Deux poëmes couronnés/02
HYMNE NATIONAL
POUR LA FÊTE DES CANADIENS-FRANÇAIS
Cieux, déroulez sur notre tête
Vos voiles de pourpre et d’azur !
Soleil, brille d’un feu plus pur !
Que la terre en ce jour revête
Toute sa gloire et sa beauté !
Que l’onde plus mollement coule
À travers le pré velouté !
Que l’oiseau plus gaîment roucoule !
Que tout s’unisse à ces concerts
D’un peuple qui demande place
Parmi les grands peuples qu’embrasse
L’orbe éclatant de l’Univers !
Ah ! prêtez-moi votre voix infinie,
Chœurs éternels que j’entends en tout lieu !
Ah ! prêtez-moi votre sainte harmonie,
Esprits d’amour qui chantez devant Dieu !
Ouvrez, ouvrez votre aile diaphane,
Anges gardiens de mon jeune pays !
Écoutez-moi, mon chant n’est pas profane :
Portez à Dieu les hymnes que je dis !
Vole moins lente,
Ô belle nuit !
Vole moins lente !
Mon âme ardente
Aime le bruit,
La voix tremblante
Du temps qui fuit !
Éveille, éveille
Tes doux échos.
La fleur vermeille.
Le chant des flots !
Lève ton voile,
Ô nuit d’amour !
Lève ton voile
Voici le jour !
Brillante étoile
Qui luis encor
Comme un clou d’or
Aux voûtes sombres,
Dans ton essor
Chasse les ombres !
De tes doux feux,
Aurore blonde,
Éclaire, inonde
Les champs des cieux !
Parais, lumière !
Ô jour, parais !
Que la chaumière,
Que le palais,
Que la rivière,
La cime altière
De nos forêts
Et la poussière
De nos guérets
Bondissent de joie !
Que le papillon
Tout de vermillon
Dans le chaud rayon
Du jour qui le noie,
Plein d’amour déploie
Son aile de soie,
Se berce et tournoie
Comme une fleur au vent !
Qu’une chanson plus douce
Monte du nid de mousse
Sur le rameau mouvant !
C’est jour d’ivresse !
Que la tristesse
Sèche ses pleurs !
C’est jour de fête !
Que chaque tête
Porte des fleurs !
L’aurore s’est levée et l’ombre s’est enfuie…
Sur l’humide forêt que le vent chaud essuie,
Ô soleil, tes rayons tombent comme une pluie !
Enfants du Canada, laissez le fier taureau
Bondir, libre du joug, sur l’herbage nouveau !
Laissez dans le sillon le soc et le hoyau !
C’est la fête immortelle
Et sans cesse nouvelle
Où l’amour se révèle,
L’amour du sol natal !
Où l’espoir se ranime
À ton aspect sublime,
Drapeau national !
Ô Bardes, accordez vos violons rustiques !
Que vos refrains joyeux et vos pieux cantiques
Montent comme un parfum jusqu’aux divins Portiques.
Mêlez vos nobles voix aux bruits vagues des eaux.
Aux murmures du vent qui berce les roseaux.
Aux accords printaniers des sauvages oiseaux !
C’est l’heure douce et pure
Dans toute la nature
Où le peuple se jure
Une sainte union !
Où ta force s’affirme,
Où le Seigneur confirme
Tes droits, ô nation !
Brunes filles des champs, dansez sur la prairie !
Vierges, cueillez des fleurs, la pelouse est fleurie.
Cueillez des fleurs, ô vous les fleurs de la Patrie !
Que l’aigle qui s’élance à son roc de granit,
L’hirondelle qui vient lorsque l’hiver finit
Aux vieux toits du hameau pendre son humble nid :
Que la rose entrouverte au front de la charmille,
Et la nappe d’azur où l’étoile scintille ;
Et la voile de lin sur la nef qui vacille ;
Que l’arbre couronné d’un feuillage odorant,
Le brouillard qui revêt son manteau transparent,
L’ondine qui se baigne et se berce au courant ;
Ah ! que tout ce qui brille : Étoiles, fleurs ou flammes :
Que tout ce qui soupire : Oiseaux, brises ou lames !
Et que tout ce qui prie : Hommes, anges ou femmes !
Entonne en ce beau jour un hymne solennel
Comme il en retentit quand l’Archange Michel
Plongea dans les enfers tous les damnés du ciel !
C’est l’heure douce et pure
Dans toute la nature
Où le peuple se jure
Une sainte union !
Où ta force s’affirme,
Où le Seigneur confirme
Tes droits, ô nation !
C’est la fête immortelle
Et sans cesse nouvelle
Où l’amour se révèle
L’amour du sol natal !
Où la foi se ranime
À ton aspect sublime,
Drapeau national !
Ah ! prêtez-moi votre voix infinie,
Chœurs éternels que j’entends en tout lieu !
Ah ! prêtez-moi votre sainte harmonie,
Esprits d’amour qui chantez devant Dieu !!
Peuple, entonne des chants de gloire !
Peuple, en ce jour réjouis-toi ;
Ton drapeau qu’aimait la victoire
Sut faire respecter ta loi !
Jamais de ta splendeur première
Tu n’es tombé dans la poussière
Où roulent tant de nations !
Et jamais sur ton front sublime
Nul n’a pu voir la main du crime
Buriner ses honteux sillons !
Revêts tes vêtements de joie !
Défends ta foi, ta liberté !
Bénis ! bénis la main qui broie
Les fers de la captivité !
Abhorre le froid égoïsme ;
Il traîne un peuple au servilisme
Et le dépouille de son cœur !
À l’horizon des temps, regarde
Tout ce que l’avenir te garde
De paix de gloire et de splendeur !
Méprise la voix de ce traître
Pour qui le peuple est un troupeau !…
Brise le sceptre de ton maître
S’il devient le fouet d’un bourreau !…
Ne laisse pas la tyrannie
Mettre un cachet d’ignominie
Sur ton sacré bandeau de roi !
Et souviens-toi que ton pied foule
Un sol où depuis longtemps coule
Le sang des héros de la foi !
Qui donc dit que tu dégénères,
Ô peuple autrefois tant vanté ?
Que dans leurs sépulcres tes pères
S’indignent de ta lâcheté ?
Que muet tu courbes la tête
Sous le joug honteux que t’apprête
N’importe quel maître étranger ?
Qu’en tombant tu n’aurais pas même
Pour le tyran un anathème,
Pas même un fils pour te venger ?
Peuple, tu te souviens encore
Des grandes leçons des aïeux ?
Tu te souviens que ton aurore
D’un vif éclat remplit les cieux ?
Que les langes de ton enfance
Étaient ces drapeaux que la France
Promenait au champ de l’honneur ?
Qu’au bruit d’une salve guerrière
Le feu brillait sous ta paupière
Et les élans brisaient ton cœur ?
Tu te souviens de ces campagnes
Sous le ciel rude des hivers,
À travers les âpres montagnes
Et dans les glaces des déserts,
Où les soldats de la Patrie,
Par leur audace et leur furie.
Foudroyaient de vieux bataillons,
Et chassant des troupes navrées,
Jusqu’en de lointaines contrées
Allaient planter leurs pavillons !
Tu te souviens du promontoire
Où Lévis longtemps attendu
De la France par la victoire
Sut racheter l’honneur perdu ?
Et n’est-il plus dans ta mémoire
Celui qui promena ta gloire
Du pôle nord jusqu’au midi ?
Qui sembla commander à l’onde
Et qui vit tout le nouveau monde
De ses nobles faits étourdi ?…
Peuple, tu te souviens des braves
Que des tyrans mirent à mort
Parce qu’ils brisaient tes entraves
Et voulaient adoucir ton sort ?
Ton âme s’éveille et tressaille
Au souvenir d’une bataille
Comme celle de Carillon !
Tu vois encor notre héroïne
Debout sur son fort en ruine
Lancer la foudre en tourbillon !
Et tu serais un peuple lâche !
Tu serais un peuple abaissé !…
Trop faible pour remplir la tâche
Que te cède un brillant passé !
Qui donc ainsi te calomnie,
Ô canadien, race bénie
Que n’a pu briser le malheur ?
Ton nom n’a-t-il plus de prestige ?
Sorti d’une si belle tige,
N’es-tu qu’une débile fleur ?…
Es-tu donc, ô Patrie.
Une terre flétrie
D’où s’enfuit la vertu ?
Où comme un grand poète
Dans ses chants le répète,
Ô ma Patrie, es-tu
La Vierge couronnée
Qu’une troupe avinée
Traîne dans les égouts !
N’as-tu plus l’innocence,
La gloire et la puissance
Qui faisaient des jaloux ?
Je t’aime, ô sol natal ! Je t’aime et te révère !
Que Dieu verse sur toi ses bienfaits les plus doux !
Jusqu’au jour où le ciel deviendra notre terre
La terre où nous vivons doit-être un ciel pour nous !
Ô vous que je contemple
Près de notre saint temple,
Vains autels des faux Dieux,
Retombez en poussière !
Votre froide prière
Est une injure aux cieux !
Meurs, perfide idiome
Qui glisses sous le chaume
Comme sous les lambris !
Que la langue d’un père
Ne soit pas étrangère,
Juste ciel ! à ses fils !
Je t’aime, ô sol natal, je t’aime et te révère :
Que Dieu verse sur toi ses bienfaits les plus doux !
Jusqu’au jour où le ciel deviendra notre terre,
La terre où nous vivons doit-être un ciel pour nous !
Je vous aime, rivages,
Ciel de feu, blancs nuages,
Fleuves majestueux,
Bois remplis de mystères,
Montagnes solitaires,
Torrents impétueux,
Hivers, vents et tempêtes,
Printemps d’amour qui jettes
Mille arômes nouveaux,
Été d’azur, automne
Que la moisson couronne,
Brillants chœurs des oiseaux !…
Je t’aime, ô sol natal ! je t’aime et te révère !
Que Dieu verse sur toi ses bienfaits les plus doux !
Jusqu’au jour où le ciel deviendra notre terre,
La terre où nous vivons doit-être un ciel pour nous !
Ô Patrie adorée
Est-il une contrée
Aussi belle que toi ?
Aux jours sombres d’orage
Tu puises le courage
Dans l’amour et la foi !
Tu n’es pas affaiblie
Par un lâche repos !
Ô terre des héros,
Tu n’es pas avilie !
Non ! j’en appelle à vous,
Antiques sanctuaires
Où je prie à genoux,
Non ! j’en appelle à vous,
Ô cendres de mes pères !
Sortez de votre tombe, ô Mânes des aïeux !
Laissez vos linceuls de poussière !
Secouez le sommeil qui pèse sur vos yeux.
Mânes, parlez à ma prière !
Dites, n’est-il plus beau votre cher Canada
Et sa gloire est-elle périe ?
La terre qu’autrefois votre sang féconda
N’est-elle plus jamais fleurie ?
Voyez nos champs couverts d’une riche moisson,
Voyez nos villes florissantes.
Dans nos beffrois d’argent entendez-vous le son
De nos cloches retentissantes ?…
Ah ! si notre vertu chancelle un seul moment,
Si jamais notre foi succombe,
Pour nous marquer au front d’un stigmate infamant,
Mânes, sortez de votre tombe !…
Sortez de votre tombe, ô Mânes des aïeux !…
Nos bois, nos champs et nos montagnes.
Ont pour vous saluer des échos merveilleux !…
Pour revoir nos vertes campagnes,
Pour revoir le beau ciel que vous avez chanté
Aux jours lointains de votre vie ;
L’orgueilleux Saint-Laurent que vous avez dompté
Et dont chaque vague asservie
Semble redire encor votre nom glorieux ;
Pour voir si nos grandes rivières
Promènent aujourd’hui sous de plus pâles cieux
Des ondes moins pures, moins fières ;
Pour voir si le soleil dore moins nos coteaux
À l’heure où gémit la colombe,
Et si dans nos forêts les concerts sont moins beaux,
Mânes, sortez de votre tombe !…
Sortez de votre tombe, ô Mânes des aïeux !
Un peuple entier est dans l’attente !
Mânes, pour le juger paraissez en ces lieux !
Dites si d’une âme contente
Il ne s’élance pas au milieu du danger,
Si son front porte quelque honte,
S’il s’est laissé flétrir par un maître étranger !
Connaît-il un bras qui le dompte
Ce peuple de héros que vous avez formé ?
Sa foi s’est-elle donc éteinte ?
Le temple qu’il vénère est-il jamais fermé ?
Et quand s’est-il courbé par crainte
Devant l’iniquité qui violait ses droits ?
A-t-il l’air d’un peuple qui tombe ?
Pour le dire aux pervers qui méprisent ses lois.
Mânes, sortez de votre tombe !…
Ô mon luth, suspend tes accords ;
Repose aux branches reverdies…
Quel flot de saintes mélodies
S’élève soudain de nos bords !…
Est-ce votre voix infinie,
Chœurs éternels que j’entends en tout lieu ?
Est-ce votre douce harmonie,
Esprits d’amour qui chantez devant Dieu ?
Cieux, déroulez sur notre tête
Vos voiles de pourpre et d’azur !
Soleil, brille d’un feu plus pur !
Que la terre en ce jour revête
Toute sa gloire et sa beauté !
Que l’onde plus mollement coule
À travers le pré velouté !
Que l’oiseau plus gaîment roucoule !
Que tous s’unisse à ces concerts
D’un peuple qui demande place
Parmi les grands peuples qu’embrasse
L’orbe éclatant de l’univers !
Ouvrez ! ouvrez votre aile diaphane,
Anges gardiens de mon jeune pays !
Mon humble chant n’a pas été profane,
Portez à Dieu les hymnes que j’ai dits !