Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Catacombes (les)

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Catacombes (les).

Principale entrée dans la cour du pavillon ouest de la barrière d’Enfer.

Les catacombes sont d’immenses carrières dans lesquelles sont déposés les ossements extraits des églises et des cimetières détruits depuis plus de quarante années. — Dès le commencement du XIVe siècle, on voulut exploiter les bancs calcaires des carrières trouvées sous le faubourg Saint-Jacques, les territoires de Mont-Souris et de Gentilly. Ces exploitations furent faites sans surveillance et sans méthode. L’Observatoire, le Luxembourg, l’Odéon, le Val-de-Grâce, le Panthéon, l’église Saint-Sulpice et les voies publiques qui serpentent autour de ces monuments, étaient suspendus sur des abymes. Laissons parler M. Héricart-de-Thury : « Les souterrains dans lesquels sont établies les catacombes, dit ce savant, après avoir fourni les matériaux de construction de nos temples, de tous nos édifices, ont ensuite servi à recueillir les restes de nos ayeux, derniers vestiges de ces générations multipliées, enfouies et ensuite exhumées du sol de notre ville, où elles s’étaient succédé pendant un si grand nombre de siècles. L’idée de former dans les anciennes carrières de Paris ce monument unique est due à M. Le Noir, lieutenant-général de police. Ce fut lui qui en provoqua la mesure en demandant la suppression de l’église des Innocents, l’exhumation de son antique cimetière et sa conversion en voie publique. En 1780, la généralité des habitants, effrayée des accidents qui eurent lieu dans les caves de plusieurs maisons de la rue de la Lingerie, par le voisinage d’une fosse commune ouverte vers la fin de 1779 et destinée à contenir plus de deux mille corps, s’adressa au lieutenant-général de police, en démontrant les dangers, dont la salubrité publique était menacée par ce foyer de corruption, dans lequel, portait la supplique, le nombre des corps déposés excédant toute mesure et ne pouvant se calculer, en avait exhaussé le sol de plus de huit pieds au dessus des rues et habitations voisines. » Le cimetière des Innocents a dû, pendant sept siècles, dévorer douze cent mille cadavres. M. de Crosne, successeur de M. Le Noir, fit nommer par la société royale de médecine, une commission chargée de déterminer les moyens de parvenir à supprimer le cimetière des Innocents. On désigna pour recevoir les ossements du charnier des Innocents, les anciennes carrières situées dans la plaine de Mont-Souris, au lieu dit la Tombe-Isoire ou Isoard, ainsi appelée, dit-on, du nom d’un brigand qui exerçait ses rapines aux environs. « M. Guillaumot, premier inspecteur général ajoute M. Héricart de Thury, fit exécuter au commencement de 1786 les travaux nécessaires, pour disposer d’une manière convenable le lieu destiné à recueillir les ossements exhumés du cimetière des Innocents, et successivement ceux qui seraient retirés de tous les autres cimetières, charniers et chapelles sépulcrales de la ville de Paris. L’état de ces carrières abandonnées depuis plusieurs siècles, la faiblesse des piliers, leur écrasement, l’affaiblissement du ciel dans un grand nombre d’endroits, les excavations jusqu’alors inconnues des carrières inférieures, les dangers qu’elles présentaient, les piliers des ateliers supérieurs portant à faux, le plus souvent sur les vides des ateliers de dessous, les infiltrations et les pertes du grand aqueduc d’Arcueil, etc., furent autant de motifs qui déterminèrent l’inspection à apporter la plus grande activité dans ses travaux. Après avoir fait l’acquisition de la maison connue sous le nom de Tombe-Isoire ou Isoard, située dans la plaine de Mont-Souris, sur l’ancienne route d’Orléans, dite la Voie-Creuse, on fit un escalier de soixante-dix-sept marches, pour descendre dans les excavations à dix-sept mètres environ de profondeur et un puits muraillé pour la jetée des ossements. Durant ces premières dispositions, divers ateliers d’ouvriers étaient occupés, les uns à faire des piliers de maçonnerie, pour assurer la conservation du ciel des carrières dont on redoutait l’affaiblissement ; d’autres à faire communiquer ensemble les excavations supérieures et inférieures pour en former deux étages de catacombes ; d’autres enfin à construire les murs d’enceinte, destinés à cerner toute l’étendue que devait comprendre le nouvel ossuaire. » Ce grand travail fut achevé dans les derniers jours de mars 1786. Durant la révolution, les catacombes servirent aussi de sépulture à un grand nombre de victimes. En 1792, on supprima plusieurs églises et cimetières ; les ossements qu’ils contenaient furent portés au grand ossuaire des catacombes. En 1804, de nouvelles suppressions d’églises, en 1808, 1809 et 1811 des constructions faites dans la rue Saint-Denis, sur la place des Innocents, et sur l’ancien cimetière de l’île Saint-Louis, exigèrent de nouveaux transports. On doit à M. Frochot, préfet de la Seine, le bienfait d’avoir rendu intéressantes de vastes et sombres cavernes tapissées de têtes et d’ossements humains. — Trente à quarante générations sont venues s’y engloutir, et l’on a estimé que cette population souterraine est huit fois plus nombreuse que celle qui respire à la surface du sol de Paris. On descend dans les catacombes par trois escaliers différents : le premier est situé, comme nous l’avons dit, dans la cour du pavillon occidental de la barrière d’Enfer ; le second, à la tombe Isoard ; le troisième, dans la plaine de Mont-Souris. Il y a trois portes : l’une appelée la porte de l’Ouest ; l’autre à l’est, nommée porte de Port-Mahon la troisième au sud, sous la Tombe-Isoire. — On trouve aux catacombes deux collections fort intéressantes  : 1o une collection minéralogique qui offre une série complète de tous les échantillons des bancs de terre et de pierre qui constituent le sol des catacombes ; 2o une collection pathologique, où sont classées avec méthode toutes les espèces d’ossements déformés par quelques maladies. En parcourant ces souterrains funèbres, on reçoit à chaque instant des leçons salutaires. Quelle reconnaissance ne devons-nous pas aussi à ces hommes bienfaisants, à ces administrateurs dont les travaux ont eu pour résultat d’assurer la sécurité des habitants de la rive gauche, menacés à chaque instant d’être engloutis dans les entrailles de la terre : Écoutons encore M. Héricart de Thury. — « Dans nos recherches et nos travaux, dit-il, nous nous sommes particulièrement attachés à établir le rapport le plus rigoureux, ou, si l’on me permet l’emploi de ce mot, la corrélation la plus intime et la plus réciproque des détails de la surface et de l’état des vides. C’est en suivant ce plan d’une manière uniforme, que nous avons tracé, ouvert et conservé au-dessous et à l’aplomb de chaque rue, une ou deux galeries, suivant la largeur de la voie, de manière à diviser respectivement les quartiers, à isoler les massifs, à préparer la reconnaissance des propriétés, à déterminer leur étendue, à fixer leurs limites au-dessous de celles de la surface ; à tracer à plus de quatre-vingts pieds de profondeur, le milieu des murs mitoyens, sous le milieu même de leur épaisseur, à rapporter le numéro de chaque maison exactement au-dessous de celui de la propriété ; enfin, je le répète, à établir un tel rapport entre le dessous et le dessus, qu’on peut en voir et en vérifier la rigoureuse correspondance sur les plans de l’inspection. »