Dictionaire général et curieux/Epistre

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A TRES ILLUSTRE SEIGNEUR,

MESSIRE ROGER JOSEPH-DAMAS

DE MARILLAT,

DOYEN DE L’EGLISE

ET COMTE DE LYON.

ONSIEUR.





Je sçay que vos rares talens meriteroîent un plus riche & un plus magnifique present que celuy-çy, mais je ne dois pas pour cela, ce me semble, décrier le sujet de mon Livre, ny dire à vostre recommandation qu’il est tout à fait indigne de vous estre dedié, puisqu’il contient plusieurs choses qui concernent l’Etat de l’Eglise Naissante, ses Progrez, le Traité de ses sacremens, & plusieurs autres choses curieuses, que de personnes bien éclairées ont jugé devoir estre mises en lumiere. Toutes ces raisons m’ont fait esperer l’honneur de vostre protection & de vostre estime, & je pourrois me flater dés ce moment de cèluy de l’approbation universelle, si j’estois assez heureux pour mériter la vostre ; il ne me seroit pas mesme permis d’avoir mauvaisè opinion de mon Ouvrage si vous en aviez porté un jugement favorable.

Nam magnis placuisse viris non ultima Laus est.

Les cent bouches que les Poëtes donnent à la Renommée ne valent pas celle d’un homme illustre, ses jugemens font le prix & le caractere du mérite des choses. On sçait que la sagesse a paru en vous aussi-tost que la raison, elle a le mesme âge que vous vous donnez ; & si cette vertu accompagnée de ces hautes connoissances de vostre esprit, vous fait occuper aujourd’huy le premier rang dans un Chapitre le plus Auguste, le plus Noble, & un des plus anciens de la Chrétienté ; On peut dire que vous y êtes monté par un progrez continuel que vous avez fait en cette vertu : Si bien que lors que Messieurs de vostre Chapitre vous nommèrent pour leur Chef dans un âge peu ayancé, il est constant qu’ils estoient instruits & persuadez de cette verité, & de l’applaudissement general que vous veniez de recevoir en prenant vos degrez en Sorbonne : Ces Messieurs remplis de prudence & de sagesse n’eurent pas besoin de fatiguer leur veûe en la portant dans les générations passées, ils trouvèrent en vous mesme tous les sujets de vostre exaltation ; ils reconnurent en vostre Pérsonne toute vostre Illustre Genealogie ; Votre vertu a esté l’epitaphe dans lequel ils ont remarqué la gloire de vos Ayeuls, qui ont occupé les plus éminentes charges de l’Estat ; il faut donc conclure, que c’est vostre merite, vostre Vertu, qui negotierent cette affaire dans cette Assemblée : Et comme vous faites régner par tout la vérité vous trouvez dans ce vénérable Corps des admirateurs qui vous cherissent en esprit, & vous reverent en vérité, & on peut dire qu’ils ont donné des marques de leur estime & de leur affection dans l’uniformité de leurs suffrages : L’Ange Tutelaire de cet illustre Chapitre cherchoit un Ministre capable de succeder à tant de grands Hommes qui ont remply vostre place ; mais comme vous avez esté jugé digne de soutenir ce Nom & cette Dignité, tous les desirs communs se sont trouvez accomplis, & les souhaits ont finis à vostre heureux avènement.

Ainsi MONSIEUR, on a trouvé en vostre illustre Personne un Chef tel qu’on souhaitoit, on y a remarqué cette grande intelligence, une conduite toujours accompagnée d’une gravité joyeuse, une tranquilité active, & une force infatigable de corps & d’esprit.

Les Assemblées générales du Clergé où l’on vous a vu comme Député ont rendu témoignage de vostre sagesse dans les délibérations, de vôtre justice dans les decisions, de vostre vigueur dans l’execution, & sur tout de cette fermeté inébranlable avec laquelle vous avez soutenu les interests de l’Eglise ; Tous ces grands Prélats qui composoient cet illustre Corps furent etonnez de cette conduite si discrete que vous faites paroître en toutes rencontres, de ce discernement admirable à éclaircir les affaires les plus difficiles, les plus subtiles & les plus importantes, & de cette maniere de les décider avec douceur & équité.

Ce grand génie a paru lors que vous avez abordé les Princes qui ont passé en cette ville, après vous avoir écouté ils ont avoué que Paris ne renfermoit pas tous les grands Hommes ; ils ont esté charmez d’une sagesse si profonde, d’une éloquence si divine, & d’une abondance si extraordinaire de lumières : Voilà, MONSIEUR, les
glorieux fruits de ces longues & grandes etudes que vous avez faites dans vostre tendre jeunesse.

Il ne faut donc pas s’étonner si vostre Chapitre donne de la jalousie & de l’envie à ceux à qui Dieu n’a pas distribué le mesme avantage, & qui ne vivent pas toujours de bonne intelligence avec leur Chef, au lieu que dans un mesme Choeur, on voit souvent des coeurs bien divisez ; on entend dans celuy de vostre Cathedrale un admirable concert de voix & de volontez ; Le particulier y profite de vostre presence, il s’édifie de l’exemple de vos vertus, de la regularité de vostre vie, & de la prudence de vôtre conduite.

Toutes ces belles qualitez vous attirent tous les jours de plus en plus l’amour & l’estime de tous les Ecclesiastiques, & la veneration des gens de bien ; Mais MONSIEUR, il faudroit en cette rencontre une plume plus fertile que la mienne, qui ne laisse pas de prendre la liberté de vous interposer comme son protecteur & médiateur, auprès de ceux qui liront cet Ouvrage : Je ne sçay pas l’issuë qu’il pourra avoir, mais j’en tireray toujours l’advantage qu’il me donne de vous rendre un témoignage public des profonds respects avec lesquels je suis


MONSIEUR,





Vostre tres-humble & tres-
Obeissant serviteur,
CESAR DEROCHEFORT

AU LECTEUR

HACUN sçaît qu’un Dictionaire est un Ouvrage qui ne fe peut faire que peu à peu, & avec beaucoup de temps & beaucoup de peine ; que la lecture des plus excellens Autheurs eft neceffaire pour le rendre utile, & qu’il eft mal-aisé de ne fe pas fervir de leurs plus belles expreffions pour le rendre agréable ; & c’eft ce qui oblige les Critiques de dire, qu’il ne faut pas une finguliere induftrie, ni beaucoup de travail non plus, à ranger fous de certains titres les fentences tirées de divers Livres, telles que tout le monde les conçoit d’abord ; Mais il faut qu’ils demeurent d’accord, qu’il y a peu de perfonnes capables de pénétrer jusques au sens caché des doctes Ecrivains, & il s’en trouve encore moins qui les sçachent ranger dans la place qui leur convient : Si bien que lors que cette règle est foigneusement gardée, on ne sçauroit sans injustice rejetter un Livre qui vous donne dans le moment des instructions curieuses sur la diction qui vous tombe dans la pensée ; Car encore que ce que l’on debite vienne en partie des Oracles de l’Antiquité, ou de la plume des sçavans modernes dont les écrits font aujourd’huy en estime, tout cela n’ôte pas le mérite d’une nouvelle compofition, ny le prix d’un ouvrage qui eft capable de tenir lieu de biblioteque à ceux qui n’ont pas les moyens de fe fournir de quantité de livres. On remarque cela dans la Nature, que toute admirable quelle est, & toute puissante, elle ne produit point de mixtes qu’en fe fervant d’une matière commune & en employant les quatres Elemens, & cela n’empefche pas que l’on ne reconnoisse dans toutes fes opérations quelque chofe de Divin ; un bouquet composé de plufieurs belles fleurs ne perd point fon agrément pour avoir efté cueilli en divers parterres. J’advoue ingénument que ce n’estoit pas mon deffein, encore moins ma pensée de conduire ce Recueil aux yeux de tout le monde, il a demeuré long-temps enfevely dans mon cabinet, où il n’eftoit visité que lors que j’eftois obligé de parler en public, & de foutenir quelque belle caufe dans le Barreau ; mais puis que quantité d’habiles gens qui ont vifité mes manufcrits ont jugé qu’ils contenoient de chofes curieufes & dignes d’eftre mifes fous la preffe ; cela eft caufe que j’ay mieux aymé me soumettre à la Censure de ceux qui ne trouvent rien capable de flater leur goust, que de ne pas deferer aux sentimens de plusieurs personnes qui m’ont donné leur approbation : Que si à la première ouverture de ce Dictionaire l’on ne trouve pas d’abord de quoy se satisfaire, il est certain neamnoins qu’estant remply de diverses choses curieuses, on trouvera dans une autre page quelque chose qui flatera le goust, & ce qu’il y a de plus important est que les citations sont fort régulières. Le Ciel qui donne tel succez qu’il luy plait aux choses, me veüille procurer l’approbation des honnestes gens, & la benediction de ceux qui tireront quelque utilité de mes soins & de mes travaux.