Description de l’Égypte (2nde édition)/Tome 1/Chapitre VII/Partie III

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TEMPLE À L’EST D’ESNÉ,

Sur la rive droite du Nil.

À l’est d’Esné, sur la rive droite du Nil, à un quart de lieue environ du fleuve, existent encore les ruines d’un petit temple égyptien. Il est situé sur un monticule de décombres peu élevés au-dessus de la plaine, et composé de débris de briques et de poteries, qui lui donnent un aspect rougeâtre et le font apercevoir de très-loin. La grande dimension des briques que l’on trouve dans cet emplacement, et leur forme, ne permettent pas de douter de leur antiquité. Quelques-unes paraissent avoir subi une demi-cuisson ; d’autres sont parfaitement rouges ; d’autres enfin ne paraissent que séchées au soleil. Il est probable que, dans les constructions, les briques que l’on employait étaient toutes dans ce dernier état. La différence qui existe entre celles que nous avons trouvées, ne peut s’expliquer que par la supposition d’un incendie qui aurait détruit la ville. Dans cette catastrophe, quelques briques isolées, et même celles qui se trouvaient à la surface des murs, auront été plus ou moins cuites ; d’autres, dans l’épaisseur des murs, n’auront éprouvé aucun changement, et font encore connaître l’état dans lequel on les employait : telle est du moins l’idée qui nous est venue sur les lieux. Les décombres, seuls restes de l’ancienne ville, s’étendent assez loin, surtout vers la montagne. On ne remarque dans les environs du temple aucune trace de constructions modernes.

Le temple est un peu moins grand que celui qui se trouve sur la rive gauche du Nil, au nord d’Esné. Il ne paraît pas avoir été achevé : les sculptures du moins ne l’ont point été. Ce qui subsiste encore de ce monument, consiste en un portique de huit colonnes, et deux petites salles qui peuvent avoir appartenu au temple. Intérieurement, le portique a 13m.51 de largeur sur 7m.28 de profondeur. La largeur de la façade est de 15m.79, et la hauteur de 8 à 9 mètres. Une baguette qui sépare l’architrave d’avec la corniche, descend le long des angles de l’édifice, et forme encadrement. On ne pénétrait dans le portique que par l’entre-colonnement du milieu : les autres entre-colonnemens étaient fermés par des murs qui s’élevaient à peu près à la hauteur de la moitié des colonnes. Ces murs sont beaucoup mieux conservés que ceux du portique du temple au nord d’Esné : nous avons pu facilement en mesurer toutes les parties. Leur hauteur totale est la seule mesure qu’il nous ait été impossible de prendre, à cause de l’encombrement de l'édifice. Nous n’avons pas pu faire de fouilles assez considérables pour trouver le sol du monument. Ce que nous donnons pl. 89, fig 2 et 3, doit être considéré comme une restauration qui approche beaucoup de la vérité, parce qu’elle coïncide avec les proportions des colonnes et des murs d’entre-colonnement, relevés dans d’autres monumens : d’après cette restauration, les colonnes auraient 6m.75 de hauteur, en y comprenant le chapiteau ; leur diamètre est d’un mètre. En prenant pour module le demi-diamètre de la colonne, voici les proportions des différentes parties de l’élévation, que nous avons mesurées :

Du dessus du mur d’entre-colonnement au dessus du chapiteau à tête d’Isis 3
Chapiteau à tête d’Isis
1re partie 2 »
2e 2 »
7
Du dessus du mur d’entre-colonnement au-dessous des chapiteaux à campane 5 1/6
Chapiteau 2 1/6
» ½
Architrave et baguette 1 ½
Corniche et listel 2 »
11
Corniche des murs d’entre-colonnement depuis le dessous de la baguette jusqu’au dessus des disques des serpens 2 »
Jusqu’au sol de restauration 4
17

Le plafond du portique est en grande partie détruit. Les entre-colonnemens sont tous d’une fois et demie le diamètre de la colonne, excepté celui du milieu, qui est une demi-fois plus considérable.

La façade du temple se dessine en saillie dans le fond du portique. Le mur qui sépare ces deux parties du monument est extrêmement épais : nous avons découvert dans son intérieur un couloir qui passe par-dessus la porte du temple, et règne dans toute l'étendue de la muraille ; et nous avons trouvé un autre couloir semblable dans l’arrachement d’un des murs adjacens. Enfin, dans le mur latéral du portique à droite en entrant, nous avons reconnu une ouverture carrée, tellement remplie de décombres, que nous n’avons pu y pénétrer. Il nous a été facile de nous assurer qu’elle ne communique pas à l’extérieur : peut-être servait-elle à pénétrer dans les couloirs qui sont distribués dans presque tous les murs ; ils étaient assez grands pour laisser passer facilement un homme, et leurs parois étaient presque partout très-bien dressées. La salle dans laquelle on entre en sortant du portique, a 3m.23 de longueur sur 4m.77 de largeur. Indépendamment de cette issue, elle en a deux autres, l’une en face de la première et dans l’axe du temple, et la seconde à gauche en entrant. Celle-ci conduit dans une seconde salle de 2m.78 sur 3m.80. Derrière ces deux salles, on ne trouve plus que des arrachemens de murs qui indiquent que l’édifice avait plus d’étendue, mais qui ne fournissent aucun moyen de restaurer les parties du plan qui manquent. Ces arrachemens n’offrent ni ordonnance ni symétrie : on peut même remarquer, en jetant les yeux sur le plan, que la façade du temple qui se dessine dans l’intérieur du portique ne correspond pas avec les constructions qui existent derrière. Cette bizarrerie, dont on ne trouve nulle part un autre exemple, nous fait soupçonner que quelques parties de l’édifice pourraient bien avoir été reconstruites dans des temps postérieurs.

Les décorations de ce temple, ainsi que nous l’avons dit plus haut, n’ont point été achevées. Celles de la façade ont été commencées. On remarque sur l’architrave au-dessus de l’entre-colonnement du milieu, un scarabée ailé, porté dans une barque, devant lequel plusieurs figures sont en adoration. Les plafonds ne sont point sculptés. Le chambranle de la porte qui conduit du portique dans le temple est décoré ; on a donné, pl. 89, fig. 8, une partie de sa décoration. Dans l’intérieur de la porte, sur la partie à droite en entrant, sont esquissées en rouge, et sans carreaux, plusieurs figures. Nous avons remarqué particulièrement la représentation d’un taureau dont les formes sont hardiment dessinées. On trouve dans ces esquisses, faites du premier trait, un sentiment et une fermeté rares, qui prouvent que les artistes qui les ont tracées avaient dans ce genre beaucoup d’habitude et une exécution extrêmement facile.

Les chapiteaux étaient entièrement sculptés. Ceux qui se trouvent à droite et à gauche de la porte d’entrée du portique différents des autres : ils sont composés de quatre figures de femmes coiffées de grandes draperies, et adossées contre les fûts des colonnes. Ces figures sont surmontées d’un dé carré contre lequel sont appuyés quatre tableaux hiéroglyphiques ; c’est une imitation très-imparfaite du chapiteau du temple de Denderah : il est même beaucoup moins agréable que celui qui a été employé dans les monumens de l’île de Philæ. Les autres chapiteaux sont analogues à ceux du portique d’Esné : l’un d’eux est une imitation du palmier, plus parfaite encore que celle que présente le chapiteau du grand temple d’Esné. On s’est attaché à y représenter les feuilles et les régimes du dattier, et même les extrémités des branches du palmier, qui restent ordinairement autour du tronc de l’arbre lorsque l’on exploite ses feuilles.

Les montagnes de la chaîne arabique sont à deux mille mètres environ à l’est du temple.