de mollusques récents, enfouis dans le sable d’une plage qui avait été soulevée à quatre-vingt-cinq pieds au-dessus du niveau de la mer. Comme conséquence de cette ancienne culture, le maïs a donné naissance à un grand nombre de variétés américaines, mais on n’a pas encore découvert à l’état sauvage, la forme primitive. On a prétendu, mais sur des données insuffisantes, qu’une sorte particulière[50], dans laquelle les grains, au lieu d’être nus, étaient cachés dans des glumes longues de onze lignes, se trouvait sauvage au Brésil. Il est à peu près certain que la forme primitive doit avoir eu ses graines ainsi protégées[51], mais celles de la variété brésilienne, d’après ce que j’apprends du professeur Asa Gray, et de ce que je trouve dans deux publications, donnent tantôt du maïs commun, tantôt du maïs à glumes, et on ne peut guère admettre qu’une espèce sauvage puisse varier si promptement et si fortement dès la première culture.

Le maïs a varié d’une manière extraordinaire. Metzger[52], qui a étudié avec une attention toute particulière la culture de cette plante, y distingue douze races (Unterart), comprenant de nombreuses sous-variétés, parmi lesquelles il en est de très-constantes, et d’autres qui ne le sont pas. Les différentes races peuvent, quant à la hauteur, varier de 15–18 pieds à 16–18 pouces, comme dans une variété naine décrite par Bonafous. L’épi varie de forme, et peut être long et étroit, ou court et épais, ou branchu. Il existe une variété dans laquelle l’épi est plus de quatre fois plus long que dans la variété naine. Les grains peuvent être disposés sur l’épi en rangées variant de six à vingt, ou être placés irrégulièrement. Quant à la couleur, ils peuvent être blancs, jaune pâle, orangés, rouges, violets, ou élégamment bigarrés de noir[53], et on rencontre quelquefois des grains de deux couleurs sur un même épi. J’ai trouvé que, en poids, un seul grain d’une variété pouvait être égal à celui de sept d’une autre. La forme des grains varie beaucoup ; ils peuvent être aplatis, globuleux ou ovales, plus larges que longs, ou plus longs que larges, sans pointe, ou se prolongeant en une dent aiguë, qui est quelquefois recourbée. Une variété (rugosa de Bonafous) a les grains ridés, d’où un aspect singulier de tout l’épi. Une autre (cymosa de Bonafous) porte des épis si serrés les uns contre les autres, qu’on l’a appelée maïs à bouquet. Les grains de quelques variétés contiennent de la glucose au lieu de fécule. Des fleurs mâles apparaissent quelquefois parmi des fleurs femelles, et M. J. Scott a récemment observé le cas plus rare, de fleurs femelles sur une panicule mâle, et aussi des fleurs hermaphrodites[54]. Azara a vu au Paraguay[55], une variété dont les grains sont très-tendres, et a constaté que plusieurs autres sont susceptibles d’être apprêtées de diverses manières. Il y a dans les variétés des différences dans la précocité, et dans leur aptitude à résister à la dessiccation et à l’action des vents violents[56]. Parmi les différences que nous venons de mentionner, il en est un certain nombre, auxquelles on eût certainement accordé une valeur spécifique, s’il se fût agi de plantes à l’état de nature.

D’après le comte Ré, les graines de toutes les variétés cultivées par lui, auraient à la longue pris une couleur jaune ; mais Bonafous[57] a trouvé que la teinte de la plupart de celles qu’il a semées pendant dix ans, était restée constante ; il ajoute que dans les Pyrénées et les plaines du Piémont, on cultive depuis plus d’un siècle un maïs blanc qui n’a éprouvé aucun changement.

Les variétés hautes croissant sous les latitudes méridionales, où elles sont par conséquent soumises à une température élevée, mûrissent leurs graines au bout de six à sept mois : les espèces plus petites, qui croissent dans les climats plus froids, mûrissent dans trois ou quatre mois[58]. P. Kalm[59], dit qu’aux États-Unis, les plantes diminuent de taille en allant du midi au nord. Les graines provenant de la Virginie sous 37° de latitude, et semées dans la Nouvelle-Angleterre sous 43°–44°, donnent des plantes dont la graine ne mûrit qu’avec la plus grande difficulté, et même pas du tout. Il en est de même des graines transportées de la Nouvelle-Angleterre à 45°–47° de latitude, au Canada. Avec des soins et après quelques années de culture, les variétés méridionales arrivent à bien mûrir plus au nord, fait analogue à celui que nous avons déjà vu de la conversion de froment d’été en froment d’hiver, et vice versâ. Lorsqu’on plante ensemble des maïs de grande et de petite taille, les derniers sont en pleine floraison, avant que les premiers aient poussé une seule fleur, et en Pensylvanie ils mûrissent six semaines plus tôt que les grands maïs. Metzger parle d’un maïs d’Europe, qui mûrit un mois plus tôt qu’aucune des autres formes européennes. D’après ces faits, qui témoignent si évidemment de l’hérédité de l’acclimatation, nous pouvons sans peine croire Kalm, lorqu’il assure qu’on a pu, dans l’Amérique du Nord, pousser graduellement la culture du maïs, toujours plus vers le nord. Tous les auteurs sont d’accord que, pour conserver les variétés de maïs pures, il faut les planter séparément afin d’éviter les croisements.

Les effets du climat européen sur les variétés américaines sont très-remarquables. Metzger a semé et cultivé en Allemagne, des graines de maïs provenant de plusieurs parties de l’Amérique, et voici entre autres quels ont été les changements observés dans une variété[60] de haute taille, originaire des parties plus chaudes de ce pays (Zea altissima, Breit-körniger Mays). À la première année, les plantes atteignirent douze pieds de hauteur, mais ne donnèrent qu’un petit nombre de graines mûres ; les grains inférieurs de l’épi conservèrent leur forme propre, mais les supérieurs présentèrent quelques changements. À la seconde génération, les plantes donnèrent plus de graines mûres, mais ne dépassèrent pas une hauteur de huit à neuf pieds ; la dépression de la partie extérieure des grains avait disparu, et leur couleur primitivement d’un blanc pur, s’était un peu ternie. Quelques grains étaient même devenus jaunes, et approchaient de la forme de ceux du maïs européen par leur rondeur. À la troisième génération, ils ne ressemblaient presque plus du tout à la forme originelle et très-distincte du maïs d’Amérique. Enfin, à la sixième génération, ce maïs était identique à une variété européenne, que l’auteur décrit comme la seconde sous-variété de la cinquième race. Cette variété était encore, lorsque Metzger publia son livre, cultivée près de Heidelberg, où elle se distinguait de la forme commune, par une croissance plus vigoureuse. Des résultats analogues ont été obtenus par la culture d’une autre variété américaine, celle « à dents blanches, » chez laquelle la dent disparut déjà, dès la seconde génération. Une troisième race, dite « maïs de poulet, » ne se modifia que peu, et seulement par l’apparence de son grain, qui devint moins uni et transparent.


Les faits que nous venons de voir, nous fournissent l’exemple le plus remarquable que je connaisse, des effets prompts et directs du climat sur une plante. On pouvait bien s’attendre à ce que la taille de la plante, l’époque de sa végétation et de la maturation de sa graine, seraient en quelque sorte modifiées, mais les changements rapides et considérables qui se sont produits dans la graine sont surprenants. Toutefois, comme les fleurs, et leur produit qui est la graine, sont le résultat d’une métamorphose de la tige et des feuilles, toute modification dans ces derniers organes doit, par corrélation, tendre à affecter les organes de la fructification.


Chou. (Brassica oleracea). — Chacun sait combien les diverses sortes de choux varient par leur apparence. Sous l’action combinée d’une culture particulière et du climat, une tige a pu, dans l’île de Jersey, atteindre une hauteur de seize pieds, et supporter un nid qu’une pie avait construit sur son sommet. Les troncs ligneux hauts de dix à douze pieds ne sont pas rares, et sont employés comme chevrons et pour faire des cannes[61]. Ceci nous rappelle que, dans certains pays, les plantes appartenant à l’ordre généralement herbacé des Crucifères, peuvent se développer en arbres. Chacun peut apprécier la différence entre les grands choux à tête unique verts ou rouges ; les choux de Bruxelles avec leurs nombreux capitules ; les broccolis et les choux-fleurs, avec leurs nombreuses fleurettes avortées, incapables de produire de la graine, et réunies en un corymbe serré, au lieu de former une panicule ouverte ; les choux de Savoie avec leurs feuilles ridées et pustulées ; et les choux verts qui se rapprochent davantage de la forme primitive sauvage. Il y a encore des choux divers frisés et découpés ; d’autres offrant de magnifiques couleurs, dont Vilmorin, dans son catalogue de 1854, signale dix variétés, qu’on élève uniquement comme ornement, et qui se propagent par graines. Quelques sortes sont moins connues, telles que le « Couve Tronchuda » portugais, qui a les côtes des feuilles très-épaissies ; les choux-raves, aux tiges renflées au-dessus du sol en grosses masses semblables à des raves ; une forme toute récente de choux-raves[62], dont la partie renflée se trouve sous terre, comme dans le navet, et dont on compte déjà neuf sous-variétés.

Malgré les différences considérables que nous remarquons dans la forme, la couleur, la taille, la disposition, et le mode de croissance des tiges et des feuilles, ainsi que dans les pédoncules des fleurs du broccoli et du chou-fleur, il n’y a que fort peu et même pas de différences dans les fleurs elles-mêmes, les gousses et les graines[63]. J’ai comparé les fleurs de toutes les formes principales ; celles de la Couve Tronchuda sont blanches, et un peu plus petites que celles du chou commun ; celles du broccoli de Portsmouth, ont les sépales plus étroits, et les pétales plus petits et moins allongés, mais je n’ai pu déceler aucune différence dans les autres choux. Quant aux siliques, elles ne diffèrent que dans le chou-rave pourpre, par une forme un peu plus allongée et plus étroite qu’à l’ordinaire. J’ai réuni les graines de vingt-huit sortes différentes, dont la plupart ne pouvaient pas être distinguées les unes des autres, ou ne présentaient que des différences insensibles. Ainsi les graines de divers broccolis et choux-fleurs, prises en masse, étaient un peu plus rouges ; celles du chou vert d’Ulm précoce un peu plus petites ; celles du chou Bréda un peu plus grandes que d’habitude, mais pas plus que celles du chou sauvage des côtes du pays de Galles.

Mais quel contraste si nous comparons les tiges, feuilles, fleurs, siliques et graines des diverses sortes de choux, avec les parties correspondantes de nos variétés de froment et de maïs ! L’explication en est évidente : dans les céréales on n’estime que les graines, et c’est sur leurs variations qu’on a fait porter la sélection : dans les choux au contraire, on a complètement négligé les graines, leurs enveloppes et les fleurs, tandis qu’on a remarqué et conservé les variations utiles qu’ont pu présenter les tiges et les feuilles, depuis une époque fort reculée, car les anciens Celtes cultivaient déjà les choux[64].

Il est inutile de donner la classification et la description[65] des nombreuses races, sous-races et variétés du chou, je me bornerai à mentionner le système récemment proposé par le Dr Lindley[66], et basé sur l’état du développement des bourgeons foliifères, terminaux et latéraux, ainsi que des bourgeons florifères. Ainsi, 1o tous les bourgeons foliifères actifs et ouverts comme dans le chou sauvage, etc. ; 2o tous les bourgeons foliifères actifs, mais formant des capitules, choux de Bruxelles, etc. ; 3o bourgeon foliifère terminal seul actif, formant une tête, comme dans le chou commun, le chou de Savoie, etc. ; 4o bourgeon foliifère terminal seul actif et ouvert, la plupart des fleurs étant avortées et succulentes, choux-fleurs et broccolis ; 5o tous les bourgeons foliifères actifs et ouverts, avec la plupart des fleurs avortées et succulentes, comme le chou broccoli à jets. Cette dernière variété toute nouvelle, est exactement au broccoli ordinaire, ce qu’est le chou de Bruxelles au chou commun ; elle a fait son apparition au milieu d’une plantation de broccolis ordinaires, et s’est trouvée apte à se propager et à transmettre fidèlement ses caractères remarquables et nouvellement acquis.

Au XVIe siècle les principales sortes de choux ayant été déjà connues[67], un grand nombre de modifications de structure ont dû avoir été héréditaires depuis une longue période. Le fait est d’autant plus remarquable, qu’il a fallu beaucoup de soins pour éviter les croisements entre les diverses variétés. Pour en citer une preuve, j’ai levé 233 plantons de plusieurs sortes de choux, qui ont été ensuite placés à côté les uns des autres ; sur ce nombre 155 furent nettement altérés et mélangés, et aucun des 78 restants ne fut parfaitement pur. On peut douter que beaucoup de variétés permanentes aient pu naître de croisements intentionnels ou accidentels, car les plantes qui sont le produit de pareils mélanges, sont très-inconstantes. On prétend cependant avoir récemment produit une variété constante, en croisant le « chou-kale » commun avec le chou de Bruxelles, et recroisant avec le broccoli pourpre[68], mais les plantes que j’ai moi-même élevées, étaient loin de se montrer aussi constantes dans leurs caractères, que le chou commun.

Bien que la plupart des variétés restent constantes si l’on a soin d’éviter les croisements, il faut cependant chaque année visiter les plantons, car il s’en trouve souvent qui ne sont pas purs ; mais même dans ce cas la puissance de l’hérédité se manifeste en ce que, ainsi que le fait remarquer Metzger[69] à propos du chou de Bruxelles, les variations ne s’écartent pas de la race principale (Unterart). Pour propager avec constance une variété, il ne faut pas qu’il survienne des changements trop considérables dans les conditions extérieures ; ainsi les choux ne forment pas de têtes dans les pays chauds, et la même chose a été observée sur une variété anglaise plantée près de Paris, et qui avait crû pendant un automne chaud et très-humide[70]. Un sol pauvre affecte aussi les caractères de certaines variétés.

La plupart des auteurs admettent que toutes les races cultivées descendent du chou sauvage qu’on trouve sur les côtes occidentales de l’Europe ; mais Alph. de Candolle[71], s’appuyant sur des bases historiques et sur quelques autres raisons, regarde comme plus probable qu’elles doivent leur origine au mélange de deux ou trois espèces voisines, généralement considérées comme distinctes, et vivant encore actuellement dans les régions méditerranéennes. Mais comme nous l’avons déjà montré pour les animaux domestiques, la supposition d’une origine multiple ne jette aucun jour sur les différences caractéristiques qui se remarquent entre les diverses formes cultivées. Si nos choux sont les descendants de trois ou quatre espèces distinctes, toute trace d’une stérilité qui peut avoir primitivement existé entre elles est actuellement perdue, car si on ne prend les plus grands soins pour éviter les croisements entre les variétés, il est impossible de les conserver distinctes.

D’après l’opinion de Godron et de Metzger[72], les autres formes cultivées du genre Brassica descendraient de deux espèces, les B. napus et rapa ; d’autres botanistes en admettent trois, d’autres enfin soupçonnent fortement toutes ces formes tant sauvages que cultivées, d’appartenir à une seule et unique espèce. Le Brassica napus a donné naissance à deux grands groupes, qui sont : les navets de Suède (que quelques-uns regardent comme d’origine hybride[73]) et les colzas, dont les graines fournissent de l’huile. Le Brassica rapa (de Koch) a aussi produit deux races, la rave ordinaire, et la navette, qui fournit de l’huile ; plantes qui, malgré les différences de leur apparence extérieure, appartiennent évidemment à la même espèce ; Koch et Godron ont vu la rave perdre ses grosses racines dans un sol inculte, et lorsqu’on sème ensemble les raves et les navettes, elles s’entrecroisent à un tel point qu’à peine trouve-t-on une plante qui soit restée fidèle à son type[74]. Metzger a pu, par la culture, transformer la navette d’hiver et bisannuelle en la variété d’été annuelle, — variétés regardées comme spécifiquement distinctes par quelques auteurs[75].

Dans la production de grosses tiges, charnues comme celles des raves, nous trouvons donc dans trois formes qu’on considère comme des espèces distinctes, un cas de variation analogique. Peu de modifications paraissent être plus promptement acquises que ce développement des racines ou des tiges, qui ne sont qu’un approvisionnement de nourriture accumulée pour l’usage de la plante future. Nous voyons cela dans les radis, les bettes, dans une variété moins connue du céleri, dont les racines ressemblent à des raves, et dans le finocchio ou variété italienne du fenouil. M. Buckman a récemment, par des expériences fort intéressantes, montré comme on peut rapidement augmenter le volume des racines du panais sauvage, chose que Vilmorin avait précédemment prouvée aussi pour la carotte[76]. Cette dernière plante à l’état cultivé, ne diffère dans presque aucun de ses caractères de l’espèce sauvage d’Angleterre, autrement que par le développement et la qualité de ses racines ; mais on cultive de celles-ci en Angleterre[77] dix variétés différant par leur couleur, leur forme et leur qualité, et dont quelques-unes se reproduisent par graines. D’après ce qui est arrivé à la carotte et à quelques autres plantes, telles que les nombreuses variétés et sous-variétés du radis, on aurait tort de conclure que les parties estimées de l’homme et ayant pour lui de la valeur aient été les seules à varier. Il est vrai que ce n’est qu’à ces variations-là qu’il a appliqué la sélection, et les jeunes plantes ayant hérité de la tendance à varier de la même manière, les modifications analogues ont encore été choisies et conservées, jusqu’à ce qu’il en soit résulté des changements considérables.

Pois (Pisum sativum). — Les botanistes considèrent le pois de jardin comme spécifiquement distinct du pois des champs (P. arvense). Ce dernier se trouve sauvage dans l’Europe méridionale, mais l’ancêtre primitif du premier paraît avoir été rencontré en Crimée[78]. Andrew Knight a croisé le pois des champs avec une variété bien connue dans les jardins, le pois prussien, croisement qui s’est montré parfaitement fertile. Le docteur Alefeld a récemment étudié ce genre avec soin[79], et après en avoir cultivé une cinquantaine de variétés, il est arrivé à la conclusion qu’elles appartenaient certainement toutes à la même espèce. D’après O. Heer[80], les pois trouvés dans les habitations lacustres de la Suisse des périodes de la pierre et du bronze, appartiennent à une variété éteinte, voisine du pois des champs, P. arvense, et dont les grains sont excessivement petits. Le pois ordinaire des jardins offre un grand nombre de variétés, qui peuvent différer considérablement les unes des autres. J’ai, à titre de comparaison, planté ensemble quarante et une variétés anglaises et françaises, dont je vais pour cette fois signaler les différences. Les variétés diffèrent beaucoup par leur taille — allant depuis 6–12 pouces jusqu’à 8 pieds[81], — par leur mode de croissance et l’époque de leur maturité. Quelques-unes offraient déjà un aspect différent lorsqu’elles n’avaient que deux ou trois pouces de hauteur. Les tiges du pois prussien sont très-branchues. Dans les grandes variétés les feuilles sont plus grandes que dans les petites, mais pas dans une proportion exacte avec leur hauteur : — dans la variété Monmouth naine (Hair’s Dwarf Monmouth), les feuilles sont très-grandes ; dans le Pois nain hâtif et la variété moyenne bleue prussienne, les feuilles ont à peu près les deux tiers de celles des variétés les plus hautes. Dans les Danecroft, les folioles sont petites et un peu pointues, plutôt arrondies dans la Queen of Dwarfs (Reine des Naines), grandes et larges dans la Reine d’Angleterre. Dans ces trois sortes de pois, de légères variations de couleur accompagnent les différences dans la forme des feuilles. Dans le Pois géant sans parchemin, dont les fleurs sont pourpres, les folioles sont bordées de rouge dans les jeunes plantes, et dans tous les pois à fleurs pourpres, les stipules sont marquées de rouge.

Dans les diverses variétés, une, deux ou plusieurs fleurs formant une petite grappe, sont portées sur un même pédoncule, différence qui chez quelques Légumineuses est regardée comme ayant une valeur spécifique. Dans toutes les variétés, les fleurs ne diffèrent que par la taille et la couleur. Elles sont généralement blanches, quelquefois pourpres, mais la couleur n’est pas constante dans une même variété. Dans la Warner’s Emperor, qui est de haute taille, les fleurs ont presque le double de celles du Pois nain hâtif, mais le Hair’s Dwarf Monmouth, qui a de grandes feuilles, a aussi de grandes fleurs. Le calice est grand dans la Victoria Marrow, et les sépales sont un peu étroits dans le Bishop’s Long Pod. Il n’y a pas de différences dans la fleur des autres sortes.

Les gousses et les graines, dont les caractères sont si constants dans les espèces naturelles, varient beaucoup dans les variétés cultivées du pois, ce qui doit être, puisque ce sont les parties recherchées, et celles auxquelles par conséquent on a appliqué la sélection. Les Pois sucrés ou Pois sans parchemin ont des gousses remarquablement minces, qu’on cuit et qu’on mange entières lorsqu’elles sont jeunes ; dans ce groupe, qui, d’après M. Gordon, comprend onze sous-variétés, c’est la gousse qui diffère le plus ; ainsi la variété de pois Lewis negro-podded (Pois de Lewis à gousse nègre), a une gousse droite, large, lisse et d’un pourpre foncé, à parois moins minces que dans d’autres sortes : dans une autre la gousse est fortement arquée ; celle du Pois géant est pointue à son extrémité ; et dans la variété à grandes cosses, on voit les grains si bien au travers de leur enveloppe que, lorsqu’elle est sèche, la gousse est à peine reconnaissable pour être celle d’un pois.

Dans les variétés ordinaires, les gousses diffèrent beaucoup par la grosseur et par la couleur ; — celles de la Woodford’s Green Marrow séchées, sont d’un vert clair au lieu d’être brun pâle, la couleur de la variété à gousses pourpres est celle qu’indique son nom ; — par l’état de la surface, celles de la Danecroft étant très-lisses, et celles de la Nec plus ultra, très-rugueuses, — les unes sont cylindriques, d’autres plates et larges ; — pointues à l’extrémité comme dans la Thurston’s Reliance, ou tronquées comme dans l’American Dwarf. Dans le Pois d’Auvergne, l’extrémité de la gousse est recourbée en dessus. Dans la Queen of Dwarfs et le Pois Scimitar, la gousse a une forme elliptique. Je donne ci-joints les dessins des quatre formes de gousses que j’ai trouvées les plus distinctes dans les plantes que j’ai moi-même cultivées.

Dans le pois lui-même nous avons presque toutes les teintes, depuis le blanc presque pur, jusqu’au brun, jaune, et vert intense ; dans les variétés du pois sucré on observe les mêmes teintes, et de plus le rouge passant par le pourpre, jusqu’au chocolat foncé. Les couleurs sont uniformes ou distribuées en taches, ou en raies, ou autrement ; elles dépendent dans quelques cas, de la coloration des cotylédons vus au travers de la pellicule propre du pois ; dans d’autres, de la couleur propre de celle-ci. Le nombre des grains contenus dans une gousse peut, d’après M. Gordon, varier de dix ou douze à quatre ou cinq seulement. Les plus gros grains sont à peu près le double des plus petits, mais ceux-ci ne se trouvent pas toujours sur les variétés les plus naines. Les pois varient de forme, et peuvent être lisses et sphériques ou oblongs, presque ovales dans la var. Queen of Dwarfs, et presque cubiques et plissés dans plusieurs des grandes variétés.



Fig. 41. — Gousses et grains de Pois. — I. Queen of Dwarfs. — ii. American Dwarf. — iii. Thurston’s Reliance. — iv. Pois géant sans parchemin. — a. Pois Dan O’Rourke. — b. Queen of Dwarfs. — c. Knight’s Tall white Marrow. — d. Lewis Negro.



Quant à la valeur des différences qui s’observent entre les principales variétés, il est incontestable que si on trouvait la grande variété du pois sucré, à fleurs pourpres, à gousses minces et d’une forme extraordinaire, renfermant des pois pourpres foncés, croissant à l’état sauvage à côté de la petite Queen of the Dwarfs, à fleurs blanches, à feuilles d’un vert grisâtre et arrondies, à gousses en forme de cimeterre, contenant des pois oblongs, lisses, pâles, mûrissant à une époque différente ; ou encore à côté d’une de ces formes géantes comme le Champion d’Angleterre, à feuilles énormes, à gousses pointues, dont les gros pois sont ridés, verts, et presque cubiques, — toutes les trois seraient regardées comme espèces distinctes.

A. Knight[82] a remarqué que les variétés de pois se maintiennent très-constantes, parce que les insectes ne contribuent pas à déterminer des croisements entre elles. J’apprends de M. Masters, de Canterbury, très-connu comme le créateur de plusieurs variétés nouvelles, que quelques variétés se sont conservées pendant fort longtemps, ainsi la variété Knight’s Blue Dwarf, qui a paru en 1820[83] ; mais la plupart n’ont qu’une existence très-courte ; ainsi Loudon[84] remarque que des formes qui étaient très-recherchées en 1821, ne se trouvaient plus nulle part en 1833 ; et en comparant les catalogues de 1833 avec ceux de 1855, je vois que presque toutes les variétés ont changé. La nature du sol paraît, chez quelques variétés, déterminer la perte de leurs caractères. Ainsi que pour d’autres plantes, certaines variétés peuvent se propager telles quelles, tandis que d’autres ont une tendance prononcée à varier ; ainsi M. Masters ayant trouvé dans une même gousse deux pois différents, l’un rond et l’autre plissé, remarqua chez les plantes provenant du pois plissé, une forte tendance à produire des pois ronds. Le même, après avoir obtenu d’une plante quatre sous-variétés distinctes, dont les pois étaient bleus et ronds, blancs et ronds, bleus et plissés, blancs et plissés, sema ces quatre variétés séparément pendant plusieurs années consécutives, et chacune d’elles lui donna toujours les quatre formes de pois indistinctement mélangées.

Quant aux croisements des variétés entre elles, je me suis assuré que le pois, différant en cela de quelques autres Légumineuses, est parfaitement fécondable sans le secours des insectes. J’ai cependant vu les abeilles suçant le nectar des fleurs, se couvrir si fortement de pollen, que celui-ci ne pouvait manquer de se déposer sur le pistil des fleurs visitées ensuite par l’insecte. D’après les informations que j’ai obtenues auprès de plusieurs grands cultivateurs de pois, peu les sèment séparément ; la plupart ne prennent pas de précautions ; et de fait j’ai pu m’assurer par mes propres observations, qu’on peut pendant plusieurs générations, obtenir des graines pures de différentes variétés croissant près les unes des autres[85]. M. Fitch m’apprend que dans ces conditions il a pu conserver pendant vingt ans une variété, sans qu’elle ait cessé d’être constante. Par analogie avec les haricots[86], je me serais attendu à ce qu’occasionnellement, après de longs intervalles, et une disposition à une légère stérilité survenant par suite d’une fécondation en dedans trop prolongée, des variétés ainsi rapprochées se fussent croisées entre elles ; et au onzième chapitre je signalerai deux cas de variétés distinctes, entre lesquelles a eu lieu un croisement spontané, le pollen de l’une ayant directement agi sur les graines de l’autre. Le renouvellement incessant des variétés est-il dû en partie à des croisements accidentels de cette nature, et leur existence passagère à des fluctuations de la mode ; ou encore les variétés qui naissent après une longue période de fécondation en dedans, sont-elles plus faibles et plus sujettes à périr ; c’est ce que je ne saurais dire. On peut toutefois noter que plusieurs des variétés d’Andrew Knight, qui ont duré plus longtemps que beaucoup d’autres, sont nées vers la fin du siècle dernier de croisements artificiels. Quelques-unes étaient encore vigoureuses en 1860, mais en 1865[87], un auteur parlant de quatre variétés de Knight, dit qu’elles avaient acquis une histoire fameuse, mais que leur réputation était partie.

Quant aux fèves (Faba vulgaris) je serai bref. Le Dr Alefeld[88] a donné une courte diagnose de quarante variétés. Il suffit d’en voir une collection pour être frappé de la différence qu’elles présentent dans la forme, l’épaisseur, les proportions de longueur et largeur, la couleur et la grosseur. Comme pour le pois, nos variétés actuelles ont été, pendant l’âge de bronze, en Suisse, précédées par une forme spéciale portant de très-petites fèves, et actuellement éteinte[89].

Pomme de terre (Solanum tuberosum). — Il n’y a pas de doute à concevoir sur l’origine de cette plante, dont les variétés cultivées diffèrent extrêmement peu par leur apparence générale, de l’espèce sauvage qu’on reconnaît au premier coup d’œil[90] dans son pays natal. Les variétés cultivées en Angleterre sont nombreuses ; Lawson[91] en décrit 175 sortes. J’ai planté dans des raies voisines, dix-huit sortes différentes ; les tiges et feuilles différaient peu, et dans plusieurs cas il y avait, sous ce rapport, autant de différences entre les individus d’une même variété, qu’entre les diverses variétés elles-mêmes. Les fleurs varient de grandeur, et du blanc au pourpre pour la couleur, mais pas sous d’autres rapports, une seule forme exceptée, chez laquelle les sépales étaient un peu allongés. On a décrit une variété singulière, qui produit toujours deux sortes de fleurs, dont les unes sont doubles et stériles, les autres simples et fertiles[92]. Les baies varient aussi, mais très-légèrement[93].

Les tubercules, d’autre part, offrent une variété étonnante, et confirment le principe que les modifications les plus étendues affectent toujours, dans toutes les productions cultivées, les parties recherchées et estimées de la plante. Ils diffèrent beaucoup par la forme et la couleur, et sont sphériques, ovales, aplatis, réniformes ou cylindriques. On a décrit[94] une variété du Pérou comme droite, pas plus grosse qu’un doigt et ayant six pouces de longueur. Les yeux ou bourgeons diffèrent aussi par la forme, la position et la couleur. La disposition des tubercules sur les tiges varie ; ainsi, dans les Gurken-Kartoffeln, ils forment une pyramide dont le sommet est en bas, et dans une autre variété ils s’enfouissent profondément dans le sol. Les racines elles-mêmes sont tantôt profondément enfoncées dans le sol, et tantôt à fleur de terre. Les tubercules varient par l’état plus ou moins lisse de leur surface, par la couleur, qui peut être extérieurement blanche, rouge, pourpre ou presque noire, et blanche, jaune ou presque noire en dedans. Ils diffèrent encore par leur goût, et peuvent être gras ou farineux ; par l’époque de leur maturation, et par leur aptitude à une conservation plus ou moins longue.

Comme dans beaucoup d’autres plantes qui ont longtemps été propagées par bulbes, tubercules, boutures, etc., circonstances par suite desquelles l’individu est exposé pendant une longue période à des conditions très-diverses, les plantes de pomme de terre levées de graine, présentent généralement d’innombrables différences. Plusieurs variétés, ainsi que nous le verrons dans le chapitre sur les variations de bourgeons, sont loin d’être constantes, même lorsqu’on les propage par les tubercules. Le Dr Anderson[95] ayant semé des graines d’une pomme de terre pourpre irlandaise, qui croissait isolée et loin de toute autre variété, de sorte que cette génération du moins ne pouvait avoir subi aucun croisement, obtint des plants tellement variés, qu’il n’y en avait presque pas deux de semblables. Quelques plantes très-analogues par leur partie extérieure, produisirent des tubercules dissemblables ; des tubercules, en apparence identiques, diffèrent entièrement par la qualité, une fois cuits. Même dans ces cas de variabilité considérable, la souche mère avait quelque influence sur sa progéniture, car la plupart des plantes ressemblaient à quelque degré à la pomme de terre irlandaise. On doit ranger parmi les races les plus cultivées et les plus artificielles, la Vitelotte (Kidney potato), dont les particularités se transmettent cependant rigoureusement par la graine. M. Rivers, une grande autorité[96] dans la matière, assure que les plantes levées de graine de la Vitelotte à feuilles de frêne, ressemblent toujours beaucoup à la souche dont elles proviennent. Les plantes provenant de la graine d’une variété de Vitelotte (Fluke Kidney), sont encore plus remarquables sous ce rapport, car en ayant pendant deux saisons observé un très-grand nombre, je n’ai pu constater aucune différence en précocité, productivité, grandeur ou forme de leurs tubercules.



  1. Géographie, botanique raisonnée, 1855, p. 810–991.
  2. Historical notes on cultiv. plants, par Dr A. Targioni-Tozzetti ; analyse de M. Bentham dans Hortic. Journal, vol. IX, 1855, p. 133. — Voir aussi Edinburgh Review, 1866, p, 510,
  3. Historical notes, etc.
  4. Considérations sur les Céréales, 1842, p. 37. — Géogr. bot., 1855, p. 930. « Plus on suppose l’agriculture ancienne, et remontant à une époque d’ignorance, plus il est probable que les cultivateurs ont dû choisir des espèces offrant à l’origine même un avantage incontestable. »
  5. Le Dr Hooker m’a transmis ces renseignements. Voir aussi son Himalayan Journal, 1854, vol. II, p. 49.
  6. Voyages dans l’Afrique centrale, vol. I, p. 529 et 390 ; vol. II, p. 29, 265, 270. (Trad. anglaise). — Voyages de Livingstone, p. 551.
  7. Ainsi dans l’Amérique du Nord et du Sud. — M. Edgeworth, Journ. Proc. Linn. Soc. vol. VI, bot. 1862, p. 181, dit que, dans les déserts du Pendjab, de pauvres femmes ramassent dans des paniers de paille, les graines de quatre genres d’herbes, qui sont les genres Agrostis Panicum, Cenchrus et Pennisetum, ainsi que celles d’autres genres appartenant à des familles distinctes.
  8. Professeur O. Heer, Die Pflanzen der Pfahlbauten, 1865, Neujahr. Naturforsch. Gesellschaft, 1866, et Dr Christ dans Rütimeyer, Fauna der Pfahlbauten, 1861, p. 226.
  9. Voyages, p. 535. — Du Chaillu, Adventures in equatorial Africa, 1861, p. 445.
  10. À Tierra del Fuego on peut déjà à une grande distance reconnaître les emplacements des anciens wigwams par la teinte plus brillante de la végétation locale.
  11. American Acad. of Arts and Sciences, 10 Avril 1860, p. 413. — Downing, The Fruits of America, 1845, p. 261.
  12. Journals of Exped. in Australia, 1841, vol. II, p. 292.
  13. Darwin, Journal of Researches, 1845, p. 215.
  14. De Candolle a résumé les faits d’une manière fort intéressante dans sa Géographie botanique, p. 986.
  15. Flora of Australia, introduction, p. 110.
  16. Pour le Canada, voir J. Cartier, Voyage en 1534. — Pour la Floride, voyages de Narvaez et de Ferd. de Soto, dont je ne puis indiquer exactement les renvois aux pages ayant consulté ces anciens voyages dans plusieurs collections différentes. Voir aussi pour plusieurs renseignements, Asa Gray, American Journal of Science, vol. XXIV, 1857, p. 441. Pour les traditions des indigènes de la Nouvelle-Zélande, voir Crawfurd, Grammar and Dict. of the Malay language, 1852, p. 260.
  17. Voir Cybele Britannica, vol. I, p. 330, 334 etc., remarques sur nos pruniers, cerisiers et pommiers sauvages, par M. H. C. Watson. — Van Mons, Arbres fruitiers, 1835, t. I, p. 444, déclare qu’il a trouvé les types de toutes nos variétés cultivées dans des sauvageons, mais alors il considère ces sauvageons comme autant de souches originelles.
  18. Alph. de Candolle, O. C., p. 928 et suivantes. — Godron, O. C., t. II, p. 70. — Metzger, Die Getreidearten, etc., 1841.
  19. M. Bentham, dans Hist. notes on cultivated plants, etc. Journal of Hort. Soc., vol. IX, 1855, p. 133.
  20. O. C., p. 928.
  21. Godron, de l’Espèce, t. II, p. 72. — Les excellentes observations de M. Fabre, faites il y a quelques années, mais mal interprétées, avaient conduit quelques personnes à croire que le froment était le descendant modifié de l’Ægilops ; mais M. Godron (t. I, p. 165), a démontré par des expériences soigneuses, que le premier terme de la série, l’Ægilops triticoïdes, est un métis du froment et de l’Ægilops ovata. La fréquence avec laquelle ces métis se manifestent spontanément, et la transformation graduelle de l’Æ. triticoïdes en vrai froment laissent encore planer quelques doutes sur ce sujet.
  22. Report to British Association for 1857, p. 207.
  23. Considérations sur les Céréales, 1842,–43, p. 29.
  24. Travels in the Himalayan Provinces, etc. 1841, vol. I, p. 224.
  25. Col. J. Le Couteur, Varieties of Wheat, p. 23, 79.
  26. Loiseleur-Deslongchamps, Consid. sur les Céréales, p. 11.
  27. Hooker, Journ. of Botany ; vol. VIII, p. 82, note.
  28. O. C., t. II, p. 73.
  29. O. C., t. II, p. 75.
  30. Loiseleur-Deslongchamps. O. C., p. 45, 70, pour Dalbret et Philipar. — Le Couteur, O. C., p. 6.
  31. Varieties of Wheat, Introd. p. VI. — Marshall, Rural Economy of Yorkshire, vol. II, p. 9, remarque que, dans chaque champ de blé, il y a autant de variétés que dans un troupeau de bêtes à cornes.
  32. Gardener’s Chronicle et Agric. Gazette, 1862, p. 963.
  33. Getreidearten, 1811, p. 66, 91, 92, 116, 117.
  34. Godron, O. C., II, p. 74. — Metzger, O. C., p. 18, dit la même chose des orges d’été et d’hiver.
  35. Loiseleur-Deslongchamps, O. C., t II, p. 224. — Le Couteur, O. C., p. 70.
  36. Travels in North America, 1753–1761, t. III, p. 165 (trad. anglaise).
  37. O. C., part. II, p. 179–183.
  38. O. C., Introd. p. 7. — Marshall, O. C., vol. II, p. 9. — Voir pour quelques cas analogues d’adaptation des variétés d’avoine, quelques travaux intéressants dans Gardener’s Chron. et Agricult. Gazette, 1850, p. 204, 219.
  39. O. C., p. 59. — M. Sheriff, dont l’autorité est incontestable dit dans Gardener’s Chronicle et Agricult. Gazette, 1862, p. 963 : « Je n’ai jamais vu de grains qui aient été assez améliorés ou dégénérés par la culture, pour transmettre leurs changements à la récolte suivante. »
  40. Alph. de Candolle, O. C., p. 930.
  41. Pflanzen der Pfahlbauten, 1866.
  42. O. C., p. 94.
  43. « Vidi lecta diu, et multo spectata labore,
    Degenerare tamen, ni vis humana quotannis
    Maxima quæque manu legeret : … »

    (Géorgiques ; lib. I, 197–199). — Columelle et Celsus, cités par Lecouteur, O. C., p. 16.

  44. Alph. de Candolle. O. C., p. 932.
  45. O. Heer. Die Pflanzen, etc. — Dr Christ, dans Die Fauna der Pfahlbauten du prof. Rütimeyer 1861, p. 225.
  46. Heer, cité par C. Vogt, Leçons sur l’Homme, p. 463.
  47. Alph. de Candolle, O. C., p. 942. — Pour la Nouvelle-Angleterre, voir Silliman’s American Journal, vol. XLIV, p. 99.
  48. Travels in Peru., p. 177.
  49. Geolog. Observ. on S. America, 1846, p. 49.
  50. Ce maïs est figuré dans le magnifique ouvrage de Bonafous, Hist. nat. du maïs, 1836, pl. v bis ; et dans Journ. of Hort. Soc., 1846, vol. I, p. 115, se trouve une description du résultat obtenu en semant sa graine. Un jeune Indien guaranien en voyant ce maïs, dit à Auguste Saint-Hilaire, qu’il croissait sauvage dans les forêts humides de sa patrie. (De Candolle, O. C., p. 951.) M. Teschemacher dans Proc. Boston Soc. nat. Hist. 19 Oct. 1842, donne un récit de la semaille de ses graines.
  51. Moquin-Tandon, Éléments de tératologie, 1841, p. 126.
  52. O. C., 1841, p. 208. J’ai modifié quelques assertions de Metzger d’après des renseignements consignés dans le grand ouvrage de Bonafous, Hist. nat. du maïs, 1836.
  53. Godron, O. C., t. II, p. 80 ; — Alph. de Candolle, O. C., p. 951.
  54. Transactions Bot. Soc. Edinburgh, vol. VIII, p. 60.
  55. Voyages dans l’Amér. mérid., t. I, p. 147.
  56. O. C., p. 31.
  57. Voyages dans l’Amér. mérid., t. I, p. 13.
  58. Metzger, O. C., p. 206.
  59. Description du maïs, par P. Kalm, 1752 ; dans Actes suédois, vol. IV.
  60. Metzger, O. C., p. 208.
  61. Bois de chou, Gardener’s Chronicle, 1856, p. 744, citation de Hooker, Journ. of Botany. Au musée de Kew, est exposée une canne faite d’une tige de chou.
  62. Journ. de la Soc. imp. d’Horticulture, 1855, p. 254.
  63. Godron, O. C., t. II, p. 52. — Metzger, Syst. Beschreibung der Kult. Kohlarien, 1833, p. 6.
  64. Regnier, de l’Économie publique des Celtes, 1818, p. 438.
  65. Aug. P. de Candolle, Transactions of Hort. Soc., vol. v. — Metzger, O. C.
  66. Gardener’s Chronicle, 1859, p. 992.
  67. Alph. de Candolle, Géogr. Bot., p. 842 et 989.
  68. Gardener’s Chronicle, 1858, p. 128.
  69. O. C., p. 22.
  70. Godron, O. C., t. III, p. 52. — Metzger, O. C., p. 22.
  71. O. C., p. 840.
  72. Godron, O. C., t. II, p. 54. — Metzger, O. C., p. 10.
  73. Gardener’s Chronicle, etc., 1856, p. 729.
  74. Ibid., 1855, p. 730.
  75. O. C., p. 51.
  76. Ces essais de Vilmorin ont été cités par beaucoup d’auteurs. M. Decaisne a récemment soulevé des doutes sur ce sujet, par suite des résultats négatifs obtenus par lui, mais ceux-ci ne peuvent avoir la valeur de résultats positifs. D’autre part, M. Carrière raconte (Gard. Chronicle, 1865, p. 1154) qu’ayant semé de la graine d’une carotte sauvage, croissant loin de toute terre cultivée, il obtint dès la première génération des plantes dont les racines différaient déjà par leur forme plus renflée, et étaient plus longues, plus tendres et moins fibreuses que celles de la plante sauvage. Il a obtenu plusieurs variétés de ces plantes.
  77. Loudon, Encyclop, of Gardening, p. 835.
  78. Alph. de Candolle, Géogr. bot., p. 960. — M. Bentham, Hort. Journ., vol. IX, 1855, p. 141, croit que les pois de jardin et des champs appartiennent à la même espèce, opinion qui n’est pas celle du Dr Targioni.
  79. Botanische Zeitung, 1860, p. 204.
  80. O. C., 1866, p. 23.
  81. Une variété dite Rouncival atteint cette hauteur d’après M. Gordon, dans Transact. Hort. Soc., (2e  série), vol. I, 1835, p. 374, auquel j’ai emprunté quelques faits.
  82. Phil. Transactions, 1799, p. 196.
  83. Gardener’s Magazine I, p. 153, 1826.
  84. Encyclop. of Gardening, p. 823.
  85. Voir Dr Anderson dans Bath Soc. Agric. Papers, vol. IV, p. 87.
  86. Ces expériences sont détaillées dans Gardener’s Chronicle 25 Oct. 1857.
  87. Gardener’s Chronicle, 1865, p. 387.
  88. Bonplandia, X, 1862, p. 348.
  89. O. Heer, Die Pflanzen, etc., 1866, p. 22.
  90. Darwin, Journal of Researches, 1845, p. 285.
  91. Synopsis of vegetable products of Scotland, cité dans Wilson. British Farming, p. 317.
  92. Sir G. Mackensie, Gardener’s Chronicle, 1845, p. 790.
  93. Putsche und Vertuch, Versuch einer Monographie der Kartoffeln, 1819, p. 9, 15. — Anderson, Recreations on Agriculture, vol. IV, p. 325.
  94. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1052.
  95. Bath Soc. Agric. Papers, vol. v, p. 127. — Recreations on Agricult., vol. v, p. 86.
  96. Gardener’s Chronicle, 1863, p. 643.