Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Mathurins-Saint-Jacques (rue des)

La bibliothèque libre.


Mathurins-Saint-Jacques (rue des).

Commence à la rue Saint-Jacques, nos 62 et 64 ; finit à la rue de la Harpe, nos 75 et 77. Le dernier impair est 25 ; le dernier pair, 26. Sa longueur est de 186 m. — 11e arrondissement, quartier de la Sorbonne.

On la désignait, en 1220, sous le nom de rue du Palais-des-Thermes, en raison de la principale entrée de cet édifice qui se trouvait alors dans cette rue. Elle doit son nom actuel au couvent des Mathurins. En vertu des lettres-patentes du 3 décembre 1672, renouvelées le 29 janvier 1676, cette voie publique a été élargie. — Une décision ministérielle du 24 messidor an V, signée Benezech, a fixé la moindre largeur de la rue des Mathurins à 9 m. Les maisons nos 11, 2, 4 et 6, sont alignées. — Conduite d’eau depuis la rue de la Harpe jusqu’aux deux bornes-fontaines. — Éclairage au gaz (compe Parisienne).

Conformément à un arrêté préfectoral du 20 mai 1844, une enquête est ouverte à la mairie du 11e arrondissement, sur le projet d’alignement de la rue des Mathurins. Ce projet qui serait déclaré d’utilité publique, consiste : 1o à donner 12 m. de largeur à la rue, en prenant tout le retranchement sur le côté des numéros impairs ; 2o à exécuter l’alignement par voie d’expropriation dans le délai de six années, à partir de l’ordonnance royale qui approuvera le projet.

Couvent des Mathurins. — Le récit des tortures dont les musulmans accablaient leurs captifs chrétiens pendant les croisades, suggéra à la charité toujours ingénieuse les moyens de procurer la liberté à ces pauvres prisonniers. L’ordre religieux qui eut cette belle mission à remplir avait été fondé par Jean de Matha et Félix de Valois ; il fut approuvé, le 18 décembre 1198, par le pape Innocent III. Ces pères, appelés d’abord religieux de la très Sainte-Trinité de la rédemption des captifs, ajoutèrent à leur nom celui de Mathurins lorsqu’ils vinrent occuper à Paris les bâtiments d’une aumônerie, dont la chapelle était dédiée à saint Mathurin. Ces moines vivaient d’une manière simple et austère ; il leur était défendu de voyager à cheval, et la seule monture qui leur fut permise leur avait fait donner le surnom de Frères-aux-Ânes. Rutebœuf, dans sa pièce de vers intitulée les Ordres de Paris, donne des éloges à ces religieux. L’épitaphe suivante gravée sur une table de bronze, scellée dans le mur du cloître, atteste que ces moines se faisaient honneur des travaux les plus humbles, les plus serviles :

« Ci gist le léal Mathurin,
» Sans reprouche bon serviteur,
» Qui céans garda pain et vin,
» Et fut des portes gouverneur.
» Paniers ou hottes, par honneur,
» Au marchié volontiers portoit ;
» Fort diligent et bon sonneur :
» Dieu pardon à l’âme lui soit !… »

Au bout de ce cloître, on voyait une tombe plate, sur laquelle étaient représentés des hommes enveloppés dans des suaires. Sur une table de bronze fixée dans la muraille, on lisait cette épitaphe :

« Ci-dessous gissent Léger du Moussel et Olivier Bourgeois, jadis clercs et escholiers, étudiants en l’Université de Paris, furent restituez et amenez au parvis de Notre-Dame, et rendus à l’évêque de Paris, comme clercs, et au recteur et aux députez de l’Université comme suppôts d’icelle à très grande solemnité, et delà en ce lieu-ci furent amenez pour être mis en sépulture, l’an 1408, le 16e jour de may, et furent les dits prévost et son lieutenant démis de leurs offices à la d. poursuite, comme plus, à plein appert par lettres-patentes et instruments sur ce cas. — Priez Dieu qu’il leur pardonne leurs péchés. Amen. »

Voici l’explication de cette épitaphe : Deux écoliers avaient volé, assassiné des marchands sur un chemin ; ils furent poursuivis, arrêtés. L’Université les réclama, le prévôt de Paris sans se soucier de la réclamation, fit pendre les deux coupables. Aussitôt l’Université cesse tous ses exercices. Le conseil du roi demeurant inébranlable, le corps Universitaire annonce que si justice est refusée, il abandonnera le royaume, pour aller s’établir dans un pays où l’on saura mieux respecter ses privilèges. Cette menace fit impression, le prévôt de Paris, Guillaume de Tignonville, fut destitué de sa charge ; puis condamné à détacher les deux corps du gibet de Montfaucon, les baiser sur la bouche et à les mettre sur un chariot couvert de drap noir. Ce magistrat fut contraint en outre de les accompagner à la tête de ses sergents et archers jusqu’au parvis Notre-Dame, où il fit amende honorable, puis il les ramena à petits pas aux Mathurins, où le recteur les reçut de ses mains pour les ensevelir honorablement.

Les marbres précieux abondaient dans l’église des Mathurins. Quatre colonnes composites de grandes proportions, en brocatelle antique, décoraient le grand autel. Le tabernacle était orné de dix autres colonnes de marbre de Sicile. Le couvent des Mathurins qui contenait en superficie 3,946 m., fut supprimé en 1790. Devenu propriété nationale, il fut vendu le 27 ventôse an VII. Les maisons qui portent les nos 2, 4, 6, 8 et 10, occupent une partie de son emplacement.

Au no  12 est situé l’hôtel de Cluny (voir l’art. Musées).