Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Mœurs et coutumes/04

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Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 235-238).


CHAPITRE IV.


Des habitations des Tuppinambas, dont j’ai été le prisonnier.


Les Tuppinambas demeurent entre la mer et les montagnes dont j’ai parlé. Leur territoire a soixante milles d’étendue : il est traversé par une rivière qu’ils nomment Paraeibe ; elle descend des montagnes, et se jette à la mer après un cours d’environ vingt-huit milles. Les Tuppinambas habitent les deux rives, et sont de toute part environnés d’ennemis. Leur territoire touche, du côté du nord, à celui d’une tribu, nommée Weittaka ; au sud, à celui des Tuppin-Ikins, et du coté de l’intérieur, à celui des Wayganna et des Karaya. Ils sont ennemis jurés de toutes ces tribus, surtout d’une autre, nommée Markaya, qui habite les montagnes. Ces peuples dévorent tous les prisonniers qu’ils se font mutuellement.

Ils bâtissent volontiers leurs villages dans les endroits où ils peuvent se procurer facilement de l’eau et du bois, et dans ceux où le poisson et le gibier se trouvent en abondance. Quand ils ont tout consommé, ils transportent leur habitation dans un autre endroit, sous la conduite d’un chef, qui a ordinairement sous ses ordres trente ou quarante familles, composées généralement de ses parents et de ses amis.

Les cabanes qu’ils construisent ont environ quatorze pieds de large et cent cinquante de long ; elles ont près de deux toises de haut, leur toit est rond comme la voûte d’un caveau et fait en feuilles de palmiers. Il n’y a dans l’intérieur de la cabane aucune espèce de séparation, mais chaque ménage occupe un emplacement d’environ douze pieds carrés et possède son foyer particulier. Le chef habite le milieu de la cabane. Chaque cabane a trois portes, une à chaque bout et une au milieu ; elles sont ordinairement si basses, qu’il faut se baisser pour entrer. Peu de villages se composent de plus de sept cabanes, au milieu se trouve une place, et c’est là qu’ils immolent leurs prisonniers. Chaque village est entouré d’une espèce de palissade faite avec des troncs de palmiers ; elle a environ une toise et demie de haut, et elle est si serrée, que les flèches ne peuvent pas la traverser : ils y ménagent des espèces de meurtrières. Autour de cette première palissade, il y en a une seconde faite avec de gros troncs d’arbres plus espacés. Quelques tribus ont l’habitude de placer les têtes de ceux qu’ils ont mangés sur les pieux de la palissade à l’entrée du village.