De la variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication/Tome II/12

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De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. IIp. 1-28).

DE LA VARIATION
DES ANIMAUX ET DES PLANTES
SOUS L’ACTION DE LA DOMESTICATION





CHAPITRE XII.

DE L’HÉRÉDITÉ.


Nature merveilleuse de l’hérédité. — Généalogies de nos animaux domestiques. — L’hérédité non due au hasard. — Hérédité des moindres caractères. — Hérédité des maladies. — Particularités de l’œil. — Maladies du cheval. — Longévité et vigueur. — Déviations asymétriques de structure. — Polydactylie, et régénération de doigts surnuméraires après amputation. — Cas d’enfants avant des caractères semblables, ne se trouvant pas chez leurs parents. — Hérédité faible et vacillante ; dans les arbres pleureurs, nains, et dans la couleur des fruits et fleurs. — Couleur des chevaux. — Cas non héréditaires. — Hérédité de conformation et d’habitudes, annulée par des conditions extérieures contraires, par une variabilité continuelle, et par les effets de retour. — Conclusion.


Beaucoup d’auteurs ont abordé le sujet de l’hérédité, qui est immense : l’ouvrage seul du Dr Prosper Lucas, de l’Hérédité naturelle, ne renferme pas moins de 1562 pages ; mais ici nous devrons nous borner à en étudier les points qui se rattachent essentiellement au sujet général des variations, tant dans les productions naturelles que domestiques. Il est en effet évident qu’une variation qui n’est pas héréditaire ne peut jeter aucun jour sur la dérivation de l’espèce, et ne peut avoir aucune utilité pour l’homme, les cas des plantes vivaces, qu’on peut propager par bourgeons, exceptés.

Si on n’eût jamais domestiqué les animaux et les plantes, et qu’on n’eût jamais observé que des animaux sauvages, nous n’aurions probablement jamais entendu dire, « que le semblable engendre son semblable, » car la proposition aurait été aussi évidente par elle-même que celle que tous les bourgeons d’un arbre se ressemblent, bien qu’aucune de ces deux propositions ne soit strictement vraie. Car, ainsi qu’on l’a souvent remarqué, il n’y a probablement pas deux individus absolument identiques. Tous les animaux sauvages se reconnaissent, ce qui prouve qu’il y a quelque différence entre eux ; l’œil exercé du berger peut distinguer chacun de ses moutons, et l’homme peut discerner une figure de connaissance parmi un million de visages humains. Quelques auteurs ont été jusqu’à prétendre que la production de légères différences est une fonction aussi nécessaire de la puissance génératrice, que l’est celle de la production d’une progéniture semblable aux ascendants. Cette manière de voir qui, théoriquement, est improbable, est cependant, comme nous le verrons plus tard, justifiée dans la pratique. C’est la confiance complète acquise par les éleveurs qu’un animal supérieur ou inférieur reproduira généralement son propre type, qui a donné naissance au dicton, que le semblable produit son semblable ; et la supériorité ou l’infériorité d’un animal donné est précisément une preuve qu’il a légèrement dévié de son type.

Quand un nouveau caractère, quelle qu’en soit la nature, surgit, il tend généralement à être hérité, au moins temporairement, et souvent avec une grande persistance. Quoi de plus merveilleux que de voir une particularité insignifiante, n’appartenant pas primitivement à l’espèce, se transmettre par les cellules sexuelles mâles ou femelles, organes invisibles à l’œil nu, et après des changements incessants pendant le cours d’un long développement, parcouru dans le sein de la mère ou dans l’œuf, reparaître ultérieurement dans le produit achevé, ou même beaucoup plus tard, comme cela a lieu pour certaines maladies ! Ou encore, n’est-il pas étonnant de voir l’ovule microscopique d’une bonne vache laitière devenir un mâle, dont une cellule réunie ensuite à un autre ovule, produira une femelle, qui, arrivée à l’état adulte, aura des glandes mammaires développées, propres à fournir abondance de lait, et même un lait de qualité particulière ? Néanmoins, comme le fait avec raison remarquer Sir H. Holland[1], le plus étonnant n’est pas que les caractères soient héréditaires, mais bien qu’il puisse y en avoir qui ne le soient pas. Dans un chapitre futur, consacré à l’exposé d’une hypothèse à laquelle je donne le nom de pangenèse, j’essayerai de montrer comment les caractères de tous genres se transmettent de génération en génération.

Quelques auteurs[2], auxquels l’histoire naturelle n’est pas familière, ont cherché à montrer que la puissance de l’hérédité a été fort exagérée. Cette assertion ferait sourire plus d’un éleveur d’animaux, et s’il daignait la relever, il demanderait probablement quelle serait la chance qu’on aurait de gagner un prix de course en appariant ensemble deux chevaux inférieurs ? Il demanderait encore, si ce sont des notions théoriques qui ont conduit les Arabes à demi civilisés à conserver les généalogies de leurs chevaux ? Pourquoi a-t-on scrupuleusement dressé et publié des généalogies du bétail Courtes-cornes, et plus récemment de la race Hereford ? Est-ce une illusion que la transmission des excellentes qualités de ces animaux, récemment améliorés, même lorsqu’on les croise avec d’autres races ? Est-ce sans de bonnes raisons qu’on a acheté, à des prix énormes, des Courtes-cornes, pour les transporter dans tous les pays du globe, et qu’on a donné jusqu’à mille guinées pour un seul taureau ? On a également dressé des généalogies de lévriers, et les noms de quelques-uns, comme Snowball, Major, etc., sont aussi connus des chasseurs, que ceux d’Éclipse et d’Herod le sont sur le turf. Autrefois, on dressait des généalogies des coqs de combat appartenant aux lignées en renom, et dont quelques-unes remontent à un siècle en arrière. Les éleveurs du Yorkshire et du Cumberland relèvent et impriment les généalogies de leurs porcs, et, pour montrer combien on estime les individus de race pure, je citerai M. Brown qui, à Birmingham en 1850, gagna tous les premiers prix pour les petites races, et vendit à lord Ducie pour le prix de 43 guinées, une jeune truie et un mâle de sa race ; la truie seule fut achetée ensuite par le Rev. F. Thursby pour 65 guinées, lequel écrit : « Elle m’a fort bien payé, car j’ai vendu ses produits pour 300 livres, et je possède d’elle encore quatre truies pleines[3]. » Les espèces sonnantes, ainsi payées et repayées, sont un excellent critérium de la valeur de la supériorité héréditaire. Tout l’art de l’éleveur, qui a donné de si grands résultats depuis le commencement de ce siècle, repose sur ce fait de l’hérédité de chaque détail de conformation. L’hérédité n’est pourtant pas absolue, car si elle l’était, l’art de l’éleveur[4] serait la certitude même, et la part qui reviendrait à l’habileté et à la persévérance des éleveurs qui ont amené nos animaux domestiques à leur état actuel, ne serait que minime.

Il faut, pour pouvoir acquérir la conviction complète de la puissance de l’hérédité, avoir élevé des animaux domestiques, étudié les nombreux ouvrages qu’on a publiés sur le sujet, et causé avec des éleveurs. Je signalerai quelques faits, qui me paraissent particulièrement significatifs à cet égard. On a vu apparaître, tant chez l’homme, que chez les animaux domestiques, certaines particularités qui se sont présentées, à de rares intervalles, une ou deux fois seulement dans l’histoire du globe, sur un individu, mais qui ont reparu dans plusieurs de ses enfants ou petits-enfants. Ainsi l’homme porc-épic, Lambert, dont le corps était couvert d’une sorte de carapace verruqueuse, qui muait périodiquement, eut six enfants et deux petits-fils, présentant la même particularité[5]. Dans trois générations successives d’une famille siamoise, on a observé la présence de longs poils, recouvrant la figure et le corps ; cette anomalie était accompagnée de l’absence de dents ; le cas n’est point unique, car on a montré à Londres en 1663, une femme[6] dont la figure était entièrement velue ; et un autre cas plus récent a encore été signalé. Le Col. Hallam[7] a décrit une race de porcs à deux jambes, chez lesquels les membres postérieurs faisaient complètement défaut, particularité qui se transmit pendant trois générations. En fait, les races qui présentent des caractères singuliers, tels que les porcs à sabots pleins, les moutons Mauchamp, le bétail Niata, etc., sont toutes des exemples de l’hérédité longtemps soutenue de rares déviations de structure.

Si nous remarquons que certaines particularités extraordinaires ont ainsi apparu chez un seul individu sur des millions, tous soumis dans un même pays aux mêmes conditions extérieures, et qu’une même anomalie s’est quelquefois manifestée chez des individus vivant dans des conditions fort différentes, nous devons en conclure que ces déviations ne peuvent pas être directement dues à l’action des conditions extérieures, mais à des lois inconnues agissant sur l’organisation ou la constitution de l’individu ; et que leur production n’est pas plus intimement liée aux conditions extérieures que ne l’est la vie elle-même. S’il en est ainsi, et que l’apparition d’un même caractère extraordinaire chez le parent et son enfant ne puisse être attribuée à ce que tous deux se soient trouvés soumis à quelques conditions inusitées, le problème suivant mérite attention, comme montrant que le résultat ne peut pas être dû, ainsi que l’ont supposé quelques auteurs, à une simple coïncidence, mais doit dépendre de ce que les membres d’une même famille héritent de quelque point commun dans leur constitution. Supposons que sur une grande population, une affection quelconque se présente une fois sur un million, de sorte que la chance a priori qu’un individu en soit atteint, soit de un millionième. Si la population est supposée être de soixante millions, et composée de dix millions de familles, par exemple, de six membres chacune, d’après le calcul des probabilités, il y aura 8333 millions de chances contre une pour que sur les dix millions de familles il y en ait à peine une où la particularité en question affecte un parent et deux enfants. Mais on pourrait citer de nombreux cas où plusieurs enfants ont présenté la même affection rare qu’un de leurs parents ; et alors, surtout si on comprend dans le calcul les petits-enfants, les chances contre une simple coïncidence deviennent presque incalculables.

L’hérédité est souvent très-frappante, dans certains cas de réapparition de détails insignifiants. Le Dr Hooker m’a signalé une famille anglaise, chez laquelle, pendant plusieurs générations, quelques membres avaient toujours eu sur la tête une mèche d’une couleur différente du reste de la chevelure. J’ai connu un Irlandais, qui avait, du côté droit, et parmi des cheveux foncés, une petite mèche blanche ; sa grand’mère en avait eu une pareille du même côté, et sa mère, du côté opposé. Il me paraît inutile d’insister là-dessus et de citer d’autres exemples, car des faits de ressemblances entre parents et enfants sont connus de tous, et se manifestent à propos des moindres détails. De quelles combinaisons multiples de conformation corporelle, de dispositions mentales et d’habitudes, l’écriture ne doit-elle pas dépendre ! et cependant, ne voit-on pas souvent une grande ressemblance entre les écritures du fils et du père, bien que ce dernier ne l’ait pas enseignée au premier ? Hofacker a, en Allemagne, remarqué l’hérédité de l’écriture ; et on a constaté que les jeunes Anglais apprenant à écrire en France ont une tendance marquée à conserver la manière anglaise[8]. Les gestes, la voix, la démarche, le maintien sont héréditaires ainsi que l’ont montré l’illustre Hunter et Sir A. Carlisle[9]. Parmi quelques exemples frappants qui m’ont été donnés par mon père, je citerai celui d’un homme qui était mort pendant l’enfance de son fils ; mon père qui ne connut ce dernier que beaucoup plus tard, maladif et déjà d’un certain âge, crut revoir son ancien ami avec toutes ses habitudes et ses manières particulières. Certaines habitudes deviennent des tics, dont l’hérédité a souvent été observée ; on a souvent cité le cas d’un père qui avait l’habitude de dormir sur le dos, avec la jambe droite croisée sur la gauche, et dont la fille au berceau faisait exactement de même[10]. Je signalerai le cas suivant que j’ai moi-même observé sur un enfant, et qui est curieux comme tic associé à un état mental particulier, celui d’une émotion agréable. Lorsque cet enfant était content, il avait la singulière habitude de remuer rapidement ses doigts parallèlement les uns aux autres et, quand il était très-excité, il levait les deux mains de chaque côté de sa figure, et à hauteur des yeux, toujours en remuant les doigts. Cet enfant, devenu vieillard, avait encore de la peine à se contenir pour ne pas faire ces mêmes gestes ridicules, quand il éprouvait une vive satisfaction. Il eut huit enfants, dont une petite fille, qui, à l’âge de quatre ans, remuait les doigts de la même manière, et, lorsqu’elle était excitée, levait ses mains en agitant ses doigts exactement comme l’avait fait son père. Je n’ai jamais entendu parler d’un pareil tic chez d’autres personnes et, dans le cas qui précède, il n’y avait certainement pas eu imitation de la part de l’enfant.

Quelques auteurs ont contesté que les attributions mentales complexes, dont dépendent le génie et le talent, fussent héréditaires, même dans le cas où les deux parents en sont doués ; mais M. Galton a traité cette question de l’hérédité du talent, d’une manière remarquable et tout à fait convaincante[11].

Il importe malheureusement peu, en ce qui regarde l’hérédité, qu’une qualité ou une conformation soit nuisible, dès qu’elle n’est point incompatible avec la vie ; les ouvrages sur l’hérédité des maladies, ne laissent à cet égard aucun doute[12]. Les anciens l’avaient déjà constaté, car omnes Græci, Arabes et Latini in eo consentiunt, dit Ranchin. On pourrait dresser un long catalogue de toutes les déformations ou prédispositions à diverses maladies qu’on a reconnues héréditaires. D’après le Dr Garrod, 50 pour 100 des cas de goutte observés dans la pratique des hôpitaux sont héréditaires, et dans la pratique particulière, la proportion est encore plus forte. On sait combien l’aliénation mentale frappe souvent certaines familles, M. Sedgwick en cite quelques cas terribles ; entre autres celui d’un chirurgien dont le père, le frère et quatre oncles paternels furent tous aliénés ; d’un juif, dont le père, la mère et six frères et sœurs furent atteints d’aliénation mentale ; et encore d’autres cas de familles, dont plusieurs membres se sont suicidés pendant trois ou quatre générations successives. On connaît beaucoup de cas d’hérédité d’épilepsie, de phthisie, d’asthme, de calculs de la vessie, de cancer, d’hémorrhagie, de défaut de lactation et d’accouchements difficiles. Je dois, quant à ce dernier point, mentionner un cas bizarre signalé par un bon observateur[13], et dans lequel l’obstacle à la parturition normale venait du nouveau-né et non de la mère ; dans une partie du Yorkshire les éleveurs ayant eu l’habitude de toujours choisir, pour la reproduction, les animaux ayant le train de derrière le plus développé, finirent par obtenir une lignée remarquable sous ce rapport, au point que le développement énorme de la croupe du veau devenait fatal à la mère, en rendant l’accouchement très-laborieux, et que chaque année, un grand nombre de vaches succombaient pendant le vêlage.


Au lieu de donner de longs détails sur les diverses difformités ou maladies héréditaires, je me bornerai à exposer celles qui frappent un des organes les plus compliqués et les plus délicats, mais en même temps un des mieux connus, de tout le corps humain, c’est-à-dire l’œil et ses parties accessoires. Pour commencer par ces dernières, j’ai entendu parler d’une famille dont les parents et les enfants avaient des paupières pendantes, au point que pour voir, ils étaient obligés de renverser la tête en arrière ; Sir A. Carlisle[14] a constaté l’hérédité d’un repli pendant de la paupière. D’après Sir H. Holland[15], dans une famille dont le père avait un prolongement singulier de la paupière, sept ou huit enfants présentèrent la même difformité, et deux ou trois autres ne l’eurent pas. Beaucoup de personnes, à ce que j’apprends de M. Paget, ont deux ou trois des poils des sourcils beaucoup plus longs que les autres ; et même une particularité d’aussi peu d’importance peut se maintenir dans les familles.

Quant à l’œil en lui-même, je dois à l’obligeance d’une de nos plus hautes autorités d’Angleterre, M. Bowman, les remarques qui suivent sur l’hérédité de quelques imperfections de cet organe. Premièrement, l’hypermétropie, ou la vue anormalement longue, est due à ce que l’œil, au lieu d’être sphérique, est trop aplati d’avant en arrière, et souvent dans son ensemble trop petit, de sorte que la rétine se trouvant trop en avant du foyer des humeurs de l’œil, il faut, pour obtenir la vision distincte des objets rapprochés, et même souvent de ceux qui sont éloignés, placer au devant de l’œil un verre convexe. Cet état s’observe congénitalement de très-bonne heure, et souvent sur plusieurs enfants d’une même famille, lorsqu’il existe chez un des parents[16]. Deuxièmement, dans la myopie ou vue courte, l’œil a une forme ovoïde, il est trop long d’avant en arrière ; et, dans ce cas, la rétine se trouvant en arrière du foyer, ne peut voir distinctement que les objets très-rapprochés. Cet état n’est pas ordinairement congénital, et se déclare dans la jeunesse, mais la disposition à la myopie se transmet des parents aux enfants. Le changement qui a lieu dans l’œil et le fait passer de la forme sphérique à la forme ovoïde paraît être la conséquence directe d’une sorte d’inflammation des enveloppes, et il y a quelques raisons de croire qu’elle est due à des causes agissant directement sur l’individu affecté, et peut, par conséquent, devenir transmissible. M. Bowman a observé que, lorsque les deux parents sont myopes, la tendance héréditaire paraît en être augmentée, et que les enfants deviennent myopes plus tôt, ou plus fortement, que ne l’étaient leurs parents. Troisièmement, le strabisme offre de fréquents exemples de transmission héréditaire ; il est souvent causé par des défauts optiques, analogues à ceux indiqués ci-dessus ; mais il est aussi quelquefois transmissible dans une famille, même dans ses formes les plus simples. Quatrièmement, la cataracte, ou l’opacité du cristallin, se rencontre ordinairement chez les personnes dont les parents ont été affectés de cette infirmité, et se déclare souvent plus tôt chez les enfants, qu’elle ne l’a fait chez leurs parents.

Lorsque la cataracte affecte plusieurs membres d’une même famille, à la même génération, elle se déclare souvent chez tous au même âge ; par exemple, dans une famille, elle atteindra plusieurs jeunes enfants ; dans une autre, plusieurs personnes d’âge moyen. M. Bowmann a vu quelquefois, chez différents membres d’une même famille, diverses défectuosités dans l’œil droit ou gauche ; et M. White Cooper a constaté que certaines particularités, affectant un des yeux d’un parent, reparaissent chez l’enfant sur l’œil du même côté[17].

J’emprunte les cas suivants aux travaux de M. W. Sedgwick et du Dr Prosper Lucas[18]. L’amaurose, soit congénitale, soit se déclarant à un âge avancé, et causant la cécité complète, est souvent héréditaire, on l’a observée dans trois générations successives. L’absence congénitale de l’iris a été aussi transmise pendant trois générations ; et l’iris fendu pendant quatre ; dans ce dernier cas, l’anomalie n’a porté que sur les individus mâles de la famille. L’opacité de la cornée, ainsi qu’une petitesse congénitale de l’œil, ont été héréditaires. Portal a consigné un cas singulier dans lequel un père et ses deux fils devenaient aveugles toutes les fois qu’ils baissaient la tête ; fait qui provenait probablement de ce que le cristallin avec sa capsule, glissaient dans la chambre antérieure de l’œil, en passant au travers de la pupille, qui était d’une grandeur inusitée. La cécité diurne, ou vision imparfaite dans une vive clarté, est héréditaire, ainsi que la cécité nocturne, ou vision qui n’est possible que dans une forte lumière ; M. Cunier a rapporté un cas de ce dernier défaut, dont furent affectés vingt-cinq membres d’une même famille, dans l’espace de six générations. L’incapacité singulière de distinguer les couleurs, connue sous le nom de Daltonisme, est notoirement héréditaire, et a été suivie au travers de cinq générations, mais n’affectant que les personnes du sexe féminin.

Quant à la couleur de l’iris, on sait que l’absence de pigment coloré est héréditaire chez les albinos. On a constaté aussi l’hérédité de cas où l’iris d’un des yeux était différemment coloré que celui de l’autre ; ainsi que des iris tachetés. M. Sedgwick cite, d’après le Dr Osborne[19], le cas suivant, qui offre un curieux exemple d’une hérédité puissante. Dans une famille composée de seize garçons et cinq filles, tous avaient les yeux portant en miniature des marques semblables à celles d’un chat tricolore. La mère de cette nombreuse famille avait un frère et trois sœurs, tous ayant les yeux ainsi marqués, particularité qu’ils tenaient de leur mère, laquelle appartenait elle-même à une famille connue pour la transmettre à sa postérité.

Enfin, le Dr Lucas remarque qu’il n’y a pas une seule faculté de l’œil qui ne soit sujette à des anomalies toutes héréditaires. M. Bowman admet la vérité générale de cette proposition, qui cependant n’implique pas nécessairement l’hérédité de toutes les déformations, même dans des cas où les deux parents présenteraient une anomalie ordinairement transmissible.


L’hérédité des maladies et des difformités est extrêmement apparente chez le cheval, qui se multiplie plus vite que l’homme, et qu’on apparie avec soin, à cause de la valeur de ses produits. Aussi tous les vétérinaires sont-ils d’accord sur le fait de la transmission de presque toutes les tendances morbides, contraction des pieds, jardons, suros, éparvins, fourbure, faiblesse du devant, cornage, pousse, mélanose, ophthalmie, cécité (Huzard a été jusqu’à dire qu’il serait facile de former promptement une race aveugle), tiquage et caractère vicieux, et d’après Youatt, il n’y a presque pas une seule des maladies auxquelles les chevaux sont sujets, qui ne soit héréditaire[20]. Il en est de même du bétail, pour la phthisie, les bonnes ou mauvaises dents, la finesse de la peau, etc., etc. A. Knight assure que, même chez les plantes, les maladies sont héréditaires, et Lindley a confirmé cette assertion[21].

Puisque les mauvaises qualités sont héréditaires, il est au moins heureux que la santé, la vigueur et la longévité le soient également. On sait que c’était autrefois l’habitude, lorsqu’on achetait des annuités à recevoir du vivant d’un nominataire, de choisir, à cet effet, une personne appartenant à une famille dont les membres étaient réputés par leur longévité. Le cheval anglais offre un exemple remarquable de l’hérédité de la vigueur et de la résistance. Eclipse a procréé 334 et King-Herod 497 chevaux vainqueurs. Il y a fort peu d’exemples de chevaux presque de pure race et ne contenant qu’un huitième à un seizième de sang impur, qui l’aient emporté sur leurs concurrents dans une grande course. Ils sont quelquefois aussi rapides que les pur-sang, dans une course de peu de durée, mais, selon l’assertion de M. Robson, un grand entraîneur, ils manquent de souffle et ne peuvent soutenir l’allure. M. Lawrence a aussi fait la remarque qu’on n’a jamais vu de cas d’un cheval trois quarts de sang ayant pu conserver sa distance en courant l’espace de deux milles avec des pur-sang. Cecil a constaté que toutes les fois que des chevaux inconnus, dont les parents n’étaient pas célèbres, ont, contre toute attente, gagné des prix dans de grandes courses, comme dans le cas de Priam, on a toujours pu prouver qu’ils descendaient des deux côtés, au travers d’un plus ou moins grand nombre de générations, d’ancêtres de premier ordre. Sur le continent, et dans un journal vétérinaire périodique d’Allemagne, le baron Cameronn défie les détracteurs du cheval de course anglais, de nommer sur le continent un seul bon cheval, qui n’ait pas dans ses veines du sang anglais[22].

Quant à la transmission des caractères peu prononcés, mais infiniment variés, qui distinguent les races domestiques d’animaux et de plantes, nous n’avons pas besoin d’en parler, car l’existence même de races persistantes, proclame le pouvoir de l’hérédité.

Je dirai pourtant quelques mots sur certains cas spéciaux. On aurait pu supposer que les déviations des lois de la symétrie ne dussent pas être héréditaires. Mais Anderson[23] raconte que, dans une portée de lapins, il s’en trouva accidentellement un n’ayant qu’une oreille, et qui devint le point de départ d’une race, laquelle continua à produire des lapins à oreille unique. Il mentionne aussi le cas d’une chienne, manquant d’une jambe, et qui produisit plusieurs chiens ayant la même défectuosité. D’après Hofacker[24], il paraît qu’en 1781, on signala dans une forêt d’Allemagne, un cerf n’ayant qu’une corne, puis, en 1788, deux ; et qu’ensuite, pendant plusieurs années, on en observa plusieurs ne portant qu’une corne du côté droit. Une vache, ayant perdu une corne à la suite d’une suppuration[25], donna naissance à trois veaux qui avaient, du même côté de la tête, au lieu d’une corne, une petite loupe osseuse attachée à la peau ; mais ici nous touchons au sujet douteux des mutilations héréditaires. La particularité d’être gaucher, ou le renversement de la spire dans les coquilles, sont des déviations de l’état normal, bien qu’elles restent symétriques, et sont connues pour être héréditaires.


Polydactylie. — Les doigts surnuméraires aux mains et aux pieds, sont très-souvent transmissibles, ainsi que l’ont remarqué plusieurs auteurs : mais nous en faisons mention ici à cause de leur propriété de repousser après amputation. La polydactylie peut présenter une série d’états gradués[26], depuis un simple appendice cutané dépourvu d’os, jusqu’à une main double. Mais on trouve quelquefois un doigt supplémentaire, porté sur un os métacarpien, pourvu de tous ses muscles, nerfs et vaisseaux, et si complet, qu’il échappe à première vue, et qu’on ne s’en aperçoit qu’en comptant les doigts. Il y a parfois plusieurs doigts surnuméraires, mais ordinairement il n’y en a qu’un, qui peut représenter un pouce ou un doigt, suivant qu’il est fixé au bord interne ou externe de la main. En général, par corrélation, les mains et les pieds sont affectés de la même manière. J’ai relevé tous les cas consignés dans divers ouvrages, et ceux qui m’ont été communiqués, en tout quarante-six personnes, ayant présenté des doigts surnuméraires sur une ou les deux mains et pieds. Si, dans tous les cas, les quatre extrémités eussent été semblablement affectées, nous aurions eu un total de quatre-vingt-douze mains, et autant de pieds à six doigts ; or, j’ai compté soixante-treize mains et soixante-quinze pieds ainsi caractérisés, ce qui prouve, contrairement à l’opinion du Dr Struthers[27], que les mains ne sont pas plus fréquemment affectées de cette difformité que les pieds.

La présence de plus de cinq doigts est une grande anomalie, car ce nombre n’est dépassé normalement chez aucun mammifère, oiseau ou reptile existant[28] ; et cependant, les doigts surnuméraires sont fortement héréditaires. Ils ont été transmis pendant cinq générations successives, et ont, dans quelques cas, disparu pendant une, deux, ou même trois générations, pour reparaître ensuite par retour. Ces faits sont d’autant plus remarquables que, comme l’a fait observer le professeur Huxley, on sait que la personne affectée n’en avait pas épousée une autre conformée de même, de sorte que la cinquième génération ne devait pas avoir plus de 1/32me du sang de son premier ancêtre sexdigité. D’autres cas sont plus remarquables encore, par le fait qu’à chaque génération l’affection paraissait devenir plus prononcée, quoique dans chacune la personne affectée se soit toujours mariée avec une qui ne l’était pas, et ces doigts additionnels ayant été amputés peu après la naissance, ils n’ont pas pu se fortifier par l’usage. Le Dr Struthers donne l’exemple suivant : « Un doigt supplémentaire parut sur une main à la première génération ; dans la seconde, sur les deux mains ; dans la troisième, trois frères l’eurent sur les deux mains, et un d’eux sur un pied ; à la quatrième génération, les quatre membres présentèrent l’anomalie. » Il ne faut pas cependant s’exagérer la force d’hérédité, car le Dr Struthers assure que les cas de non-transmission des doigts surnuméraires, ou de leur apparition dans des familles où il n’y en avait pas auparavant, sont plus fréquents encore que les cas héréditaires. Beaucoup d’autres déviations de structure, presque aussi anormales que les doigts supplémentaires, telles que des phalanges manquantes, des articulations renflées, des doigts courbés, etc., peuvent aussi être fortement héréditaires, présenter des intermittences et reparaître, sans qu’il y ait aucune raison d’admettre que, dans ces cas, les deux parents aient été affectés des mêmes déformations[29].

On a observé des doigts supplémentaires chez les nègres, et dans d’autres races humaines, ainsi que dans quelques animaux inférieurs. Six doigts ont été décrits sur les pattes postérieures du Triton (Salamandra cristata), et de la grenouille. Il faut noter que le Triton à six doigts, quoique adulte, avait conservé quelques-uns de ses caractères larvaires, car il portait encore une portion de son appareil hyoïdien, qui est ordinairement résorbé pendant sa métamorphose. On a observé chez le chien, la transmission de six doigts pendant trois générations ; j’ai entendu parler d’une race de chats sexdigités. Dans plusieurs races de poules, le doigt postérieur est double, et se transmet en général avec constance, comme on le voit dans les croisements des Dorkings avec les rares ordinaires à quatre doigts[30]. Chez les animaux qui ont normalement moins de cinq doigts, le nombre se trouve quelquefois porté à cinq, surtout aux pattes de devant, mais il dépasse rarement ce chiffre, et ce cas est dû au développement d’un doigt déjà existant, mais à un état plus ou moins rudimentaire. Ainsi, dans le chien, qui a ordinairement quatre doigts aux pattes postérieures, il s’en développe, plus ou moins complètement, un cinquième chez les grandes races. On a eu occasion d’observer chez des chevaux, qui ordinairement n’ont qu’un doigt complet, les autres restant rudimentaires, des cas où ces derniers s’étaient développés, et portaient deux ou trois petits sabots distincts ; on a constaté des faits analogues chez les moutons, les chèvres, et les porcs[31].

Un point intéressant, relatif aux doigts surnuméraires, est leur propriété de repousser après amputation. M. White[32] a décrit un enfant âgé de trois ans, dont le pouce était double à partir de la première articulation, il enleva le pouce le plus petit, qui était pourvu d’un ongle, et à son grand étonnement, il repoussa et reproduisit l’ongle. L’enfant fut alors conduit chez un célèbre chirurgien de Londres, qui enleva entièrement et par l’articulation, le pouce nouvellement recrû ; mais il repoussa une seconde fois, en reproduisant encore son ongle. Le Dr Struthers mentionne encore un cas de reproduction partielle d’un pouce additionnel, qui avait été amputé sur un enfant de trois mois ; et le Dr Falconer m’a communiqué un cas analogue, qu’il avait observé lui-même. Je tiens de quelqu’un, qui a le premier attiré mon attention sur ce sujet, les faits suivants arrivés dans sa famille. Lui-même, avec deux frères et une sœur, étaient nés avec un doigt supplémentaire à chaque extrémité. Ses parents n’offraient rien de semblable, et il n’y avait pas dans la famille de tradition qu’aucun de ses membres eût jamais présenté cette particularité. On avait, pendant son enfance, grossièrement enlevé les deux doigts supplémentaires des pieds, qui étaient attachés par l’os ; mais le tronçon de l’un d’eux avait repoussé et avait été amputé à sa trente-troisième année. Il a eu quatorze enfants, dont trois ont hérité de doigts additionnels, et dont l’un avait été opéré par un habile chirurgien, à l’âge de six semaines. Le doigt supplémentaire, qui était fixé par l’os au côté externe de la main, fut enlevé à l’articulation ; la blessure se ferma, mais le doigt commença immédiatement à repousser, et au bout de trois mois, on dut une seconde fois enlever le tronçon par sa racine. Il a repoussé depuis, et a actuellement un tiers de pouce de long, renferme un os, et devra être opéré encore une troisième fois. L’auteur a depuis eu connaissance d’un autre cas de recroissance d’un doigt surnuméraire.

Les doigts normaux de l’homme adulte, des mammifères, des oiseaux, et des vrais reptiles, n’ont nullement la propriété de repousser. Ce qui paraîtrait s’en rapprocher le plus, serait la réapparition occasionnelle d’ongles imparfaits, sur les tronçons des doigts qui ont subi une amputation[33]. Mais, à l’état embryonnaire, la puissance de régénération est considérable, car Sir J. Simpson[34] a plusieurs fois observé des bras qui avaient été coupés dans l’utérus, par des bandes de fausses membranes, et qui avaient repoussé jusqu’à un certain point. Dans un cas, l’extrémité du bras était divisée en trois petits mamelons, sur deux desquels on pouvait reconnaître de petits ongles, montrant que ces mamelons représentaient des doigts en voie de croissance. Si nous descendons dans les classes inférieures des vertébrés, qu’on considère en général comme représentant les classes plus élevées dans leur état embryonnaire, nous trouvons alors une grande puissance de régénération. Spallanzani[35] a coupé les pattes et la queue d’une salamandre six fois, et Bonnet jusqu’à huit fois de suite, et ces parties se sont reproduites. Un doigt supplémentaire a été quelquefois régénéré, après que Bonnet eut enlevé ou divisé longitudinalement une patte, et dans un cas, trois doigts supplémentaires furent ainsi formés[36]. À première vue, ces cas paraissent tout à fait distincts de la production congénitale de doigts supplémentaires chez les animaux supérieurs, mais théoriquement, ainsi que nous le verrons plus tard, il n’y a pas là de différence réelle. Les têtards ou larves des Batraciens anoures, mais non les adultes[37], peuvent reproduire leurs membres perdus[38]. Enfin, comme me l’apprennent MM. J. Briggs et F. Buckland, des portions de nageoires pectorales et caudales, enlevées à divers poissons d’eau douce, se reproduisent complètement au bout de six semaines.


Nous pouvons, de ces divers faits, conclure que, chez l’homme, les doigts surnuméraires conservent, jusqu’à un certain point, une condition embryonnaire, et ressemblent sous ce rapport, aux doigts et aux membres normaux des classes inférieures des vertébrés. Il y a aussi entre eux et les doigts de quelques animaux inférieurs cette analogie, qu’ils excèdent le nombre de cinq ; car aucun mammifère, oiseau, reptile ou amphibien (à moins qu’on ne considère comme un doigt, le tubercule qui se trouve sur les pattes postérieures du crapaud et autres Batraciens anoures), n’a plus de cinq doigts, tandis qu’on rencontre quelquefois chez les poissons, une vingtaine d’os métacarpiens et phalangiens, qui, avec leurs filaments osseux, représentent apparemment nos doigts avec leurs ongles. Ainsi encore, dans certains reptiles éteints, les Ichthyopterygia, on peut trouver sept, huit, ou neuf doigts, fait qui, d’après le professeur Owen, est un indice significatif de leur affinité avec les poissons[39].

Il est difficile d’arriver à rattacher tous ces faits à une loi ; le nombre variable des doigts additionnels, — leur attachement irrégulier, tantôt au bord intérieur, tantôt au bord extérieur de la main, — tous les degrés qui peuvent être suivis depuis un simple rudiment de doigt jusqu’à une main double complète, — l’apparition occasionnelle chez le Triton de doigts supplémentaires, après l’amputation d’un membre, — tous ces cas paraissent n’être que des monstruosités flottantes, et c’est peut-être tout ce que nous pouvons en dire avec quelque certitude. Toutefois, comme dans les animaux supérieurs les doigts supplémentaires semblent, par leur propriété de reproduction et par leur nombre qui excède cinq, participer de la nature de ceux des animaux inférieurs ; — comme ils ne sont pas rares et se transmettent avec une certaine force ; — et que chez les animaux qui ont moins de cinq doigts, lorsqu’il en apparaît un supplémentaire, il est généralement dû au développement d’un rudiment visible ; — nous sommes conduits à soupçonner que, même en l’absence de tout rudiment réel et visible, il existe chez tous les mammifères, l’homme compris, une tendance latente à la formation d’un doigt additionnel. D’après cette idée, comme nous le verrons plus clairement dans le chapitre suivant, en traitant des tendances latentes, nous devrions considérer le fait dans son ensemble, comme un cas de retour vers un ancêtre prodigieusement éloigné, d’une organisation inférieure, et multidigité.

Je puis maintenant mentionner une classe de faits voisins, mais quelque peu différents, des cas ordinaires d’hérédité. Sir H. Holland[40] a constaté que des frères et sœurs d’une même famille, sont souvent atteints, et cela à peu près au même âge, d’une maladie particulière n’ayant pas antérieurement paru dans la famille. Il signale l’apparition du diabète chez trois frères âgés de moins de dix ans ; et remarque encore que des enfants d’une même famille présentent fréquemment des symptômes spéciaux et semblables, dans les maladies ordinaires de l’enfance. Mon père m’a signalé un cas de quatre frères, qui moururent entre soixante et soixante-dix ans, tous dans un même état comateux tout à fait particulier. Nous avons déjà mentionné un cas de doigts surnuméraires, s’étant manifestés chez quatre enfants sur six, appartenant à une famille, dans laquelle il n’y avait précédemment eu aucun cas du même genre. Le Dr Devay[41] signale celui de deux frères, ayant épousé deux sœurs, leurs cousines germaines ; aucun des quatre n’était albinos, et il n’y en avait point eu précédemment dans la famille ; les sept enfants issus de ce double mariage furent cependant tous des albinos parfaits. M. Sedgwick[42] a montré que dans plusieurs de ces cas, il y a probablement un retour à un ancêtre éloigné, dont on n’a pas conservé le souvenir ; mais tous, d’ailleurs, se rattachent à l’hérédité, en ce sens que les enfants ayant hérité d’une constitution semblable à celle de leurs parents, et se trouvant dans des conditions extérieures à peu près les mêmes, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils soient affectés d’une même manière, et à la même période de leur vie.

Les faits qui précèdent, témoignent de l’énergie de l’hérédité ; nous allons maintenant en voir d’autres, qui montrent combien elle est quelquefois faible et capricieuse. À l’apparition d’une nouvelle particularité, nous ne pouvons jamais prédire d’avance si elle sera héréditaire. Lorsque l’un et l’autre parent ont, dès leur naissance, une même particularité, il y a grande probabilité qu’elle sera transmise, à une partie au moins de leurs descendants. Nous avons vu, dans le cas de la panachure des feuilles de certaines plantes, que ce caractère se transmettait plus faiblement, par la graine d’une branche devenue panachée par variation de bourgeons, que par celle recueillie sur des plantes panachées, elles-mêmes levées de graine. Dans la plupart des plantes, la puissance de transmission dépend évidemment de quelque capacité innée de l’individu : ainsi, Vilmorin[43], ayant levé un certain nombre de plantes de la graine d’une balsamine d’une couleur particulière, qui toutes ressemblèrent à la plante mère, quelques-unes d’entre elles ne transmirent pas le caractère nouveau, tandis que les autres reproduisirent, pendant plusieurs générations successives, des descendants qui leur ressemblaient complètement. Dans une variété de rose, Vilmorin a trouvé que sur six plantes, deux seulement avaient pu transmettre à leurs produits les caractères désirés.


Le facies particulier des arbres pleureurs ou à branches pendantes, est dans certains cas fortement héréditaire, et dans d’autres très-peu, sans qu’on puisse en donner la raison. J’ai choisi ce caractère comme un exemple d’hérédité capricieuse, parce qu’il n’est pas inhérent à l’espèce primitive, et parce que les deux sexes se trouvant réunis sur le même arbre, tendent tous deux à le transmettre chacun de leur côté. En supposant même qu’il ait pu, dans quelques cas, y avoir croisement avec des arbres voisins de la même espèce, il ne serait pas probable que tous les produits levés de graine, eussent été ainsi affectés. Il existe à Moccas-Court, un chêne pleureur célèbre, dont beaucoup de branches, sans être plus épaisses qu’une corde de grosseur ordinaire, atteignent jusqu’à 30 pieds de longueur ; cet arbre transmet son caractère pleureur, à un plus ou moins haut degré, à toutes les plantes levées de sa graine, et dont les unes sont d’emblée assez flexibles, pour qu’il faille les soutenir par des tuteurs, tandis que d’autres ne deviennent pendantes qu’à l’âge de vingt ans[44]. M. Rivers a fécondé les fleurs d’une nouvelle variété pleureuse belge de l’aubépine (Cratægus oxyacantha) par du pollen d’une variété écarlate non pleureuse de la même espèce ; et trois arbres ont manifesté, à l’âge de six à sept ans, une tendance marquée à acquérir le facies pleureur de la plante mère, quoiqu’à un degré moins prononcé. D’après M. Mac Nab[45], des plantes levées de la graine d’un magnifique bouleau pleureur (Betula alba) ont crû, au Jardin botanique d’Édimbourg, parfaitement droit pendant les dix ou quinze premières années et sont ensuite devenues toutes pendantes comme la plante mère. Un pêcher, à branches pendantes comme celles d’un saule pleureur, s’est aussi propagé par graines[46]. Enfin, un if pleureur (Taxus baccata) fut trouvé dans une haie dans le Shropshire ; c’était une plante mâle, mais dont une branche portait des fleurs femelles ; les baies provenant de celles-ci semées ensuite, donneront dix-sept plantes, toutes semblables par leur habitus à celle dont elles provenaient[47].

Ces faits semblent indiquer une transmission assez constante du facies pleureur, mais en voici la contre-partie. M. Mac Nab[48] ayant semé des graines du hêtre pleureur (Fagus sylvatica), n’en obtint que des hêtres ordinaires. Sur ma demande, M. Rivers leva de graine quelques plantes de trois variétés distinctes de l’ormeau pleureur, dont l’un au moins était situé de façon à ne pouvoir être croisé par aucun autre ormeau, et cependant aucun des jeunes arbres, quoique ayant atteint deux pieds de hauteur, n’a montré la moindre tendance à avoir les branches pendantes. M. Rivers avait semé autrefois environ vingt mille graines du frêne pleureur (Fraxinus excelsior), sans voir lever une seule plante présentant ce caractère ; et M. Borchmeyer, en Allemagne, a obtenu le même résultat sur un semis d’un millier de graines. D’autre part, M. Anderson, au Jardin botanique de Chelsea, a levé plusieurs arbres pendants de la graine d’un frêne pleureur qui avait été trouvé vers 1780 dans le Cambridgeshire[49]. Le professeur Henslow m’apprend qu’au Jardin botanique de Cambridge quelques plantes provenant de la graine d’un frêne pleureur avaient d’abord présenté le même aspect, mais s’étaient ensuite complètement redressées ; il est probable que cet arbre, qui transmet jusqu’à un certain point son caractère pleureur, a dû provenir de la même souche originale du Cambridgeshire, tandis que d’autres frênes pleureurs peuvent avoir une origine différente. Mais le cas qui montre le mieux combien est capricieuse l’hérédité du caractère pleureur chez les arbres, est le suivant, qui m’a été communiqué par M. Rivers, et est relatif à une variété d’une autre espèce de frêne, le Fraxinus lentiscifolia. Cet arbre, âgé d’environ vingt ans, et autrefois pleureur, avait depuis longtemps perdu cet habitus, car toutes ses branches étaient complètement redressées ; mais des plantes qui avaient précédemment été levées de sa graine, étaient complètement pendantes, leurs tiges ne s’élevant pas à plus de deux pouces du sol. Ainsi la variété pleureuse du frêne commun, dit M. Rivers, qui a pendant fort longtemps été propagée par bourgeons, et cela sur une grande échelle, n’a pas pu transmettre son caractère à une plante sur vingt mille, tandis que la variété pleureuse d’une seconde espèce de frêne, qui n’a pas pu, plantée dans le même jardin, conserver son caractère particulier, l’a transmis d’une manière exagérée aux produits de sa propre graine.

On peut encore citer beaucoup de faits analogues sur les caprices de l’hérédité. Tous les produits de graine d’une variété de l’épine-vinette (B. vulgaris) à feuilles rouges, ont hérité du même caractère, et un tiers seulement des semis de graine du hêtre pourpre commun (Fagus sylvatica), ont présenté des feuilles pourpres. Sur les semis d’une variété de cerisier à fruits jaunes (Cerasus padus), pas un sur cent n’a donné des fruits de cette couleur ; un douzième des semis de la variété du Cornus mascula, à fruits jaunes, a conservé le type[50], et enfin, tous les arbres levés par mon père de la graine d’un houx sauvage à baies jaunes (Ilex aquifolium) donnèrent des fruits jaunes. Vilmorin[51] ayant observé dans un semis de Saponaria calabrica une variété naine, en sema la graine, et obtint un grand nombre de plantes, dont quelques-unes ressemblèrent partiellement à la plante mère. Il en recueillit la graine, mais à la seconde génération les produits ne furent plus nains. D’autre part, le même observateur a remarqué parmi des variétés ordinaires du Tagetes signata une plante rabougrie et touffue, qui provenait probablement d’un croisement, — car presque tous ses produits de semis offraient des caractères intermédiaires, — cependant quelques-unes de ses graines reproduisirent si complètement la nouvelle variété, que presque aucune sélection n’a été ultérieurement nécessaire pour la conserver.

Les fleurs peuvent transmettre leur couleur, tantôt exactement, tantôt de la manière la plus capricieuse. Un grand nombre d’annuelles sont constantes ; ainsi, j’ai acheté des graines d’Allemagne, de 34 sous-variétés dénommées, d’une race de Matthiola annua, et en ai levé cent quarante plantes, qui toutes, à l’exception d’une seule, sont bien venues. Je dois cependant expliquer que je n’ai pu distinguer que vingt sortes sur les trente-quatre dénommées, et que les couleurs des fleurs ne correspondaient pas toujours au nom que portait le paquet ; mais j’entends qu’elles étaient bien venues, en ce sens que dans chacune des rangées que j’avais consacrée à chaque sorte, toutes les plantes étaient pareilles, une seule exceptée. Je me suis encore procuré des graines de même provenance, de vingt-cinq variétés d’Asters, dont j’ai levé cent vingt-quatre plantes, qui, à l’exception de dix, furent conformes au type, dans le sens ci-dessus indiqué ; encore ai-je compris dans ces dix même celles qui ne présentaient pas la vraie nuance de couleur.

Il est assez singulier que les variétés blanches transmettent généralement leur couleur beaucoup plus fidèlement que les autres. Ce fait est probablement en rapport avec celui observé par Verlot[52], que les fleurs qui sont normalement blanches varient rarement à une autre couleur. J’ai trouvé que, dans le Delphinium consolida et la giroflée, ce sont les variétés blanches qui sont les plus constantes, et il suffit de parcourir les listes de graines des horticulteurs pour voir qu’un grand nombre de variétés blanches se propagent par graine. Les diverses variétés colorées du pois de senteur (Lathyrus odoratus) sont très-constantes, mais d’après M. Masters de Canterbury, qui s’est beaucoup occupé de cette plante, c’est encore la variété blanche qui l’est le plus. La jacinthe propagée de graine est extrêmement variable de couleur, mais les jacinthes blanches reproduisent presque toujours de graine des plantes à fleurs blanches[53] ; d’après M. Masters, les jacinthes jaunes reproduisent aussi leur couleur, mais avec des différences de nuance. D’autre part, les variétés roses et les bleues, qui sont la couleur naturelle, sont loin d’être aussi constantes ; il en résulte, selon la remarque de M. Masters, qu’une variété de jardin peut acquérir un aspect plus constant qu’une espèce naturelle ; il est vrai que cela a lieu sous l’influence de la culture, et par conséquent dans des conditions modifiées.

Dans un grand nombre de fleurs, surtout dans les vivaces, rien n’est plus changeant que la couleur des produits de semis ; c’est surtout le cas dans les verveines, les œillets, les dahlias, les cinéraires et d’autres fleurs[54]. J’ai semé la graine de douze variétés dénommées du muflier (Antirrhinum majus), et n’ai obtenu comme résultat qu’une confusion inextricable. Il est probable que, dans la plupart des cas, l’excessive mobilité de la couleur des plantes de semis provient en grande partie de croisements opérés dans les générations antérieures entre des variétés de diverses couleurs. C’est presque certainement le cas pour la tubéreuse et les primevères colorées (Primula veris et vulgaris), vu leur conformation dimorphe[55], et que les horticulteurs regardent comme ne se reproduisant jamais d’une manière constante par graine ; on peut cependant observer que si on évite avec soin tout croisement, ces espèces ne se montrent pas d’une inconstance absolue. J’ai pu ainsi obtenir d’une primevère pourpre, fécondée par son propre pollen, vingt-trois plantes dont dix-huit furent pourpres de diverses nuances, les cinq autres ayant seules fait retour à la couleur jaune ordinaire. J’ai encore obtenu d’une primevère d’un rouge vif, traitée par M. Scott de la même manière, vingt plantes toutes identiques à la plante mère ; et, à la seconde génération, soixante-douze, qui, à l’exception d’une seule, furent dans le même cas. Il est très-probable que, même pour les fleurs les plus variables, on arriverait à fixer d’une manière permanente les nuances de couleur les plus délicates, et à les transmettre par graine par une sélection soutenue, une culture suivie dans un sol toujours le même, et surtout en évitant les croisements. C’est ce qui me paraît résulter de ce que j’ai observé dans quelques pieds-d’alouette annuels (Delphinium consolida et ajacis), dont les semis communs présentent la plus grande diversité dans les couleurs ; et cependant, ayant semé de la graine d’Allemagne de cinq variétés distinctes du D. consolida, je n’ai trouvé sur quatre-vingt-quatorze plantes levées de ce semis, que neuf qui ne furent pas conformes ; les semis de six variétés du D. ajacis se sont comportés de même. Un botaniste éminent soutient que les espèces annuelles de Delphinium se fécondent toujours par elles-mêmes ; je crois donc devoir signaler le fait que trente-deux fleurs portées sur une branche de D. consolida, enfermées dans un filet, produisirent vingt-sept capsules contenant en moyenne 17,2 de bonne graine, tandis que cinq fleurs sous le même filet, que j’avais fécondées artificiellement, comme le font les abeilles par leurs visites réitérées à chaque fleur, donnèrent cinq capsules renfermant une moyenne de 35,2 de belle graine ; ce qui montre que l’intervention des insectes est nécessaire pour augmenter la fécondité de la plante. On pourrait encore citer beaucoup de faits analogues sur les croisements d’autres fleurs, telles que les œillets, etc., dont les variétés offrent de grandes fluctuations de couleur.

Il en est des animaux domestiques comme des fleurs : il n’y a pas de caractère plus variable que celui de la couleur, surtout chez le cheval. Mais avec de l’attention dans l’élevage on arriverait très-promptement à former des races d’une couleur déterminée. Hofacker rapporte le résultat obtenu en appariant deux cent seize juments de quatre couleurs différentes avec des étalons de mêmes manteaux, sans égard à ceux de leurs ancêtres ; sur les deux cent seize poulains nés, onze seulement n’héritèrent pas du manteau de leurs parents. Autenrieth et Ammon assurent qu’après deux générations, on obtient avec certitude des poulains d’une couleur uniforme[56].


Dans quelques cas rares, certaines particularités paraissent n’être pas transmises, par le fait même d’une trop grande énergie de la force d’hérédité. Ainsi, des éleveurs de canaris m’ont assuré que, pour obtenir un bel oiseau jonquille, il ne fallait pas apparier deux canaris de cette nuance, car alors elle ressortait trop intense chez le produit, et tournait souvent au brun. De même, si on apparie deux canaris à huppe, les jeunes héritent rarement de ce caractère[57], car dans les oiseaux huppés il reste sur le derrière de la tête, au point où les plumes se retroussent pour former la huppe, un petit espace de peau nue qui, lorsque les deux parents sont ainsi caractérisés, s’étend considérablement, et la huppe elle-même ne se développe pas. M. Hewitt dit ce qui suit des Sebright Bantams galonnés[58] : « Je ne saurais dire pourquoi, mais il est certain que les oiseaux les mieux galonnés donnent souvent des produits très-imparfaitement marqués ; tandis que beaucoup de ceux que j’ai exposés et qui ont eu du succès, provenaient de l’union d’oiseaux très-fortement galonnés, avec d’autres qui ne l’étaient que d’une manière très-insuffisante. »

On a remarqué que, bien que dans une même famille on rencontre souvent plusieurs sourds-muets, et que la même infirmité s’observe chez des cousins ou autres alliés, il est rare que les parents soient atteints de surdimutisme. Pour en citer un exemple, sur 148 enfants présents en même temps à l’Institut des sourds-muets de Londres, pas un seul ne provenait de parents semblablement affectés. Encore, lorsqu’un sourd-muet de l’un ou l’autre sexe se marie avec une personne saine, il est rare que les enfants présentent l’infirmité : en Irlande, sur 203 enfants dont les parents étaient dans ce cas, un seul se trouvait muet. Et même, dans les cas de surdimutisme chez les deux parents, sur 41 mariages dans les États-Unis et 6 en Irlande, il ne naquit que 2 enfants sourds et muets. En commentant ce fait remarquable et fort heureux de l’interruption occasionnelle dans la transmission en ligne directe de cette infirmité, M. Sedgwick[59] croit devoir l’attribuer à ce que « son excès même renverse l’action de quelque loi naturelle du développement. » Mais, dans l’état actuel de nos connaissances, je crois qu’il est plus sûr de regarder ce fait comme simplement inexplicable.

Quant aux faits relatifs à l’hérédité de mutilations ou d’altérations causées par maladie, il est difficile d’arriver à des conclusions certaines. Dans quelques cas, des mutilations ont pu être pratiquées pendant un grand nombre de générations, sans aucun résultat héréditaire. Godron[60] a fait remarquer que, de temps immémorial, certaines races humaines se font sauter les incisives supérieures, s’amputent des phalanges des doigts, se pratiquent des trous énormes dans les lobes des oreilles ou dans les narines, s’entaillent profondément diverses parties du corps, sans qu’on ait aucune raison de croire à l’hérédité de ces mutilations. Des adhérences résultant d’inflammation, ou les marques de petite vérole (et autrefois, bien des générations consécutives ont dû ainsi être marquées), ne sont pas héréditaires. Je tiens de trois médecins israélites que la circoncision, qui est pratiquée depuis tant de générations chez leurs coreligionnaires, n’a eu aucun effet héréditaire ; d’un autre côté, Blumenbach assure[61] qu’en Allemagne les Juifs naissent quelquefois dans un état qui rend l’opération inutile, et auquel on a donné un nom qui signifie « né circoncis. » Le chêne et d’autres arbres ont dû porter des galles dès les temps primitifs ; ils ne produisent cependant pas des excroissances héréditaires, et on pourrait encore citer bien d’autres faits analogues.

On a d’autre part signalé divers cas de chats, chiens et chevaux, qui ont eu la queue, les jambes, etc., amputées ou mutilées, et dont les produits ont présenté une déformation des mêmes parties ; mais comme de semblables difformités apparaissent souvent d’une manière spontanée, ces cas peuvent n’être que de simples coïncidences. Toutefois, le Dr P. Lucas, d’après de bonnes autorités, a dressé une liste si longue de lésions héréditaires, qu’il est difficile de ne pas admettre leur possibilité. Ainsi, une vache ayant perdu une corne par accident, perte suivie de suppuration, donna ensuite naissance à trois veaux auxquels la corne du même côté de la tête manquait. Il n’est pas douteux que, chez le cheval, les exostoses des jambes, causées par un excès de travail sur les routes dures, ne soient héréditaires. Blumenbach cite le cas d’un homme dont le petit doigt de la main droite avait été presque entièrement coupé, et par suite était devenu tordu, et dont les fils eurent, à la même main, le petit doigt dans le même état. Un soldat qui, quinze ans avant son mariage, avait perdu l’œil gauche à la suite d’une ophthalmie purulente, eut plus tard deux fils qui, du même côté, furent microphthalmes[62]. Si ces cas, où un parent ayant eu un organe lésé a eu plus d’un enfant présentant du même côté le même organe affecté, sont vrais, il faut convenir que la probabilité d’une simple coïncidence est bien faible. Mais le fait le plus remarquable et le plus digne de foi est celui qu’a signalé le Dr Brown-Sequard[63], à propos du cochon d’Inde. Cet observateur a constaté chez de jeunes animaux de cette espèce, provenant de parents sur lesquels il avait, dans un but d’expérimentations physiologiques, pratiqué une opération particulière, qui déterminait dans le cours de quelques semaines une maladie convulsive semblable à l’épilepsie, une tendance héréditaire à de semblables convulsions épileptiques, dont les jeunes cochons d’Inde provenant d’animaux non opérés ne lui ont jamais offert la moindre trace. En somme, nous ne pouvons guère nous refuser à admettre que des lésions ou mutilations peuvent être occasionnellement héréditaires, surtout, ou peut-être même seulement, lorsqu’elles sont suivies de maladie.

Quoique bien des monstruosités congénitales soient héréditaires, ainsi que nous en avons vu des exemples auxquels on peut encore ajouter le cas récemment signalé d’une transmission dans la même famille, et pendant un siècle, d’un bec-de-lièvre avec fissure du palais[64], il est d’autres difformités qui sont rarement ou jamais héréditaires. Il en est probablement un certain nombre qui, dues à des lésions survenues dans la matrice ou dans l’œuf, doivent être groupées sous le chef des mutilations ou accidents non transmissibles. On pourrait dresser une longue liste de cas de monstruosités héréditaires des plus importantes et des plus diverses chez les plantes, sans que nous ayons aucune raison pour les attribuer à des lésions directes de la graine ou de l’embryon.

CAUSES DE NON-HÉRÉDITÉ.

On peut s’expliquer un grand nombre de cas dans lesquels l’hérédité paraît faire défaut, en admettant que la tendance héréditaire existant réellement, se trouve contre-balancée et annulée par des conditions extérieures hostiles ou défavorables. Ainsi, on ne saurait prétendre que nos porcs améliorés pussent continuer à transmettre à leur descendance, comme ils le font actuellement, leur tendance à l’engraissement, et leurs pattes et museau courts, si, pendant plusieurs générations, on les laissait courir en liberté et fouiller la terre pour y chercher leur nourriture. Les gros chevaux de trait ne transmettraient certes pas longtemps leur grande taille et leurs membres massifs, si on les obligeait à vivre dans une région montagneuse, froide et humide ; nous avons la preuve évidente d’une pareille dégénérescence dans les chevaux redevenus sauvages des îles Falkland. Dans l’Inde, les chiens européens ne transmettent souvent plus leurs caractères. Dans les pays tropicaux, nos moutons perdent leur toison après un petit nombre de générations. Il paraît y avoir aussi une relation intime entre certains pâturages et l’hérédité de l’énorme queue des moutons à queue traînante, qui constituent en Orient une des races les plus anciennes du globe. Quant aux plantes, nous avons vu le maïs américain perdre ses caractères au bout de trois ou quatre générations, lorsqu’on le cultive en Europe. Nos choux, qui se reproduisent d’une manière constante de graine, ne peuvent pas développer de têtes dans les pays chauds. Sous l’influence de changements dans les circonstances ambiantes, certaines propriétés périodiques cessent de se transmettre, comme l’époque de la maturation chez les froments d’été et d’hiver, l’orge et la vesce. Il en est de même pour les animaux ; ainsi des œufs du canard Aylesbury, race provenant de la ville de ce nom, où on les tient dans les maisons pour les faire éclore le plus tôt possible dans la saison, en vue du marché de Londres, furent transportés et couvés dans une autre partie fort éloignée de l’Angleterre ; les canards provenant de ces œufs firent, l’année suivante, leur première couvée le 24 janvier, tandis que les autres canards de la même basse-cour, traités de la même manière, ne furent éclos qu’à la fin de mars ; ce qui montre bien que l’époque de l’éclosion était héréditaire. Mais, à la seconde génération, les canards Aylesbury avaient déjà perdu leurs habitudes d’incubation précoce, et l’époque d’éclosion de leurs œufs fut désormais la même que pour ceux des autres canards de la localité.

Il est des cas de défaut d’hérédité qui semblent résulter de ce que les conditions extérieures paraissent constamment provoquer de nouvelles variations. Nous avons vu que, lorsqu’on sème des graines de poires, pommes, prunes, etc., les plantes levées de semis héritent généralement de l’air de famille de la variété parente. Dans le nombre, il en apparaît quelques-unes, parfois beaucoup, qui ressemblent à des sauvageons sans valeur, et dont on peut attribuer l’apparition à un effet de retour ; mais il n’y en a presque point qui ressemblent complètement à la forme mère ; ceci me paraît pouvoir s’expliquer par l’intervention incessante d’une variabilité causée par les conditions extérieures. Je serais disposé à le croire, d’après l’observation faite que certains arbres fruitiers propagent bien leur type tant qu’ils croissent sur leurs propres racines, tandis que lorsqu’ils sont greffés, fait qui doit évidemment affecter leur état naturel, ils produisent de graine des plantes qui varient considérablement et s’écartent, par beaucoup de caractères, du type de la forme parente[65]. Metzger, comme nous l’avons vu dans le neuvième chapitre, a trouvé que quelques sortes de froment, importées d’Espagne et cultivées en Allemagne, avaient, pendant quelques années, cessé de reproduire leur type propre, mais qu’ensuite, accoutumées à leurs nouvelles conditions, leurs variations s’étaient arrêtées, et l’influence de l’hérédité avait repris le dessus. Presque toutes les plantes, qui ne peuvent être propagées avec quelque certitude par graine, sont de celles qu’on a longtemps multipliées par bourgeons, boutures, rejetons, tubercules, etc., et ont, par conséquent, pendant leur vie individuelle, été fréquemment exposées à des conditions extérieures des plus diverses. Les plantes, ainsi propagées, deviennent si variables, qu’elles sont éminemment aptes, ainsi que nous l’avons vu dans le précédent chapitre, à présenter des variations de bourgeons. Nos animaux domestiques qui, pendant leur vie individuelle, ne sont point exposés à des conditions aussi diverses ni aussi opposées, ne présentent pas d’autre part une variabilité aussi excessive, et ne perdent par conséquent pas leur faculté de transmettre la plupart de leurs traits caractéristiques. Dans les remarques qui précèdent sur le défaut occasionnel de l’hérédité, nous avons exclu les races croisées, puisque leurs différences dépendent surtout d’un développement inégal des caractères dérivés de chaque parent, et modifiés par les effets de retour ou par l’action prépondérante de l’un d’eux.

CONCLUSION.

Nous avons, au commencement de ce chapitre, montré combien sont fortement héréditaires les caractères nouveaux les plus différents par leur nature, qu’ils soient normaux ou non, nuisibles ou avantageux, et qu’ils affectent des organes de la plus haute, ou de la moindre importance. Contrairement à l’opinion commune, il suffit souvent qu’un seul des parents possède un caractère particulier, pour qu’il soit transmis au produit, comme dans la plupart des cas d’hérédité d’anomalies rares, que nous avons signalés. Mais la puissance de transmission est très-variable ; sur un certain nombre d’individus, provenant des mêmes parents et traités de la même manière, les uns auront cette puissance à un haut degré, tandis qu’elle manquera complètement chez d’autres, sans que nous puissions assigner aucune cause à cette différence. Dans quelques cas, les effets de lésions et de mutilations paraissent héréditaires, et nous verrons, dans un chapitre futur, que ceux résultant de l’usage ou du défaut d’usage longtemps continué de certaines parties, le sont incontestablement. Même les caractères qu’on considère comme les plus mobiles, tels que la couleur, sont, à de rares exceptions près, beaucoup plus fortement transmis qu’on ne le suppose généralement. En fait, le plus étonnant n’est pas que tous les caractères puissent ainsi se transmettre, mais bien plutôt que leur transmission héréditaire fasse parfois défaut. Ces exceptions à l’hérédité doivent, autant que nous pouvons le savoir, dépendre : 1o de circonstances qui paraissent hostiles ou contraires au développement du caractère particulier que possède l’ascendant ; 2o de conditions extérieures provoquant constamment une variabilité nouvelle ; 3o de croisements opérés dans quelque génération antérieure, entre variétés distinctes, joints à l’intervention de l’atavisme ou retour, c’est-à-dire tendance, chez l’enfant, à ressembler à ses grands-parents ou même à des ancêtres plus éloignés, plutôt qu’à ses parents immédiats ; sujet que nous allons discuter plus complètement dans le chapitre suivant.



  1. Medical notes and reflections, 3e édit., 1855, p. 267.
  2. M. Buckle, dans son ouvrage On Civilisation, exprime des doutes sur ce sujet, faute de documents statistiques. — M. Bowen, prof. de philosophie morale, Proc. American Acad. of sciences, vol. v, p. 102.
  3. Pour les lévriers, Low, Dom. anim. of the British Islands, 1815, p. 721. — Pour les coqs de combat, Poultry Book, 1866, p. 123. — Pour les porcs, édition Sydney de Youatt, On the Pig, 1860. p. 11, 12.
  4. The Stud farm, par Cecil, p. 39.
  5. Philos. Transactions, 1755, p. 23. Je n’ai eu que peu de renseignements de seconde main sur les deux petits-fils. M. Sedgwick raconte que quatre générations furent ainsi affectées, et seulement les mâles de chacune.
  6. Barbara van Beck, figurée dans Woodburn’s Gallery of Rare Portraits, 1816, vol. II.
  7. Proc. Zool. Soc., 1833, p. 16.
  8. Hofacker, Ueber die Eigenschatften, etc., I, 1828, p. 34. — Rapport de Pariset dans Comptes rendus, 1847, p. 592.
  9. Hunter, dans Harlan’s Med. Researches, p. 530. — Sir A. Carlisle, Phil. Transact., 1814, p. 94.
  10. Girou de Buzareingues, de la Génération, p. 282.
  11. Macmillan’s Magazine, juillet et août 1865.
  12. Dr P. Lucas, Traité de l’Hérédité naturelle, 1847. — M. W. Sedgwick, British and Foreign Medic. Chirurg. Review, avril et juillet 1861, et 1863, citation du Dr Garrod sur la goutte. — Sir H. Holland, Medical notes and reflections, 3e édit., 1855. — Piorry, de l’Hérédité dans les maladies, 1840. — Adams, Philos. Treatise on hereditary peculiarities, 2e édit., 1815. — Dr J. Steinan, Essay on hereditary diseases, 1843. — Paget, Medical Times, 1857. p. 192, sur l’hérédité du cancer. — Dr Gould, Proc. of American Acad. of sciences, nov., 8, 1853, donne un cas fort curieux d’une hémorrhagie héréditaire pendant quatre générations. — Harlan, Medical Researches, p. 593.
  13. Marshall, cité par Youatt dans son ouvrage On Cattle, p. 284.
  14. Philosoph. Transact., 1814, p. 94.
  15. O. C., p. 33.
  16. Cette affection a été fort bien décrite et regardée comme héréditaire par le Dr Donders, d’Utrecht, dont l’ouvrage a été publié en anglais en 1864 par la Société de Sydenham.

    Les conclusions principales du travail du Dr P. C. Donders sur les Anomalies de la Réfraction et de l’Accommodation de l’œil ont été traduites en français par le Dr F. Monoyer, et publiées dans le Journal de l’Anatomie et de la Physiologie du Dr Charles Robin, Paris, 1865 ; 2e année, p. 1–35 et 153–170. (Note du trad.)

  17. Cité dans H. Spencer, Principles of Biology, vol. I. p. 244.
  18. Sedgwick, British and Foreign, etc., 1861, p. 482–6. — Dr P. Lucas, O. C., t. I, p. 391–408.
  19. Dr Osborne, président du collège royal des médecins d’Irlande, a publié ce cas dans Dublin medical Journal, 1835.
  20. Les renseignements ci-dessus sont empruntés aux travaux suivants : — Youatt, The Horse, p. 35, 220. — Lawrence, The Horse, p. 30. — Karkeek, Gardener’s chronicle, 1853, p. 92. — Burke, Journal of R. Agric. Soc. of England, vol. v, p. 511. — Encyclop. of rural Sports, p. 279. — Girou de Buzareingues, Philosoph. Phys., p. 215. — Voir dans le Veterinary les travaux suivants : Roberts, vol. II, p. 144 ; — Marimpoey, vol. II, p. 387 ; — Karkeek, vol. IV, p. 5 ; — Youatt, sur le goitre chez les chiens, vol. v, p. 483 ; — Youatt, vol. VI, p. 66, 348, 412 ; — Bernard, vol. XI, p. 539 ; — Dr Samesreuther, sur le bétail, vol. XII, p. 181 ; — Percivall, vol. XIII, p. 47. — Pour la cécité chez le cheval, Dr P. Lucas, O. C., t. I, p. 399. — M. Baker donne dans le Veterinary, vol. XIII, p. 721, un cas frappant de l’hérédité de la vision imparfaite.
  21. Knight, The culture of the Apple and Pear, p. 34. — Lindley, Horticulture, p. 180.
  22. Youatt, The Horse, p. 48. — Darvill, The Veterinary, vol. VIII, p. 50. — Robson, The Veterinary, vol. III, p. 580. — Lawrence, The Horse, 1829, p. 9. — The Stud Farm, par Cecil, 1851. — Baron Cameronn, cité dans The Veterinary, vol. x, p. 500.
  23. Recreations in Agricult. and Nat. Hist., vol. I, p. 68.
  24. Ueber die Eigenschaften, etc., 1828, p. 107.
  25. Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 132.
  26. Vrolik a discuté ce point en détail dans un ouvrage publié en hollandais, dont M. Paget a eu l’obligeance de me traduire quelques passages. — Voir aussi Isid. G. Saint-Hilaire, Hist. des Anomalies, 1832, t. I, p. 684.
  27. Edinburgh new Phil. Journal, juillet 1863.
  28. Quelques anatomistes, comme Meckel et Cuvier, admettent que le tubercule qui se trouve d’un côté de la patte postérieure des Batraciens anoures représente un cinquième doigt. Lorsqu’on dissèque la patte postérieure d’un crapaud aussitôt qu’il a quitté l’état de têtard, le cartilage partiellement ossifié de ce tubercule ressemble beaucoup à un doigt. Mais, d’après une grande autorité sur ce sujet, Gegenbaur (Untersuchung zur vergleichenden Anat. der Wirbelthiere, Carpus und Tarsus, 1864, p. 63), cette ressemblance ne serait que superficielle et non réelle.
  29. Pour ces diverses assertions, voir Dr Struthers, O. C., surtout sur les interruptions dans la ligne de descendance. — Prof. Huxley, Lectures on our Knowledge of Organic Nature, 1863. p. 97. — Pour l’hérédité, voir Dr P. Lucas, O. C., t. I, p. 325. — Isid. Geoffroy, Anomalies, t. I, p. 701. — Sir A. Carlisle, Philos. Transact., 1814, p. 94. — A. Walker, Intermarriage, 1838, p. 140, cite un cas de cinq générations ; ainsi que M. Sedgwick, British and Foreign Med. Chir. Review, avril 1863, p. 462. — Sur l’hérédité d’autres anomalies, Dr H. Dobell, Med. Chir. Transact., vol. XLVI, 1863. — Sedgwick, O. C., p. 400. — Pour les doigts additionnels chez le nègre, Prichard, Physical History of Mankind. — Dr Dieffenbach, Journal Royal Geograph. Soc., 1841, p, 208, dit que cette anomalie n’est pas rare chez les Polynésiens des îles Chatham.
  30. Poultry Chronicle, 1854, p. 559.
  31. Isid. Geoff. Saint-Hilaire, Hist. des Anomalies, t. I, p. 688–693.
  32. Cité par Carpenter, Principles of Comp. Physiology, 1854, p. 480.
  33. Müller, Physiologie, vol. I, 1845, p. 312. — On a montré à Hull en 1853, devant l’Association britannique, une grive qui avait perdu son tarse, lequel s’était reproduit trois fois ; il avait probablement été perdu chaque fois par maladie.
  34. Monthtly Journal of Medical Science, Edinburgh, 1848 ; vol. II, p. 890.
  35. Essai sur la reproduction animale, 1769, p. 79. (Trad. par le Dr Maty.)
  36. Bonnet, Œuvres d’Hist. nat., t. v, part. I, édit, in-4, 1781, p. 343, 350, 353.
  37. Il en est de même chez les insectes ; les larves peuvent régénérer les membres perdus, ce qu’à l’exception d’un seul ordre, les insectes parfaits ne peuvent pas faire. Mais les Myriapodes, qui représentent les larves des vrais insectes, ont, d’après Newport, cette faculté jusqu’à leur dernière mue. Voir une bonne discussion sur ce sujet dans Carpenter, Principles of Comp. Physiology, 1854, p. 479.
  38. Dr Günther, dans Owen, Anatomy of Vertebrates, vol. I, 1866, p. 567. — Spallanzan a fait des observations analogues.
  39. On the Anatomy of Vertebrates, 1866, p. 170. — Voir p. 166–168 pour ce qui concerne les nageoires pectorales des poissons.
  40. Medical notes, etc., p. 24, 34. — Dr P. Lucas, O. C., t. II, p. 33.
  41. Du Danger des mariages consanguins, 3e édition, 1862, p. 103.
  42. O. C., 1863, p. 183, 189.
  43. Verlot. Production des Variétés, 1862, p. 32.
  44. Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. XII, 1836, p. 368.
  45. Verlot, La Production des Variétés, 1865, p. 41.
  46. Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 121.
  47. Rev. W. A. Leighton, Flora of Shropshire, {pg|497}}. — Charlesworth, Magaz. of Nat. Hist., vol. I, 1837, p. 30.
  48. Verlot, O. C., p. 93.
  49. Pour ces divers faits, voir Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. x, 1834, p. 180, 408 ; — et vol. IX, 1833, p. 597.
  50. Ces faits sont empruntés à Alph. de Candolle, Géog. Bot., p. 1083.
  51. Verlot, O. C., p. 38.
  52. O. C., p. 59.
  53. Alph. de Candolle, O. C., p. 1082.
  54. Cottage Gardener, 10 avril 1860, p. 18, et sept. 10, 1861, p. 456. — Gard. Chronicle, 1845, p. 102.
  55. Darwin, Journal of Proc. Linn. Soc. Bot., 1862, p. 94.
  56. Hofacker, Ueber die Eigenschaften, etc., p. 10.
  57. Bechstein, Naturgesch. Deutschland’s, vol. IV, p. 462. — M. Brest, grand éleveur de canaris, m’informe qu’il considère ces assertions comme exactes.
  58. The Poultry Book, par W. B. Tegetmeier, 1866, p. 245.
  59. O. C. p 1861, p. 200–204, donne de grands détails sur le sujet, avec toutes les références.
  60. De l’Espèce, t. II, 1859, p. 299.
  61. Philosoph. Magazine, vol. IV, 1799, p. 5.
  62. Sedgwick, O. C., p. 484. — Dr P. Lucas, O. C., t. II, p. 492. — Trans. Linn. Soc., vol. IX, p. 323. — Quelques cas curieux sont donnés par M. Baker dans le Veterinary, vol. XIII, p. 723. — Voy. aussi dans Annales des Sciences nat., 1re série, t. XI, p. 324.
  63. Proc. Royal Society, vol. x, p. 297.
  64. M. Sproule, British Medical Journal, 18 avril 1863.
  65. Downing, Fruits of America, p. 5. — Sageret, Pom. Phys., p. 43, 72.