Description du département de l’Oise/Sacy-le-Grand

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P. Didot l’ainé (1p. 288-294).


SACY-LE-GRAND.


Le canton de Sacy-le-Grand doit sa célébrité à l’industrie de ses habitants : ils n’obtiennent leurs récoltes que d’une culture opiniâtre et dispendieuse ; sur onze mille cent vingt-quatre arpents de terre, huit mille six cent vingt-huit seulement sont labourables. Ce pays n’a point de terrains de premiere qualité : le froment y est infiniment plus rare que le méteil. Sur huit cent soixante-dix arpents de prés on en compte au moins cinq cent trente-cinq d’une valeur si médiocre, qu’ils ne se louent que 2 liv. l’arpent.

Douze cent dix-huit arpents de bois de ce canton sont presque de nulle valeur pour leurs propriétaires ; trois cent cinquante sont laissés en pâtures médiocres.

On y cultive environ soixante arpents de vigne.

Le bois de chauffage est coûteux et rare.

La moitié des communes envie à l’autre quelques fruits rouges ; dans la presque totalité du territoire les tentatives multipliées pour naturaliser ces arbres, qui font une des principales richesses de la Picardie, ont été inutiles.

On cultive quelques chanvres dans le canton de Sacy-le-Grand. Il existe une carriere propre à la construction des bâtiments dans les environs de Catenoy ; elle produit aussi de bons pavés.

À Nointel on fait des tuiles qui rivalisent en bonté avec celles de Fleurines dans le canton de Pont-Sainte-Maixence.

Il y a des sources abondantes dans les montagnes qui bornent au sud-ouest les communes de Nointel et de Catenoy ; mais dans les temps de sécheresse les communes d’Épineuse, d’Avrigny et Sacy le-Petit sont obligées d’aller chercher leur eau à des distances tres grandes.

L’air qu’on respire dans ce canton est généralement bon ; les maladies contagieuses y sont rares et de courte durée.

On prête au caractere des habitants de l’âpreté, de la rusticité, dont ils ne doivent l’apparence qu’à leurs travaux continuellement pénibles, qu’à la grossiereté des aliments dont ils se nourrissent, qu’au défaut de communication avec les autres hommes, qu’à l’inquiétude qu’ils ont de ne pas pouvoir suffire aux besoins de leurs familles : leur caractere cependant est essentiellement bon ; il ne paroît pas avoir été fortement altéré par la révolution.

Dans un rapport très bien fait sur la moralité des habitants du canton de Sacy le-Grand voici la propre expression des rédacteurs : « Les commissaires desireroient passer pour des censeurs trop austeres en assurant que la jeunesse a passé de la liberté à un tel esprit d’indépendance morale qu’il a fait disparoître presque absolument les vestiges de l’autorité paternelle, en a rendu les ressorts entierement nul, et arrache tous les jours de la bouche des peres et meres cet a aveu humiliant pour l’espece humaine, que les enfants sont devenus pour eux des maîtres plus impérieux qu’ils n’ont droit de l’être eux-mêmes au sein de leurs familles ; enfin on rougiroit de retracer sur le papier les scenes révoltantes, les luttes scandaleuses qui divisent souvent les peres et les fils. S’il a pu exister des temps assez malheureux pour observer de sang-froid un tel degré de dépravation, l’homme sensé et jaloux de l’honneur de son espece n’y peut voir qu’une dégradation avilissante, et le germe précurseur de la dissolution des empires les mieux consolidés. »

Ils ajoutent, en parlant des habitants du pays : « En tout temps, en tous lieux, même dans les régions fabuleuses, les jeux et les ris se plaisent peu sur un sol aride, et préferent le séjour de l’abondance ; aussi les jeux, nécessaires à la suite des travaux de la campagne, les seuls qui soient propres à entretenir l’activité, sont-ils rares dans ce canton : s’y livre-t-on, c’est avec effervescence ; l’excès en accompagne presque toujours l’usage, et l’ivresse avec laquelle on les goûte détruit plus les forces qu’elle ne les rétablit. » L’œil du voyageur ne trouve, lorsqu’il traverse ce canton, que deux objets qui puissent le consoler de la stérilité de sa route, c’est le château de Nointel sous Clermont, et celui du Plessis-Longueau, ou de Villette sur la route de Flandre. Le premier, situé au bas d’une montagne bien boisée, est d’une grande solidité : bâti en briques il avoit moins d’attraits pour les destructeurs du moment ; il est extérieurement ce qu’il étoit lorsqu’il servoit aux plaisirs du duc de Bourbon ; l’intérieur est dégradé : on en a fait une prison pour les infortunés détenus des environs. Le parc et les jardins ont perdu de leurs charmes ; mais il est impossible de trouver des sites plus heureux, des points de vue plus riches que ceux dont on jouit en s’élevant sur la montagne, en s ?approchant sur-tout d’une route pavée par un des propriétaires de Nointel (on la prend en allant à Liancourt) : on ne peut voir de plus belles vallées, d’enfoncements plus vaporeux, de jeux de clochers et de montagnes plus pittoresquement combinés ; c’est un séjour délicieux.

J’aurai l’occasion de parler en détail du château de Villette.

Il n’y a aucun établissement, aucune manufacture dans ce canton. On voudroit y voir rétablir le haras qui y existoit autrefois ; on pourroit le placer, soit à Sacy-le-Grand, soit à Saint-Martin-Longueau. Le mélange des engrais, les prairies artificielles, l’introduction des races espagnoles, tous les succes de l’agriculture enfin, sont dus à d’habiles cultivateurs, à la tête desquels on doit placer le citoyen Prévost, maire de Catenoy, et le citoyen Dupressoir, maire de Saint-Martin-Longueau.

Sacy-le-Grand est dominé par une montagne, qui porte encore le nom de mont César : on y voit les vestiges d’un camp, quoiqu’il paroisse un peu petit d’après la description des camps romains par Polybe ; il est entouré de larges fossés, et ne pourroit avoir contenu que le tiers d’une légion : les débris d’antiquités qu’on trouve à sa surface, des médailles de bronze et d’or attestent dans ce lieu le séjour des armées romaines : c’est, comme Bratuspance, une mine à fouiller ; c’est un travail dont le gouvernement seul pourroit se charger. La plus curieuse de ces médailles représente d’un côté l’effigie d’un des Césars, et de l’autre un faisceau de piques : le nommé Jean Pénard la trouva il y a trois ans dans une taupiniere.

On a découvert des médailles dans la commune de S.-Martin-Longueau. Une tradition ancienne fait croire que cette petite commune portoit jadis le nom de ville, qu’elle étoit couverte d’habitations, qu’on y tenoit un marché très considérable. Dans quelques excavations faites au hasard on a découvert des ruines de tombeaux de pierre qui donnent de la vraisemblance à cette assertion. Le marais de Sacy-le-Grand fourniroit des tourbes ; mais pour en tirer un grand parti il seroit nécessaire de le dessécher. La petite riviere de Londeau prend sa source dans ce marais ; elle a son embouchure dans l’Oise.

On appelle eau peureuse dans ce pays des fontaines d’une profondeur incommensurable, des lagons desquels on ne peut approcher sans dangers.

Du sommet de la montagne sur laquelle est assis le prétendu camp de César on a la vue la plus étendue, la plus belle sur toute la vallée de l’Oise ; elle se prolonge jusqu’au-delà de la forêt de Compiegne.

Pour engraisser les terres dans ce canton, outre les fumiers ordinaires, on emploie des cendres de tourbes, qu’on va prendre à deux ou trois lieues de là, à Cauly, sur la route de Compiegne.

Sur le mont Catenoy on trouve une pierre dure propre à l’architecture.

Les meilleures terres du canton sont dans la vallée de Catenoy ; elles se louent jusqu’à 30 liv. l’arpent.

Catenoy fut jadis une ville. On s’y servoit d’une mesure particuliere encore en usage aujonrd’hui.

Épineuse est un pays de grande culture. Cette commune est située dans la plaine : la majeure partie de ses terres est bonne ; les deux tiers se louent jusqu’à 30 liv. l’arpent : elle est peu boisée, elle manque d’eau.

Blincourt, sur la route de Flandre, à deux lieues de Pont-Sainte-Maixence, ne contient pas plus de trente maisons : c’est un pays plat, assez sain ; il manque d’eau. Les voyageurs y maintiennent une certaine abondance : les aubergistes sont obligés dans les chaleurs d’aller à Villette chercher l’eau pour faire boire les chevaux des voyageurs qui traversent cette commune.

Sacy-le-Petit, Bazicourt, Sarron, Leplessis, S.-Martin-Longueau, participent plus ou moins aux détails que nous avons donnés sur Sacy-le-Grand.