Des hommes sauvages - original/Relation/17

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Comment nous devions craindre les attaques de l’ennemi plutôt à certaines époques de l’année qu’à d’autres.
CHAPITRE XVII.

Il y a deux saisons où l’on doit principalement craindre les attaques des sauvages : l’une est au mois de décembre, parce que c’est alors que mûrissent certains fruits qu’ils nomment abbati[1], et qui leur servent à composer une boisson appelée kaa wy, dans laquelle ils mêlent de la racine de manioc. Ils aiment à faire la guerre à cette époque, parce qu’à leur retour ils trouvent les abbati mûrs, et peuvent préparer le breuvage qu’ils boivent en dévorant les prisonniers qu’ils ont faits : ils l’aiment tant, qu’ils soupirent toute l’année après le moment où ces fruits seront mûrs.

On doit aussi les redouter au mois d’août, car ils pêchent alors une espèce de poisson qui quitte la mer pour remonter dans les rivières. Ce poisson s’y jette et dépose son frai dans l’eau douce. Ils le nomment dans leur langue bratti, les Espagnols, lysses (lizas). Les sauvages choisissent volontiers ces époques pour leurs expéditions guerrières, parce qu’il leur est facile de se procurer des vivres. Ils prennent beaucoup de ces poissons avec de petits filets ; ils en tirent aussi à coups de flèches, et en font rôtir une quantité qu’ils emportent dans leurs pays ; ils en préparent aussi une espèce de farine, qu’ils nomment pira kui.