Dernier Amour/Désenchantement

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VIII.

DÉSENCHANTEMENT.


Après ces doux transports, pourquoi cet air si sombre ?
Un bonheur aussi grand n’était-il donc qu’une ombre ?
En avez-vous sitôt perdu le souvenir ?
Est-ce infidélité, caprice ou repentir ?
Est-ce vous ? suis-je moi ? vous n’êtes plus la même !
Je ne me trompe pas, je sais que je vous aime :
Quoi ! sortant de mes bras, un regard si glacé
Répond aux mouvements de mon cœur empressé !
Vos discours sont amers, et vos yeux sans tendresse !
Que s’est-il donc passé ? qui donc à notre ivresse
A mêlé ce poison que je ne connais pas !
Mais je suis insensé ! je le sais trop, hélas !
Ce funeste secret dont se trouble mon âme,
Je l’avais oublié : Vous êtes une femme.





Elle était sans détour, la jeune et noble fille
Qui venait autrefois, si fraîche et si gentille,
Au rendez-vous donné par un amant soumis,
Qu’elle nommait souvent : le meilleur des amis,
Elle ne cachait point son humeur indécise,
Ou jalouse, et voyant sa pénible surprise,

Naïve, elle disait, s’asseyant près de lui :
« Je ne t’aime pas trop, mon amour, aujourd’hui.
— Pourquoi ? que t’ai-je fait ? — Je ne sais, disait-elle,
J’ai pensé tristement, je me sens criminelle,
Je fais mal, cet amour peut-être est mon malheur,
Et s’il me rend heureuse, il trouble bien mon cœur ;
Je n’ai plus de repos, toujours crainte nouvelle,
J’ai rêvé cette nuit que je n’étais plus belle…
Que sais-je ? le fait est que je t’aime bien peu,
Ce matin ! » Et l’amant souriait à l’aveu
Dépourvu d’artifice, et, lisant dans cette âme
D’enfant, par un baiser il ranimait la flamme
Qu’elle croyait éteinte ! Alors, tout triomphant :
« Tu vois bien, disait-il, que tu m’aimes autant. »


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