Deux Contes de fées pour les grandes personnes/La Pauton/CHAPITRE CINQUIÈME

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Société Littéraire de France (p. 95-99).


CHAPITRE CINQUIÈME


D’UNE ÂME DÉLIVRÉE ET DES DEUX
SAINTS QUI L’ACCUEILLIRENT.


À PARTIR de ce moment, elle ne parla presque plus. Ce même soir, seulement, elle cria à Mlle  Augustine qui lui apportait une soupe dans sa chambre :

— Menteuse !… Tous des menteurs et des menteuses !

Mlle  Olympe entendit pendant les nuits suivantes un ronronnement continu de prières. Suzon, plusieurs fois par jour, se penchait sur le lit de la vieille.

— Voyons, Marie, laisse-toi soigner, sois raisonnable…

Mais elle ne répondait rien et Suzon, en se signant, écoutait les lambeaux de phrases : « Marie, Mère de Dieu, priez pour nous… »

Suzon dit aussi :

— Marie, nous ne te voulions pas de mal. Tu savais bien que c’était une farce, Alphonse… et tout ça.

La pauton n’entendait rien et Suzon se mit à pleurer.

Et ils firent pourtant tout ce qu’il fallait. Il vint des docteurs, des paquets de la pharmacie ; on marchait sans bruit dans les couloirs. Mais soigne-t-on une telle blessure avec des médecines et guérit-on de souffrir parce que le printemps monte des jardins jusqu’aux prisons des malades ?



Or, saint Gauzelin, le jour de Pâques, comme sonnaient les cloches de toutes les églises sur la terre, vit s’envoler vers le Tribunal Suprême une âme délivrée. Et il se réjouit au fond de son éternel lui-même, parce qu’il était donné à cette humble paroissienne de mourir le plus beau des jours.

Alors, se tournant vers saint Pierre qui
apprêtait déjà sa grosse clef : — Voici que Marie,
dit-il, la naine, est morte. Et saint Pierre
répondit : — Heureux ceux qui
ont le cœur pur, car
ils verront
Dieu.