Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Jacques-la-Boucherie (marché Saint-)

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Jacques-la-Boucherie (marché Saint-).

Situé dans la rue des Arcis. — 6e arrondissement, quartier des Lombards.

Ce marché a été construit sur l’emplacement occupé par l’ancienne église Saint-Jacques-la-Boucherie. Les écrivains qui ont fait de l’histoire de Paris une étude spéciale n’ont pu préciser l’époque de la fondation de cette église. On croit généralement qu’à l’endroit où elle fut construite se trouvait une chapelle qu’on y voyait vers 954, sous le règne de Lothaire Ier. — Dans une bulle du pape Callixte II, en 1119, il est fait mention pour la première fois de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Ce nom de la Boucherie lui vient de son voisinage de l’Apport-Paris, où se trouvait la plus ancienne et la plus considérable des boucheries de la ville. Cette église fut érigée en paroisse sous Philippe-Auguste, vers l’an 1200. Ses bâtiments avaient alors peu d’étendue, ils furent agrandis successivement aux XIVe et XVe siècles. Nicolas Flamel fit construire à ses frais le petit portail qu’on voyait dans la rue des Écrivains. L’histoire de cet homme est singulière. Il était né sans biens, de parents obscurs, et sa profession d’écrivain n’avait pu lui donner les moyens d’acquérir de grandes richesses. Cependant on le vit tout-à-coup, par ses libéralités, déceler une fortune immense. On crut à cette époque, en le voyant si riche, qu’il avait découvert la pierre philosophale. Flamel employa d’une manière honorable les biens qu’il possédait : une honnête famille tombée dans la misère, une jeune fille que l’indigence allait peut-être entraîner dans les désordres, le marchand et l’ouvrier chargés d’enfants, la veuve et l’orphelin, voilà sur qui tombèrent les bienfaits de Nicolas Flamel. Il fut enterré le 24 mars 1417, dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie qu’il avait embellie. Cet édifice avait droit d’asile ; en 1405 on y fit même construire une chambre qu’on réserva à ceux qui venaient s’y mettre en franchise. La justice ne respecta pas toujours cet asile. — Voici deux faits historiques qui le prouvent : — Le 14 janvier 1358, Jean Baillet, trésorier général des finances, passant dans la rue Saint-Merri, fut assassiné par un changeur nommé Perrin Macé. Le meurtrier se sauva dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Le Dauphin, depuis Charles VI, irrité de cet attentat, envoya Robert de Clermont, maréchal de France, Jean de Châlons et Guillaume Staise, prévôt de Paris, avec l’ordre de s’emparer du coupable. Il fallut l’arracher de l’église ; le lendemain on lui fit couper le poing à l’endroit où il avait commis le crime, puis on le conduisit au gibet où il fut étranglé. Dès que Meulan, évêque de Paris, connut cette violation des privilèges ecclésiastiques, il fit détacher du gibet le corps du supplicié, et ordonna qu’il fut inhumé avec pompe dans l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Le prévôt des marchands et ceux de sa faction assistèrent à cette cérémonie dans le même temps que le dauphin honorait de sa présence les funérailles de Jean Baillet. — En 1406, un autre criminel fut également arraché de cette église ; l’évêque d’Orgemont fit suspendre aussitôt le service divin ; il fallut avant de continuer les cérémonies religieuses, que le parlement condamnât cette violation. — Ce droit d’asile fut introduit en France à cette époque de la conquête où les vaincus n’avaient pas d’autre refuge contre les violences de leurs vainqueurs ; la religion alors pouvait couvrir les malheureux de sa puissante égide. Le mal n’existant plus, le droit d’asile devrait s’éteindre également et cesser d’offrir aux scélérats cette chance d’impunité. Un des caveaux de l’église Saint-Jacques-la-Boucherie renfermait les dépouilles mortelles de l’illustre Jean Fernel, médecin de Henri II et accoucheur de la reine Catherine de Médicis. Cette princesse était si contente de son habileté, qu’elle lui donnait à chaque couche la somme très forte alors, de douze mille écus d’or. — L’église Saint-Jacques-la-Boucherie qui n’avait été achevée que sous le règne de François Ier, fut supprimée en 1790. Devenue propriété nationale, elle fut vendue le 11 floréal an V, et démolie peu de temps après. Sur son emplacement un particulier fit construire, d’après les plans de M. Lelong, architecte, un marché dont l’inauguration eut lieu le 13 octobre 1824. Dans cet établissement, qui occupe une superficie de 1,400 m., l’on vend du linge et des habits.