Description du département de l’Oise/Creve-Cœur

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P. Didot l’ainé (1p. 225-227).
CREVECŒUR.


Pendant mon séjour à Breteuil j’allai visiter Crevecœur, où s’étoient réunis les maires des vingt-quatre communes de ce canton, et de ceux de Cormeilles et Luchy.

On ne fait la route de Breteuil à Crevecœur qu’au péril de la vie : elle n’offre qu’un pays platement ennuyeux. Le seul objet qui vous arrête est le château d’Hardivillers : il étoit à M. de Barentin ; il appartient à M. Lecoulteux.

Le terrain se couvre de bois en approchant de Vieux-Villers.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit ailleurs de la réception que nous éprouvâmes dans les communes où j’avois réunies les maires ; on ne peut témoigner plus de chaleur, plus de respect au gouvernement.

Le château de Crevecœur appartient à madame de Liancourt : il est vaste, garni de tourelles, bâti de briques ; le parc et les jardins sont environnés de grands murs assez bien conservés. Simon dit que Crevecœur étoit une des plus grosses seigneuries temporelles de la contrée.

L’église, assez jolie, contenoit les tombeaux de l’amiral Bonnivet et de M. de Manivillette : ils ont été détruits ; mais j’ai fait recueillir, au milieu de débris entassés dans le cimetiere, le buste et l’oreiller de marbre de l’amiral Bonnivet ; on peut juger par ce morceau, quoique mutilé, du talent du sculpteur, et de la richesse de son travail.

L’entrée de Crevecœur en venant de Breteuil est large, formée de petites maisons séparées, précédées d’une allée d’ormeaux d’un effet assez agréable ; la rue se rétrécit en entrant dans la ville, et les arbres ont disparu.

On cultive les terres avec assez de soins dans l’arrondissement de Crevecœur ; on est obligé de donner quatre façons aux terres qu’on ensemence en bled, et deux seulement à celles qu’on destine à porter les grains de mars.

Le territoire de Catheux est d’une culture très difficile et très dispendieuse. Le sol de ce village est pierreux, rempli de cailloux : six grandes vallées le coupent, dont trois descendent de la commune de Choqueuse, une de Crevecœur et du Galet, et les deux autres du Chaussoy et de Vieux-Villers ; six autres petites vallées ajoutent encore à l’irrégularité de ce petit pays, peuplé de trois cents cinquante-deux individus. On n’y voit que des côtes rapides, des gorges, des ravines, qui le dégradent. Chaque ménage dans le canton de Crevecœur a son jardin, planté de fruits et de légumes ; on y cultive sur-tout les cerisiers, les merisiers, les pruniers, les pêchers, les abricotiers, mais sans qu’ils soient un objet de commerce.

On y voit quelques prairies artificielles, presque toujours consommées avant leur maturité par les bestiaux qu’on met au verd.

On ne récolte pas assez de cidre dans le pays pour la consommation des habitants.

On porte à quatre cent quarante arpents la quantité de bois de haute et basse futaie répandus sur la surface du canton.

La petite riviere ou plutôt le ruisseau de Catheux traverse le pays.

On n’y trouve point de carrieres.

Le climat est sain : la durée de la vie est quelquefois de soixante à quatre-vingt-dix ans. Un cit. Morel mourut, il y a quelques années, à Vieux-Villers âgé de cent deux ans.

Les routes de Crevecœur à Beauvais, à Grand-villers, sont aussi dangereuses que celles de Breteuil à Crevecœur.

La plus forte branche du commerce de ce canton est celle de serges de blicourt, de chaalour, de sakatis, et d’autres étoffes de laine ; il est très étendu et jouit d’une grande réputation.