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Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Picpus (rue de)

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Picpus (rue de).

Commence à la rue du Faubourg-Saint-Antoine, no  280 ; finit aux chemins de ronde des barrières de Picpus et de Reuilly. Le dernier impair est 51 ; le dernier pair, 78. Sa longueur est de 1,109 m. — 8e arrondissement, quartier des Quinze-Vingts.

Vers 1575, c’était un chemin qui traversait le territoire de Pique-Puce, dont on a fait, par corruption, Picpus. Plusieurs savants ont donné au nom du village de Pique-Puce une étymologie que nous citons sans garantir son authenticité. Un mal épidémique se manifesta dans les environs de Paris, vers le milieu du XVIe siècle. On voyait sur les bras des enfants et des femmes, de petites tumeurs rouges qui présentaient les caractères de plusieurs piqûres faites par un insecte qui s’attaquait de préférence aux mains douces et blanches des jeunes dames. On rapporte qu’un frère du couvent de Franconville, près de Beaumont, diocèse de Beauvais, avait été envoyé, vers cette époque, par ses supérieurs, à l’effet de chercher un emplacement convenable pour établir une seconde maison de leur ordre près de la capitale. On ajoute que le frère était jeune, d’une figure très agréable, et qu’il avait même quelques connaissances médicales. Un jour il se présenta chez une jeune abbesse qui souffrait de l’épidémie, appliqua sur le bras malade quelques gouttes d’une liqueur parfumée ; le lendemain la guérison était complète. On cria au miracle ; le nouveau docteur devint à la mode, se fixa dans ce village, qui prit le nom de Pique-Puce, puis fit venir, quelques années après, plusieurs religieux qui formèrent bientôt un nouvel établissement.

La fondation de plusieurs communautés religieuses amena la population de ce côté, et le grand chemin qui traversait ce village fut nommé rue de Picpus. Cette voie publique a été renfermée dans la capitale lors de la construction de l’enceinte par les fermiers généraux. — Une décision ministérielle du 28 floréal an IX, signée Chaptal, a fixé la largeur de la rue de Picpus à 12 m. Les propriétés 1, 5, 9, 11, 13, 21, 29 ; 8, 12, 14 et 20, ne sont pas soumises à retranchement.

Aux nos 15, 17 et 19 était située la communauté des Chanoinesses de l’ordre de Saint-Augustin, connue sous le titre de Notre-Dame-de-la-Victoire-de-Lépante. Ces chanoinesses furent établies à Paris par Jean-François de Gondi, archevêque, et M. Tubeuf, surintendant des finances de la reine. Ce dernier fit venir six religieuses du couvent de Saint-Étienne de Reims, et les plaça dans une maison qu’il avait achetée à Picpus. Le roi confirma cet établissement au mois de décembre 1647. Ces chanoinesses portaient le titre de Notre-Dame-de-la-Victoire, parce qu’elles avaient ajouté à leur institut l’obligation particulière de célébrer, le 7 octobre de chaque année, la victoire gagnée en 1572 par Don Juan d’Autriche, sur les Turcs, dans le golfe de Lépante. Supprimé en 1790, ce couvent devint propriété nationale. Les bâtiments et dépendances, qui contenaient en superficie 14,627 m., furent vendus le 8 messidor an IV.

Le cimetière de cette maison a été concédé sous l’Empire à plusieurs nobles familles ; là dorment les Montmorency, les Noailles ; là repose le général La Fayette.

La rue de Picpus rappelle d’autres souvenirs. La maison qui porte le no  36 fut habitée quelque temps par la comtesse d’Esparda, Eugénie de la Bouchardie, que l’amour et les vers de Marie-Joseph Chénier ont rendue célèbre.

Au no  37 était l’entrée du couvent des Pénitents réformés du tiers-ordre de Saint-François, vulgairement appelés les Picpus. Leur établissement avait été fondé par saint François d’Assise, en faveur des personnes des deux sexes qui, sans s’assujettir à prononcer des vœux, voulaient vivre dans la retraite. Le père Vincent Mussart réforma cette congrégation, qui devint bientôt le chef-lieu de l’ordre. Jeanne de Saulx, veuve de René de Rochechouart, comte de Mortemart, donna aux pénitentes une petite chapelle qui portait le nom de Notre-Dame-de-Grâce ; cette donation fut approuvée par l’évêque, le 27 février 1601. Cet oratoire fut remplacé par une église, dont le roi Louis XIII posa la première pierre le 13 mars 1611. La maison des Pénitents fut regardée alors comme un établissement de fondation royale. Les ambassadeurs des puissances catholiques logeaient au couvent de Picpus ; on leur préparait un appartement où ils recevaient les princes du sang et les hauts dignitaires de l’État. Un prince de la maison de Lorraine, ou un maréchal de France, venait les chercher pour les conduire, dans un des carrosses du roi, à leur hôtel, situé dans la rue de Tournon. Supprimée vers 1790, la maison de Picpus devint propriété nationale. Les bâtiments et terrains, qui contenaient en superficie 8,510 m., furent vendus le 8 thermidor an IV.

Dans la rue de Picpus, on remarque un joli pavillon construit en rocailles ; dans des niches de coquillages on aperçoit plusieurs portraits de moines. Cet ermitage a été habité par Millevoye. De nos jours, un des locataires de cet oasis fut le spirituel Théaulon, qui aurait été un grand poète s’il se fût donné la peine de le devenir. L’ermitage de Picpus a servi également de berceau au Petit Chaperon rouge. Le sensible Boïeldieu vint y composer ces chants gracieux, qui ont le privilège de ne vieillir jamais.