Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Concordats

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 322-334).

CONCORDATS. — I. Les concordats en droit canonique et en droit international. — II. Les concordats hors de France, avant Léon X. — III. Le concordat français de 1515 et les autres d’ancienrégime.

— IV. Ze concordat français de 1801 et celui de 1817.

— V. La rupture de 1905. — VI. Les concordats passés dans l’Ancien et le Nouveau monde, au xix* siècle. — VII. Epilogue. — VIII. Bibliographie.

I. — Tout le monde le sait, on appelle concordat l’acte d’entente par lequel les deux puissances ecclésiastique et civile définissent le statut légal des hommes et des choses de la religion catholique, en un temps et dans un pays donné. Les principes y sont nécessaires et l’Eglise veille à ce qu’ils demeurent intacts. Mais la variété des conjonctures exige bien des tempéraments ; et c’est à fixer la mesure dans laquelle la législation canonique peut et doit consentir des exceptions, que s’est appliquée la diplomatie des pontifes romains. Œuvre politique, dans le meilleur sens du mot, si la politique est la science du gouvernement, selon les possibilités de l’heure en même temps que selon le droit. Œuvre, en tout cas, commandée par les conditions humaines où se meut l’Eglise divine.

Théoriquement, les concordats dérivent de ce principe — si nettement proclamé dans l’encyclique de Léon XIII Immortale Dei (1885) — que l’Eglise et l’Etat étant deux sociétés souveraines chacune dans son ordre et exerçant leur autorité sur les mêmes hommes, leurs relations doivent être réglées, afin de prévenir d’inévitables conflits. En fait, les accords conclus entre les deux puissances ont presque toujours été consécutifs à une période de lutte ou de malaise : ce sont de véritables traités de paix, bien plutôt que des pactes d’alliance. Ils sont devenus nécessaires et ils se sont multipliés, du jour où l’autorité spirituelle de l’Eglise a été discutée ou méconnue. Cette remarque, en même temps qu’elle explique la teneur des concordats, permet d’en prévoir aussi la fragilité.

On pourrait peut-être caractériser par quatre formules les rapports entre l’Eglise et l’Etat : l’Eglise souveraine dans l’Etat chrétien, l’Eglise protégée dans l’Etat bienveillant, l’Eglise libre dans l’Etat neutre, l’Eglise serve dans l’Etat maître.

La première hypothèse rend les concordats inutiles : l’Etat se défend, comme d’un sacrilège, de franchir les limites que l’Eglise met elle-même à l’exercice de son pouvoir propre. Dans la quatrième 629

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hypothèse, les concordats ne servent de rien, parce que l’Etat (gallican, joséphiste, jacobin ou napoléonien ) prétend décider, par son unique et indiscutable intervention, de tout « le temporel)^. Entre ces deux hypothèses qui s’opposent à l’extrême, il y a place pour une entente durable et féconde. Mais — le raisonnement prononce dans ce sens a priori, et l’histoire de tous les temps le démontre — il faut, pour que les concordats ne soient pas un vain mot, que les détenteurs du pouvoir civil fassent une profession sincère du catholicisme ; ou du moins il faut qu’ils soient pénétrés de cette idée juste que l’Eg-lise, représentant dans la suite des âges la forme la plus excellente de la religion, demeure le meilleur ciment des sociétés, même des sociétés modernes. Hors de là, il n’est aucune chance d’assurer le respect des conventions les plus solennelles. Comme l’Eglise ne saurait, en fait, soutenir son bon droit par les armes, les règles de la justice et de la courtoisie internationales sont oubliées à son égard, plus facilement encore qu’à l’égard de toute autre puissance.

Des publicistes ont excusé, pour ainsi dire, par avance, ces oublis des souverains ; ou plutôt ils ont craint qu’il ne leur fût fourni de faciles prétextes, par une certaine doctrine acceptée, dans les écoles catholiques, siu- la nature juridique des concordats et qui consiste à les envisager comme des privilèges accordés par les papes.

La question est plus ancienne que ne le croient beaucoup de nos contemporains. Dans un précieux travail (qui n’est malheureusement cjue lithographie) le P. Baldi, jésuite italien, l’a montré, la masse des anciens canonistes de toute nation s’est occupée, ex professa, de savoir quelle sorte d’obligations comportaient les concordats. Avec une frappante quasi-unanimité, ils ont prononcé que ce n’étaient point les obligations d’un pacte bilatéral.

Pom* nous borner à notre pays, et à nos jours, — car ceci n’est pas un dictionnaire d’histoire — un opuscule du vicomte de Bonald (Deux questions sur le Concordat) remit le problème à l’ordre du jour, après le concile du Vatican : au jugement de l’auteur, il ne fallait point dire que les concordats étaient des contrats. Le chanoine Labis, de Tournai, prétendit qu’il fallait le dire. A Rome, le P. Tarquini parlait comme M. de Bonald ; le chanoine de Angelis appuyait M. Labis. Dix ans après, une brochure de Mgr Turinaz (Les Concordats et l’obligation réciproque qu’ils imposent) renouvela la dispute. Par delà les Alpes, même dissentiment que jadis. Le professeur CaA’agnis (mort cardinal) opinant comme avait fait le chanoine de Angelis ; l’aljbé Radini-Tedeschi (depuis évêque de Bergame) combattant la thèse de Mgr Turinaz ; tandis que Mgr Satolli, alors recteur de l’Académie des nobles, s’efforçait de concilier les avis opposés, tout en préférant celui de Tarquini.

Actuellement encore, la controverse demeure ouverte : l’Apollinaire et le Collège romain gardent chacun leurs traditions, et on essaye toujours de les ajuster, à l’.Vcadéinie des nobles. Mgr Giobbio (/ concordati ) tient que les concordats sont des privilèges conventionnels.

Il faut préciser le point de la querelle. Pour les clauses qui toucheraient à des choses purement temporelles, aucune difliculté : tous les auteurs sont d’accord. Ils sont d’accord aussi pour admettre que les concordats imposent au pape une obligation, et que celle-ci résulte d’un engagement pris. Ils conviennent enfin que cet engagement ne saurait rendre nulles en droit les mesures prises par Rome conlraireinent aux stipulations faites. Bien entendu, aucun docteur ne conteste que, si les circonstances viennent à se modifier, au point par exemple de rendre le

traité inexécutable ou damnable à l’Eglise, celle-ci peut le dénoncer et qu’il lui appartient de juger si la situation commande cette attitude. Reste à décider si, en matière spirituelle ou mixte, et manentibus circumstantiis, le pape est lié, à l’égard des chefs d’Etat, en stricte justice ou simplement par fidélité à la parole donnée : voilà exactement le problème qui divise les docteurs catholiques. Et par cette manière de le poser, il est déjà manifeste qu’il n’a point l’importance qu’on aurait pu croire d’après le bruit mené autour de la dispute. En définitive, ceux-là mêmes qui tiennent les concordats pour des contrats synallagmatiques ne sauraient les appeler ainsi au sens propre du mot. Ils l’avouent. Et le jour où ils cesseraient de l’avouer, ils seraient amenés, par voie de conséquence inéluctable, à dire que les concordats comportent une aliénation réelle d’une part de la puissance spirituelle. Or personne ne peut, sans livrer la vérité catholique, accepter une pareille thèse. La discussion par conséquent est, à la lettre, scolastique : on se chicane sur des dénominations et des concepts ; dès que l’on entre dans la précision des hypothèses décisives, la position de tous les auteurs est la même.

Sur quoi se fondent leurs divergences persistantes ?

Dans le système des concordats-privilèges, on considère que les personnes et les objets en cause n’étant pas de même condition juridique, il est contraire à la logique et au droit d’établir une parité dans les obligations qvxi résultent du traité. Dans le système des concordats-contrats, on répond : il y a synallagma dès qu’il y a obligation réciproque et pareille ; et celle-ci peut avoir lieu, même quand les deux contractants et les choses dont ils disposent ne sont pas d’une même condition juridique. Selon la première théorie, tout droit cédé en justice étant éteint en celui qui le cède, on ne saurait concevoir une telle cession, en celui qui garde le pouvoir d’exercer validement le droit cédé à autrui. Selon la seconde théorie, la délégation d’une faculté a beau laisser intacte dans le souverain qui la donne l’autorité d’agir par lui-même, il n’en est pas moins tenu en justice d’observer le pacte par lequel il aurait stipulé cette délégation. Comme l’on voit, les partisans du privilège partent du principe qui domine toute la question : la supériorité native de l’Eglise en matière spirituelle ; et ils déduisent de là — sans aucun respect humain et en se tenant au sens rigoureux des mots — la nature juridique des concordats. Les partisans du contrat sont surtout effrayés à la pensée que l’Eglise, maîtresse née de la morale, pourrait avoir l’air de s’exempter de cette bonne foi dans les traités, qu’elle impose à autrui, au nom de la loi divine dont elle est l’interprète. Et sous l’empire de cette préoccupation, ils plient le langage du droit à des accommodations ingénieuses peut-être, mais sujettes à contestation.

Autrefois conmie aujourd’hui, les défenseurs jaloux des droits de l’Etat ne manquaient pas. Nos politiciens ne sauraient inventer aucune prétention que les légistes de l’ancien régime n’aient soutenue avant eux. Cela n’a point empêché les canonistes anciens de se rallier presque tous à la tliéorie du privilège. Les modernes n’ont peut-être pas assez remarqué ce fait historique. Ils préfèrent, au surplus, regarder dans leur horizon immédiat ; par tous les documents qu’il fournit, le xix » siècle, disent-ils, suffît à leur donner raison.

Mgr Turinaz, dans la brochure déjà citée, appelle les papes en témoins de son opinion. Parmi les textes qu’il allègue, tous ne sont pas également significatifs. Ceux qui le sont à un plus haut degré n’ont peut-être pas la clarté décisive que leur prête 631

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l'éloquent prélat. Mais il est indéniable que, de fort bonne heure, les papes qui ont fait des concordats ont parlé des obligations réciproques qui en résultent ; les papes du xix' siècle surtout ont proclamé que leur parole était engagée dans les concordats comme dans un pacte bilatéral ; ils ont assimilé ce pacte aux traités internationaux.

Ce langage, tenu à diverses reprises, suffit-il pour assurer que les documents pontificaux décident la controverse ? Je ne le pense pas.

Dans tout concordat, il y a un élément contractuel et un élément législatif. Les textes le prouvent et les auteurs le disent à l’envi. Lequel des deux éléments est assez prépondérant pour emporter, à lui seul, la définition des concordats ? On dissertera longtemps là-dessus, et avec quelqiie vanité, semblet-il. Quant aux documents à l’autorité desquels on a recours, il n’en est pas un seul qui ait pour but de dirimer le litige qui met les canonistes aux prises. Dans aucun de ces documents, il n’est aucune expression qui ne puisse, le plus correctement du monde, s’interpréter par les tenants de n’importe quelle école. Les mots les plus caractéristiques — à savoir ceux de « pacte bilatéral », de « contrat synallagmatique » employés par Pie X et Léon XIII — sont fort loin de résoudre, par eux seuls, le problème. Ils le supposent et le laissent entier ; puisque entre docteurs catholiques l’objet même de la dispute est de préciser en quel sens analogique exactement — il ne saurait être question de sens propre — les concordats sont des contrats synallagmatiques et des pactes bilatéraux. Quelle que soit la dénomination par laquelle on essaye de caractériser les concordats, l’important est de savoir ce que l’on enferme au juste dans ces dénominations. En recourant à un terme plutôt qu'à un autre, le Saint-Siège en a consacré l’usage. Mais c’est sur quoi on ne disputait pas. Dans le langage usuel et même dans le langage diplomatique, il n’y a aucune difficulté à qualifier les concordats de contrats. Ils le sont en effet, comme ils sont aussi des privilèges. Avec Mgr Giobbio, on peut encore les appeler des privilèges conventionnels. Mais, encore une fois, les mots, si heureux qu’ils puissent être, ne sauraient supprimer une controverse, dès là qu’ils sont employés — et c’est ici le cas — hors de leur sens strict. Toute la question en somme revient à ceci : l’obligation qui lie le pape à l'égard des chefs d’Etat est-elle de même nature juridique et morale que celle qui lie les chefs d’Etat eux-mêmes à l'égard du pape ? Aucun document pontifical n’en décide.

Il faut parler autrement du problème agité par les jurisconsultes : les concordats sont-ils des traités internationaux ? Notamment depuis les dernières années du xixe siècle, c’est sur le terrain du droit international que Rome s’est placée, soit pour rappeler ceux qui l’oubliaient au respect des conventions signées avec elle, soit pour protester contre ceux qui ont prétendu les déchirer au gré de leur caprice. N’y a-t-il pas dans ce fait une lumière ? Est-ce que, par l’attitude qu’ils prennent ainsi devant les nations, les papes ne nous indiquent pas comment il nous faut, avec eux, envisager les concordats ?

Si divisés que soient les jurisconsultes sur la condition internationale de la papauté depuis la ruine du pouvoir temporel, le bon sens et l’histoire protestent que la souveraineté pontificale est demeurée essentiellement identique à elle-même. Même avant l’annexion de Rome au royaume d’Italie, c’est avec le chef de l’Eglise que les chefs d’Etat entretenaient des relations diplomatiques et négociaient des concordats. D’ordre à part — c’est-à-dire extraterritoriale et sans sujets qui lui soient exclusivement propres — la puissance spirituelle des pontifes romains n’en

est pas moins réellement souveraine et inévitablement internationale. Les hommes politiques et les théoriciens du droit qui ne savent pas le reconnaître de bonne grâce montrent que leurs préjugés les aveuglent sur les faits les plus évidents. Les créations de leur ingéniosité juridique font sourire, quand ils se mettent à expliquer par exemple la personnalité des nonces ou la nature d’un traité signé au Vatican. Dans le droit public du moyen âge, le pape était le suzerain de la République chrétienne ; selon le droit international de tous les temps, il demeure un souverain. La magistrature divine dont il est investi aux yeux du croyant est un fait que les incroyants ne peuvent pas détruire ni même nier, et c’est à ce fait que le droit humain rend hommage quand il classe, parmi les puissances suprêmes de ce monde, celle des successeurs de saint Pierre.

Toutefois, en prenant acte de cet hommage et même en le réclamant, la papauté n’entend pas abdiquer le caractère proprement surnaturel de son autorité suprême. Elle ne le saurait faire. Et parla il apparaît combien peu rigoureuse est la logique de ceux qui, du langage même des papes invoquant le droit international, déduisent que d’après Rome elle-même les obligations qu’elle assume en signant les concordats sont exactement celles des souverains qui signent un traité. Encore que l’Eglise ne soit pas une sorte de suprême puissance civile, elle prétend être supérieure à l’Etat parce que ses fins (celles-ci déterminent les origines, la nature et les facultés des sociétés) sont supérieures à celles de l’Etat. Cette inégalité des deux puissances n’empêche pas la temporelle d'être souveraine dans son ordre ; mais elle la prive de tout droit, en matière spirituelle ; elle interdit même à l’Eglise la faculté d’aliéner son autorité propre.

Au fond de la querelle sur la vraie nature juridique des concordats, c’est donc celle de la vraie nature du pouvoir spirituel qui est en cause. Dès lors, comment s'étonner que dans la réalité des choses les docteurs catholiques soient moins en désaccord cfu’ils ne veulent en convenir eux-mêmes ? Aucun d’eux certainement n’entend dénier à l’Eglise la supériorité native qu’elle a reçue de Jésus-Christ. Et cette supériorité de l’un des contractants empêchera toujours les concordats d'être des contrats synallagmatiques et des traités internationaux comme les autres.

Au surplus, quelle que soit la dénomination que l’on préfère dans les écoles de droit pour caractériser les concordats, il n’y a pas de danger qii’ils soient dénoncés par un caprice imprévu des pontifes roniains. Nous l’avons déjà observé, aucun d’eux n’a jamais dit que les concordats ne lui imposaient aucune obligation. Tarquini, qu’on représente comme le canoniste le plus intransigeant, n’a point soutenu que les papes, après avoir signé une convention, demeuraient libres d’agir à leur guise. Lorsque les politiciens libéraux ou les juristes incroyants s’effarouchent d’une telle hypothèse, et foncent dessus de tout leur élan, ils ressemblent à Don Quichotte ; ils se battent contre un fantôme. Pendant de longues années, le P. Wernz a enseigné le droit canonique au Collège romain ; il demeure un maître singulièrement autorisé auprès des congrégations pontiticales. Voici la définition qu’il donne des concordats : Lex punlifîcia et civilis lata, proparticulariquadani republica, ad ordinandas relationes inter Ecclesiam et Statum, circa maieriam aliqua ratione iitramqiie potestatem sive societatem concernentem ; quæ adjunctam habet vim pacti publici inter sedem apostoUcam et illam rempuhlicam initi, et utramque partent vere obligantis. Celle longue phrase montre la complexité de la question, signale les éléments juridiques divers que renferme un concordat, et marque distinctement le caractère 633

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obligatoire que lui reconnaissent les docteurs catholiques pour TEglise aussi bien que pour l’Etat. Ces derniers mots : utramque partent vere obligantis ne sont qu’un écho des déclarations des papes : ainsi ont parlé notamment Léon XIII, Pie IX et Pie VII ; et leur langage était celui de leurs prédécesseurs.

Mais, mieux encore que leiu" parole, leur conduite témoigne qu’ils savent ce qu’est le respect d’une signature. Depuis le concordat de Worms (i 122) jusqu’à la première loi Briand (igoS) les occasions n’ont pas manqué où, les Etats violant outrageusement la foi jurée, l’Eglise aurait pu, selon la rigueur du droit, regarder comme caducs des traités inobservés par lun des contractants. Jamais Rome n’a usé de ce moyen de protestation ; les papes n’ont jamais repris leur liberté, avant la rupture évidente. L’esprit évangélique de leur pastoral suprême le leur a interdit. L’éternité qui leur est divinement assurée les a toujours amenés à compter beaucoup sur le temps pour obtenir les justes réparations que le droit mérite. Des politiciens en quête de prétextes peuvent montrer, au sujet de la prétendue fragilité d’un induit, une sorte de terreur. L’histoire de tout le catholicisme montre combien sont puériles ces inquiétudes qui voudraient être tragiques. Pour si souvent qu’une brusque déclaration de guerre soit venue rompre la paix la plus solennellement promise, les nations ne laissent pas de négocier indéfiniment des accords. Comment ferait-on croire qu’il est imprudent pour un peuple de traiter avec l’Eglise qui jamais ne méconnut un pacte ?

Quand elle signe un concordat, elle y est fidèle. Voilà qui est certain. Par-dessus les disputes des auteurs qui chicanent sur l’essence scolastique des obligations de l’Eglise, un fait est dominant et évident : à ces obligations elle a fait honneur toujours. Cette épreuve du temps est décisive.

II. — Il parait superflu de cataloguer ici tous les traités conclus par le Saint-Siège avec les chefs d’Etat, depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Ce qu’on appelle les concordats carolingiens sont des actes bien loin de nous, de toute manière. Le concordat anglais de iio5, le concordat allemand de 1622, le concordat portugais de 1289, le concordat germanique de 1448, sans être d’allm-e moderne, ont cependant moins de dissemblances avec les traités signés à partir du xvi « siècle.

La querelle des investitures domine l’époque féodale. Les papes et l’Eglise en souffrirent cruellement, le mal sévissant dans toute l’Europe occidentale. En France, l’action des conciles suffit à le guérir. Mais par delà la Manche et surtout par delà le Rhin, il fallut autre chose. La lutte fut longue et âpre. Enfin, sous Pascal II, pour l’Angleterre, sous Calixte II, pour l’Allemagne, une transaction eut lieu : l’investiture laïque par le sceptre fut séparée de l’investiture ecclésiastique par le crosse et l’anneau. Par ce compromis, les prélats gardaient leur place dans la hiérarchie sociale, et l’indépendance de la hiérarchie ecclésiastique était affirmée. Ce fut la paix, jusqu’au jour où les prétentions de Frédéric Barberousse à Roncaglia (i 158) et celles de Henri II à Clarendon (1 16^) réveillôrent le conflit.

Tandis que se préparait laborieusement l’unité espagnole par la lutte contre les Maures et l’alliance des souverains du nord de la Péninsule, le royaume de Portugal, qui venait de concjuérir l’indépendance (iiSg), ne tarda guère à connaître les inconvénients de la guerre entre les deux puissances. Sans interruption, Sanche 1er, Alphonse II, Sanche II et Ali>honseIII, se mirent, comme à l’envi, à passer par-dessus les lois divines les plus saintes et les lois ecclésiastiques. Denys le Sage — dont la femme Elisabeth devait être

un jour canonisée — fit la paix avec les évêques par un traité que Nicolas IV confirma (1288). Le roi promettait de ne plus imposer aux prélats le renoncement à leurs bénéfices, de ne pas bannir ceux qui revendiquaient leurs droits, de ne pas gêner leurs communications avec le Saint-Siège, de laisser et même de faire exécuter les censures ecclésiastiques, de ne pas usurper les biens des hôpitaux ou les biens de l’Eglise, de ne pas troubler les élections aux bénéfices, d’exercer avec modération son droit de patronat, etc., etc. Cette énumération, qui est loin d’être complète, en même temps qu’elle révèle les bonnes dispositions de Denys le Sage, nous permet d’entrevoir à quels excès s’étaient jiortés ses prédécesseurs.

On connaît les conséquences lamentables qu’eurent pour la chrétienté l’exil des papes à Avignon (13051877) et les douloureuses complications du grand Schisme d’Occident (1378-1417). Les conciles de Pise (1401j), de Constance (1414-1418) et de Bàle (1431-1443) loin d’apaiser les dissensions, en auraient plutôt augmenté la gravité et perpétué les causes, en ébranlant la juste notion de la sous’eraineté pontificale, si la Providence n’avait eu pitié de l’Eglise. Finalement, les mandataires des nations catholiques au concile de Constance finirent par s’entendre sur l’élection de Martin V (1417), sur l’acceptation de sept décrets généraux (i 4 18) de réforme (portant sm- les exceptions de la juridiction épiscopale, les unions des monastères, les fruits des bénéfices vacants, la simonie, les dîmes et la conduite des clercs), sur la signature de trois concordats intéressant les Allemands, les Latins et les Anglais (i 4 18).

Ce dernier accord seul était ad perpetuam rei memoriam ; les deux autres étaient stipulés pour cinq années. Tous trois s’occupaient, en termes à peu près identiques, du nombre et des qualités des cardinaux. Aux Anglais il était promis, en outre, qu’on prendrait parmi leurs compatriotes quelques officiers de la curie romaine. Avec ce souci d’avoir une influence constante dans les conseils du Saint-Siège, les concordats de 1418 témoignent d’une certaine jalousie de sauvegarder l’indépendance de l’Eglise nationale des Anglais obtiennent que les incorporations de bénéfices n’aient point lieu sans l’assentiment des Ordinaires des lieux, et que le pape n’accorde plus de dispenses aux bénéficiers pour retarder leur promotion aux ordres ; dans les clauses du traité signé avec la France, il est dit que les dispenses seront octroyées sans rien entamer de la puissance pontificale, mais sans blesser non plus les privilèges de l’Eglise gallicane ; les Allemands et les Français ne paieront plus qu’un droit d’annates diminué.

D’autre part, en chacun des actes consentis par Martin V avec les différentes nations, des préoccupations particulières se remarquent. Les Anglais et Allemands ont soin de faire limiter la concession des indulgences ; les Français sont indifférents. Ceux-ci prennent garde par contre — comme aussi les Allemands — dérégler en détailla question des provisions de bénéfices avec ou sans réserve apostolique, avec ou sans droit de patronage ; les Anglais n’en ont cure. Les Allemands signent dos clauses sur la fulmination de rexconinuinication et l’extirpation de la simonie ; lias un mot là-dessus dans les concordats français ou anglais.

Le caractère proA’isoire de ces traités ne doit pas masquer leur importance ; et il faut dire de même des concessions que Martin V y consentit. Quand on compare le remède au mal, il convient de regretter, avec l’historien Pastor. que le nouveau pontife n’ait pas cru pouvoir user d’une plus grande énergie.

Mais aussi, au milieu de la crise qui travaille tout 635

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l’Occident, entre ces deux assemblées de Bàle et de Constance qui toutes deux vont essayer de faire prédomine ^- dans l’Eglise une constitution oligarchique, quelle revanche de la force des choses et de la vérité divine que le spectacle d’un pape, dont tous les rivaux n’ont pas encore disparu, décidant et traitant, comme un souverain incontesté, avec ceux-là mêmes qui prétendent définir les limites de son autorité !

La même action de la Providence est à signaler dans l’affaire du Concordat des princes il^<j)’bien que le concile de Bàle eût de nouveau accentué les tendances séparatistes de l’Allemagne, la diplomatie des princes finit par venii- à un accord où Eugène IV et Nicolas Y réussirent à se maintenir dans les positions prises par Martin V à Constance.

III. — Au moment où François I" et Léon X se rencontrent à Bologne, les affaires ecclésiastiques de France sont régies par la Pragmatique sanction de Bourges. Celle-ci (œuvre des légistes de Charles VII, enregistrée au Parlement le 13 juillet 14^9) est surtout un acte d’opposition aux pontifes romains : elle ju’oclame avec le concile de Bàle la supériorité du concile sur le pape, supprime les résen-es, expectatives et annotes, réduit la facilité des appels à Rome, rétablit l’usage de l’élection pour les dignités ecclésiastiques. Malgré les protestations de Rome, ces dispositions demeurèrent en ligueur pendant tout le xv « siècle. Un instant, Eugène IV espéra obtenir un concordat aA’cc Charles VII (1442). Sous le règne de Louis XI, la pragmatique fut même déchirée. Mais l’accord conclu entre le prince et Sixte IV (1472) ne tint pas devant les résistances du pai’lement. Ce fut proprement à Bologne que fut conclu le déiînitif traité de paix. Deux bulles signées par Léon X réglèrent avec in-écision les clauses débattues (Primitiva illa Ecclesia (18 août io16), Sacroapprohante concilio (14 janvier loi^). François I" les lit siennes dans une ordonnance (13 mars lôi^). Voici lesi^rincipales dispositions prises :

1. L’élection est supprimée. Le roi présentera aux évêchés et archevêchés des candidats choisis, âgés de 27 ans au moins, licenciés en théologie, ou en l’un et l’autre droit, ou docteui’s en droit, ou licenciés de quelque célèbre université.

La présentation doit être faite dans les six mois qui suivent la vacance du siège.

Si le candidat est Araiment non qualiûé, une nouvelle présentation doit être faite, trois mois après le refus signifié par le pape ; sans quoi celui-ci pourra pourvoir librement.

Si la vacance se produit par la mort du titulaire à Rome, le pape sera libre aussi de pourvoir.

Poiu-ront être également candidats aux évêchés les l)arents du roi et des grands — s’il y a raison légitime, — ainsi que les religieux mendiants de doctrine éminente, alors même qu’ils ne seraient point gradués dans quelque université.

2. Le droit de présentation ou nomination royale est étendu aux monastères et prieurés.

3. Sont maintenus pour les bénéfices ecclésiastiques (cauonicats ou prébendes) les privilèges des gradués ; selon les alternances jjrévucs par le droit commun, les collateurs doivent les préférer aux autres candidats même recommandables.

Le temps requis pom’les études de ces gradués afin que lem- titre soit valable, est déterminé avec soin ; de même la manière de procéder aux preuves de noblesse, pour ceux qui feraient valoir cette raison afin d’avqjr dispense d’études moins prolongées ; de même la précellence relative des grades les uns sxir les autres.

4. Les curés des villes ou boui’gs fermés de murs ne iiourront être pourvus de lem-s cures que s’ils ont

étudié la théologie pendant trois ans, ou suivi des cours de droit, ou conquis le grade de maître es arts. Et les universités sont prévenues qu’elles perdront de droit tous leurs privilèges apostoliques, si elles s’avisent de présenter aux collateurs des gradués qui n’aient point obtenu leurs diplômes après une scolarité parfaitement régulière.

5. Tout concubinaire public — de quelque dignité que ce soit, même épiscopale — doit être privé des fruits de sa charge pendant trois mois, averti de se corriger, condamné à perdre tous ses bénéfices s’il persévère dans son scandale ; déclaré inhabile à tout office ecclésiastique si, après amendement, il revient à son péché. Et que ceux qui font des pactes d’argent avec de tels hommes, pour les maintenir en possession, sachent qu’ils encoui-ent la malédiction éternelle.

Le concordat de 1516 règle encore (fuelques questions concernant les appels, les censures, les annales. Mais tout cela nous a paru moins intéressant que ce qui touche aux personnes.

Le parlement de Paris lit au traité toute l’opposition qu’il put. Il fallut le contraindre pour qu’il enregistrât les lettres qni accréditaient le légat Philippe de Luxemboui’g pour exécuter le concordat en France. Quant à l’enregistrement du concordat lui-même, ce fut un duel de quatorze mois. Aux premières remontrances, le roi répondit par une lettre de jussion (13 mai 1517) ; quand le chancelier Duprat se présenta porteur des ordres de son maître, on demanda le droit d’envoyer une députation, et bientôt celui de nommer une commission nouvelle. Sur itérative jussion de François I*"", les magistrats vinrent trouver le prince, qui obtint d’eux une promesse de délibérer. La discussion commença le 13 juillet et dura dix jours ; le parlement concluait au maintien de la Pragmatique ou à la convocation d’une assemblée du clergé à qui serait présenté le concordat. En janvier et février 1518, le roi reçut à Amboise les magistrats récalcitrants. Ils produisirent leurs griefs. Duprat y répondit avec force. Le roi fit des menaces, revendiqua pour lui seul le droit de gouverner. Après quatre séances (1 5, 18, 19, 22 mars), l’enregistrement fut donné. Mais, deux jours après, le Parlement, toutes Chambres réunies, renouvela une sorte de protestation par le constat de tous les efforts faits par lui pour s’opposer aux volontés royales.

L’Université qui, dans cette lutte, avait pris le parti de la magistrature, se joignit à elle dans la suprême révolte (27 mars iSi^) : faisant appel contre les clauses du traité, portant défense à tout imprimeur et libraire d’en publier le texte, suppliant le primat des Gaules de convoquer d’m-gence l’Eglise gallicane, afin d’assurer la conservation des libertés nationales.

Le clergé ne montra pas moins d’obstination. Les chapitres, en beaucoup d’endroits, continuèrent à nommer des évêques. Dans les Etats généraux (Orléans, 1560, Blois, 1676-1 588, Paris, 1693) on proclama le principe de l’élection. L’archevêque d’Aix Genebrard écrit un livre De sacrant m electiunumjure et necessitate. Il faudra tout le xvr siècle pour amortir les ardeurs de cette opposition des prêtres. Et la Constitution civile du clergé montrera avec éclat quelle faveur le droit ancien conservait encore en 1789.

Les choix des princes justifièrent souvent ces réclamations. Les prélats courtisans et étrangers à l’esprit de leur état — quoiqu’ils soient moins nombreux que les indignes pourvus de grasses abbayes — ne manquent pas dans notre histoire religieuse. Mais ces erreurs coupables témoignent contre les rois et non contre le concordat. En outre, rien ne prouve que les CONCORDATS

638

la

aiii

lions auraient mieux poxirvu l’E^rlise ; on peut,

— rien exagérer, conjecturer que peut-être, sans le

t royal de nomination, la crise qui jeta dans le

estantisme tant de prélats allemands se serait

— ^rte chez nous, à la même date ; et, en tout cas,

ritiques que Léon X fait, dans sa bulle, sur les

s du régime électif ne sont que trop fondées.

; serait encore raisonner en l’air que de rendre

oncordat de 1516 responsable du gallicanisme

ésiastique de 1682. La Pragmatique de Bourges

vient tout le venin doctrinal de la fameuse décla on ; et elle n’est d’ailleurs qu’un résidu des déli ,. liions antiromaines de Bàle. Le simple rapproche ]’Hd des dates, sans chercher autre chose, suffit à

.Ni lOntrer que les tendances particularistes de notre

!  ; ^ : se nationale ont une autre origine que l’article 7

oacte conclu entre Léon X et François I*^’.

.’.^fin, ceux-là méconnaissent complètement l’his >eet la théologie catholique, qui répètent la fameuse

Qule : à Bologne, le roi et le pape se sont mutuel i.ent offert ce qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre. En

sSGUs le rjégime électif, les candidats du roi obte înt en beaucoup de cas les bénéfices. En droit, le

;  ; e, administrateur suprême de la propriété ecclé

-tique, coiume il est le souverain arbitre de la dis ine canonique, a plein pouvoir de régler selon

circonstances la matière bénéûciale. Les principes

lorés qui protègent la juridiction spirituelle et le’i"a des âmes marquent seuls les limites que le pon romain ne saurait franchir. On n’étabUra pas que

n X l’a oublié. Et quand on revoit en esprit les

mins suspects par lesquels le gallicanisme a

rainé l’Eglise de France, à travers les siècles, on

t estimer heui-eux et bienfaisant l’acte de 1516 :

re les tentatiACS de Philippe le Bel et celles de

lis. XIV, il a fait du Saint-Siège le centre légal de

re clergé ; la suprême autorité des successeurs de

rre a été proclamée par la loi française comme par

bi catholique. Outre que c’était un hommage à la

ité, qui peut dire que ce n’était pas aussi une

toire ?

« ans doute, le pouvoir pontifical connaîtra encore
; résistances. La lutte entre le sacerdoce et l’empire

éternelle. Mais contre les empiétements des princes es complicités del’épiscopat, une revendication sera iJQurs possible, en invoquant la bonne foi des traiet la logique des situations. Au milieu des cons toujours renaissants, ce sera l’inépuisable resirce des papes.

3ans les concordats signés pour l’Allemagne, la liême, la Sardaigne, le duché de Milan, les deux ilesel TEspagne, les matières bénéficiâtes tiennent e très grande place. Les plus remarquables de ces ords sont ceux qui furent négociés par Benoit XIV i>ec le roi de Sardaigne Emmanuel III (1741) et sur.)Ut avec Charles III, roi des deux Sicilcs (1741)- I’^ )uvement qui de toutes parts ébranle l’ancien édi ? social a laissé sa trace visible dans la seconde ces conventions. Les princes reconnaissent encore principe de l’immunité ecclésiastique ; mais leur idance évidente est de faire à eux seuls la police leurs Etats et d’étendre leur action sur les persons et les biens d’Eglise.

Forcé par les circonstances, le pape en vient à un mpromis : la propriété ecclésiastique est cadastrée soumise à l’impôt, les officialitcs voient réduire IV champ d’action, on diminue les cas du droit isile ; les conditions de la promotion aux ordres, de < A’isite et de la gestion financière des œuvres pics ni minutieusement détaillées.

Dans le concordat passé par Clément XII avec l’Es , igne en 1787, c’est au contraire la confiance à l’égard

; Rome qui se manifeste : les stipulations consis

tent plutôt dans le rappel des principes ; quant aux mojens d’exécution, Philippe V s’en rapporte aux instructions que le Saint-Siège enverra aux évêques. Mais au bout de vingt années, il fallut en venir à un nouveau règlement explicatif du précédent (1753). Toutefois ce dernier texte n’offre pas à beaucoup près le caractère moderne, c’est-à-dire laïque, des traités signés en Italie.

IV. — Après la Révolution française, c’est une ère nouvelle qui s’ouvre pour les rapports entre l’Eglise et l’Etat. La simple lecture du concordat français de 1801 en donne la sensation très nette. Certes, par sa démarche inattendue auprès de Pie VU, Bonaparte tourne le dos non seulement à la loi de l’an III, mais à l’œuvre religieuse de la Constituante. Il proclame, après dix ans d’une politique insensée, le retour au bon sens et au droit : il faut rétablir la paix des consciences pour rétablir la paix publique, et, dans un pays en majorité catholique, divisé i^ar le schisme, troublé par la vente des biens nationaux, il est impossible que le pape ne soit pas appelé à pacifier les consciences. Là se trouvent la nécessité, les bienfaits du concordat ; par là, le premier Consul a montré la force de son génie et de son courage. Malheureusement cet homme qui comprend admirablement que la religion est un indispensable facteur social et que le pape est l’inévitable régulateur suprême dans l’Eglise catholique — est un chrétien fort médiocre, un despote dans l’àme, un conquérant insatiable. De là, dans la négociation du Concordat, le souci de favoriser le moins possible le souverain Pontife, et, dans l’exécution des clauses signées, une fidélité douteuse. On peut assigner aux articles organiques, luême à l’invasion des Etats pontificaux et à la dure captivité de Pie VII, des causes ou occasions étrangères à la personne de Napoléon. C’est l’honneur des travailleurs sagaces et le devoir des historiens consciencieux de signaler ces influences secondaires, dans le grand drame qui commence à Marengo pour finir à l’abdication deFontainebleau.il faut pourtant le reconnaître, les événements dérivent principalement du souverain : avant tout, ils procèdent de ses desseins, de ses passions, de sa puissance.

Les clauses du concordat de 1801 sont connues ; nous les rappellerons brièvement.

Elles sont toutes subordonnées à la profession de foi catholique du chef de l’Etat (art. 17). La libre pratique de la religion et la publicité du culte sont promises (art. i). On fera, d’accord, une nouvelle circonscription des diocèses (art. 2) ; les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses poiu- l’effet de laquelle sera exigé le consentement des pouvoirs publics (art. g). La nomination aux évêchés appartiendra au consul ; le pape donnera l’institution canonique suivant les formes du concordat de 1516 (art. 4 et 5) ; les évêques nommeront aux cures ; les candidats devront être agréés par le gouvernement (art. 10). Les évêques et les curés feront au gouvernement serment de fidélité (art. 6, 7) ; ils feront pour le gouvernement une prière jiublique, à la fin de l’ofiice (art. 8). On reconnaît aux évêques le droit d’avoir un chapitre et un séminaire (art. 1 1). Les églises non aliénées et nécessaires au culte seront mises à la disposition des évêques (art. 12) ; les biens ecclésiastiques aliénés demeureront incommulables entre les mains de leurs possesseurs (ai-t. 1 3) ; le gouvernement assurera au clergé un traitement convenable (art. 14) ; les catholiques pourront faire des fondations pieuses (art. 15). Les droits et prérogatives de l’ancien gouvernement, en cour de Rome, sont maintenus (art. 16).

L’opération de bornage que nous venons de résumer a d’indéniables qualités de clarté. Tout pourtant 639

CONCORDATS

640

nétait pas dit. Dès la première heure, par les Articles organiques (dont l’inspiration appartient à Talleyrand et la rédaction à Portalis) le premier Consul montra qu’il entendait interpréter et compléter, de sa seule initiative, la convention faite. Les protestations du cardinal légat (i 8 août 1803), celles du pape en personne (24 mai 1802, 21 février 1800) n’y firent rien. Napoléon fut d’autant plus tenace à garder ce qu’il avait usurpé, que son orgueil, grandi avec son pouvoir, se trouvait appuyé par des siècles de gallicanisme parlementaire et royal.

La politique acheva d’exaspérer le conflit. D’après sa conception du rôle de l’Italie dans la guerre menée à travers l’Europe entière, l’Empereur avait hesoin que le maître des Etats romains devînt son collaborateur docile. Pie VH, avec raison et avec courage, se refusa à ce rôle. Il fut arraché du Quirinal, traîné à Savone, puis à Fontainebleau. L’excommunication de l’envahisseur sacrilège s’ensuivit, ainsi que le refus de poui’voir aux évèchés tant que la liberté ne serait pas rendue. Par des députations à Savone, deux commissions ecclésiastiques, un concile national, un nouveau concordat, Napoléon essaya de sortir de l’impasse où il était acculé. La servilité des évoques députés, la faiblesse des commissions, la défaillance même du pape semblèrent favoriser un instant ses desseins ; l’échec du concile et la rétractation de Pie VII remirent tout en question. Il fallut refl"ondrement de l’Empire pour terminer la querelle.

Malgré tout, l’Eglise de France s’organisa, se développa, reconquit quelques-unes des positions perdues. En 181 4, les évéques étalent convenablement logés, les chanoines payés, les séminaristes hospitalisés et favorisés de bourses, les congrégations hospitalières reformées et protégées : tous avantages que le concordat ne stipulait pas nommément. En revanche, la prédication, l’enseignement des séminaires, leur règlement et leur existence même, l’administration des diocèses étaient soumis à des surveillances tracassières, et à des lois ou circulaires des plus gênantes. Avec ces chaînes légales et ces ressources mesurées, on vécut pourtant et on fit beaucoup de bien.

Avec la Restauration, l’occasion se présenta d’un concordat nouveau. Louis XVIII préférait, par amour-propre de race, rattacher sa politique religieuse à François I^" plutôt qu’à Napoléon. Pie VII n’était pas sans désir ni sans espoir d’obtenir d’un fils de saint Louis des conditions plus équitables pour l’Eglise. Les négociations entamées à Rome entre le cardinal Consalvi et le comte de Blacas aboutirent à un instrument diplomatique signé le 4 juin 1817.

En voici les dispositions principales :

1° Le concordat de Léon X redevient la charte religieuse de l’Eglise de France.

2° Cependant les sièges créés en 1801 et leurs actuels titulaires sont conservés ; on pourvoira sans retard à augmenter suffisamment le nombre des évèchés ; et dans les nouvelles circonscriptions à établir, sera demandé au préalable le consentement des Ordinaires (ou des chapitres là où le siège est vacant ) auxquels on arrachera une partie de leur territoire ; il pourra même advenir que, pour des raisons graves, quelques évêques soient déplacés.

3 » Une dotation en biens-fonds et en rentes sur l’Etat sera constituée pour les diocèses, les chapitres, les séminaires et les paroisses érigés ou à ériger.

4° Bien que la restauration du concordat de 1516 n’emporte pas celle des abbayes, prieurés et autres bénéfices existant avant 8g, c’est d’après la teneur de ce concordat que seront établis les bénéfices que l’on pourrait fonder à lavenir.

5° Les articles organiques sont abrogés dans les

kus

irn

, ël

points qui sont contraires à la discipline, et à la doctrine de l’Eglise ; le roi, d’accord avec le pape, mettra tous ses soins à supprimer tout ce qui dans le pays s’oppose au bien de la religion et à l’exécution des lois ecclésiastiques.

Le mauvais vouloir des libéraux, les intrigues du parlement, la faiblesse du roi, les menées des gallicans empêchèrent ce traité de devenir une loi de l’Etat. Il faut le déplorer pour la France : des dispositions aussi précises auraient peut-être empêché les gouvernements successifs d’entreprendre sur la liberté de l’Eglise autant qu’ils l’ont fait.

V. — Dans l’application du concordat napoléoniensla Restauration, la Monarchie de juillet, le second Empire et la troisième République eurent tous leurs" ^"’liem-es de mauvaise hiuneur et de mauvaise foi.’j^ ^

Il n’est pas un de ces gouvernements à qui V’ën ^’^ ne puisse reprocher des empiétements : tous ont joué f^"^ au théologien en déférant au Conseil d’Etat les mandements des évêques ; ils ont affecté de savoir mieux que le pape quels prélats ou quelles congrégations convenaient au bien de l’Eglise ; ils or : t. Ticrf » par des expulsions brutales ou des suspensions arbitraires de traitement, les religieux et les prêtres dont l’attitude ne leur revenait pas.

Ce serait pourtant une erreur de voir, dans les conflits politico-religieux survenus à travers tout le xix" siècle, une preuve que le régime concordataire devenait de jour en jour plus mal assorti à la société contemporaine. Le texte de 1801 aurait eu besoin d’être complété et précisé, à mesure que l’esprit chrétien et la sagesse diminuaient dans le gouvernement. Mais ni 1 état religieux, ni l’état social, ni l’état politique du pays ne réclamaient la rupture violente qui eut lieu en 1906. Envisager la formule célèbre /.Eglise libre dans l’Etat libre comme une évolution nécessaire de la formule concordataire, ériger le discours de Montalembert à Matines ou les articles de l’Avenir inspirés par Lamennais en règle générale (les temps nouveaux, c’est uniquement se laisser él)louir par le prestige de noms éclatants ou des mots sacrés par la science. Après le xviii" siècle encyclopédique et dix ans de révolution, la société française était bien moins religieuse qu’elle ne 1 est aujourd hui ; et celui qui devint au 18 brumaire le chef de 1 Etat était aussi vaguement chrétien que Thiers ou^n.-, ^ Carnot. Sous cette double hypothèse qui semblait ei » ^, |, devoir exclure l’application, ce fut pourtant la doctrine de la thèse catholique sur les rapports de l’Eglise et de l’Etat qui prévalut. Pourquoi n’aurait-elle pas prévalu, aux débuts du xx* siècle comme à ceux du XIX’siècle ? Si les ordonnances de 1828, la lutte d*^^, l’épiscopat contre le monopole, l’attitude des catholiques au sujet du pouvoir temporel ont pendant cinquante ans mis quelque embarras dans les relations „g.., de la Restauration, de la Monarchie de juillet et du.y{ second Empire avec Rome ; jamais ces gouvernements ne songèrent, pour autant, à déchirer le concordat. De même sous la troisième République : la question de l’entente franco-italienne, celle des congrégations ou celle des nominations épiscopales n’auraient point amené la rupture si chacune de ces difficultés n’avaient été provoquée ou exploitée en vue de la séparation.

Le divorce prononcé en 1906 est dû à la logique d’un vieux programme républicain, à la poussée maçonnique qui depuis trente-cinq ans surtout a si fortement influé sur le gouvernement de notre pays, à l’entraînement fatal que subissent tous les pouvoirs entrés dans la voie des violences, enfin à la passion audacieuse et folle de celui qui rompit en 1904 les relations diplomatiques avec le Vatican. Ce dernier acte fut décisif. Vu la peur de passer pour clérical, qui

.o’I

lorr

Siil

laJ 641

CONCORDATS

642

fut toujoiu-s, à paitir du discours célèbre de Romans, la suprême régulatrice des cabinets français en matière politico-religieuse, il était inévitable que le retrait de notre ambassadeur auprès du pape entraînât la dénonciation du Concordat.

Dans la discussion parlementaire de la loi de 1900, dans la presse dévouée au gouvernement, il a été de mode de rejeter siu- le souverain Pontife toutes les responsabilités. Rien n’est plus injuste, ni plus mensonger. L’affaire des évêques de Dijon et de Laval était trop mince, trop mal choisie même.

Entre la rupture diplomatique du 30 juillet igo^ et

; discussion de la première loi Briand, le Saint-Siège

gardé l’expectative la plus réservée. Et quant aux

iflits dont le gouvernement a pris prétexte pour

ppeler notre ambassadeur auprès du Vatican, qui

.’ira lu le Lhre blanc conviendra que cette mesure

tréme a été prise parce qu’on l’a bien voulu.

Vu sujet des nominations épiscopales, M. Combes étendait arrêter les listes de candidats sans pour. 1er préalable avec le nonce, imposer au pape l’acptation d’une fournée d’évéques sous peine de ne pas désigner des titulaires aux autres sièges vacants. L ; i prétention était contraire aux précédents, au bon sens, au droit imprescriptible et au devoir sacré qu’a le pastem* suprême de juger par lui-même de la dignité des prélats qu’il va investir de leurs fonctions. En subissant les conditions de M. Combes, Pie X eût trahi sa conscience et prouvé sa déraison.

Au sujet de la visite rendue, à Rome, au roi d’Italie par le Président de la République, trois choses sont absolument certaines :

i" Le Saint-Siège demandait simplement que M. Loubet ne choisit pas Rome pour son entrevue avec Victor Emmanuel II ; et par cette exigence, il suivait la conduite tenue, depuis 1870, à l’égard de tous k’s chefs d’Etat catholiques, pour sauvegarder en principe des droits sacrés.

2" Le gouvernement français savait, bien avant la

viiiuc du roi d’Italie à Paris, que la présence de

^. Loubet au Quirinal appellerait une protestation

I luelle du pape. En élevant cette protestation au

Il de Pie X, le cardinal Merry del Val n’a fait que

oduire les motifs que le cardinal Rampolla avait

.1 fait valoir au nom de Léon XllI.

i’Personne n’a démontré par un document diplo ili(pie que notre rapprochement avec l’Italie ait

..nu, comme à une condition sine qua non, à la pro , "ssc d’une visite à Rome. Et en tout cas, si cette’uesse a été demandée, on ne prouvera point que

s fussions oliligés, par intérêt national, à y sovis e. Au point de vue économique, l’Italie ayant plus

oin de nous que nous n’avions besoin d’elle, nous

nieurions les arbitres de la situation. Au point de

lie politique, le Concordat etnos intérêts à l’extérieur

nous coinniandaient de ménager le pape ; d’autant

que l’entente avec Victor Emmanuel ne dissolvait

pas la Triplice.

Reste la démission des deux évêques de Laval cl de Dijon

Pour i chii de Laval, les griefs étaient anciens ; déjà sous Léon XIII, la démission avait été demandée, promise, puis retirée. Ouand, sur ordre de Pie X, le prélat fui cité à Rome, il livra cette citation à M. Combes, qui protesta au nom des droits de l’Etal et défendit le voyage ad limina. Même aventure pour l’évêfiuc de Dijon. Là-dessus, le cardinal secrétaire d’Etat intervient pour expliquer les principes de droit et l’état de fait de la cause. Le gouvernement français menace de rompre, si les procès canoniques engagés suivent leur cours. En offrant do [)roh)iiger les délais impartis aux prélats cités à Renne, le [lape

ouvre la porte à de nouvelles négociations. On lui répond par le rappel de l’ambassadeur.

Qu’est-ce que le pouvoir hiérarchique du pape dans l’Eglise, si le caprice d’un ministre peut soustraire à sa juridiction ses justiciables ? Et quelle sûreté demeure dans les relations diplomatiques, si leur maintien dépend d’un prétexte futile, si le retrait d"un plénipotentiaire peut se transformer, sans fait nouveau et sans explication, en suppression d’une ambassade ?


Malgré la discom-toisie dont on usait et la violation de son droit de pasteiu* suprême. Pie X — celui qu’on représente comme le fougueux artisan de la rupture — laissa le nonce à Paris jusqu’au dernier moment. Il n’est pas une phase de la crise où il ne se soil montré prêt à chercher une transaction qm laissât intacts les principes. Voilà ce dont le Liyre blanc témoigne. Tous les esprits élevés et sincères ont noté l’embarras, la duplicité, l’arrogance, la brutalité de notre diplomatie dans cette affaire. Notre gouvernement s’est montré parfaitement dédaigneux des droits qui né liouvaient être revendiqués les armes à la main.

La dénonciation du Concordat, comme la ruptui’e des relations diplomatiques, s’est faite sans motifs et sans dignité.

Quand la loi de igoô a été votée. Pie X a élevé une noble protestation. Rien n’était plus légitime, vu surtout que le régime concordataire était supprimé pour céder la place à un régime de séparation absolument inique.

Trois textes législatifs ont jusqu’ici déterminé ce régime (lois des Il décembre igoô, 2 janvier igo ; ^, II avril 1908). Trois mois le peuvent caractériser : confiscation de la propriété ecclésiastique la plus légalement établie et la plus historiquement indiscutable (églises, demeiu’es des évêques, des curés et des clercs, biens et rentes, même des fondations pieuses, des œuvres de charité, des caisses de retraite du clergé) ; mise des institutions et des personnes ecclésiastiques hors du droit commun ; attaque sournoise de la hiérarchie même de l’Eglise, qu’on ignore pour la soutenir, qu’on connaît pour l’attaquer.

En outre, l’exercice public du culte dans les églises (que l’Etat assure être siennes ou communales) dépend unifquement, selon la loi, du caprice gouvernemental ; il ne pourra se maintenir que dans les limites de sa tolérance. Un seul gain demeiu-e dans celle déroute lamentable. Le pape nomme seul les évêques, et les curés n’ont plus besoin d’être agréés par le gouvernement.

Dans ces conditions, il faut certainement beaucoup d’optimisme pour préférer le nouveau statut de l’Eglise de France à l’ancien. La spoliation des biens ([u’elle avait s’est faite sans que la liberté lui ait été donnée en échange de son patrimoine ; la jalousie et la malveillance de l’Etat lui sont plus assurées que jamais. Une pareille séparation est la meilleiu-e apologie de la convention de l’an IX. Alors que les gouvernements faisaient olliciellemcnt profession de l’antique religion nationale, les garanties précises d’un traité n’ont pu épargner de mauvais jours au catholicisme dans notre pays. Comment peut-on lui promettre un brillant avenir, alors que ceux qui détiennent le pouvoir sont les ennemis jurés de toute croyance en Dieu et ne sont légalement tenus à rien à l’égard de l’Eglise ? Sans doute, l’esprit politique peut être une barrière au débordement des fantaisies tyranniques. Mais, l’expérience le montre, cette barrière est singulièrement fragile ; d’autant que la complicité de l’opinion est, à coup sûr, acquise au despotisme anonyme, tant que celui-ci ne doute pas de lui-même.

Telle est l’évidente leçon que donnent Ihisloire

(ft)o 643

CONCORDATS

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religieuse de la Révolution et celle des trente dernières années de la troisième République. Si, dans cette destruction de la nouvelle Eglise gallicane née en l’an X, le pape peut s’applaudir d’avoir le libre choix des évéques, cette bonne fortune a été achetée bien cher ; et en tout cas, nous n’en devons aucune reconnaissance ni à la loi de igoô ni à ceux qui l’ont faite. Le moyen, sans ouvrir la pire des guerres religieuses, d’empêcher le recrutement normal de l'épiscopat ?

VI. — Parmi les concordats européens, un certain nombre furent la conséquence de la chute de Napoléon. Au temps de sa puissance, l’empereur avait parfois rêvé de donner un statut légal à l'église d’Allemagne. Chacun des Etats de la Confédération du Rhin, sans parler de l’Autriche, ne favorisa guère ce dessein centralisateur. Sollicitée par des appels opposés, Rome ne se pressa point, atteiulant de savoir du temps qui il fallait écouler ; puis les malheurs de Pie VII rendirent toute négociation impossible. Après le congrès de Vienne, l’abolition de la Confédération, le remaniement de la carte européenne renouvelèrent dans la vieille Germanie et à Rome le désir d’un règlement amiable. Les idées fébroniennes et joséphistes, très vivantes dans la tête de beaucoup d’hommes d’Etat et de nombreux hommes d’Eglise, faillirent tout conqîroinettre. Impuisantes à triompher au congrès de Vienne et à la diète de Francfort (1816) pour des raisons multiples, ces idées reprirent ligueur et corps dans des. actes publics destinés à ébrécher les concordats dont elles n’avaient pu empêcher la signature.

Le pacte signé a^ec la Bavière (18 17) a tout à fait l’allure catholique. On y promet que la religion nationale jouira de tous les droits et prérogatives qu’elle tient de Dieu et des saints canons (art. i). Les menses épiscopales seront constituées en biens -fonds (art. 4)- Les prêtres infirmes et vieux seront reçus dans des asiles dotés (art. 6). On dotera aussi des couvents de l’un et l’autre sexe pour l'éducation de la jeunesse, le soulagement des malades et pour venir au secours des curés (art. 7). On garantit l’inviolabilité des biens des séminaires, des paroisses et des fabriques (art. 8). La liberté est assurée aux prélats dans le gouvernement de leurs diocèses selon les dispositions des canons et la discipline ecclésiastique approuvée par le Saint-Siège ; suit le détail, de peui' qu’on en ignore (art. 12). Contre les livres impies, immoraux, anticatholiques, détracteurs du clergé ou tournant en dérision le culte, sur la dénonciation des prélats, le roi proiuet toutes les répressions ; il ne souffrira pas que personne, et encore moins les fonctionnaires publics, manquent au respect dû à la dignité des ministres de Dieu (art. 13, i^) Quand on compare ces articles à ceux du concordai napoléonien, on est heureusement surpris de tant d’orthodoxie et de bienvcillance : surtout dans un pays où les souvcnirs de Hontheim étaient encore si vivants. L' « édit de religion » qui fut joint au concordat ne tarda ])as à trahir les véritables sentiments des politiques. Et si les protestations de Rome amenèrent le roi de Bavière à un recul (déclarations de 181 8 et de 1821), il n’en demeura pas moins que le texte du concordai — reconnu théoriquement comme l’unique loi des parties — ne fut jamais loyalement appliqué.

L’accord conclu avec la Prusse (1821) donne lieu à des réflexions assez différentes. Bien que négocié par le fervent luthérien Niebuhr, il aboutit à une organisation complète des évcchés situés en terre prussienne et notamment dansla vallée duRhin. Mais en dehors des questions de circonscription et de dotation et auti’es de ce genre (développées en 63 articles), on ne s’ex plique sur rien ; l’exercice du pouvoir spiiùtuel semble étranger et indifférent au successeur de Frédéric IL L’expérience allait montrer que, pour charger de fers l'épiscopat, les souverains de Berlin n’avaient pas besoin d’articles organiques selon la manière de Portails. Les biens-fonds promis pour doter les églises ne furent jamais donnés ; ce mancpie de parole était une prophétie de beaucoup d’autres infidélités.

Avec les Etats protestants indépendants, de la vallée du Rhin, nous revenons à une situation qui n’est pas sans rappeler l’histoire du concordat bavarois. Eux aussi avaient rêvé, dès 1818, ce qu’ils appclèvenl Magna charta libertatis Ecclesiæ germanicac. Consalvi trouvant trop petite cette grande charte, il fallut songer à autre chose. Les pourparlers aboutirent en 1821 à un simple travail de circonscription analogue à celui qu’on avait établi pour la Prusse. Mais, à peine les titulaires des évèchés nouveaux étaient-ils nommés, qu’on les pria de souscrire — te qu’ils firent, un seul excepté — à ces codes d’asservissement qu’on appelait « l’instrument de fondation » et « la pragmatique d’Eglise ». Rome protesta, refusa les bulles d’institution canonique. En 182'j, les négociations reprirent. On précisa, en ce qui concerne la nomination des évêques, la formation des chapitres, l'établissement des séminaires, la libre communication des évêques avec Rome, et l’exercice libre du pouvoir épiscopal selon les canons. Ces six clauses parurent suffisantes au Saint-Siège pour remédier au mal. Les gouvernements intéressés les publièrent a^ec des réserves suspectes ; et finirent en 1830 par édicter en Sg articles un code de police des cultes qui exprimait leiu- manière de concevoir la liberté de l’Eglise.

Tandis que les Pays-Bas, de Bruxelles à Amsterdam, ne formaient qu’un seul royaume aux mains d’un souverain protestant, l’habileté du nonce Capacini sut négocier avec Guillaume I" un concordat original entre tous (1827). Il consiste en trois articles : I " le concordat napoléonien est adopté ; 2° chaque diocèse aura son chapitre ; 3" tant que le souverain ne sera pas catholique, la nomination des évêques se fera sur une liste présentée par les chapitres, pendant le mois qui suivra ïa vacance du siège ; si quelquun des candidats présentés déplaît au roi, les chapitres effaceront son nom ; après quoi, ils procéderont à l'élection canonique, sans pouvoir choisir' en dehors de la liste présentée.

La révolution de 1830, en séparant la Belgique de la Hollande et en lui donnant un chef d’Etat catholique, aurait pu modifier ce statut. Il n’en fut rien.

C’est aussi en 1829 que fut signé le concordai suisse. Les cantons intéressés (Lucerne, Berne, Soleure, Zug) ne l’ayant pas ratifié, les négociations durent reprendre, et l’année suivante elles aboutirent à un traité en 16 articles qui fut enfin agréé. En 1830, de nouveaux pourparlers en étendirent l’effet aux cantons d’Argovie et de Thiu’govie. Circonscription cantonale des diocèses, mais siu-tout organisation des chapitres et lixation de leurs revenus : c’est presque tout le concordat suisse. La situation du diocèse de S. Gall fut réglée par acte séparé (1845).

Les concordats italiens offrent une physionomie fort différente. La transformation politique de la carte de l’Italie, après la chute du grand Empire, explique suffisamment la place que tient dans le premier concordat sarde (iSi’j) le détail de la circonscription des diocèses. Les conventions faites en 1836 et en 1841 règlent minutieusement la tenue des registres paroissiaux et des qviestions de poursuites criminelles. Mêmes préoccupations dans le concordai passé en 1851 avec le grand duc d’Etrurie. Il n’y est guère ajouté que des dispositions très nettes poiu645

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garantir l’exercice de l’autorité ecclésiastique. Ces dispositions sont encore plus catégoriques et plus multipliées dans le concordat sicilien de 1818 : elles visent les personnes et les biens, les visites, les jugements et les appels, les écrits. Un autre traité fut signé en 1834, qui précise certains cas d’immunité ecclésiastique.

En iS^y, concordat entrela Russie et le Saint-Siège. C’était au lendemain des persécutions odieuses par laquelle le czar avait répondu à l’insurrection polonaise de 1831. Ce traité en 31 articles n’empêcha pas malheureusement les catholiques de souffrir encore pour leur foi. Alexandre II fut le digne successeur de Nicolas IV. Mais le fait lui-même que le chef de l’Eglise russe ail été contraint de négocier avec le chef de l’Eglise catholique, n’en est pas moins significatif ; et quelques-unes des clauses débattues ont un particulier intérêt. L’article [^ décrit minutieusement quelles sont les affaires disciplinaires ou linancières que l’évêque ne pourra décider qu’après en avoir délibéré avec un consistoire diocésain dont les membres, toiis ecclésiastiques, sont d’ailleurs nommés et révoqués ad nutuin. Des articles assez nombreux (art. 22 à 29) sont consacrés à déterminer le fonctionnement des séminaires et de l’Académie de Mohilew. Poiules cures où le droit de patronage ne s’exerce pas, les candidats sont nommés au concours (art. 30).

La signature du concordat autrichien, en 1855, fut un événement qui émut fort les chancelleries européennes. Elles reprochaient à l’empereur François-Joseph d’avoir inauguré son règne, en livrtmt l’Etat à l’Eglise. Le Joséphisme faisait chorus. Il est certain que les 36 articles signés par le prince s’éloignent fort de la réserve déliante du concordat napoléonien. La liberté des communications entre l’épiscopat et la papauté est garantie (art. 2) ; de même celles des premiers pasteurs avec leur clergé et les fidèles de leurs diocèses (art. 3). On spécifie que les évêques pourront à leur gré organiser séminaires, paroisses, synodes, pèlerinages, etc., etc. L’inspection des écoles élémentaires leur est rései-vée (art. g). Dans les écoles secondaires, tous les maîtres devront être catholiques, et les évêques décideront quels livres doivent être suivis pour l’enseignement de la religion (art. 8). Ils exerceront même leiu- droit de censure pour tous les livres contraires à la foi ou aux mœurs qui pourraient se publier dans l’Empire, et le gouvernement prendra les moyens opportuns pour empêcher ces publications (art. 10). La liberté est promise aux congrégations religieuses (art. 27), et le droit est garanti à l’Eglise d’acquérir sans limite des propriétés qu’on déclare solennellement inviolables (art. 29).

Que nous voilà loin des articles organiques de Portails et des règlements du sacristain Joseph II !

Sans marquer une aussi grande conliance, le concordat espagnol de 1851 était aussi très favorable à l’Eglise. Pendant le règne de la reine Christine, les mesures les plus violentes avaient été prises contre les couvents et les biens ecclésiastiques. Le traité signé par Isabelle II, dans les premières années qui suivirent son avènement, répara le mal. Outre les clauses d’affaires qui délimitaient les diocèses et lixaient les revenus des bénéliciers ecclésiastiques ou la source des fonds consacrés à la dotation du clergé, il y en avait de s[)éciales pour garantir les biens d’Eglise et l’existence des religieux (art. 29, 30, /Jo). El l’on proclamait en princijje que pour toutes les questions de personnes ou de choses non prévues par le concordat, rien ne serait décidé que selon les canons (art. 43).

Malheureusement, tout cela fut bientôt lettre vaine. Mais les lois iniques de 1855 Unirent par provoquer

la nécessité d’un nouveau concordat (1869), où furent confirmées et précisées les garanties précédentes.

Comme le concordat espagnol, ceux qui furent conclus avec le Wurtemberg (1867) et le grand duché de Bade (185 ;) alFirment avec une certaine ampleur les droits de l’Eglise. Cela leui’valut d’ailleurs d’être rejetés par les Chambres de ces deux pays.

Le concordat de Portugal, qui est de la même année, règle la question du patronage de la couronne dans les Indes orientales.

Si l’on veut rapprocher quelques-unes des dispositions communes à ces concordats européens, on observera ceci :

1° La nomination aux évêchés est concédée aux princes en Espagne et en Autriche ; elle doit se faire d’accord par les deux puissances en Russie ; l’élection par le chapitre est de règle en Hanovre, en Belgique et en Suisse.

2" La quotité soit du revenu des menses, soit du traitement des ecclésiastiques est fixée en Bavière, Sardaigne, Sicile, Prusse, Hanovre, Suisse, Espagne, Autriche.

3° En quelques pays (Prusse, Hanovre, Belgique, Espagne), on enLi-e dans de plus grands détails pour ce qui concerne l’organisation des séminaires.

4’^ Les ordres religieux n’ont un statut précis que dans un petit nombre de traités (Bavière, Sicile, Espagne, Autriche). Les dispositions les plus nettes se rencontrent en Autriche : en remettant la question à la décision et au gouvernement des évêques, on proclame les vrais principes dans la matière.

Au reste, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, le concordat autrichien est, avec deux ou trois autres (Bavière (1817), Sicile (18 18), Espagne (1851)), le plus respectueux dans sa rédaction, le plus généreux dans ses clauses, le mieux harmonisé avec la discipline de l’Eglise.

Sous le règne de Pie IX, entre 1853 et 1862, huit concordats furent conclus avec les républiques américaines. Ils sont calqués sur les meilleurs concordats européens. Même celui de Haïti (1861), où la religion catholique est dite simplement celle de la majorité des habitants, s’explique avec toute la netteté désirable sur la propriété ecclésiastique, les ordres religieux, la liberté du ministère pastoral. Dans tous ces accords, la nomination aux évêchés est accordée au chef de l’Etat. Garcia Moreno était président de la république de l’Equateur, quand fut négocié le concordat de 1862 : on devine qu’entre tous les concordats américains c’est le plus favorable au bien, le plus conforme à la doctrine, le mieux adapté à cette conception de la société chrétienne que Léon XIII devait magistralement exposer plus tard dans son encyclique Iminortule Dei (1885).

Le signataire de cette charte idéale des Etats catholiques a été aussi un négociateur de concordats. L’importance des actes diplomatiques passés sous son pontificat est fort diverse. Quelques-uns ont réglé des questions particulières : ([uestiou dii droit de patronat dans les Indes (convention avec le Portugal, 23 juin 1886 ; complétée par des notes diplomatiques édiangées en février-nuirs 1890 et octobre 1891) ; question du choix des évê(iues, de la formation du clergé et de la validité des mariages, à Malte (notes échangées avec l’Angleterre en janvier et mars 1890) ; question du diocèse de Pondichéry, septemlire 1886, et de l’archevêché de Carthage, novembre 1893 (notes échangées avec la France). D’autres actes ont touché à l’organisation de contrées troublées par des luttes religieuses (convention avec la Suisse pour le Tessin et Bàle. 1" septembre 1884, 16 mars 1888, accord avec la Russie, 24 décend>re 1882) ou jjassées sous un nouveau régime politique (convention avec 647

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l’Autriche, pour la Bosnie, 8 juin 1881). Mais il est des pactes signés par Léon XIII qui ont eu une portée plus étendue, parce qu’ils ont donné un statut complet à une Eglise nationale (concordat équatorien du 2 mai 1881 complété par un acte du 8 novembre 1890, concordat monténégrin du 18 avril 1886, concordat colombien du 31 décembre 1887 complété par un acte du 2 juillet 1898). Dans la République de Garcia Moreno, il s’agissait de renouveler le pacte déchiré par le gouvernement révolutionnaire de 1877. Et ce fut fait. Dans les deux autres traités, sans rentrer dans de longs détails, Aoici quelques clauses qui paraissent intéressantes à signaler.

Les nominations épiscopales au Monténégro sont à la libre disposition du pape, le Saint-Siège est simplement tenu de faire connaître le nom des candidats au prince, avant de le rendre public (art. 2). L’indépendance du pouvoir ecclésiastique à l’égard du pouvoir civil est aussi nettement affirmée (art. 2 et 4)> et notamment en ce qui concerne le mariage (art. 9 et 10). En même temps, le gouvernement s’engage à fournir à l’archevêque d’Antivari un traitement (art. 3), à régler a^ec ledit archevêque ce qui concerne l’érection des paroisses (art. 5), la bâtisse des églises (art. 6), et l’envoi de quelques séminaristes à Rome poiu- y faire leurs études (art. 12). L’exercice de la religion catholique est libre et public (art. 1) ; et si quelque difficulté survient ({uant à l’exécution du concordat, c’est d’un commun accord qu’il sera tenté de le résoudre (art. 13).

Les garanties promises à l’Eglise par la convention colombienne sont encore plus nettes et plus étendues. La religion catholique est celle de la République ; mais celle-ci s’engage à donner sa protection, sans jamais entamer les prérogatives divines de l’Eglise, sans perdre de vue le devoir qu’elle a de conformer les lois civiles aux canoniques (art. i et 2). L’Eglise est une personne juridique dans le sens propre du mot (art. 4), et elle a le droit de posséder, aussi bien que d’administrer ses possessions (art. 5). La personnalité civile et la protection de l’Etat sont acquises aux instituts religieux, dès lors qu’ils peuvent représenter la preuve de leur érection canonique (art. 1 0). Le contrôle le plus effectif appartient aux évêques sur l’enseignement supérieur, secondaire et primaire (art. 12, 13, 14). Le mariage religieux vaut civilement, du moment qu’il a été contracté en présence du magistrat municipal (art. 1) ; et les ordinaires sont seuls à connaître des causes matrimoniales quoad vinciilujn et cohahitationem (art. 19). La nationalisation opérée des biens ecclésiastiques est regardée comme un fait accompli, vu la pénurie du trésor (art. ili) ; toutefois le gouvernement promet une somme annuelle, et qui s’augmentera, pour aider les chapitres, séminaires, diocèses, missions, etc. (art. 26) ; des pensions sont assurées aux religieux dépouillés (art. 26) ; restitution sera faite du patrimoine sacré dont l’application à d’autres usages n’aurait pas encore eu lieu (art. 28). La nomination des évêques appartient au pape, sauf à pressentir les intentions du chef de l’Etat (art. 15). Ce qui concerne le développement des missions sera réglé entre le chef "de l’Etat et le Souverain Pontife, sans que la ratification du parlement soit nécessaire (art. 31).

Il faudrait parler ici du concordat espagnol signé le 19 juin 1904, pour régler le statut légal des religieux. Comme ce texte n’est pas encore mis en exécution, cette brève indication du fait suffira.

Malgré qu’il soit ignoré de la République française, qui n’a pas daigné discuter avec lui un statut convenable pour l’Eglise dans notre i^ays, et cpii renie son passé de protectrice de la foi par delà les mers, — Pie X n’en est pas moins le Pontife universel ;

sa puissance souveraine continue de s’exercer ; et en dehors de nous, des chefs d’Etat signent avec lui des traités publics. En 1906, le 26 mai, est intervenu un accord avec l’Etat indépendant du Congo, au sujet des missions. Des concessions gratuites et perpétuelles de 100 et même de 200 hectares sont promises par le gouvernement, dans les conditions suivantes : 1° chaque établissement, selon la mesure de ses ressources, ouvrira des écoles où s’enseignei-ont l’agricultiu-e et les métiers manuels ; 2° le programme de cet enseignement sera fixé de concert avec le gouvernement ; 3° les missionnaires rempliront pour l’Etat, moyennant indemnité, les travaux scientifiques de leur compétence ; la nomination des supérieurs sera notifiée au gouvernement.

VU. — La mise en œuvre de chacun des instruments diplomatiques mentionnés dans ces colonnes ne saurait nous retenir ; c’est l’objet propre d’un cours ou d’un livre d’histoire, plutôt que d’un dictionnaire apologétique. Etudiées avec soin, les péripéties de cette mise en œuvre montreraient quelle peine les gouvernements ont eue, dans tous les temps et dans tous les pays, poiu* reconnaître loyalement et pleinement les droits essentiels de cette société divine qu’est l’Eglise. Les annales de chaque nation l’évèlent même avec quelle facilité les promesses les plus claires et les plus solennelles faites à l’Eglise ont été violées pai" les princes, dès que la cupidité, l’ambition ou la crainte ont dominé, chez eux, le cri de la foi catholique ou le respect de la foi jurée. La Providence se plaît à confondre ainsi la sagesse des hommes pour leur rappeler, sans doute, qu’à la toute-puissance d’en haut il appartient uniquement de pourvoir à l’immortalité lu-omise par Jésus-Christ à son œuvre.

Mais, d’autre part, il est conforme au plan de Dieu que les institutions mêmes qui tiennent de lui leur origine et l’assurance de leurs destinées, soient gouvernées, par ceux à qui il confie en partie leur fortune terrestre, selon les données de la raison et de la foi. Or celles-ci s’accordent toutes deux pour nous dire que, là où deux puissances doivent nécessairement se rencontrer et risquent de se heurter, un accord qui règle leurs relations d’après les droits naturels à chacune est le moyen humain, le meilleur qui puisse être, de prévenir, d’atténuer et d’effacer les divisions fâcheuses. La théorie concordataire et la pratique des concordats n’ont pas besoin d’autre justification. Et cette unique réflexion suffit à faire prévoir que cette théorie et cette pratique dureront autant que les hommes.

La variété des stipulations consenties par les Pontifes romains, la trace profonde que les circonstances diverses ont laissée dans leurs actes diplomatiques, sont aussi à remarquer. Parfois elles accusent peut-être la faiblesse trop grande de négociateurs moins clairvoyants et moins courageux qu’il n’aurait fallu ; elles établissent surtout qu’il n’y a au monde jiucune autorité souveraine avec laquelle — la substance étant sauve, pour rappeler un mot fameux de Consalvi — il soit aussi facile de négocier un modiis vii’endi. Et ceci est réternelle condamnation des chefs d’Etat qui envisagent l’Eglise avec des yeux d’enfants effrayés et traitent avec elle comme ferait le machiavélisme ou la malfaisancc en personne.

VIII. Bibliographie. — I. Recueil de textes et Dictionnaires. — Walter, Fontes juris ; V. Nussi, Com’cntionL’s de rébus ecclesiasticis inter S. Sedern et cirilem potestatem’i’ariis formis iintae(Moguntia.e, j8-jO) ; G. de Luise, jDe jure puhlico seu diplomalico Ecclesiae catholicæ aociinienta ÇSe&Yioli, 1897) ; Coin’entiones Leonis A7// (Roinae, 1898) ; Kirchenlexicon 649

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III, 8 1 5-839), article de Hergenroether ; B. E. f. prot. Theol. X, 705-732), article de Mejer, revu par Cari Mirbt ; Dictionnaire de théologie III, 727-779), articles de M. G, Renard et de M. Constantin. Acta Sanctæ Sedis, aux années d’où datent les divers concordats récents.

II. Nature juridique des concordats. — Card. Tarquini, Jitris ecclesiasfici piiblici institutiones (il* édit., Romae, 1887) ; Ph. de Angelis, Prælectiones juris canonici (Romae^ 1877) ; Card. Cavagnis, Institutiones juris publici ecclesiastici (Roma.e, 1882) ; Liberatore, S. J., La Chiesae lo Stato (Napoli, 1872) ; Le droit public de l’Eglise (trs.d.. Onclair, Paris, 1888) ; Card. Cagiano de Azevedo, Délia natura e carattere essenziale de Concordati (Didot, 1850, Romae, 1892) ; Wernz, S.J., Jus decretalium (2’édit., Romae, igoS) ; Card. Satolli, L^riuia principia juris publici ecclesiastici de Concordatis (Romae, 1888) ; Mgr Giobbio, / rowc-orc ?fl //(Roma, 1900).

M. de Bonald, Deux questions sur le Concordat, (Pai’is, 1878) ; Mgr Tiirinaz, Les Concordais et l’obligation réciproque qu’ils imposent à l’Eglise et à l’Etat (Paris, 1888).

R. Bonipard, La papauté en droit interjiational (Paris, 1888) ; Imbart de Latour, La papauté en droit international (Paris, 1893) ; Vergnes, La condition internationale de la papauté (Paris, 1906).

Bontils-Fauchelle (Manuel de droit international public, 3’édit.. Paris, 1899) ; F. Despagnet, Cours de droit public international (2’édit., Paris, 1899) ; Nj’s, /e droit international (Bruxelles. 1905) ; Pradier-Fodéré, Traité de droit international public (Paris, 1885) ; Mérignhac, Traité de droit public international (Paris, 1907).

R. Bompard, La conclusion et l’abrogation des Concordats, dans Haue politique et parlementaire (10 avril et 10 juin 1903).

m. Les concordats d’ancien régime. — Barthel, Tractatus de Concordatis Germaniæ (Wireeburgi, 1762) ; G. Renard, Etude historique sur la législation des Concordats jusqu’au Concordat de Bologne (Paris, 1899) ; P. Combct, Louis AT et le Saint-Siège (Paris, 1903) ; N. Valois, L.a pragmatique sanction (Paris, 1906) ; Concordats antérieurs à celui de François J’"', dans Jievue des questions historiques (ier avril 1906) ; Paulin Paris, Etudes sur François Z*^ (Paris, 1886) ; Journal de liarrillon ; L. Madelin, Autour du premier Concordat, dans Minerva (i, 1 5 avril 1908) ; Mgr Baudrillart, Quatre cents ans de Concordat, Paris, 1906.

Rebuffî, Concordata inter S. S. D. N. Papam Leonem X et Sanctam Sedem apostolicam ac christianissimum D. iY. Regem Franciscum et regnum édita, cum interpretationibus egregii viri D. Pétri Jiebu/fi de Montepessulano (4’édit., Parisiis, j545).

IV. Les concordats de 1801 et de 1817. — Porlalis, Discours, rapports et tras’aux sur le Concordat de iSOi (Paris. 1845) ; A. Theiner, Histoire des deux Concordats (Paris, 1869) ; Léon Séché, Les origines du Concordat (Varis, 189^) ; Botday de la Meurthe, Documents sur la négociation du Concordat, Paris, (1891-1905) ; Kinicri, S. J., // concordato tra Pio VII e el primo Console (Roma, 1902) ; Card. Malliicu, Le Concordat de 1801 (Paris, 1908) ; l’abbé llel)rard. Les articles organiques devant l’histoire, le droit et la discipline de l’Eglise (Paris, 1890).

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Nettement, LListoire de la Bestauration (Paris, 1860-1872) ; Duvergier de Hauranne. Histoire parlementaire de la Bestauration ; Thureau-Dangin, L’Eglise et l’Etat sous la monarchie de juillet (Paris, 1880) ; Pradié, La question religieuse en 1682, 1790, 1802 et 1818 (Paris, 1849) ; P. de la Gorce, Histoire du second empire (Paris, 1894-1905) ; Emile Ollivier, L’Empire libéral (1895-1909).

Mgr Baudrillart, Quatre cents ans de Concordat (Paris, jgoâ) ; l’abbé Sevestre, V LListoire, le texte et la destinée du Concordat de 1801 (Paris, 1908) ; Debidour, Histoire des rapports de l’Eglise et de l’Etat en France de 1789 à 1890 (Paris, 1898) ; L.’Eglise et l’Etat sous la troisième Bépublique Paris, 1906) ; l’abbé Lecanuet, L’Eglise de France sous la troisième Bépublique (Paris, 1907).

V. La rupture. — Emile Ollivier, Ze Concordat est-il respecté : ’(Paris, 1883). Manuel de droit ecclésiastique français (Paris, 1886-1907), /*OJ<r le Concordat, dans Correspondant (25 mars 1905) ; G. Noblemaire, Concordat ou séparation (Paris, 1904) ; G. de Lamarzelle. Pourquoi la troisième Bépublique n’a pas dénoncé le Concordat, dans Correspondant (20 février 1904) ; Paul Dudon, L.es nominations épiscopales, dans Etudes (20 mars 1908), Le livre jaune (20 juillet 1908), L.e droit de remontrance (5 mars 1904), Contre le Christ et son vicaire (5 juin). Lai rupture avec le Vatican (5 septembre), Pour le Concordat (20 mars 1905). L’inique séparation (5 mai, 20 juin, 20 juillet), Le livre blanc du Saint-Siège (5 février 1906), L’encyclique et la deuxième loi Briand (20 janvier 1907), Les contrats de jouissance (20 mars), /. « troisième loi Briand (20 janvier, 5 février 1907) ; J. du Teil, L.e mensonge historique du 10 février 1905 (Paris, 1906) ; A. de Mun, Contre la séparation (Paris, 1906) ; Mgr Giobbio, La denunzia del Concordatoe la separazione délia Chiesa dallo stato in Francia (Roma, 1907).

[Livre blanc du S. Siège.] Exposé documenté de la rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement français(lonic, iç)o ! {).

fid.] La séparation de l’Eglise et de l’Etat en France ; Exposé et Documents (Rome, 1905).

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Atsenhofer, Die rechtliche Stellung der katho651

CONFIRMATION

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