Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Médard (église Saint-)

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Médard (église Saint-).

Située dans la rue Mouffetard. — 12e arrondissement, quartier Saint-Marcel.

Ce n’était encore au XIIe siècle qu’une chapelle qui dépendait de l’abbaye de Sainte-Geneviève. Cette chapelle devint par la suite l’église paroissiale d’un bourg ou village appelé Richebourg, village de Saint-Mard ou de Saint-Médard. Ce bourg ne se composait, au XIIe siècle, que d’un petit nombre d’habitations, et ne fut réellement peuplé qu’au XVIe siècle. Les clos du Chardonnet, du Breuil, de Copeau, de Gratard, des Saussayes, de la Cendrée (ou Locus Cinerum), étaient compris dans son territoire. Les bâtiments de l’église Saint-Médard réparés, agrandis à différentes époques, présentent plusieurs genres d’architecture. Le grand autel a été entièrement reconstruit en 1655. En 1784, l’architecte Petit-Radel, voulut décorer cet édifice en ajoutant à sa construction primitive des ornements grecs et en transformant ses piliers en colonnes cannelées. — Olivier Patru, célèbre avocat, et Pierre Nicole, connu par des essais de morale, ont été enterrés dans cette église. C’est aujourd’hui la troisième succursale de la paroisse Saint-Étienne-du-Mont.

À côté de l’église Saint-Médard, on remarquait au milieu de son petit cimetière, une tombe modeste ; c’était celle de François Pâris. Fils d’un conseiller au parlement, Pâris fit à son frère l’abandon de tout ce qui lui revenait dans la succession paternelle ; il était diacre, et, par humilité, il ne voulut jamais prétendre à la prêtrise. Renonçant au monde, Pâris se retira dans une maison du faubourg Saint-Marcel ; là, se livrant à la plus austère pénitence, il soulageait les pauvres, instruisait leurs enfants et encourageait les ouvriers en travaillant avec eux. Cet excellent homme mourut le 1er mai 1727, dans un temps où les Jansénistes cherchant à repousser la bulle Unigenitus, gémissaient sous l’oppression la plus rigoureuse. La mémoire du diacre Pâris devint chère à ces hommes persécutés ; il avait partagé leurs opinions et leurs maux, il s’était distingué par ses vertus modestes : ils voulurent l’honorer comme un saint. Quand un sentiment généreux au fond devient exagéré, on est sûr que la contagion commence par les femmes. Parmi ces enthousiastes, on voyait quelques jeunes filles qui, fortement émues par la persécution qu’exerçait le gouvernement, ou déjà atteintes de convulsions naturelles à leur âge, en éprouvèrent d’extraordinaires en priant Dieu sur cette tombe. Dans le commencement, le nombre des actrices qui piétinaient sur ce théâtre sépulcral fut peu considérable ; il augmenta tellement dans la suite, qu’en 1729 plus de huit cents personnes se dirent atteintes de convulsions sur ce tombeau. À peine les jeunes filles avaient-elles touché la pierre de ce monument qu’elles éprouvaient de violentes agitations, faisaient des mouvements extraordinaires qui nuisaient un peu à l’harmonie de leur costume. Il y avait alors, comme aujourd’hui, des libertins dont les regards profitaient du désordre produit par cette exaltation religieuse. À ces filles qui gambadaient ainsi, on donnait le nom de Sauteuses ; celles qui hurlaient et poussaient des cris étranges, ou imitaient l’aboiement des chiens, le miaulement des chats, reçurent les qualifications d’aboyeuses ou de miaulantes. Le remède à un tel mal devait être l’indifférence ou le ridicule.

Voltaire usa de ce dernier moyen et composa ces vers :

« Un grand tombeau, sans ornement, sans art,
» Est élevé non loin de Saint-Médard ;
» L’esprit divin, pour éclairer la France,
» Sous cette tombe enferme sa puissance.
» L’aveugle y court, et d’un pas chancelant
» Aux Quinze-Vingts retourne en tâtonnant ;
» Le boiteux vient, clopinant sur la tombe,
» Crie : Hozanna !… Saute, gigotte et tombe ;
» Le sourd approche, écoute et n’entend rien.
» Tout aussitôt de pauvres gens de bien
» D’aise pâmés, vrais témoins du miracle,
» Du bon Pâris baisent le tabernacle. »

Le quatrain suivant attribué à la spirituelle duchesse du Maine, fut publié sur le même sujet :

« Un décrotteur à la royale,
» Du talon gauche estropié,
» Obtint par grâce spéciale
» D’être boiteux de l’autre pied. »

Le gouvernement, instruit de ces scènes ridicules, employa, à tort, la force pour les faire cesser. Par ordonnance du 27 janvier 1733, il prescrivit la fermeture du cimetière Saint-Médard. Le lendemain on trouva sur la porte du cimetière l’épigramme suivante :

« De par le roi, défense à Dieu
» De faire miracle en ce lieu. »

Les convulsionnaires tombèrent alors dans l’oubli, et l’épigramme y contribua bien plus que l’ordonnance.