Derniers vers (Anna de Noailles)/Mirage de Noël
MIRAGE DE NOËL
Plus que l’été d’azur et d’ambre,
J’ai, dans l’enfance, aimé le gel
Du soir ténébreux de Noël
Et le vert sapin dans la chambre.
J’imaginais l’âne et le bœuf
Attiédissant l’ombre glacée,
Les mages, l’étoile empressée,
L’enfant, arrondi comme l’œuf
Du Saint-Esprit, ramier céleste,
Et dont le mystique baiser
S’était divinement posé
Sur la Vierge sainte et modeste.
Que de froidure ! que de vent !
Et le tremblement de la porte !…
Puis, soudain, un roi blanc apporte
Son cadeau d’or. Le roi suivant
Est blanc encore, — mais le troisième
Est un roi noir. J’avais si peur
Qu’il eût honte de sa couleur !
Mais je voyais l’enfant suprême
Accueillir le bon nègre aussi
De son sourire qui protège !
— À présent, je songe au souci
Que m’eût causé, parmi la neige
Qui brillait en mon cœur, le net
Azur baignant les molles palmes,
(Et nul sapin !) pendant le calme
Et chaud Noël de Nazareth !