Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Sanctuaire

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SANCTUAIRE, s. m. (carole). Partie de l’église où se trouve placé l’autel majeur. Les sanctuaires des églises du moyen âge sont orientés de telle façon que le prêtre, à l’autel, regarde le lever du soleil d’équinoxe ; du moins cet usage paraît-il avoir été établi depuis le VIIIe siècle, en Occident.

Cependant il est quelques exceptions à cette règle. Le sanctuaire de l’église abbatiale de Saint-Victor, à Paris, était tourné vers l’orient d’été[1].

La plupart des églises rhénanes possèdent deux sanctuaires, l’un à l’orient, l’autre à l’occident, et le plan de l’église de l’abbaye de Saint-Gall, attribué à l’abbé Eginhard, vivant du temps de Charlemagne[2], présente la même disposition. Toutefois, dans ce plan d’église, le sanctuaire oriental est seul pourvu de stalles, d’ambons, qui manquent au sanctuaire de l’ouest.

L’adoption des doubles sanctuaires se retrouve dans quelques églises françaises, dans les cathédrales de Besançon, de Verdun, de Nevers même (voy. Cathédrale).

Dans les églises abbatiales, le sanctuaire est au-dessus du chœur, lequel est le plus souvent installé, soit dans le transsept, soit dans les dernières travées de la nef. Tel était disposé le sanctuaire de l’abbaye de Saint-Denis (voy. Chœur)[3]. Le sanctuaire des églises abbatiales se trouvait habituellement élevé au-dessus d’une crypte dans laquelle étaient enfermées les châsses des corps saints (voy. Architecture Monastique). Ces cryptes ou confessions, avec les sanctuaires qui les surmontent, sont conservées encore dans les églises abbatiales de Saint-Germain d’Auxerre, de Vézelay, de Sainte-Radegonde à Poitiers, de Saint-Denis en France, de Saint-Benoît-sur-Loire, de Montmajour près d’Arles, de Saint-Sernin de Toulouse, etc. Alors le sanctuaire proprement dit est relevé de quelques marches au-dessus du pavé de la nef, et formait un lieu réservé possédant un autel particulier, dit autel des reliques, tandis que le maître autel était placé au-dessous de ce sanctuaire, devant le chœur des religieux, et s’appelait autel matutinal, c’est-à-dire devant lequel on chantait les matines.

Nos cathédrales françaises, rebâties pendant la seconde moitié du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe, ne possédaient pas, à proprement parler, de sanctuaire, mais seulement un chœur au milieu duquel s’élevait l’autel. La cathedra, le siège épiscopal, était posée au fond du chœur, derrière l’autel. Il faut se reporter au temps où furent élevés ces grands monuments, pour apprécier les motifs qui avaient fait adopter cette disposition qui appartient aux provinces dépendant du domaine royal. Nous avons indiqué ces motifs dans notre article Cathédrale, et nous ne croyons pas nécessaire d’insister. Il nous suffira de dire que ces grandes églises étaient si peu pourvues de ce qu’on appelle sanctuaire dans les églises abbatiales, que le chœur était généralement établi de plain-pied avec le collatéral.

Cette disposition existait primitivement à Notre-Dame de Paris, dans les cathédrales de Senlis, de Meaux, de Chartres, de Sens. Le chœur n’était pas même séparé des bas côtés par des clôtures, celles-ci ayant été établies plus tard, vers le milieu du XIIIe siècle, au moment où ces grands monuments perdirent leur double destination civile et religieuse pour ne conserver que la dernière. Même alors le chœur était clos, mais il n’était pas établi une séparation distincte entre celui-ci et le sanctuaire, ou plutôt l’autel était placé à l’extrémité orientale du chœur, au centre du rond-point. Tout sanctuaire implique la présence d’une confession, d’une crypte contenant un ou plusieurs corps saints ; or, les grandes cathédrales, rebâties aux XIIe et XIIIe siècles, sauf de rares exceptions[4], ne possédaient pas de cryptes, partant pas de sanctuaires.

  1. Diocèse de Paris, l’abbé Lebeuf, t. II, p. 543.
  2. Voyez Mabillon et l’Architecture monastique de M. Albert Lenoir, p. 24.
  3. Voyez, pour la disposition ancienne du sanctuaire de l’église abbatiale de Saint-Denis, la Cosmographie universelle, François de Belle-Forest, 1575, 2e vol. du tome I, et D. Doublet.
  4. Bourges, Chartres.