Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Relation/06

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Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 33-35).


CHAPITRE VI.


Mon second départ de Séville en Espagne pour l’Amérique.


L’an 1549 de Notre-Seigneur, quatre jours après Pâques, nous mîmes à la voile de Saint-Lucas, et le vent étant devenu contraire, nous entrâmes dans la rade de Lisbonne. Aussitôt qu’il eut tourné, nous nous dirigeâmes vers les Canaries, et nous jetâmes l’ancre dans le port d’une ville nommée Palma, où nous embarquàmes du vin pour le voyage. Les pilotes convinrent que si, pendant la traversée, ils étaient séparés par le gros temps, ils se rejoindraient sur la côte par 28 degrés au sud de la ligne équinoxiale. De Palma nous nous dirigeâmes vers le cap Vert, qui est situé dans le pays des Maures, où nous faillîmes faire naufrage. Nous voulûmes en vain continuer notre route : le vent contraire nous repoussa plusieurs fois vers le pays de Gène (Guinée) qui est aussi habité par les Maures. Nous allâmes de là à Saint-Thomas, île qui appartient au roi de Portugal, et qui produit beaucoup de sucre. Elle est habitée par des Portugais qui possèdent un grand nombre d’esclaves nègres. Après y avoir pris de l’eau, nous continuâmes notre route ; mais, ayant été assaillis durant la nuit par un orage, nous perdîmes de vue les deux vaisseaux qui naviguaient de conserve avec nous. Le temps nous était toujours contraire ; car, lorsque le soleil est au nord de la ligne équinoxiale, le vent souffle presque toujours du midi, et cela pendant cinq mois ; de sorte que nous en fûmes quatre sans pouvoir suivre notre route. Mais, en septembre, le vent commença à tourner vers le nord, et nous pûmes nous diriger au sud-ouest, vers la côte d’Amérique.