Deux Gouverneurs de l’Alsace-Lorraine

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DEUX GOUVERNEURS
DE L’ALSACE-LORRAINE

Nous nous sommes accoutumés, dans les dernières années de ce siècle, à ne plus compter avec les distances. La vapeur les a supprimées, mais parfois la politique les rétablit. On assure qu’avant peu il suffira de cinq jours pour se transporter de Southampton à New-York ; en revanche, grâce à la loi des passeports et aux formalités imposées à tout voyageur qui se rend de France en Alsace-Lorraine, il faut trois semaines au moins pour aller de Paris à Metz ou à Strasbourg. Tout gouvernement a le droit de défendre ses intérêts comme il l’entend, et nous ne trouvons rien à redire aux mesures de précaution que le gouvernement allemand a cru devoir adopter sur la frontière du Reichsland. Mais la politique est une matière sur laquelle il est permis de philosopher, et on peut se demander si ces mesures, dont on rend les Français responsables, ne sont pas la conséquence des fautes commises par l’administration allemande dans les provinces annexées. Nous n’aurions garde d’en dire plus à ce sujet que n’en disent les Allemands raisonnables. L’un d’eux convenait que la politique généreuse est souvent la plus habile, qu’on avait paru s’en douter à Berlin, que pendant quelque temps on s’était appliqué à réconcilier les Alsaciens-Lorrains avec leur sort, et qu’on s’était bien trouvé de cet essai, mais qu’un mouvement d’impatience, un caprice de colère, avait tout gâté : — « On apprend, disait-il, en étudiant les écoles que nous avons faites dans le Reichsland, comment un conquérant ne doit pas s’y prendre quand il se propose de s’assimiler promptement des populations qui, à la fois sages et fières, se montrent également sensibles aux bons et aux mauvais procédés. »

Ce fut huit ans après la conquête que le gouvernement allemand se décida à faire un essai de politique généreuse dans l’Alsace-Lorraine. On l’avait traitée jusqu’alors en simple pays sujet. Le siège de son gouvernement était à Berlin, dans une section particulière de l’office du chancelier de l’empire, dont les ordres étaient exécutés par un président supérieur, résidant à Strasbourg. Le conseil fédéral et le Reichstag se chargeaient de lui donner des lois. Elle envoyait au parlement impérial quinze députés, qui n’avaient guère que le droit d’inutile remontrance. Son Landesausschuss ou parlement provincial n’était qu’une chambre consultative, dont les avis étaient rarement écoutés.

En 1879, on eut la bonne pensée de lui octroyer une sorte de constitution, et le siège du gouvernement fut transporté à Strasbourg. L’empereur consentait à s’y faire représenter par un gouverneur ou Statthalter, investi d’une partie de ses pouvoirs souverains. Ce Statthalter, à la fois alter ego de l’empereur et chancelier d’Alsace-Lorraine, devait se faire assister dans l’exercice de ses fonctions par un secrétaire d’état et par un ministère responsable. Le Reichsland n’était pas admis, comme les autres états de l’empire, à déléguer des plénipotentiaires au conseil fédéral ; mais on l’autorisait, le cas échéant, à y faire défendre ses intérêts par des commissaires. Le parlement provincial acquérait le droit de voter des lois et de promulguer le budget avec l’assentiment de ce même conseil fédéral. Le nombre des membres de cette assemblée, élue par un suffrage à deux degrés, était porté de 30 à 58. Elle obtenait en même temps le droit d’initiative ou de proposition. C’était une concession sérieuse, et le changement était heureux. Les autonomistes avaient souvent dit et répété : « Nous sommes soumis aux mêmes charges que les autres états allemands, accordez-nous les mêmes droits, les mêmes franchises. » On n’accordait pas aux autonomistes la moitié de ce qu’ils demandaient, mais on cessait de traiter les Alsaciens-Lorrains en simples sujets. On les faisait passer au rang d’Allemands de seconde classe, et on leur permettait d’espérer qu’un jour peut-être, s’ils étaient bien sages, ils deviendraient aussi libres que les Badois, les Bavarois et les Saxons.

Il y avait deux ombres au tableau. Bien que, par le système d’élection appliqué au Landesausschuss, on se fût assuré qu’il n’y aurait jamais dans cette assemblée une majorité protestataire et intransigeante, et bien qu’on eût paré d’avance à tous les accidens possibles en décidant que, si elle se permettait de désapprouver un projet du gouvernement, on le ferait voter par le Reichstag et on l’imposerait d’autorité, on ne laissait pas de craindre que ce petit parlement en tutelle ne devînt indiscret, qu’il ne conçût une trop haute idée de son importance. La salle où il se rassemblait était pourtant fort modeste ; une triple rangée de bancs en gradins offrait cinquante-six sièges à cinquante-huit députés. Le bâtiment lui-même faisait une pauvre figure auprès des constructions grandioses de l’université ; il ressemble à un chalet suisse, et les malins affectaient de le prendre pour une vacherie destinée à fournir aux amateurs et aux malades du fait pur, de provenance garantie.

Mais ce qui pouvait sembler beaucoup plus grave, c’est qu’on avait refusé aux membres du Landesausschuss le droit d’immunité ou d’inviolabilité parlementaire. Il arriva un jour qu’un secrétaire d’état, qui aimait à montrer les dents, menaça M. Kiener, de Munster, de le traduire en police correctionnelle pour avoir avancé devant une commission un fait dont il ne pouvait produire toutes les preuves juridiques. Des agens du service forestier proféraient les mêmes menaces contre les députés assez osés pour critiquer leurs actes. Un bourgeois qui, en 1880, adressait à un journal de Mulhouse des lettres fort piquantes, remarquait à ce propos « que des députés sont élus pour exercer leur liberté de parole pleine et entière, qu’ils ne doivent pas courir le risque de passer de la salle de contrôle des actes de l’administration sur le banc des accusés, devant le tribunal de police. » Mais en Alsace-Lorraine, les patriotes sont d’ordinaire aussi modérés que courageux, et des orateurs tels que le vaillant et pieux tribun de Mulhouse, M. Winterer, ou que le jeune représentant de Colmar, M. Grad, ont fait entendre plus d’une fois d’utiles vérités sans que la foudre tombât sur eux. Écartant les discussions irritantes et stériles, le parlement de Strasbourg s’est occupé d’affaires plus que de politique, il a su faire de bonnes finances, pourvoir aux grosses dépenses d’une administration plus coûteuse que celle de tout autre pays allemand, sans recourir aux emprunts proposés par le gouvernement, établir l’équilibre dans le budget, obtenir même des excédens de recettes, tout en consacrant des crédits considérables aux travaux publics et aux améliorations agricoles. Hélas ! quoique ce malheureux Landesausschuss n’ait jamais fait que de bonne besogne, il est fort maltraité aujourd’hui par la presse officieuse, qui a demandé sa mort. Depuis que le vent a sauté, depuis que la politique tracassière et compressive a remplacé la politique de ménagemens, les joies tristes d’une conscience sans reproche sont les seules que puissent se promettre les Alsaciens-Lorrains qui ont le goût des devoirs amers et qui, à leurs risques et périls, s’obstinent à s’occuper des affaires de leur pays.

Les députés se seraient consolés de n’être pas inviolables, si le Reichstag leur avait fait la grâce d’abolir l’article 10 de la loi du 30 décembre 1871, qui conférait au chef de l’administration du Reichsland un pouvoir dictatorial et tous les droits redoutables que possède un commandant militaire dans un pays soumis à l’état de siège. En vain alléguait-on qu’octroyer une charte et conserver la dictature est une contradiction, que donner et retenir ne vaut, que l’article 68 de la constitution de l’empire assurait à l’empereur la faculté de mettre, quand il lui plairait, le Reichsland en état de siège, qu’au surplus l’Alsace-Lorraine avait supporté ses malheurs avec une résignation exemplaire, que son obéissance était parfaite, que les impôts rentraient régulièrement, que le recrutement s’opérait sans peine, qu’il n’y avait en nulle part ni désordres, ni troubles, ni conspirations.

— « Vous nous représentez, disait au Reichstag un député alsacien, que la loi de dictature n’entrera en exercice qu’à l’heure du danger. Il est si facile de Voir partout du danger ! Vous nous dites aussi que nous trouverons la meilleure des garanties dans le caractère du Statthalter qui nous sera donné. À la bonne heure, et ce n’est pas de lui que je me défie. Mais je redoute le zèle de ses agens. Les bureaucrates en sous-ordre ont le nez si fin ! Au moindre désagrément qu’ils s’attireront par leur faute, ces grands flaireurs de périls auront bientôt fait d’insinuer à leur chef que la paix publique est menacée. » M. Windthorst vint en aide aux orateurs alsaciens-lorrains ; mais l’article 10 ne fut point aboli. Plus puissant que l’empereur, le gouverneur du Reichsland n’a pas besoin de proclamer l’état de siège, il le considère comme une institution permanente, et il ne tient qu’à lui, en tout temps et à sa convenance, d’user de tous les pouvoirs que la loi française du 9 août 1849 conférait à l’autorité militaire. Il peut ordonner des visites domiciliaires à toute heure du jour et de la nuit, décréter des expulsions, des bannissemens, interdire tout journal, toute association, toute réunion qui lui paraît dangereuse. Ce n’est pas encore tout, l’article 10 porte qu’il pourra prendre sans délai toutes les mesures, sans exception, qu’il jugera nécessaires. Le 28 janvier de l’an dernier, M. Grad disait au Landesausschuss : « Tant que la dictature ne sera pas supprimée de notre législation, nous serons condamnés à dire, comme lady Macbeth : La tache est encore là. Maudite tache ! je ne puis t’effacer. »

Quelque imparfaite que leur parût la constitution qu’on leur octroyait, les Alsaciens-Lorrains la regardèrent avec raison comme un heureux progrès, comme une nouveauté bienfaisante. Ce n’était pas du pain de froment qu’on leur donnait ; mais enfin, si bis qu’il fût, c’était du pain, et jusqu’alors on ne leur avait offert que des cailloux. Tout au contraire, l’administration allemande était inquiète et mécontente. Les bureaux, qui sont très avisés, avaient compris dès la première heure que l’intention du gouvernement impérial était de relâcher les liens du prisonnier, et que le Statthalter qu’on attendait à Strasbourg s’y présenterait en podestat, en arbitre souverain, avec la mission de s’informer des vœux et des griefs de la population, de réprimer le zèle intempérant des sous-préfets ou Kreisdirektoren, de leur prêcher la discrétion et la sagesse, de restreindre leur omnipotence. La situation en Alsace n’est pas telle qu’on la représente souvent dans les journaux allemands et dans plus d’un journal français : dans le train ordinaire de la vie, il s’agit moins d’un irréconciliable antagonisme politique que d’un conflit, d’une lutte continuelle entre des administrés et des administrateurs qui n’ont ni les mêmes mœurs, ni les mêmes idées, ni le même tour d’esprit, qui ne parlent pas la même langue, quoiqu’ils parlent tous allemand, et qui surtout ne peuvent s’entendre sur ce qu’ils se doivent les uns aux autres.

L’Alsacien est un peuple paisible, travailleur, économe, facilement gouvernable. « Cette population, je ne crains pas de l’affirmer, disait le chancelier de l’empire le 2 mai 1871, est en ce qui concerne l’honnêteté et l’amour de l’ordre une véritable aristocratie. » L’année suivante, il disait encore : « Pourquoi nous devons mettre sous la tutelle de l’empire ce pays dont les habitans sont des enfans depuis longtemps venus à terme, en vérité je ne le comprends pas. » L’Alsacien le comprend encore moins. Il est doux, mais il est digne et tenace. S’il obéit à l’autorité et à la loi, l’autorité fût-elle dure et la loi déraisonnable, il n’en pense pas moins, il se réserve le droit de juger ses juges, et quand il a le malheur d’avoir un maître, il ne se croit pas tenu de changer ses opinions pour lui être agréable. « Bons diables au fond, disait l’un d’eux, les Alsaciens distinguent entre le respect dû à la loi et l’effacement de leur raison devant les raisons particulières aux autorités payées au moyen de leurs contributions. Ils croient comprendre leurs intérêts aussi bien que M. le Kreisdirector, et ils se passent de ses conseils pour le choix de leurs mandataires. » Sous le régime français déjà, les candidatures patronnées par le gouvernement leur plaisaient peu ; en 1869, le baron Zorn de Bulach, alors chambellan de l’empereur Napoléon, et M. Jean Dollfus lui-même, en firent l’expérience à leurs dépens. Depuis que l’Alsace est allemande et qu’elle envoie des députés au Reichstag, les candidats officiels lui agréent encore moins. L’un d’eux, se promenant un jour d’été avec son sous-préfet, se baissait de temps à autre et tirait son mouchoir pour épousseter les bottes de ce haut personnage. Ses électeurs lui firent voir qu’ils n’entendaient pas être représentés à Berlin par un homme si prodigieusement aimable.

L’Alsacien n’oubliera pas de longtemps que la France l’a élevé. Comme tout Français, il a l’humeur égalitaire ; on ne lui persuadera jamais que certains hommes naissent avec une selle sur le dos et d’autres avec des éperons aux pieds. Il n’aime pas que ses gouvernans se croient d’une autre caste, d’une autre espèce que lui et le traitent de haut en bas ; il est accoutumé à ce qu’on ait des égards pour sa dignité. Il ne peut souffrir non plus qu’on s’ingère dans ses affaires de cœur et de conscience. Il a peut-être des souvenirs qui le hantent, des regrets, des amours secrètes et de secrètes espérances ; il ne pense pas en devoir compte à personne : il obéit ; n’est-ce pas assez ? « Depuis que vous êtes nos maîtres, disait au Reichstag, en 1879, un député d’Alsace, nous vous avons prouvé que nous savions respecter ce qui vous semble respectable, et nous désirons que de votre côté vous respectiez en nous des sentimens qui nous sont sacrés. » Quelques mois plus tard, le bourgeois de Mulhouse que j’ai déjà cité écrivait : « Ce que nous demandons, nous les bourgeois annexés de l’Alsace-Lorraine, c’est de vivre le moins mal possible dans une situation et sous un régime que nous n’avons pas choisis, que nous subissons au contraire par la force des choses. Le chancelier allemand, la France et le monde savent à quoi s’en tenir sur nos sentimens intimes. Mais enfin de plus sages l’ont dit : Mieux vaut vivre que philosopher, et nous voulons vivre tranquilles, et autant que possible vivre bien. Le pot-au-feu d’abord, la gloire après ! »

L’Alsacien-Lorrain pense que les étrangers qui le gouvernent et qu’il paie de son argent devraient s’appliquer, par leurs bons soins, par leurs ménagemens, à lui faire oublier son malheur, à le réconcilier avec ses nouvelles destinées ; mais ces étrangers pensent au contraire qu’ils font honneur à l’Alsacien-Lorrain en l’administrant bien ou mal : entre deux points de vue si divergens, aucun accord n’est possible. Tous ces bureaucrates, accourus de tous les coins de l’Allemagne dans le Reichsland, l’ont considéré dès l’origine comme un pays conquis, comme une proie ou comme une vache à lait, comme une ferme à exploiter, comme une terre riche et grasse où les traitemens sont beaucoup plus considérables que sur la rive droite du Rhin, et dans lequel un Kreisdirector, outre ses appointemens, reçoit 3 000 marcs d’indemnité pour une voiture à deux chevaux, et jusqu’à 1 500 marcs de supplément de paie ou de Ortszulagen. Touchant une solde de campagne et regardant comme une contribution de guerre l’argent alsacien qui entre dans leurs poches, ces fonctionnaires ont l’humeur militante ; ils ôtent rarement leurs bottes, ils ne mettent jamais leurs pantoufles. Quand M. Herzog, attaché alors à la chancellerie de l’empire et chargé de la direction des affaires du Reichsland, vint à Mulhouse, quelqu’un lui représenta qu’il serait bon de répondre au vœu de la population en accordant aux provinces annexées un régime moins rigoureux. Il répondit sèchement : « Les vœux de la population me sont absolument indifférens. » Le maître avait parlé, son mot courut, et les subalternes en firent leur devise.

Ajoutez que ces fonctionnaires, dont le chef est investi de pouvoirs dictatoriaux, se vantent d’y avoir part en quelque mesure : la dictature est une grâce qui se communique et se répand. Beaucoup ont pour principe que l’administration peut tout, et ils agissent en conséquence, ils tranchent du petit potentat. Tel agent en sous-ordre se plaît à faire sentir le poids de son autorité, et il exige, selon le mot du pays, « qu’on danse comme il siffle. » Ajoutez encore que les bureaucrates allemands ont une disposition naturelle à scruter les esprits et les cœurs ; ils aiment à lire dans les têtes, ils se défient des arrière-pensées ; il ne leur suffit pas qu’on obéisse, ils entendent que l’obéissance soit empressée et même joyeuse, et ils tiennent compte des sentimens encore plus que des actes.

Aussi les fonctionnaires de l’Alsace-Lorraine eurent-ils bientôt fait de partager leurs administrés en deux classes : celle des mauvais sujets, qui pullulaient, celle des bons sujets, qui n’étaient pas nombreux. On est implacable pour les uns, indulgent pour les autres, surtout quand ils possèdent le don des ingénieuses complaisances et des flatteuses caresses. On pardonne ses méfaits à tel secrétaire de mairie bien pensant, qui s’est permis de puiser quelquefois dans la caisse municipale, et tel maire à poigne, qui s’entend à pétrir la pâte électorale, est maintenu en fonctions, quoiqu’il se fasse payer pour des travaux qui n’ont pas été exécutés. En revanche, on accueille, on encourage toute dénonciation contre les mal pensans. Un instituteur d’outre-Rhin, établi en Alsace, engageait les petits Allemands qui fréquentaient son école à lui dénoncer les petits Alsaciens qui parlaient français pendant les récréations. « Je ne connais pas, avait dit M. Windthorst, d’état plus insupportable que celui où l’on n’est pas sûr de sa liberté personnelle, où l’on ne peut compter sur les tribunaux pour vous protéger contre les mesures arbitraires et les fausses dénonciations, et, je le crains, tel est aujourd’hui le sort de l’Alsace. » Mais les fonctionnaires du Reichsland s’inquiétaient peu de ce que pouvait dire M. Windthorst. Jusqu’en 1879, ils étaient assurés que, quoi qu’ils fissent, la chancellerie de Berlin leur donnerait toujours raison, et cette certitude leur mettait la conscience en repos et l’âme en liesse.

M. Windthorst avait dit aussi que, si on voulait faire de la politique de conciliation dans le Reichsland, il fallait y envoyer un général. L’événement prouva qu’il avait dit vrai. En choisissant son premier Statthalter, l’empereur Guillaume eut la main heureuse. Le maréchal de Manteuffel était un homme fort remarquable. Ce soldat-diplomate, qui avait partagé sa vie entre les cours et les camps, s’était montré, selon les cas, habile négociateur et homme de guerre accompli. Lorsque, après la conclusion de la paix, il avait pris à Nancy le commandement du corps d’occupation allemande, il s’était attiré les sympathies par sa bonne grâce, par ses procédés humains et courtois. Il avait laissé dans nos départemens de l’Est le meilleur souvenir qu’un vainqueur puisse laisser à des vaincus ; il conservait à la victoire tout son prestige, il la dépouillait de son insolence. Dès son arrivés à Strasbourg, ce grand homme maigre et sec fit une bonne impression ; à peine eût-il promené dans les rues sa verte vieillesse, son uniforme de dragon, sa tunique bleue, son grand manteau, sa petite tête coiffée d’une casquette et son œil vif, qui savait rire, on devina qu’il chercherait à plaire. Au surplus, il s’empressa de s’expliquer. Il déclara qu’il entendait faire sa cour à la belle Alsace-Lorraine, qu’il lui demandait sa main, et il se comparait au doge de Venise épousant la mer. Il ajoutait qu’il n’aurait garde d’envenimer les blessures, qu’il se proposait de les panser et de les guérir. Cette parole, qui réjouit les Alsaciens, fit tressaillir d’épouvante tous les bureaux : il leur parut qu’on envoyait à l’Alsace une épée pour la protéger contre leur bon plaisir.

M. de Manteuffel avait tenu, dès les premiers jours, à appeler auprès de lui des Alsaciens d’opinions modérées, disposés à entrer dans ses vues et capables de lui révéler les désirs et les griefs des populations. Ils formaient son conseil intime, il les consultait en toute occasion, et les bureaucrates mécontens l’accusaient d’inaugurer dans le Reichsland le pernicieux régime des notables, eine Notabelwirthschaft. Il s’occupait aussi d’entretenir de bons rapports avec la délégation provinciale. Dépensant jusqu’au dernier sou en frais de représentation ses 300 000 marcs de traitement, il aimait à recevoir, et sa fille l’aidait à faire les honneurs du palais. Pendant la session du Landesausschuss, il invitait chaque soir une demi-douzaine de députés ; il les interrogeait, leur tâtait le pouls ou les sermonnait amicalement. Il pratiquait largement la politique de table, et c’était par des propos de table, le verre en main, qu’il faisait connaître ses vues et ses projets. Ce soldat était un homme d’esprit et un orateur toujours en verve ; il avait une éloquence à la fois agréable et caustique, et ses toasts, d’un tour original, étaient reproduits par les journaux. Il ne se lassait pas de répéter que l’annexion était un fait irrévocable, que les Alsaciens-Lorrains devaient en prendre leur parti, mais qu’il respectait leurs souvenirs, leurs regrets, qu’un peuple ne change pas de patriotisme comme de chemise, qu’il faisait peu de cas des empressemens serviles et des sympathies menteuses, qu’il ne réclamait que l’obéissance due aux lois et au destin. Il disait aussi qu’il ne renoncerait jamais à son pouvoir dictatorial, mais qu’il n’en userait que dans les cas extrêmes et à son corps défendant, que sous son administration les électeurs seraient libres de voter comme ils l’entendraient, qu’il avait peu de goût pour les candidats officiels, qui désolent souvent leur patron par leur ingratitude. Toutefois, il se réservait le droit d’avoir des préférences, et il citait le mot du roi George III d’Angleterre à qui on reprochait de trop agir sur la chambre haute, et qui demandait s’il était le seul Anglais à qui il fût interdît d’avoir des opinions.

Il aimait à parler, il aimait aussi à se montrer. Chaque après-midi, il se promenait à pied, quêtant les saluts et saluant lui-même très bas. Quand il faisait des tournées dans les villages, il causait familièrement avec tout le monde, et il était bien reçu partout. Il se plaignait seulement qu’on ne sonnât pas les cloches sur son passage. Il en voulait à l’évêque de Strasbourg, d’être allé trouver l’empereur Guillaume à Baden pour lui représenter que, suivant la règle canonique, les cloches ne devaient être sonnées qu’en l’honneur du souverain, que si on les mettait en branle pour le Statthalter, les paysans le tiendraient pour un prince régnant. Le maréchal traita l’évêque de vieux bavard et lui battit froid quelque temps. Mais il avait trop d’esprit pour prendre ses contrariétés au tragique. Ses réceptions étant fort coûteuses, il ne maintenait qu’avec peine l’équilibre de son budget, et il eût été charmé que le Landesausschuss lui votât une augmentation de 100 000 marcs ; mais le Landesausschuss fit la sourde oreille. Un soir, il n’alluma que la moitié des bougies de ses lustres, et il dit en souriant aux députés qui dînaient chez lui : « Voyez comme vous me rendez économe. »

Il n’était pas conciliant seulement en paroles, il l’était souvent dans ses actes. Il s’appliqua à résoudre la question des optans. On refusait de valider le choix des jeunes gens mineurs qui avaient opté pour la France, et quand, plus tard, pris de nostalgie, ils retournaient en Alsace, on les y traitait en réfractaires. Cette question était la plaie des familles ; la plupart avaient un fils ou un parent condamné pour refus de service militaire. Le maréchal octroya aux optans la faculté de rentrer et de se faire naturaliser sans servir en Allemagne, et il leur accorda remise des peines prononcées contre eux. Ce n’est pas qu’il fût disposé à laisser tout faire et tout passer. Quand il avait dit non, il ne revenait pas sur ses refus. Ce fut lui qui mit à l’interdit les compagnies d’assurance françaises, ce fut lui qui rendit l’usage de l’allemand obligatoire dans les séances de la délégation provinciale, et il supprima plus d’un journal. Mais il semblait ne sévir qu’à regret, et quand il avait frappé, il éprouvait le besoin d’expliquer et de justifier ses rigueurs. Il jugeait que la dictature n’est un gouvernement tolérable que lorsqu’elle est tempérée par une bonhomie qui aime à parler, et il regardait la politesse comme un moyen d’administration et de conquête.

Son succès personnel était évident, incontestable. Il ressemblait à ces excellons acteurs qui, à force de talent et d’autorité, sauvent une pièce médiocre et un rôle ingrat. On pouvait prévoir qu’après quelques années de ce régime, un rapprochement s’opérerait par degrés entre le conquérant et les annexés. Mais ce que le maréchal tenait pour un bien, les bureaucrates de métier le tenaient pour un malheur. Eh ! quoi, l’Alsace-Lorraine cesserait-elle d’être un pays conquis et sujet, exploité par des Allemands ? Le maréchal avait annoncé l’intention de faire entrer des Alsaciens-Lorrains dans l’administration et même dans le ministère. Il avait offert un portefeuille de sous-secrétaire d’état à M. Jules Klein, pharmacien, ancien maire de Strasbourg, qui avait répondu « qu’il aimait mieux fabriquer des pilules que d’en avaler. » M. Klein avait refusé, mais d’autres pouvaient accepter, et on entendait dans les bureaux comme un grondement de dogues qui rongent leur os et qui tremblent qu’on ne le leur prenne.

Le secrétaire d’état, M. Herzog, administrateur de grand mérite, mais d’humeur cassante, n’avait pu vivre longtemps en paix avec M. de Manteuffel. Les concessions qu’il était obligé de faire lui avaient tellement échauffé la bile qu’il faillit succomber à une jaunisse. Le maréchal demanda son rappel et le remplaça par M. de Hofmann, qui était plus souple. De ce jour, les subalternes ne se sentirent plus en sûreté, et ils ourdirent une conspiration contre le Statthalter. En vrai soldat, il méprisait les délateurs et les délations ; on n’osait plus lui dénoncer les Alsaciens protestataires ; on s’en consola en le dénonçant lui-même aux journaux allemands. Ce fut une vraie croisade de presse ; professeurs de l’université, instituteurs primaires, tout le monde s’en mêlait. Les feuilles conservatrices ou libérales-nationales de Berlin et de Cologne publiaient de venimeuses correspondances anonymes, où M. de Manteuffel était traité de politique incapable, qui compromettait par ses déplorables faiblesses la sûreté du pays annexé. Il avait le malheur d’être sensible aux articles de journaux ; il ne craignait pas les coups d’épée, il redoutait les mouches et leurs piqûres. Il lui prenait des impatiences ; il aurait voulu obtenir des résultats éclatans et prompts qu’il pût opposer à ses adversaires pour les confondre. Ce doge, qui avait juré d’épouser la mer, se plaignait que ses avances fussent froidement accueillies : la mer était tranquille, unie comme une glace, et ne répondait ni oui ni non ; peut-être se souvenait-elle qu’elle était veuve et pensait-elle à son premier mari. « Calmez-vous, avait dit un député au maréchal dans une de ses heures de fâcherie ; un politique avisé ne se pique pas d’aller plus vite que le temps. »

Lorsque, dans l’été de 1885, il mourut à Gastein d’une congestion pulmonaire, l’Alsace-Lorraine ne prit pas le grand deuil, mais elle regretta sincèrement ce galant homme. On lui savait gré moins de ce qu’il avait fait que de ce qu’il promettait de faire, de ses façons d’agir, de la générosité de ses intentions et de son caractère, des espérances qu’il donnait. Il avait assez réussi pour que son successeur fût tenté de suivre son exemple, et personne ne s’attendait à un changement de régime. Le prince Hohenlohe avait été président du conseil bavarois, vice-président du Reichstag, ambassadeur en France, et à Munich comme à Berlin, comme à Paris, il passait pour un esprit tempéré, inclinant aux opinions moyennes et aux mesures libérales. Ses ennemis lui reprochaient d’avoir le regard oblique et l’accusaient de considérer la politique comme l’art de décliner les responsabilités ; mais il n’avait pas d’ennemis en Alsace quand il s’y présenta, et ses débuts furent heureux. Pour don de joyeux avènement, le nouveau Statthalter rétablit le conseil municipal de Strasbourg. Peu après, l’empereur et l’impératrice vinrent visiter le Reichsland ; ils se louèrent de l’accueil que leur fit une population qui respecte l’autorité, pourvu que l’autorité respecte ses droits et qu’elle ne cherche pas à violenter ses sentimens. Tout semblait aller pour le mieux, et le 15 octobre 1886, le prince Hohenlohe déclarait que peu de mois lui avaient suffi pour s’attacher au pays qu’il était chargé de gouverner, que désormais il regardait Strasbourg comme sa patrie. Tout à coup les affaires se gâtèrent, se brouillèrent, et ce furent les élections du 21 février 1887 qui firent tout le mal ; mais à qui la faute ?

Le Reichstag avait refusé de voter le septennat, et il fut dissous. M. de Bismarck avait prononcé à cette occasion l’un de ses discours les plus retentissans : il y représentait l’armée française comme un redoutable instrument d’agression, et la France comme une nation que le premier hasard précipiterait dans une guerre de revanche. Il devait s’attendre que son éloquence et ses prophéties remueraient profondément les provinces annexées. Peu lui importait ; il ne songeait qu’à se procurer une majorité dans le futur Reichstag, et il sacrifiait l’accessoire au principal. Heureusement l’Alsacien a trop de bon sens pour ne pas savoir que certaines déclarations du chancelier ne doivent être acceptées que sous bénéfice d’inventaire. Mais, en conscience, on ne pouvait espérer qu’il prît parti pour le septennat. On annonçait à l’Alsace-Lorraine de prochaines batailles, et on lui demandait d’élire des députés favorables à une loi qui l’obligerait à augmenter le contingent qu’elle devait fournir à l’Allemagne ; c’était vraiment trop exiger. Le prince Hohenlohe fit une faute grave ; il aurait dû s’abstenir, il résolut d’entrer en campagne. Pour se conformer aux instructions que M. de Hofmann recevait de la chancellerie impériale, et malgré les avis contraires que lui donnaient ses sous-préfets eux-mêmes, il publia un manifeste en faveur du septennat, et ordre fut intimé à tous les fonctionnaires d’user de tous les moyens pour arracher au pays un vote qui fût agréable à Berlin. Jamais pression si violente n’avait été exercée sur les électeurs ; on se flattait de les intimider, on ne réussit qu’à les irriter. Un des candidats officiels ayant affirmé que, si le septennat était rejeté, ce serait la guerre, et que l’ennemi ne tarderait pas à envahir le Reichsland, on lui cria : « L’ennemi ! il y a plus de seize ans qu’il est chez nous. » On avait semé le vent, on récolta la tempête, et l’opposition remporta un éclatant triomphe. L’éloquence de M. de Bismarck et le manifeste du prince Hohenlohe l’avaient beaucoup aidée.

Les bureaucrates de métier ne sont jamais si certains d’avoir raison que lorsqu’ils sont dans leur tort. « C’est la faute du feu maréchal, s’écriait-on, de sa mansuétude et de ses concessions ! Voilà où nous ont menés les voies de douceur ! » — On avait dit aux Alsaciens-Lorrains : « Si vous votez bien, on vous donnera peut-être du sucre d’orge ; si vous votez mal, vous aurez le fouet. » Ils avaient mal voté, ils ont eu le fouet. Les fonctionnaires mécontens et les professeurs de l’université de Strasbourg qui envoient des correspondances anonymes à Berlin et à Cologne demandaient que le Reichsland fût incorporé à la Prusse, que toute personne suspecte de sympathies françaises fût chassée du pays, que le Landesausschuss fût supprimé. On n’a pas fait tout ce qu’ils désiraient ; mais on a renchéri sur la politique compressive et tracassière d’autrefois. Les dénonciations encouragées, récompensées, la police ayant l’œil et la main partout, des mesures puériles et des brutalités, la proscription des étiquettes et des enseignes de boutiques françaises, les chemins de fer n’acceptant plus les colis qui portent une marque française, un père de famille condamné pour avoir envoyé son fils apprendre le français dans une école de Saint-Dié, le chocolat Ménier mis à l’index, l’ordre de débaptiser le pain d’épice et de ne l’appeler jamais que Pfefferkuchen, les chants séditieux punis de 4 000 francs d’amende et de deux ans de prison, des difficultés croissantes pour les permis de séjour, des expulsions, des bannissemens ; que n’inventent pas des bureaux en colère ? Enfin est venue la loi des passeports, et désormais l’Alsace-Lorraine a une frontière fermée, qui ne s’entre-bâille que pour laisser passer des gens absolument sûrs. Cette loi, dont les finances du Reichsland risquent de se ressentir, sera-t-elle rapportée ? L’Allemagne ne persuadera jamais au monde que pour tenir un pays où il n’y a jamais eu en dix-sept ans le moindre désordre, elle est obligée d’ajouter à la dictature les rigueurs d’un emprisonnement cellulaire.

Pendant que les bureaux célèbrent leur victoire, que fait le Statthalter ? Il laisse faire. Soit qu’il n’ait pas à Berlin l’autorité suffisante, ou qu’il soit désireux de ne pas compromettre son repos, il semble avoir résolu de ne se mêler de rien, de n’intervenir en rien. Il laisse ses fonctionnaires libres de suivre leurs propres inspirations ou celles qu’ils reçoivent de la capitale de l’empire ; il ne leur adressa aucune question indiscrète, il s’applique à ne point s’ingérer dans leurs affaires. Il n’a point de conseil intime, et on ne cite de lui aucun propos de table ; il ne donne guère à dîner, il représente peu, fait peu de bruit, il s’efface. On l’a autorisé à faire sonner les cloches sur son passage ; mais il n’abuse pas de cette autorisation. On raconte qu’il est entré un jour, le chapeau sur la tête, dans une salle où siégeait un conseil municipal ; il a dû lui en coûter, car il a d’ordinaire la politesse exacte d’un homme très bien né.

Ajoutons qu’il a l’esprit trop cultivé, qu’il est trop intelligent, trop raisonnable pour approuver des mesures ridicules ou brutales, qu’il n’ose condamner tout haut. S’il cédait à son penchant naturel, il intercéderait quelquefois, il se souviendrait peut-être qu’il avait fait au Reichsland l’honneur de l’adopter pour sa patrie. Il dirait comme Ponce-Pilate : « Je ne vois rien de criminel dans cet accusé. » Mais il ne dit rien : le prince Hohenlohe est un Ponce-Pilate qui se tait. Au reste, dans toute l’Alsace-Lorraine, le silence est d’or. Si le Statthalter ne souffle mot, c’est qu’il craint de se brouiller avec ses bureaux ou avec Berlin ; si les administrés se taisent, c’est que l’Alsace est un des pays de ce monde d’où il est le plus dur d’être exilé. Il y a cependant des gens qui ne savent pas se tenir ni résister à la funeste démangeaison de dire une fois au moins ce qu’ils ont sur le cœur. Naguère un Kreisdirector priait un bourgmestre alsacien de lui faire les honneurs de sa commune. Le bourgmestre lui montra dans l’église une petite souris d’argent, présent d’un évêque, et qui passe pour avoir la vertu de conjurer tous les fléaux. — « Vous croyez donc à cette niaiserie ? demanda le sous-préfet en haussant les épaules. — Comment pourrais-je y croire encore, répondit le maire en courbant les siennes, puisque vous êtes encore ici ! »

Il y avait en Alsace, dès le lendemain de la conquête, des autonomistes et des protestataires. Ils se querellaient souvent, et ils étaient cependant bien près de s’entendre. Les uns disaient : « Les Allemands nous accorderont notre autonomie ; s’ils nous la refusent, nous protesterons comme vous. » Les autres répondaient : « vous verrez que les Allemands ne nous la donneront jamais ; si par miracle ils nous la donnaient, comme vous nous transigerions. » Sous le régime du maréchal de Manteuffel, plus d’un protestataire était devenu autonomiste ; sous le régime présent, il n’y a pas un autonomiste qui ne proteste. « On prétend que qui aime bien châtie bien, disait au Reichstag un député du Reichsland ; mais puisque nous devons être éternellement châtiés, puisque, moins favorisés que les autres citoyens allemands, on nous condamne à être toujours gouvernés par des lois d’exception, que voulez-vous que nous pensions de notre nouvelle nationalité ? » Les autonomistes ont perdu leurs espérances, et quand on s’informe de leur santé, ils répondent, comme Saint-Évremond mourant : « Je voudrais me réconcilier avec l’appétit. » Le prince Hohenlohe est le plus discret des gouverneurs. S’il sortait de son prudent silence, il confesserait sans doute que la politique à laquelle on le force d’attacher son nom lui paraît fort impolitique ; que les mesures qu’on l’oblige de prendre ou de laisser prendre sont les plus propres du monde à inspirer à un peuple fier autant que sage et patient le dégoût du pain qu’on lui fait manger, ainsi que de la main qui le lui offre, et le fatal amour du fruit défendu.

G. Valbert.