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Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Roch (église Saint-)

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Roch (église Saint-).

Située dans la rue Saint-Honoré, entre les nos 296 et 298. — 2e arrondissement, quartier du Palais-Royal.

L’emplacement sur lequel cette église fut bâtie était anciennement occupé par une grande maison qu’on appelait l’hôtel Gaillon. À côté de cette propriété s’élevait une chapelle sous l’invocation de Sainte-Suzanne, et près de ce petit monument, à l’endroit où furent construits depuis le portail et les marches de l’église, une autre chapelle avait été bâtie dès l’année 1521, par Jean Dinocheau, marchand de bétail, et Jeanne de Laval, sa femme. Cette chapelle était connue sous le titre des Cinq-Plaies. La population de ce quartier compris dans la circonscription de Saint-Germain-l’Auxerrois, devint si considérable que les habitants formèrent le dessein de faire construire une église succursale de cette paroisse. Étienne Dinocheau, fourrier ordinaire du roi, et neveu du fondateur, en rendit l’exécution facile ; il eut la générosité de renoncer aux droits qu’il avait sur cette chapelle, et de céder le 13 décembre 1577, un grand jardin et une place qui en dépendaient. Le 15 octobre suivant les habitants achetèrent encore la chapelle de Gaillon, dite de Sainte-Suzanne, avec ses dépendances. Sur ces divers terrains fut construite la nouvelle église d’après des dimensions bien moins grandes que celles qu’on a données au monument qui existe à présent. Les historiens de Paris ne sont pas d’accord sur l’année de la construction de cette première église. Un fait certain, c’est que la permission de l’official pour l’érection de cette succursale est du 15 août 1578. On la consacra sous l’invocation de Saint-Roch, en raison d’un hôpital ainsi dénommé dont Jacques Moyon, espagnol, avait commencé la construction sur une partie de l’emplacement de l’église actuelle. Cet hôpital, destiné aux malades affligés des écrouelles, fut transféré au faubourg Saint-Jacques. L’église Saint-Roch resta longtemps sous la dépendance de Saint-Germain-l’Auxerrois ; et suivant l’usage observé dans la hiérarchie ecclésiastique, le curé de cette paroisse en nommait le desservant. Cette dépendance cessa en 1633 ; à cette époque Saint-Roch fut érigée en église paroissiale, par François de Gondi, alors archevêque de Paris. La population s’augmentant de jour en jour, l’église devint bientôt trop petite. Les marguilliers achetèrent la totalité du terrain qui dépendait de l’ancien hôtel Gaillon, et la nouvelle église fut commencée au mois de mars 1653, sur les dessins de Jacques Lemercier, architecte. Louis XIV posa la première pierre du nouvel édifice dont le portail a été construit en 1736, sur les dessins de Robert de Cotte, premier architecte du roi, et continué par Jules Robert de Cotte.

Les dalles de Saint-Roch couvraient, avant 1789, les cercueils de plusieurs personnages illustres. Là reposait Maupertuis, qui de capitaine de dragons devint astronome, et mourut pieusement entre deux capucins.

À côté de la tombe de Maupertuis, on voyait celle du célèbre Lenôtre, qui dessina sous les yeux de Louis XIV les jardins des Tuileries et de Versailles, le parterre du Tibre à Fontainebleau, et l’admirable terrasse de Saint-Germain-en-Laye. En 1675, Louis-le-Grand, pour reconnaître le mérite de Lenôtre, lui accorda des lettres de noblesse et voulut lui donner des armes. « Sire, dit l’artiste habile, j’ai mes armes, et j’y tiens : trois limaçons couronnés d’une pomme de chou ; permettez-moi d’y joindre une bèche, car je dois à cet instrument toutes les bontés dont votre majesté m’accable. »

En face de Lenôtre avaient été inhumés les restes de Mignard. L’élève du Primatice avait eu l’honneur de faire neuf fois le portrait de Louis XIV. À la dixième toile, le roi lui dit : « Mignard, vous me trouvez vieilli ? » — « Sire, répliqua le peintre courtisan, je vois quelques lauriers de plus sur le front de votre majesté. » Une semaine après, les portes de l’académie s’ouvraient à deux battants, et Mignard était reçu le même jour membre, professeur, recteur, directeur et chancelier.

Le 10 août 1821, par les soins du duc d’Orléans (Louis-Philippe), et de M. Legrand, fut placée dans l’église Saint-Roch, au-dessus d’un des bénitiers de la grande nef, à gauche en entrant, une table de marbre avec une inscription indiquant la date de la naissance et le jour de la mort du grand Corneille. Nous transcrivons ici l’acte mortuaire du prince de la tragédie : « L’an 1684, le 2 octobre, M. Pierre Corneille, écuyer, ci-devant avocat-général à la table de marbre de Rouen, âgé d’environ 78 ans, décédé hier, rue d’Argenteuil, en cette paroisse, a été inhumé en l’église, en présence de M. Thomas Corneille sieur de l’Isle, demeurant rue Clos-Georgeau, en cette paroisse, et de M. Michel Bêcheur, prêtre de cette église, y demeurant proche. Signé Corneille et Bêcheur. »