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Derniers vers (Anna de Noailles)/Amitié pour la mort

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AMITIÉ POUR LA MORT


Amitié pour la mort, voyage sans encombre
Vers l’asile indulgent qui garde les fuyards !
Paisible lâcheté sans reproche, dans l’ombre,
Loin d’un constant décor d’azur ou de brouillards !

Glissement vers le sol qu’on pressent et qu’on frôle
Par les tâtonnements du sommeil épié :
Vertige mol et rond dormant sur notre épaule,
Chaîne silencieuse enroulée à nos pieds !


— Je ne reverrai pas les yeux qui m’ont aimée,
La gaîté de la chair, le rire de l’esprit !
Ma peine rôde autour de la porte fermée,
Je sais ce que mon cœur n’a pourtant pas compris !

Mais lorsque le doux soir, comme une récompense,
Termine la journée aride et sans espoir,
Ô morts qui me semblez la vie et l’abondance,
Je songe qu’en mourant je saurais vous revoir, —

Car l’esprit peut rêver autrement qu’il ne pense !