Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Duel

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 606-618).

DUEL. — Nous traiterons dans une première partie du Duel judiciaire, selon la conception du moyen âge ; dans une seconde partie, du Duel privé, selon les mœurs modernes.

Première Partie.

Le Duel judiciaire

I. Définition. — II. Origine. — III. Le duel judiciaire et l’Eglise. — IV. Bibliographie.

I. Définition. — Le duel judiciaire peut se définir : un combat singulier ordonné ou permis par l’autorité publique, suivant des lois établies, et comme moyen d’arriver à reconnaître le bon droit dans une cause en litige.

II. Origine. — De tout temps, mais surtout aux époques de violence et de barbarie, les hommes ont eu recours à des querelles pour régler leurs différends ou pour se faire justice ; souvent aussi, chez les peuples barbares, la force brutale a tenu lieu de lois et de justice, la force et le droit ont été confondus. Mais retrouve-t-on dans les civilisations anciennes ou chez les peuples qui, à défaut d’une civilisation avancée, offrent dans leurs institutions au moins une ébauche d’organisation judiciaire, quelque chose d’analogue au duel judiciaire tel que nous l’avons défini ? On peut, semble-t-il, répondre hardiment : non. Ni chez le peuple juif, ni chez les Grecs, ni chez les Romains, on n’en voit de trace. Quelques savants l’aflirment pour certaines nations anciennes de Grèce et d’Italie, mais les textes sont bien incertains et leur opinion reste contestée. Des Gaulois et des Germains, ni César ni Tacite ne rapportent rien qui rappelle le duel, au moins judiciaire. Bien non plus dans les lois des Francs Saliens, quoique l’épreuve de l’eau bouillante y soit insinuée. Rien enfin chez les anciens peuples d’Orient (Inde, Egypte, Slaves d’Europe ) ni chez les Celtes (dont les coutumes ont été 1197

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« tudiées avec soin ces dernières années à l’aide de

nombreux docvunents), ni enfin dans les peuplades sauvages d’Afrique. d’Asie et d’Océanie (voir DE Smedt, Le duel judiciaire et l’Eglise, dans les Etudes religieuses, t. LXIII, p. SS^ sq).

Le duel judiciaire n’apparaît d’une manière certaine que chez les nations de race germanique, après leur conversion au christianisme. Il est employé <-omme un moyen de faire la preuve ou de se justilier d’une accusation, à la place ou plutôt à défaut des autres moyens. Au vi’siècle, la loi Gambette (promulguée par Gondebaud. roi des Burgondes), statue, au Ha-tc VIII, que, si l’accusateur refuse solennellement d’admettre la justification par serment de son adversaire, « les deux parties sont tenues de se jiréscnler dans le plus bref délai devant nous, pour vider leur querelle par le jugement de Dieu ». Des ilispositions analogues se retrouvent dans les autres codes compilés et approuvés par l’autorité royale dans les pays soumis aux Francs du vi® au ix<^ siècle (Mon. (rerm. Hist., in-4°, Leg., sect. i, t. II, part, i, p. 49 ; il)id., in-fol., Leg., t. V, p. 225. 2^1, 2^8, etc.).

Le duel, sans avoir été complètement étranger aux Goths, est absolument exclu de leurs lois ; ces lois, il est bon de le noter, ont un caractère beaucoup ]tlus romain que celles des Francs, et furent compilées par des gens d’Eglise ou des conseillers de race romaine, pour des peuples depuis assez longtemps soumis à la domination de Rome.

Les Slaves du x^ siècle paraissent avoir connu le duel judiciaire. En revanche, les lois anglo-saxonnes n’en font nulle mention, et, même après son introduction en Angleterre à la suite delà conquête des Normands, il resta loisible aux Anglais de se justifier par les autres épreuves (ou ordalies) dans leurs querelles avec les conquérants. Fréquent au contraire est l’usage du duel judiciaire chez les Loml)ards. Sanctionné par les lois de Rotharis et de Grimoald, il est toléré par Luitpraxd. « Nous n’avons nulle confiance dans ce prétendu jugement de Dieu et nous aA’ons appris que dans bien des cas le bon droit a succombé dans ces combats singuliers. Mais l’ancienne coutume de notre nation ne nous permet pas ♦l’abroger cette loi. » (Mon. Gerin. llist., in-foL, Leg., t. IV, pp. /, 8, 94, 129 et 156.)

Sous les empereurs et rois carolingiens, ces lois restèrent en vigueur, avec quelques modifications de détail (cf. Capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, de Lothaire. Mon. Gerni. Hist., in-/j°, Leg. s. II, t. I. p. ii’j ss., p. 268 ; p. 33 1.) Peu nomi )reux toutefois sont les faits rqui nous permettraient de voir mise en pratique l, i législation sui- le duel, environ quatre à l’époque mérovingienne, sept à l’époque carolingienne, les deux derniers entre gens

« l’Eglise et jiour des biens ecclésiastiques. Dans la

période coutuniière au contraire, du x’" au xii^ siècle, les exemples abondent. Grâce surtout à l’ignorance

« les lois, les juges, se trouvant souvent incapables de

discerner où était le bon droit, pernieltaient ou même commandaient le duel pour toute espèce de causes, tant au civil qu’au criminel. La procédure canonique réprouvait le duel, mais les évctiiu’s, connue seigneurs temporels, étaient souvent obligés de le permettre.

Le droit coutumier prescrivait toute une procédure à suivre pour le duel (cf. les Coutumes de Beauvaisis, celles de Lorris, les Constitutions du Châtelet). Tous n’étaient pas admis à se justifier d’une accusation par le duel ou à provoquer leur adversaire : il était, sauf privilège, interdit aux serfs. Le vaincu, <lans les affaires criminelles, sui)issait la peine due au crime dont il était accusé ou accusateur ; au civil, il perdait sa cause et de pins payait une amende à la

justice. Les cautions du vaincu étaient souvent Ijunies comme lui.

Plusieurs rois et empereurs. Canut de Danemark, Frédéric II de Germanie, saint Louis de France essayèrent en vain de s’opposer au duel jvuliciaire ; malgré leurs efforts, malgré les proscriptions de l’Eglise, il persista longtemps, et la coutume des défis privés et des tournois qui, en Angleterre et en Allemagne surtout, servaient souvent à trancher les contestations juridiques, ne contribua pas peu à le maintenir en vigueur.

III. Le duel judiciaire et l’Eglise. — On a souvent fait du duel judiciaire une objection contre l’Eglise. Comment expliquer en effet la coïncidence de son apparition chez les peuples germaniques avec le fait de leur couvcrsion au christianisme ? L’Eglise l’aurait-elle introduit chez eux ? pourquoi du moins n’a-t-elle pas usé de son influence toute-puissante sur les peuples néo-chrétiens pour s’opposer efUcacement à un tel abus ? N’y a-t-il pas eu de sa part, peut-être même de la part des souverains Pontifes, approbation absolue et formelle ou du moins implicite et tacite ? Pour résoudre cette objection, il est bon d’étudier le développement historique de la coutume du duel judiciaire chez les peuples germaniques où nous la voyons naître et grandir. Les historiens. Tacite en particulier, nous signalent chez eux un amour jaloux de l’indépendance. (Tacite, Germanie, c. xvi.) Ils avaient, il est vrai, des rois, des chefs suprêmes ou subordonnés, mais leur pouvoir était limité, et toutes les affaires importantes étaient débattues et conclues dans les assemblées des hommes libres. La justice s’exerçait-elle dans ces assemblées ? Oui, mais elle ne s’occupait guère que des délits graves contre la nation ou la sécurité public^ue : trahison, désertion ou lâcheté devant l’ennemi, conduite publiquement scandaleuse (ib., ce. VII et xi). Les autres délits, vol, homicide, se réglaient en dehors des assemblées, au moyen de transactions, par le payement d’une amende, dont l’acceptation dépendait de la famille de la victime (ib., ce. XII et xxi). Les juges nommés dans les assemblées de la nation pour se transporter dans les bourgs, semblent avoir eu pour rôle de préparer ces transactions, non de trancher avec autorité le débat (ib., c. xii). D’ailleurs le droit de guerre privé était reconnu à tous les hommes libres, et c’est sans doute dans ce sens qu’il faut entendre ce que dit Velleius PATERCULUs(/ris^/ ?ow., II.i 18).qu’ils avaient coutume de terminer leurs différends par les armes. Une fois les Barbares établis, parqués dans des territoires beaucoup plus restreints, une administration plus stable, plus régulière, s’imposa ; la législation romaine leur offrait pour l’ordre et la sécurité publi<iue des avantages incontestables. Mais il était impossible de la transporter du premier coup dans leurs lois. Les codes primitifs des peuples germaniques, loi Salique. lois des Ripuaires, des Bavarois, s’efforceront de définir les crimes et délits contre les personnes et la propriété, de déterminer la composition jiour satisfaire l’offense ou sa famille, puis de fixer les formalités de la procédure à suivre et des preuves à faire dans les actions judiciaires. Ces preuves se réduisent ordinairement à la production d’un nombre plus ou moins grand de témoins, suivant la giavité du délit imputé, qui se portent garants, sous la foi du serment, de l’innocence de l’accusé, s’il s’agit d’une cause criminelle, de la vérité de ses assertions dans les causes civiles. Que les témoins viennent à faire défaut ou soient en nombn’insullisant, que leurs allirmations sebalancentou que leur témoignage soit récusé connue suspect de fausseté, le juge réduit aux abois n’a, pour sortir d’em1199

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barras, d’autre moyen que le duel. Y voyait-on une pure application du droit de guerre, au cas où sont restés incflicaces les autres moyens de trancher le différend ? Dans quelle mesure s’y joignit l’idée d’une intervention divine, et, si l’on veut, d’une sorte de sommation faite à Dieu d’indiquer la vérité par un miracle à défaut des preuves ordinaires ? C’est ainsi qu’on regardait alors les ordalies par le fer, l’eaii, etc., qui n’étaient considéi’ées comme légitimes que lorsque l’autorité jiuliciaire, et non le caprice des parties y avait fait recourir : cette manière de concevoir les épreuves du jugement de Dieu s’étendit sans doute au duel judiciaire. Jusque là nous ne voyons aucune preuve de l’intervention de l’Eglise dans l’introduction du duel judiciaire. Bien plus, il est l)anni des lois qui se ressentent davantage de son influence, chez les Goths, chez les Anglo-Saxons. Mais comment a-t-elle laissé faire de telles lois chez les peuples germaniques ? Remarquons d’abord que l’Eglise n’a pas pour mission de flétrir toutes les erreurs, tous les abus qui se glissent dans les lois ou la conduite des pouvoirs laïcpies. Puis c’est se faire une étrange illusion, bien démentie par l’étude des faits, que d’attribuer à l’Eglise l’omnipotence sur ces nations à peine converties. Peut-on ignorer quelles diflicultés et quelles entraves elle rencontra, quelle énergie persévérante elle dut déployer, pour y faire pénétrer les idées et la civilisation chrétiennes ? D’ailleurs il s’agissait là d’une question fort délicate. Quand une affaire ne pouvait se trancher par voie juridique, ne valait-il pas mieux recourir à ce procédé, qui rappelle la guerre, que de laisser sans auc ; in frein l’astuce et la violence ? Et cet appel à la justice de Dieu pour trancher le dilTérend, quand la justice humaine reste à court, pouvait-il paraître extraordinaire à des hommes d’une foi A’ive bien qu’insuHisamment éclairée ?

Objectera-t-on que les gens d’Eglise ont eux-mêmes recouru à cet expédient dans leurs contestations et revendications de biens ? Mais il faut remarciuer qu’ils agissaient là comme propriétaires, ou mieux comme usufruitiers et administrateurs des biens qui constituaient le patrimoine de leurs églises, et de la conservation desquels ils se regardaient comme responsables en conscience. Pour défendre leurs droits ils recouraient aux moyens que leur donnait une loi qui, d’après les idées du temps, ne leur paraissait pas évidenunent mauvaise et répréhensible. Ils avaient tort de l’apprécier ainsi : c’était un reste de superstition et de barbarie ; du moins faut-il convenir qu’en y recourant ils agissaient en simples citoyens cpù usent du bénéfice de la loi, et nullement en qualité de docteurs et de pasteurs de leurs peuples. L’eussent-ils fait qu’on n’en saurait tirer un argument contre l’Eglise elle-même : la grossièreté des idées ou des mœurs, les erreurs de doctrine de quelques-uns de ses membres, fussent-ils parmi ses ministres et ses prélats, ne peuvent nullement compromettre le corps de l’Eglise ni jeter le discrédit sur sa doctrine en matière de foi et de mœurs. Pour faire du duel judiciaire une objection sérieuse contre l’Eglise, il faudrait montrer que ceux qui ont mission d’enseigner avec autorité sa doctrine et de la défendre de toute corruption, ont approuvé cette institution par des déclarations formelles ou par une conduite qui équivaille à de telles déclarations.

Or qu’allègue-t-on en ce sens ? Quelques conciles particuliers tenus en Allemagne au viii siècle, par exemple ceux de Dingolflngen, Xeuching, Riesbach (cf. Hefele, Conciliengeschichte, t. lll, p. 611. 614, ^Sa), ou, au xi" siècle, en Allemagne, Espagne et Italie, ceux de Seligenstadt, Burgos, Tolède, etc. (Mansi, Concilia, t. XIX, p. 397 ; t. XX, p. 514). Du concile de

Reims, en 1 1 19, présidé par CalîxtkII (i i 19-1 124), on cite un décret sur la trêve de Dieu, qui aurait sanctionné la coutume du duel. On invoque l’autorité d’HiNCMAR DE Reims auix° siècle, d’YvEsoE Chartres, de S. Bernard au xii’siècle, qui, dit-on, l’approuvent ou du moins le tolèrent. On Aa plus loin encore, et l’on pense que le silence des papes, depuis l’introduction du duel judiciaire, Aers l’an 500, jusqu’au règne de Nicolas 1" (858-867), doit être considéré comme une approbation tacite du duel, que plus tard leurs interdictions ne concernèrent cjue les causes ecclésiastiques et les clercs, Ais-à-Ais desquels mêmes ils montrèrent parfois une assez prompte indulgence ; ils ne le défendirent jamais aux laïques, parfois même ils paraissent le leur avoir permis positivcment. Et l’on conclut que les papes otïX. probablement approin’é le duel (Patetta, Le Ordalie, Turin, 1890, p. 411 — ouA’rage d’une grande érudition mais dont plusieurs conclusions appellent de sérieuses réserA-es), ou du moins l’ont positivement toléré (Vacaxdard, Etudes de critique et d’histoire religieuse, Paris, 1906, p. 213, note i).

Une pareille conclusion est loin de s’imposer, et l’on peut démontrer clairement que l’Eglise n’a jamais approiné le duel par l’organe de ceux qui ont la mission d’enseigner sa doctrine aACC autorité. Les conciles allégués ne sont que des synodes locaux, ordinairement sans importance, parfois, comme celui de Xeuching, plutôt assemblées de seigneurs que synodes d’évêques. Le décret du concile de Reims est d’une authenticité fort douteuse. Rapporté dans un seul manuscrit, en dehors de la série des canons et sans liaison aACC eux, il n’est nullement mentionne par Hessox, témoin oculaire et historien très fidèle du concile (cf. Hessonis sclwlastici relatio de Concilio Remensi, Mansi, Conc, t. XXI, p. 287 ; Aoir de Smedt, Etudes Religieuses, t. LXIV, p. 66). Hincmar, il est A rai, prétend justifier le duel en iuvoquant le caractère surnaturel des jugements de Dieu ; enrcvanche Yæs de Chartres, qui parfois lui semble faA^orable {Epist. lxxia-, clxxxiii, ccxla’xi, cclxxx, P. L., CLXn, p. 95, 184, 254, 281), le traite ailleurs de tentation de Dieu, déclare qu’il n’est point une preine infaillible ; il ne l’admet que sur l’ordre de l’autorité légitime etparaît le regarder comme une sorte de pis-aller, que la nécessité ferait tolérer et accorder ad duritiam cordis à un adversaire trop exigeant (Ep. cca’, ccxlix, cclii, P. L., l, c, p. 210, 255, 258). Quant à S. Bernard, on ne Aoit pas bien comment son témoignage peut être allégué en favcur du duel. Dans une lettre au comte Thibaud de Champagne, il intercède pour un mallieureux qui, vaincu dans un duel judiciaire, avait eu les yeux crcA es, et se A-oyait menacé d’être dépouillé de tous ses biens. Si S. Bernard, dit-on, avait réprouA’é le duel, il n’aurait pas manqué d’élcver contre lui une Aigoureuse protestation : l’occasion était trop belle pour la laisser passer. Vraiment la preuAC n’est pas péremptoire : dans une lettre où, entre autres faveurs, il sollicite l’indulgence du comte pour un malheureux, il n’était point obligé de faire un réquisitoire contre le duel (S. Bernardus, Ep.. xxxix, n. 3, P. /.., CLXXXII, p. 147). A ces témoignages souvcnt peu clairs, peu explicites, on peut opposer l’énergique réprol)ation d’un S. Agobard, arche-A’èque de Lyon (~ 840), qui Aoit dans le duel une tentation de Dieu, dont les jugements sont impénétrables, un acte contraire à la doctrine du Christ, et, pour tout dire en un mot, un meurtre et non un moyen légal : « Vere lioc non est le.r, sed ne.r. » (Agobardus, Liber adv. legem Gundobadi, P. /.., Cl"V, p. 121.) C’est déjà le jugement qu’en portait S. Avit, évêque de Vienne, en présence de Gondebaud lui-même. 1201

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au témoignage du même Agobard : « Xevoyons-nous pas souvent, disait S. Avit, la partie qui a le bon di’oit de son côté, succomber dans les combats, et la partie injuste l’emiiorter, soit par la supériorité de ses forces.soit par d’habiles manœuvres ?))(Ib., p. 125.) Quinze ans après la mort dvgobard, au concile de Valence, composé des trois provinces ecclésiastiques de Lyon, de Vienne et d’Arles, on trouve un canon contre le duel, bien authentique celui-là, et dont l’importance doit se mesurer à celle des églises qui prirent part au concile. Il qualifie les duels de « combats meurtriers », « si iniques et si opposés à la charité chrétienne », et fulmine, contre ceux qui y prennent part, l’excommunication ; contre ceux qui y succombent, l’interdiction de la sépultvu’e ecclésiastique (Maxsi, Conc. t. XV, p. g-io).

Du silence des papes depuis l’introduction du duel judiciaire jusqu'à Nicolas i" (858-86^), que peut-on conclure ? Le petit nombre de faits de duels judiciaires dont nous trouvions la trace dans les annales des époques mérovingienne et carolingienne, est déjà une explication plausible de leur silence. On ne les a sans doute pas consultés. Devaient-ils d’eux-mêmes intervenir dans les affaires des princes temporels, et s’insurger contre leurs lois, sans grand espoir de succès ? Encore une fois, l’affirmer, c’est s’exagérer l’influence du pouvoir spirituel sur ces peuples encore barbares et souvent fort impatients du joug de l’Eglise. Quand ensuite on a consult<5 les papes, les réponses obtenues d’eux n’ont jamais approuvé cet usage. On citera peut-être une ou deux réponses dans lesquelles le pape, argumentant ad hominem, condamne l’inconséquence et la déloyauté de ceux qui ayant, de leur propre choix, imposé à leur adversaire innocent l'épreuve du jugement de Dieu, persistent à le poursuivre après que l'épreuve a tourné en sa faveur. Souvent les termes employés par le pape sont métaphoriques, et l’on a voulu les entendre du duel judiciaire, alors que le contexte prouve manifestement le contraire. Qu’on lise par exemple la fameuse lettre de Nicolas I" à Charles le Chauve, en 867, au sujet du duel que proposait le roi Lothaire pour prouver la culpabilité de son épouse Theutberge. Les expressions legalem inire conflictum, legitimum controyersiæ subire certamen. ont été entendues du duel judiciaire. Or, si l’on se reporte au contexte, on Aoit que ce combat légal est précisé par « la production des témoins et autres personnes que les saints canons et les lois romaines exigent dans de pareilles disputes. » Qui ne sait que ni les canons ni les lois romaines ne reconnaissaient le duel ? (P./.., t. GXIX, p. 1145.)

Les papes, dira-t-on encore, ne réprouvent le duel que dans les causes ecclésiastiques : ainsi en est-il (Î'Etiknnk VI (880-891). Alkxandrk II (lOÔi-iO’jS), Inxocknt II (i 1 30-i I li'6). Il est vrai, leurs réponses concernent des causes de cette nature ; mais les termes qu’ils emploiciil condamnent énergiqueiiient l’institution elle-même, et rapjjellent une iiiK’ention superstitieuse, le produit dune odieuse maU’eitlanre, un moyeu de défense contraire aux lois ecclésiastiques (/*. L., t. CXLVI, p. i/joG ; t. CLXXIX, p. 119) ; quelle approbation a-t-on le droit d’y ov pour le duel entre laicjues ? Les faits allégués pour prouver que des papes auraient autorisé le <luel. ne mènent pas à cette conclusion. Une constitution (I’Otiion T’et d’OriioN II, portée à l’assemblée de Vérone, en gô'j, prescrit le duel dans un certain nomln-e de cas ; mais à Vérone le pape Jican XIII n'était pas présent, il n’eut aucune part à cette assemblée : en quoi est-il responsable de cetédit ? En 998, Hugues, abbé de Farfa, dans un fameux plaid tenu dans la basilique de Saint-Pierre, à Rome, obtint que son procès contre les prêtres de

Saint-Eustache de Rome fût jugé selon les lois lombardes : en conséquence le duel fut proposé et admis. Il est vrai ; mais il est non moins certain que le pape n'était pas présent et que c’est à l’empereur Othox III, alors présent à Rome, que l’on vint soumettre la dilliculté. En revanche, l’année suivante, le même abbé de Farfa ayant ose demander au pape lui-même un nouveau duel, Gukgoihe V (ggG-gyy) se leva indigné et condamna Hugues à signer sur-le-champ sa renonciation à là propriété en litige.

Quelle valeur probative ont des dispenses ou des absolutions accordées après des duels, par les papes Alex-vxdhe II et Alexandre III ? Ou plutôt ces dispenses, ces absolutions ne sont-elles pas une preuve nouvelle que ces duels étaient interdits et réprouvés ? et lorsque le second de ces papes permet aux évêques de faire grâce à des prêtres ou clercs qui avaient offert ou accepté le duel, il déclare en même temps qu’ils se sont rendus coupables d’une faute très grave « licet ejus excessus gratis admodum exstitisset ». (Décret. Gregorii IX, lib. I, tit. 20, c. i, éd. Friedberg, p. 144) « Quantumqæ ejus in hoc gratis sit et enormis excessus » (ib., 1. V, tit, 14, c. i, p. 805). Les termes mêmes employés par le pape indiquent assez son énergique réprobation. La seule ai^i^robation positive que l’on puisse alléguer, c’est celle des statuts de la ville de Bénévent par Innocent III (i 198-1216). A supposer que le pape les ail étudiés dans le détail et ne les ait pas simplement couverts d’une approbation générale, tout au plus sera-t-il permis d’en conclure que, comme prince temporel, il n’a pas cru devoir ou pouvoir interdire dans tous les cas le duel judiciaire.

Mais chaque fois que les Souverains Pontifes ont jugé le duel en leur qualité de chefs de l’Eglise, de maîtres de la doctrine et de pasteurs des âmes, ils l’ont réprouvé positivement et dans les termes les plus énergiques. Nicolas I" l’appelle une tentation de Dieu, une coutume contraire à la loi divine et aux Saints Pères « omni yel diyinæ yel sanctorum Patrum legi contrariæ ». (P. Z., t. CXIX, p, 1 1 44-) Etienne VI, Alexanore II, Innocent II flétrissent les ordalies en général ou le duel judiciaire lui-même : « Quant à l’usage vulgairement reçu », déclare Alexandre II,

« et qui ne s’appuie sur aucune décision canonique, 

de prouver son innocence par l’eau chaude ou froide, ou par le fer rouge, ou par quelque autre mojen semblable inventé par la grossièreté populaire, tout cela n'étant que le produit d’une odieuse malveillance, nous ne voulons pas que lui-même (l’accusé) s’offre, ni que vous l’engagiez à s’y soumettre, nous le défendons au contraire très énergiquement l)ar notx-e autorité apostolique ». (A L., t. CXLVI, p. 1406). Nous avons cité plus haut les expressions vigoureuses par lesquelles Alexandre III réprouve le duel, ce jugement exécrable, prohibé par les saints canons (ib., t. CC. p. 855). Célestin III (i 191-1 198) le qualifie de véritable homicide (/>>cc ; e/. Greg. /.V. 1, V, lit, lf^, e. 2 Ed. Friedberg, p. 805). <( taies pugiles liomiridæ 'eri e.rislunt ». Enfln IIonorus III l’appelle une procédure détestable, aussi contraire à l'équité qu au droit et///. Et au duel judiciaire doit s’applicpicr sans aucun doute ce qu’il dit de l'épreuve du fer rouge et des autres jugements de Dieu, puisque la raison de le réprouver est la même : " Cette sorte de jugements est absolument interdite par les lois et les saints canons, parce qu’on ne fait ainsi que tenter Dieu. » {Ilonorii III Quinta compilatio, lib. V. tit. 7 et Ht. i’i. — Ed. lioroy, p. 335, 369.) Aussi quand GrkooiUE IX couvre de son autorité apostolique les Décrétâtes (en 123^), la condamnation du SaintSiège est absolue et définitive, et la rubriipie sous huiuelle sont réunis les documents de Célestin III. 1203

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frinnocent III et d’Honorius III. l’indique clairement : Diiella et aliæ piirgationes s’idgares ptnhilntæ sitnt, quia pev eus (sic) multoties condemnatuv (ihsnh-endiis et Deiis teiitari’idetur. (Lili. V, tit. 35, de piirgatione vulgari.)

Il nous semble qu’après l’étude précédente, on est en droit de conclure avec le P. de Smedt (^Le duel judiciaire et l’Eglise) :

« Dès l’origine, et dans tout le cours du moyen âge, 

l’Eglise n’a jamais approuvé l’institution du duel judiciaire et a souvent protesté contre elle par l’organe de ses docteurs et de ses évêques les plus distingués par leurs talents et leurs vertus, de ses conciles et de ses souverains pontifes. Jamais la légitimité du duel n’a été proclamée ou formellement admise par aucun pape, par aucun concile, ni même par aucun évêque parlant comme pasteur des âmes. »

Bibliographie. — On trouvera une abondante bibliographie dans Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen Age, Topo-bibliographie, Montbéliard (1894-1908), aux mois Duel, col. g31. Ordalies, col. 21 83. Nous signalerons ici les ouvrages principaux, et en ajouterons quelques-uns plus récents. Coulin, Der gerichtliche Zweikampf im altfranz’ôsischen Prozess (Berlin, 1906) ; Coulin, Verfall des gerichtlichen uiid Entstehung des pri<.’aten Zn-eikanipfs in Franhreich (Berlin, 1908 ss.) ; Colombey, Histoire anecdoiique du duel dans tous les temps et dans tous les pays (Paris, 186 1) ; Cauchy, J)u duel considéré dans ses origines et dans l’état actuel des mo’urs (Paris, 18^6) ; Marchegay, Duel judiciaire entre des communautés religieuses, dans Bild. de V école des Chartes (1840). A, I, 552564 ; Maier, Geschichte der Ordalien (léna, 1705) ; Patetta, Le Orf ? « //e (Turin, 1890) ; de Smedt, Le duel judiciaire et l’Eglise, extrait des Etudes Religieuses t. LXIII (1894), p. 337 ss. et t. LXIV (1895), p. 35 ss. ; Vacandard, L’Eglise et les ordalies, dans Etudes de critique et d’histoire religieuse (Paris, 1905).

Deuxième Partie. — Le Duel privé

I. Définitions et notions préalables. — II. Histoire. Appendice : ligues antiduellistes. — III. Jugement sur le duel. Appendice /. Duel dans l’armée ; Appendice IL. Duel dans les Universités. — IV. Bibliographie.

I. Définitions et notions préalables. — Il ne sera pas question ici du duel cons’entionnel public, que l’on peut délinir un combat singulier entre deux chefs d’Etat ou d’armée ennemis, ou entre deux champions choisis par eux à la suite d’une convention, par laquelle ils se sont engagés à reconnaître comme victorieuse et en droit de revendiquer les avantages de la victoire, la nation ou l’armée dont le champion aura triomphé. Les théologiens admettent que ce duel ne diffère pas essentiellement de la guerre et peut être licite tout comme elle. Le duel conventionnel privé est un combat entre des particuliers, livré sans aucune intervention de l’autorité publique, ordinairement même contre ses prohibitions, suivant des conditions librement consenties de part et d’autre, dans le but de venger une injure, de réparer son honneur outragé. Les moralistes le définissent plus brièvement : uncombatsingulier, livré avec des armes propres à tuer ou blesser, à la suite d’une convention sur le lieu, le temps (et les armes).

Les défenseurs de la légitimité du duel ne le considèrent nullement comme un moyen de se venger en tuant ou mutilant l’adversaire, ils réprouvent ce sen timent comme barbare et criminel. Ils y voient un moyen d’obtenir satisfaction d’une injure, de réparer son honneur offensé. Ceux qui veulent pousser plus loin l’analj’se, disent : par le duel vous obligez l’adversaire à vous rendre intérieurement et extérieurement l’estime que, par son injure, il vous a injustement refusée : intérieurement en lui faisant éprouver votre bravoure, extérieurement en lui faisant témoigner, par l’acceptation de la lutte, qu’il vous considère comme son égal et digne de vous mesurer avec lui. Beaucoup, sans recourir à ces subtilités, prônent le duel comme l’unique moyen de se faire rendre justice dans certains cas où nulle autre voie ne s’offre à l’offensé, au grand détriment de sa considération et de ses intérêts matériels. Ainsi le duel n’est plus qu’un cas particulier de légitime défense de soi et de ses biens dans une nécessité urgente. Au xvii’siècle déjà, Alexandre vu (1655-1667) condamnait la proposition suivante : « Un gentilhomme (vir equestris) provoqué en duel, peut l’accepter pour n’être pas considéré comme un lâche. » Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 1102 (978). Il s’est rencontré au xviii’siècle des théologiens pour prétendre que le duel, toujours illicite dans une société bien constituée, pourrait être permis dans l’état de pure nature et même dans une société mal gouvernée ; mais leur opinion a été condamnée par Benoit XIV (Bulle fi Detestabilem ^1 10 nov. 1752) (Prop. 4)- Dans l’état de nature, il est permis d’accepter et de proposer le duel pour défendre son honneur et ses biens, quand on n’a d’autre moyen de conjurer leur perte. — (Prop. 5) Cette permission… s’applique à une société mal gouvernée, où, par suite de la négligence ou de la malice des magistrats, la justice est ouvertement refusée. Denz.-Bannwart, 1494-5 (1346-7).

IL Histoire du duel conventionnel privé. — Les monuments celtiques, étudiés avec soin durant ces dernières années, ont confirmé ce que Diodore de Sicile avait fait connaître de la fréquence des duels chez ces peuples : Inter ipsas quoque epulas, causa ex jurgio quomodocumque arrepta, insurgere, et ex provocatione, nihilivitæ jacturam aestimantes, inter se digladiari soient. (Biblioth. hist., 1. V, c. 28). Ces duels, il faut le dire, ressemblent beaucoup aux disputes privées qui se rencontrent chez tous les peuples. Il faut descendre au moyen âge pour trouver dans les tournois et les joutes, introduits surtout par la chevalerie, des prodromes du duel privé. Le tournoi était un combat simulé, dans lequel les combattants, partagés en deux camps et souvent en nombre considérable (parfois 500 et jusqu’à 2.000 de chaque côté), luttaient les uns contre les autres sous les yeux des spectateurs, pour faire preuve de A-aillance ou pour obtenir des prix, décernés souvent au vainqueur par la reine du tournoi, choisie parmi les plus nobles dames. Jeu d’origine française, les tournois se multiplièrent depuis le milieu du xil" siècle, surtout au nord de la France et en Flandre, d’où ils gagnèrent l’Allemagne et l’Angleterre, où souvent, nous l’avons remarqué plus haut, ils furent comme une forme du duel judiciaire. Peu à peu le tournoi fut réservé aux seuls gentilshommes. Plus semblable au duel fut la joute, combat entre deux adversaires seulement, et qui parfois se prolongeait plusieurs jours. Purs jeux en soi, mais toujours dangereux à cause de la nature des armes qui souvent ne différaient en rien des armes de combat, à cause aussi du poids énorme des armures, les joutes et les tournois se terminaient souvent par des accidents mortels, si bien ([ue parfois, au début de la mêlée, on plaçait au milieu des lices un cercueil ouvert. On comprend pourqixoi l’Eglise les interdit bientôt avec le duel judiciaire et 1205

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les ordalies (cf. Décret. Greg. I.W De torneamentis, 1. V, tit. 13). Mais ces prohibitions n’enipèclièrent pas les combats prives de se multiplier ; les chevaliers errants parcouraient le pays, lançant des défis (cf. les légendes de chevalerie) ; souvent les bourgeois et les paysans imitaient leurs exemples. Des traités ex professo, notamment celui du roi Renk (manuscrit de la Biblioth. nation.), des codes de tournoi étaient publiés, et les comptes rendus en furent souvent imprimés à partir de la lin du xv’siècle.

Il est permis de voir dans l’usage des tournois et

« les joutes un acheminement au duel privé ; ils contribuèrent

beaucoup plus ellicacement à son développement, à ce qu’il semble, que le duel judiciaire. Plus on étudie celui-ci dans son origine, dans ses formes, dans son but, plus les différences entre lui et le duel privé apparaissent profondes. Moytn de découvrir le bon droit et la justice, ouvert à tous et non réservé à une caste qui s’en fait une sorte de privilège, voilà la caractéristique du duel judiciaire. Et si parfois on recherchait par lui la satisfaction de son honneur, c’était comme restitution d’un droit lésé, non comme réparation de l’honneur mondain.

C’est vers la fin du xiv siècle que se dessina en Espagne et en France une nouvelle forme de duel extra-judiciaire, se dérobant en général à la publicité, dirigé contre la vie et destiné à laver les offenses d’honneur.

La Renaissance favorisa le développement du duel ; l’Espagne, l’Italie, la France tinrent la tête du mouvement, l’Allemagne paraît être restée en arrièi-e, et les premiers duels convcntionnels privés n’y sont guère signalés que vers l’an 1500. Depuis Martin V qui interdit un combat singulier entre Philippe de Bourgogne et l’Anglais Humphry de Glocester, les papes ne cessèrent de réprouver le duel ; Jlles II, LÉON X. Clément VII. Pie IV le condamnent ; le concile de Trente l’appelle « un usage détestable » et fulmine rexcommunication contre quiconque y prend part, duellistes, parrains, spectateurs. Malgré ces prohibitions, le duel continue. Charles-Quint provoque en duel François l" ; Henri II en autorise beaucoup, et assiste même au duel resté fameux entre la Châtaigneraie et Jarnac (a. 15/47) ; Henri III, prince frivole et débauché, n’a pas de plus grand plaisir que d’assister à de tels combats ; les plus habiles duellistes deviennent ses iiiigiioiis favoris. Toute une littérature du duel se forme, et Brantôme (-J- 161^) a dans ses Mémoires des Anecdot^’s sur le duel.

Et pourtant, depuis Henri II déjà, étrange inconséquence, les ordonnances et édits royaux contre le duel se succèdent ; c’est, en 1566, l’ordonnance de Moulins, en 1579, celle de Blois. Sous Henri IV, c’est un arrêt de règlement du Parlement (26 juin loijij), consacré par un édit royal de 1602. Mais les lois n’étaient pas applif|uées ; parfois l’excessive sévérité des peines encourues par les duellistes (considérés dans l’édit de 1602 comme criminels de lèse-majesté), allait à rencontre du but, et l’inanité de ces sanctions ne faisait qu’animer les audacieux. Les tribimanx d’honneur institués par l’ordonnïince de Blois pour régler les affaires d’honneur eurent un peu plus <reffet. Mais à peine Henri IV était-il mort que le <luel sévissait de nouveau. Les efforts vigoui’etix <le Richelieu, siiivis d’exécutions sanglantes (surtout celle de Montmorency, 22 juin 1627), les ordonnances de Louis XIV graduant les peines, l’influence d’une association formée contre le duel en 16.51, à linstigation de M. Olier, furent plus cilicaces, sans faire disparaître entièrement la folie du duel qui se ranima sous Louis XV, et continua sous Louis XVI ; noMd)re de cahiers des Etats-Généraux en d(>mandèrent la répression. Après la R(’-olutiiin et l’exode de

la noblesse. le mal semble diminuer, et le code pénal de 1791, ceux du 3 brumaire an IV et de 1810 sont muets sur le duel. Il reprit sous la Restauration, avec une nouvelle fureur ; les rivalités entre ofliciers J)onapartistes et royalistes amenaient parfois sur le terrain des groupes de dix, quinze et vingt duellistes. A cause du silence du code pénal, la question juridique se posa de savoir si le duel tombait par lui-même sous la loi pénale française ou seulement à raison des articles qui punissent l’assassinat, le meurtre, les coups et les blessures. Jusqu’en 1887, les jurisconsultes inclinaient à en faire un délit spécial, mais depuis les arrêts rendus par la Cour de cassation (22 juin et 15 décembre 1887) sur les conclusions du procureur général Dupin, l’homicide et les coups et blessures reçus en duel rentrent dans les dispositions du droit commun. Les projets de loi sur le duel proposés, de 1882 à 1877, et encore en 1908 sur l’initiative de M. Maxime Lecomte, sénateur, n’ont jamais abouti. (Sur le projet présenté à la Chambre des députés, le 1 6 juillet 1 888, par Mgr Freppel, évêque d’Angers, voir un intéressant article dans les Etudes Religieuses, t. LI (1890), p. 621 ss. (J. Pra, Le projet de loi pour ta répression du duel) ; et les remarquables rapports présentés au Congrès antiduelliste de Budapest par MM. Adrien Ilari et Gustave Théry, anciens bâtonniers, avocats à Rennes et à Lille, sur l’histoire du duel en France et les moyens de répression à employer, et sur le duel et la loi française. (Compte rendu du Congrès, pp. 154 ss., 177 ss. ; cf. Appendice. Les ligues antiduellistes.) En fait on poursuit très rarement les duellistes, et, chose étrange, dans les cas moins graves et pour des lilessures légères, le vainqueur est jugé par le tribunal correctionnel qui le condamne régulièrement ; s’il y a eu mort ou grave blessure, il est poursuivi devant la Cour d’assises et toujours acquitté, le jury voulant éviter l’application des peines très sévères portées par l’article 809 du code pénal (emprisonnement de deux à cinq ans, réclusion, travaux forcés à perpétuité).

Dans les autres pays d’Europe depuis l’introduction du duel, nous retrouvons même attitude des gouvernements et à peu près mêmes résultats. En Espagne, dès 1/178, le sj-node provincial d’Aranda, puis, en 1480, un édit du roi de Castille le condamnent. En Allemagne les premières répressions viennent de l’électeur de Saxe en 1672, puis des villes de Francfort et Strasbourg ; l’empereur Mathias en 1617. puis l’Autriche, le Brandebourg veulent l’entraver. Mais partout, à côté île la rigueur des textes, on trouve la faiblesse de l’application, les permissions ou les exceptions ])our cerf aines catégories, surtout pour les militaires, les grâces particulières et les amnisties générales. Des pénalités souvent excessives et barbares dans les nombreux édits des xvii’et xviii’siècles coudoient d’incroyables autorisations. On lit dans un règlement prussien du xviii* siècle : « Si un ollîcier soufTre une injure sans y paraître sensible, le colonel en informera le roi qui le fera casser, sans déroger cependant à l’édit concernant les duels, dont Sa Majesté confirme ici tonte la force. > (Cf. Estève, Le duel devant les idées modernes, p. 97, Paris. Société française d’inq)rim. et de libr., 1908. Dans cet ouvrage dont tontes les aflirmations et les jugements ne sont pas à accueillir sans réserves, l’auteur attaque avec vigueur le duel et renverse sans pitié les prétextes dont il se couvre.)

Frédéric-Guillaume It et Frédéric IL Mauie-Thk RÈsE dans son code pénal, poursuivent le duel de

leurs sévérités, et le code prussien de 1791 le punit de

la peine de mort. Tous ces efforts restèrent à peu’près vains, comme aussi resta sans grand résultat 1207

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l’institution des jurys d’honneur qui souvent curent pour elTet de multiplier plutôt que d’empêcher les rencontres. Signalons encore, comme inconséquence nouvelle des gouvernements, l’Ordre de Guillaume I" (2 mai 1874), et celui de Guillaume II (i" janv. 1897) au sujet des duels d’ofliciers : « Quand le tribunal d’honneur ne peut arranger les choses, le duel s’impose. Je ne souffrirai pas davantage dans mon armée nn officier qui blesse à la légère l’honneur d’un camarade qu’un officier qui ne sait pas défendre son honneur. »

Le seul pays d’Europe où le duel, après avoir sévi, et même, à certaines époques, particulièrement au commencement du xix’siècle, avcc plus de rage qu’ailleurs, ait été réprimé ellicacement, est l’Angleterre. La loi de 1803, qui punissait de mort tout duelliste, n’empêchait pas les premiers personnages de l’Etat de s’y livrer, sûrs qu’ils étaient de l’impunité. Seul un revirement dans les idées pouvait amener le résultat désiré. Un duel de Wellington en 1829 commença à le déterminer. Le bon sens britannique trouva absurde qu’un premier ministre, sauveur de l’Angleterre, ne pût défendre son honneur sans exposer sa vie dans une aventure illégale et sans courir le risque de devenir criminel. Un soulèvement populaire provoqué par un duel retentissant en 1 843, et surtout par les efforts habiles et persévérants du prince Albert, époux de la reine Victohia, amenèrent dans les idées un revirement, manifesté par le rapide succès d’une ligue contre le duel qui réunit de suite 500 lords ou membres des Communes, 80 généraux ou amiraux. Un duel entre officiers, le 20 mai 1845, est le dernier exemple que l’on trouve à citer, et le duel est maintenant regai’dé outre Manche comme une coutume barbare, depuis longtemps déracinée. Le code militaire lui-même renferme une disposition qui punit le duel dans l’armée de la peine de cassation et poursuit comme meurtrier celui qui aurait tué son adversaire. L’histoire du duel en Angleterre a été exposée d’une manière fort intéressante au Congrès de Budapest par M. Maurice Théry, avocat à Paris. (Compte rendu, p. 172, ss.)

Appendice. Les ligues antiduellistes. — En 1 900, un ollicier autrichien, le marquis Tacoli. ayant, au nom de ses convictions religieuses, refusé de se battre en duel, fut cassé de son grade, comme l’avait été auparavant le comte Ledochoavski. Dans une lettre ouverte, le prince Alfonso de Bourbon et d’Autriche-EsTE, infant d’Espagne, exprima son admiration et son estime à l’oflicier qui avait mieux aimé se laisser mettre au ban et perdre sa carrière f|ue de manquer à son devoir de catholique. Bientôt l’initiative généreuse et l’infatigable ardeur du prince provoquaient en Allemagne, en France, en Autriche, la création de comités préparatoires, puis de ligues nationales antiduellistes. Ce mouvement, entravé en France parles rivalités politiques et les disputes religieuses, bien qu’il eût été conçu avec une extrême largeur et placé en dehors de tout parti politique et de toute confession religieuse, prit en Allemagne, en Autriche, plus tard en Italie, Belgique et Espagne, un prompt et vaste essor. En moins de huit années, l’Allemagne comptait 20 comités antiduellistes, l’Autriche groupait 15 à 20000 membres dans ses diverses ligues ; l’Espagne, où le mouvement n’avait commencé qu’en 1906, comptait, trois ans après, 12.000 membres groupés dans 10 ligues régionales et 82 comités locaux. Les rois d’Esjjagne et d’Italie acceptaient la présidence d’honneur ou le haut patronage de la ligue, et les personnages les plus distingues tenaient à honneur d’en faire partie.

Au congrès international tenu à Budapest, du 4 au

6 juin 1908, les nombreux délégués venus de presque tous les pays d’Europe ont pu se féliciter des résultats obtenus. En plusieurs pays, notamment en Espagne et en Galicie, le duel a presque entièrement disparu, de nombreux jurys d’honneur créés non pour réglementer et souvent en pratique multiplier les duels mais pour les empêcher en faisant rendre satisfaction à l’olTensé, ont réussi à régler à l’amiable nombre de différends ; plusieurs chefs militaires ont fait des elTorts pour diminuer, sinon encore interdire, le duel dans l’armée ; enfin en Espagne, où peut-être l’influence des ligues s’est fait le plus heureusement sentir, un projet de loi contre le duel a été déposé en juin 1908 au Sénat espagnol, et dans ce pays, chose inouïe jusqu’alors et qui est plus signilicative encore des progrès de l’opinion, celui qui dit carrément :

« Je ne me bats jamais », est applaudi et ajiprouvé de

tous.

Parmi les résolutions votées au congrès, notons les principales : obtenir une juste et efficace sauvegarde de l’honneur, ce qui doit être la tâche principale des ligues contre le duel, parce que c’est le moyen le plus efficace pour rendre le duel superflu et le faire disparaître ; — créer ou entretenir le courant d’opinion contre le duel par tous les moyens possibles : instruction de l’enfance et de la jeunesse dans ce sens, en famille et dans les écoles, concours, manuels à rédiger ; — user de l’influence de la presse pour répandre ce courant d’idées ; — ol)tenir d’elle aussi le silence sur le duel pour supprimer par là

« l’espèce de réclame donnée par la publicité aux soidisant

affaires d’honneur » ; diriger dans chaque pays, simultanément, et par des efforts consciencieux, inlassables, une campagne pour l’étude, la rédaction et la proposition aux divers gouvernements de projets de loi contre le duel et contre les insultes d’honneur,

« stipulant des mesures sévères et efficaces pour les

insviltes d’honneur » et punissant les délits de duel

« par de fortes amendes, par détention, perte de

liberté, etc. », peines qui seront appliquées sévèrement à quiconque aurait eu la moindre ingérence dans une affaii’e de duel. — Enlin le dernier vœu est que « les chefs suprêmes des armées fassent valoir leur autorité pour empêcher le duel entre militaires ». (Cf. les deux très intéressantes brochures : Résumé de l histoire de la création et du développement des ligues contre le duel et pour la protection de l honneur, par S. A. R. don Alfonso de Bourbon et d’Autriche-Este, A’ienne, 1908. — Compte rendu du /’^" Congres international contre le duel, Budapest, 1908. Au siège de la Ligue contre le duel et pour la protection de l’honneur, 54, rue de Seine, Paris.)

IIL Jugement sur le dueL — Premier argument.

— Le premier argument contre le duel est l’argument d’autorité. L’Eglise l’a constamment et rigoureusement interdit. Après les papes Jules II, Léon X, Clément VII, le concile de Trente réprouve cet « usage détestable, introduit par la malice du démon » et lance l’excommunication contre quiconque prend part à un duel ou le favorise ou l’autorise sur ses terres, fût-il prince, roi ou empereur. Dans les âges qui suivent, les souverains Pontifes, fidèles à la même ligne de conduite, déjouent les prétextes imaginés pour tourner les prohibitions de l’Eglise, ou réfutent les raisons plus spécieuses proposées pour justiiier le duel dans certaines circonstances ou entre certaines personnes. Ainsi Grégoire XIII (Constitution « Ad tollendum » 5 déc. 1682) ; Clément VIII(Const. « Illius vices » 17 août 1592), par laquelle il déclare tomber sous les censures le duel au premier sang ou limité à un nombre déterminé de coups) ; Benoit XIV (Const.

« Detestabilem » 10 nov. 1752 ; voir plus haut col. 1204. 1209

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les propos. 4 et 5, et plus loin à l’Appendice I. col. 1218, les prop. I et 3 qui condamnent les duels militaires, de quelque prétexte qu’ils se couvrent). Depuis la Bulle « Apostolicæ Sedis », de Pie IX (12 oct. 1869), qui ne fait guère en ce point que reproduire les condamnations du concile de Trente, l’excommunication réservée au souverain Pontife (a"" série, § III), est encourue ipso facto par : Ceux qui se battent en duel ou simplement y provoquent ou l acceptent, tous leurs complices, tous ceux qui aident ou favorisent les duellistes en quelque manii’re, tous ceux qui assistent au duel de propos délibéré, ceux qui le permettent, ou ne Vempêcnent pas autant quil est eu leur pouvoir, de quelque dignité qu ils soient revêtus, même royale ou impériale. On peut Aoir chez les moralistes l’explication et l’extension de cette censure. (Cf. par exemple Bl’lot, Compendium tlieologiæ moralis, t. II, n 966 ; Lehmkchl, Tlieologia moralis, t. II, n. 9/48-9, etc.). Ceux qui provoquent en duel ou l’acceptent, encourent les censures, même si le duel n"a pas lieu ; leurs complices, dans le cas seulement où il a lieu. Assistent au duel de propos délibéré ceux qui se rendent ouvertement au lieu du combat et ainsi en augmentent l’éclat ou encouragent de leur présence les duellistes, mais non ceux qui se trouveraient là par hasard ou qui regarderaient de loin. Encourent la censure les médecins qui assistent au duel sur l’invitation des parties pour panser leurs blessures, et de même le médecin et le prêtre qui, d’accord avec les combattants, se tiendraient dans une maison voisine pour leur porter secours. (Réponse du S. Office à l’Évèque de Poitiers, 28 mai 1884.)

Il serait facile d’ajouter à cet argument d’autorité les témoignages des philosophes et des penseurs de toute école ; nous nous contenterons d’en citer quelques-uns que l’on ne saurait accuser de déférence et de flatterie envers la doctrine catholique et l’autorité de l’Eglise. Rien n’est plus connu que le jugement, sévère, impitoyable, de Jean-Jacques Rousseau : « Je regarde les duels comme le dernier degré de brutalité ou les hommes puissent parvenir. Celui qui va se battre de gaieté de cœur n’est à mes yeux qu’une bête féroce qui s’efforce d’en déchirer une autre. » (Nouvelle Héloise, lettre 47) Non moins dur est le jugement de Schopenhauer qui poursuit de ses sarcasmes et de ses injures les duellistes, ces monstres, comme il les appelle. (Les aphorismes de la sagesse, p. 125.)Plus modéré dans la forme, M. Emile Saisset n’en est que plus sévère pour le fond : il reproche au duelliste de se constituer juge dans sa propre cause, d’usurper les droits de la société, enfin de s’arroger « le droit visiblement exorbitant et monstrueux de prononcer et d’exécuter une sentence de mort contre un de ses semblables, alors que la société, après avoir entouré le pouvoir judiciaire de toutes les garanties possibles d’impartialitéet d’équité, hésiteencore pour infliger la peine capitale aux plus coupables attentats. (Morale, p. 385.)

Deuxième ahgumext. — L’argument de raison naturelle et théologique, celui que suggèrent le sens commun et la conscience éclairée i)ar la foi, est ex|K)sée magistralement par Léon XIII dans sa Lettre aux évéqucs allemands. « Les deux lois divines » (naturelle et positive) « défendent formellement que personne, en dehors d’une cause i)ul)li<iue, tue ou blesse son siMublable, à moins que ce ne soit pour défendre sa vie etconliainl par la nécessité. Oi- ceux qui provoquent à un condjat privé ou, si on le leur propose, l’acceptent, ont |>our but et s’efforcent, sans y être poussés par aucune nécessité, d’arracher la vie à leur adversaire ou du moins de le blesser. »

« Les deux lois divines interdisent d’exposer témérairement

sa vie en aUronlaiil un jxril grave et

manifeste, sans qu’aucun motif de devoir ou d’héroT que charité y invite ; or cette témérité aveugle, qui méprise la vie, est absolument dans la nature du duel.))(LÉoN XIII, Lettre apostolique « Pastoralisofficii » aux évêques d’Allemagne, 12 sept. 1891. Ed. Bonne presse t. III, p. 85, 87.)

a) Dans l’action morale du duelliste il y a deux choses à considérer, la fin et le moyen : la fin, c’est-à-dire ce qu’il prétend obtenir ou conserver ; le moyen, qui est le duel lui-même. Moyen dangereux, certes ! Il expose sa vie et celle de son adversaire. Il est bien vrai qu’exposer sa propre vie ou exposer un autre à un péril grave de mort ou de blessure n’est pas toujours chose coupable et défendue, mais c’est chose dangereuse, et pour justilier ce danger, il faut une raison suffisante, une raison proportionnée à la gravité même du péril. Le duel est-il un cas de légitime défense ? alors il est justiffé. Personne ne conteste, en effet, qu’il soit permis de défendre sa vie et même des biens très précieux, en blessant ou tuant l’injuste agresseur. L’honneur n’est-il pas le plus précieux de tous les biens ? Oui, mais il y a une différence profonde entre le cas de légitime défense et le duel. Dans le premier cas, il s’agit de protéger, contre une injuste et soudaine agression, des biens que l’on a en sa possession ; que veut celui qui se défend’? protéger ses droits par un moyen eflîcace, le seul eilicace ; le simple bon sens, l’équité naturelle inditquent clairement qu’il doit pouvoir agir ainsi : lui refuser ce droit, c’est livi-er sans défense les honnêtes gens à la merci des coquins. « Dans une société civilisée », dit très bien Mgr d’HuLST, « la règle générale c’est qu’il n’est pas permis de se faire justice à soi-même. Toutefois, si un malfaiteur attente à ma vie ou à ma propriété par surprise, la protection sociale arriverait trop tard pour me mettre en sûreté : je suis donc en droit de m’y mettre moi-même. Vous le voyez : la raison décisive qui justifie, dans ce cas, la violence défensive, c’est le retard inévitable de la vindicte publique. En va-t-il de même quand l’agresseur s’en prend à mon honneur ? Evidemment non. L’honneur ne se perd pas, comme la vie, en un instant. » (Conférences de N.-D., 1896, 3’conf.) Dans le duel, où est cette injuste et soudaine agression qui ne vous laisse d’autre ressource que la résistance à main armée ? La lutte ne se livre pas dans l’agression même ; c’est à la suite d’une convention, précédée parfois de longs pourparlers, réglée par l’intervention des témoins, que les adversaires se rencontreront sur le terrain. D’ailleurs on ne se bat pas pour se préserver d’une offense, mais pour la réparer. Ce n’est donc pas une manière de défendre, de protéger son honneur ; (étrange défense en vérité ! imagine-t-on celui à qui un voleur essaie d’arracher ses biens, lui proposant un combat singulier à armes égales pour savoir qui les aura ?) Il s’agit ici de recouvrer son honneur ; ce n’est plus la victime d’une injuste agression résistant par la force à celui qui veut la dépouiller ; c’est la victime d’une spoliation déjà consommée tpii vient, les armes à la main, réclamer ses biens à celui qui s’en est emparé et qui déjà les i)ossède paisiblenuMit. C’en serait fait de l’ordre social si chacun pouvait se faire ainsi justice à soi-même, et rien n’est plus différent tlu cas (le la légitinu^ défense.

/ ;) Le duel ne peut donc être invoqué comme un moyeu de légitime défense. Tronvcra-t-on une autre /in’, un autre but qui justifie l’cnqiloi de ce moyen si périlleux ? Pourquoi recourt-on au duel ? pour se venger ? pour punir ? wuv réparer son honneur ? Pour se venger ? les défenseurs du <luel rei)oussent hautement, comme indigne d’un homme d’honneur, la basse satisfaction goûtée dans la viu’d’un offenseur 1211

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mort ou blessé. Inutile donc d’insister et de rappeler que le droit de vengeance n’appartient pas aux simples particuliers. /’ow/- punir l’offenseur.’Mais punir, aussi bien que venger, appartient à la société et non aux citoyens, k II n’est guère de fléau », dit Lkon XIII,

« qui soit plus contraire à la discipline de la vie sociale

et qui détruise davantage l’ordre public, que cette licence accordée aux citoyens de se faire chacun, de sa propre autorité et de sa propre main, le défenseur du droit et le vengeur de riionneur qu’il juge outragé. » (Ibid., p. 87.)Et puis, encore une fois, étrange manière de punir, que celle qui met un oflenseur, souvent, on pourrait dire le plus souvent, plus fort, plus hardi ou plus l)rutal, sur le pied d’égalité avec celui qui doit le punir. C’est réduire le juge ou l’exécuteur de la justice à lutter à armes égales contre le coupable qu’il lui incombe de punir !

c) Reste donc, comme but dernier, la réparation de l’honneur blessé. Le duel, dit-on, est le moyen, c’est même le seul moyen, qui se présente à l’oflensé, de laver laffront reçu. Est-ce bien le seul moyen ? car s’il en est d’autres ellicaces, on n’a plus aucun droit d’exposer un bien aussi précieux que la vie propre, ni de rechercher la mort ou la mutilation d’autrui. Si c’est une injure grave, une diffamation, une calomnie, n’y a-t-il pas des lois et des tribunaux ? Mais on n’y recourt jamais en pareil cas. N’est-ce pas précisément à cause du préjugé mondain qui veut qu’on choisisse le duel comme luiique moyen de réparation ? A défaut de tribunaux, ne peut-on recourir à l’arbitrage d’hommes d’honneur qui jugeront des torts réciproques, décideront les réparations néces-’saires, et, par leur verdict, répareront l’outrage subi ? Et si ces moyens, tribunaux, arbitres, sont vraiment à la disposition de l’offensé, peut-on considérer comme légitime, licite, un moyen plus rapide peut-être, sujet à moins de formalités et qui vous attirera les api)laudissements de certains cercles mondains, mais qui n’en expose pas moins deux vies humaines au hasard d’un combat de rencontre ?

Oui, mais si le duel est le seul et unique moyen, si les lois de répression manquent ou ne sont pas appliquées, si en définitive celui qui a cherché par cette voie la réparation de son honneur, est sur de sortir du tribunal, vainqueur en droit et vaincu de fait, ayant obtenu une réparation d’argent sovivent dérisoire et souffert dix fois plus dans son honneur, des insinuations, des allusions malveillantes ou moqueuses de l’avocat de son adversaire, qu’il n’avait souffert du fait même de l’offense, ne sera-t-on pas en droit de dire que le duel devient im cas particulier de la défense légitime de sa personne et de ses biens dans une urgente nécessité ? Et nous nous retrouvons en face de la théorie soutenue par certains théologiens pour l’état de pure nature ou pom- une société mal réglée, et réprouvée par Benoit XIV (proj). 4 et 5). a II est permis à l lionime, dans létat de nature, d’accepter et de proposer le duel pour conserver son honneur et ses biens, quand il ne peut par une autre yoie en conjurer la perte. » Cette permission « s’étend au cas d’une société mal gouvernée où, par la négligence ou la malice des magistrats, la justice est ouvertement refusée ». (Cf. supra, col. 1264.) Et Léon XIII nous répète des duellistes, qu’ils s’efforcent, sans y être poussés par aucune nécessité, de tuer ou de blesser, qu’ils exposent témérairement leur vie, sans qu aucun motif de devoir ou d’héroïque charité les v invite. C’est en d’autres termes nier que le moyen employé soit apte à prodiiire l’effet proposé, nier aussi qu’il y ait proportion entre l’effet obtenu et la gravité du mal qui résulte du duel, péril certain et grave pour les deux adversaires.

Réparer l’honneiu’, voici le but. Le duel est-il un

moyen efficace pour atteindre ce but ? Mais si l’injure est dirigée contre la probité, riionnêtcté, la dignité personnelle de l’offensé, que prouve le duel ? « Bien qu’il sorte en effet vainqueur du duel, l’outragé qui y a provoqué, l’opinion de tous les hommes sensés sera que l’issue d’un tel combat prouve sa supériorité de force à la lutte, ou son habileté plus exercée au maniement des armes, mais non pourtant sa plus gi’ande honorabilité. Et si lui-même périt, qui ne trouvera pas encore irréfléchie et tout à fait absurde cette manière de défendre son honneur ? » (Léon XIII, I. c, p. 87.) La réparation cherchée ne se trouve pas dans le duel aveugle, parce qu’un coup d’épée donné ou reçu ne prouve pas que la diffamation était mensongère ou l’injure imméritée.

On dira, il est vrai, que pourtant le monde juge ainsi, que celui qui ne défend pas son honneur les armes à la main, est perdu de réputation, que c’est souvent le moj’en unique de faire respecter ceux qu’on aime et vénère, et de se protéger soi-même et les siens contre des insultes et des calomnies contre lesquelles la justice humaine reste désarmée. Provoquer en duel l’insulteur de mon père, c’est faire éclater, aux yeux de tous les témoins de l’insulte, la conviction que j’ai de son innocence ; me taire, c’est confesser que je le crois coupable, et livrer sans défense sa réputation et son honneur à toutes les attaques.

Dans une lettre du 14 octobre 1907, le prince Alfonso de Bourbon poursuivait avec verve ces raisons plus spécieuses que solides (cf. liésumé de l’histoire. .. des ligues contre le duel, pp. 85-86). Si l’offenseur est vainqueur, il s’en va riant sous cape et peut-être se moquant tout bas de son adversaire trop impressionné pour savoir se défendre. Vaincu, il emporte une estocade qui le rend intéressant, tandis que la pointe de l’épée de l’insulté n’a pu enlever la calomnie ou l’injure dont l’autre l’avait couvert. Protection pour l’avcnir ? Mais « la crainte du duel n’empêchera personne de commettre une vilaine action. C’est au contraire une manière très commode de se permettre toute espèce de grossièretés et même d’infamies, puisqu’il est admis par la stupide convention sociale, que tout est pardonné pourvu qu’on croise les épées ou échange des balles au-dessus du fait en ((uestion… L’agression de l’offenseur est effacée, mais l’offensé n’est pas indemnisé du tort qu’on lui a fait… La calomnie reste empreinte sur sa personne, et qui dira : son duel prouve que ce qu’on lui impute est faux » ? S’agit-il de l’honneur de la femme, c’est bien pire encore. Ou bien on fait un duel de comédie, « il me semble que c’est humiliant de traiter cette affaire devant des témoins et de se donner pour satisfait avec deux gouttes de sang… Si au contraire il s’agit d’un duel à mort, je ne vois pas la raison pour laquelle l’outragé doit dire : c’est le sort qui décidera qui de nous deux doit expier avec sa vie le crime commis, moi qui en suis la victime ou vous qui en êtes l’auteur » ? Vive sensibilité à l’endroit du point d’honneur, dextérité à se servir de ses armes, audace à braver le danger, le plus souvent légèreté, vanité, parfois même brutalité, voilà ce que prouve le duel ; il ne prouve rien en faveur de la probité, de l’honnêteté, de l’honorabilité de celui qui l’engage.

d) En avons-nous fini avec les prétextes ou, si l’on veut, les raisons alléguées par les défenseurs du duel ? Non, et même beaucoup d’entre eux nous concéderont tout ce que nous avons dit. « Le duel ne prouve rien, dira-t-on, il est absolument inefficace à décider du fond même de la question, il ne prouve ni que j’aie raison, ni que l’on m’ait fait une vilenie, ni que mon père, ma femme ou moi, ayons été calom1213

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niés. J’admets tout, je concède tout ! Le duel est un préjugé vain et absurde, tant que vous voudrez, je souhaite qu’on le déracine au plus vite, j’applaudis aux efforts de vos ligues et de vos jurys d’honneur, je dis comme vous que dans cent ans on trouvera plaisant (( de lire dans l’histoire qu’un tel s’étant entendu dire par un autre que sa personne manquait d’élégance, ou autre chose de ce genre, fut contraint par ses amis de se laver dans son propre sang de cette impolitesse reçue ». (Lettre du prince Alfonso dk BouRBOX. Résumé de l’histoire… de la ligue contre le duel, p. 62,) Mais en attendant cet hem-eux jour, si je suis provoqué en duel et que je refuse de me battre, on me regardera comme un lâche ; — la lâcheté est une honte pire que la mort ; vous admettez que j’ai le droit de protéger ma vie par une défense légitime, j’ai autant et plus de droit de me préserver de la honte par le duel. » Voici donc la grande raison : refuser un duel, c’est encourir la honte qui est attachée à la lâcheté ; l’accepter, c’est une preuve de courage qui vous conserve rvo « /ie(/r mondain et l’estime des gens bien élevés. Certes, nous ne nierons point qu il faille un certain coiu-age pour se battre en duel. Nous jugeons plus bra^e celui qui va sur le terrain que celui qui, tremblant de frayeur à la vue d’une épée, s’enfuit et va se cacher. Le général de Sonis apprend qu’un soldat, contraint de se battre en duel, s’était enfui et avait été puni par le colonel de huit jours de prison ; il porte à trente jours la peine du soldat en punition de sa lâcheté, mais inflige huit jours d’arrêts au colonel pour avoir outrepassé ses droits en commandant le duel. Il n’avait pas à trancher le cas de conscience en moi-aliste ; mais, si le soldat avait refusé de se battre en disant : « Ma conscience me le défend « , Sonis aurait levé sa punition ; dans la fuite il vit une lâcheté, dans le refus dicté par la conscience du chrétien il aurait "vu un acte de courage. Autre chose est en elfct de refuser un duel par peur, autre chose est de le refuser par courage. En faut-il moins pour le repousser au nom de sa conscience et de son devoir de clirétien, que pour l’accejjter en capitulant devant un préjugé que l’on trouve soimême déraisonnable et absurde ? Car, suivant une remarque de Mgr Freppel, « les duellistes les plus incorrigibles conviennent eux-mêmes que le duel est tout ce qu’il y a de plus contraire au sens comnuin et qu’il est la chose du monde la plus déraisonnable, la plus absurde ».

Est-ce même un vrai courage, que de se battre en duel ? S’il s’agit du duelliste de profession qui se fait un titi’e de gloire de provoquer les autres, il est permis d’en douter. « C’est un tour d’art et de science, répond MoNTAiGNK, qui pcut tomber en une personne lâche et de néant, d’être suflisanl à l’escrime. » Et le Bourgeois-gentilhomme : « Celui qui entend la tierce et la quarte est sîir, sans avoir de cœur, de tuer son homme et de ne l’être point. » S’agit -il de celui qui accejite le duel. Hien souvent chez lui aussi la peur du duel est surmontée par une autre peur, celle du ridicule. Et les mof|ueries et les silllets de la galerie en imposent bien aulronicnt que le miroitement des épées. Ajoutez la déconsidération aux yeux de beaucoup, i)arfois le dommage matériel à su))ir, si on recule. Où voit-on donc le courage quanti on est ainsi acculé et qu’il faut aller de l’avant, bon gré mal gré ? (Cf. Résumé de I histoire … des ligues contre le duel, pp. 86-~.) Il y a un courage infiniment sii[)crieur à celui de riscpier la blessure souvent légère d’un (îoiip d’épée, et ce courage consiste dans l’obéissance à sa raison et à sa conscience au lieu d’une servitude humiliante à roi)inion publique. « A la làclieté, dit magistralement Li’ ; oN XIII, est opposée la force, non une audace qui s’exerce témérairement sans tenir conq)le

de la prudence et de la charité. A la force, à l’intrépidité est dû l’honneur, ici c’est la témérité et l’audace qui s’exercent, vices qui méritent le mépris. Celui qui dédaigne les vaines opinions de la foule, qui aime mieux subir la flagellation des outrages que d’être jamais infidèle à son devoir, celui-là montre une âme plus grande et plus élevée que l’autre qui court aux armes, aiguillonné pai- l’injure. Bien plus, à juger sainement, il est le seul chez qui brille le courage solide, ce courage, dis-je, qui s’appelle la Acrtu et qu’accompagne une gloire ni trompeuse, ni mensongère. La vertu, en effet, consiste dans le ]nen en accord avec la raison, et toute gloire, si elle ne se fonde pas sur l’approbation de Dieu, est une gloire stupide.)) (Lettre citée, p. 89.)

e) Mais enfin, aux yeux du monde, l’honneur de celui qui refuse le duel reste entaché ; l’accusation de lâcheté le poursuit dans toutes les sociétés, N’j^ a-t-il pas pour lui de moyens de sauvegarder cet honneur, de forcer le respect et de commander l’admiration des mondains ? Il en existe, et cette fois des moyens licites, nobles, utiles au bien public et dignes d’une grande âme. Un gentilhomme de bonne race et de grand cœur, Louis de Sales, se déclarait décidé à refuser toute provocation en duel : « Si cela faisait douter de mon courage, ajoutait-il, je presserais mon ennemi de Aenir avec moi se jeter aux pieds du prince lui déclarer nos différends et le supplier de nous exposer à la guerre dans les postes où le danger serait le plus évident, et l’on verrait qui des deux adversaires ferait le mieux le devoir de brave homme. » D’autres en Belgique ont fait éclater leur courage en se dévouant à soigner les malades dans les hôpitaux. On a au récemment encore en France, après un refus de duel, des olliciers demandant à partir pour les colonies et revenant ensuite, après s’y être comportés en bravcs, reprendre leur place dans leur régiment, ayant prouAé par leur conduite héroïque que c’était un courage Airil et non une peur dégradante, qui les avait empêchés d’accepter le défi, et cju’ils aA aient eu, de plus que leurs provocateurs, le courage d’exposer leur Aie aux ardeurs de climats meurtriers ou sous la balle des ennemis pour le ser-Aice de leur patrie. II en est toujours ainsi : pour que la vertu force l’admiration des mondains, il faut qu’elle sorte de l’ordinaire. Si l’on Acut sauvegarder, je ne dis pas son honneur véritable, il n’est pas compromis, mais jusqu’à sa réputation d’honneur aux yeux des cercles mondains et de la société, il faut, par des actions d’éclat, démontrer à tous qu’on est un brae. Si l’occasion ne s’en présente pas ou si l’on ne Acut pas aller jusque-là, qu’on se résigne à être traité par le monde comme le sont d’ordinaire, les gens vertueux quand ils obéissent en tout à leur conscience et à Dieu.

Le gentilhomme dont nous citions les paroles plus haut, Louis de Sales, ajoutait : « Si l’on regardait nui réponse comme une défaite et avec mépris, il faudrait m’en consoler et ne pas nuHtre en balance les folles idées de la a anité avec les jugeuuMitsde Dieu de ant lesquels elle se trouvera un jour confondue. « 

Conclusion. — En rcsunu’, que reste-t-il pour légitimer le duel ? Il ne peut ellaccr l’injure ou la calomnie ; il n’est i)as la preuve certaine d’un Arai courage ; il n’a plus

nv se justifier que l’approba tion des mondains et le vain i)réjugé de la mode. Qui fait cette opinion ? les clameurs de ses partisans, *|ui crient bien haut tandis <|ue les autres se taisent, et qui finissent par faire croire que loul liouuue bien élevé pense comme eux. « Sa force unique. disait le président du Congres antiduellisle de Budapest, est dans l’orgueil d’une fausse dignité et un amourpropre égoïste. : > (Compte rendu, p. 14) « Cet ab1215

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siirde et ridicule autant qu’inhumain préjugé… n’a pu se maintenir jusqu'à nos jours que grâce à la lâcheté du grand nombre de ceux qui, se craignant mutuellement, n’osent faire Aoir qu’ils peuvent avoir une idée non confectionnée dans le grand moule appelé l’opinion publique. » (Résumé de la ligue, p. 64.) Cette opinion, il faut le dire, tient beaucoup à l’influence des joiu-naux. des romans, du théâtre surtout. Depuis Corneille et le Cid jusqu’au moindre vaudeville de nos jours, il semble qu’on ne puisse se passer de ce procédé pour nouer ou dénouer l’intrigue, et le préjugé s’ancre d’autant dans l’esprit des spectateiu’s.

« Et c’est ce préjugé » dit magistralement

Mgr d’Hvi-ht (Carême de N.-D., 1896, 3e conf.), « que le monde entretient et cultive aA^ec un soin jaloux ! Il en fait une religion qu’il place au-dessus du culte de Dieu ; une loi d’honneur qu’il place au-dessus de la morale. Par la faute du monde, le malheureux qui viole ce code artiliciel, est voué au méiiris, désigné à l’insulte, banni du commei-ce des honnêtes gens. Et quand on a créé cet ensemble de conditions oppressives, on vient dire qu’il y a là un cas de légitime défense et qu’il est permis de racheter son honneur au prix du sang ? Mais qui donc a chargé des hommes frivoles de retoucher le Décalogue ? Qui leur a donné le droit d'élever une convention humaine audessus de la loi éternelle ? Qui leur a permis d’inventer une catégorie nouvelle de meurtres innocents ? Qu’on en fasse autant demain pour le aoI, aprèsdemain pour l’adultère, et aous Acrrez dans peu ce qui restera de la société et de la morale ! » Et Léon XIII :

« S’il fallait mesurer les deA^oirs des hommes aux

fausses opinions de la foule et non d’après la loi éternelle de la justice et de la chai’ité, il n’y aurait aucune <li(rérence naturelle et A-éi-itable entre les actions honnêtes et les faits honteux. » (Lettre citée, p. 89). Aussi est-ce aACc justice que le formulaire de déclaration pour les adhésions à la ligue antiduelliste en France, publié à Paris le 9 mars 1901, s’exprime ainsi : « Ils déclarent regarder comme l’expression d’un A’ulgaire préjugé la qualification de lâche, appli<jviée à quiconque ne se bat pas en duel ; et ils considèrent celui qui, par conAÎction sérieuse, refuse un duel, comme un homme d’honneur, pour lequel ils professent la plus ijrofonde estime. » (Résumé de la ligue, p. 68.)

En résumé, il ne s’agit donc plus, en acceptant le duel, que de sacrifier à un Aain préjugé, de s’attirer les applaudissements de la foule ; et ces avantages, on les achète en risquant sa propre Aie et en laisant tous ses efforts pour tuer ou blesser son prochain ; quelle proportion peut-il y avoir entre un tel mal, de si évidents dangers, et un effet aussi misérable à obtenir ? Le duel reste par suite condamnable, et même, conmie le disent les moralistes, revêt la malice du suicide et de Vhomicide : du suicide puisqu’on expose gravement sa vie sans raison sérieuse de deA’oir ou de charité, d hvmicide puisqu’on s’efforce de tuer ou de blesser, sans y être poussé et sans être justifié par aucune nécessité.

Appendice I. Le duel dans l’armée. — C’est à l’armée surtout, au moins dans beaucoup de pays, que règne le plus tyranniqtiement le préjugé en faveur du duel. Les soldats y sont parfois contraints sous peine de fortes punitions, comme il arrive en France, illégalement d’ailleurs ; les officiers, dans plusieurs des armées d’Europe, s’exposent à perdre leur grade en refusant le duel. « Je ne souffrirai pas davantage dans mon armée un officier qui blesse à la légère l’honneur d’un camarade qu’un oflicier qui ne sait pas défendre son honneur. » (Guillaume II,

Ordre du 1 1 jauvier 1897.) Là où de semblables règlements n’intei’Aiennent pas, par exemple en France, la position de l’oflicier qui refuse un duel deA’ient souA’ent intolérable. Quelques-uns, nous l’avons dit précédemment, se sont a’us moralement obligés de quitter leur régiment ou même de partir pour les colonies. N’y a-t-il pas là des raisons suffisantes de légitimer le duel des officiers ? perdre sa position et son rang, encourir le mépris ou tout au moins la défaA’eur de ses camarades et de ses chefs, entraîner dans sa ruine et dans son déshonneur ceux dont le sort dépend du Apôtre, n’est-ce pas plus qu’il n’en faut pour qu’on ait le droit d’exposer sa Aie et de mettre en péril celle de son adversaire ? ^A’on, car les raisons alléguéesne perdent rien de leur Aaleur quand les adA’ersaires sont militaires : 1e duel entre officiers ou soldats n’est pas plus apte par sa nature à lavcr une injure ou une calomnie, ni à prouver un A'éritable courage ; au contraire, entrepris souvent avec tant de légèreté et de facilité, pour un oui ou pour un non, pour le bon plaisir de quekpies camarades qui décident de cela, comme d’une partie de sport quelconque, le duel militaire manifeste encore plus éAidemment l’audace, la témérité, souvent une folle légèreté et, chez plus d’un, une brutalité qui abuse de son habileté à tirer l'épée jiour tyranniser des camarades plus jeunes ou plus réservcs. Et alors, que reste-t-il pour légitimer le duel dans l’armée ? Un préjugé plus fort qu’ailleui’s, et dont les conséquences sont beaucoup plus tristes et plus funestes, mais toujours un pur préjugé. Le comte Estèa’e (Le duel des’unt les idées modernes, ch. a') réfute aA’ec A’ivacité et humour les prétextes en faveur du duel militaire, comme si le même acte pouvait être licite ou illicite suiA’ant le lieu où l’on se trouAC et Vhahit qu’on porte, comme si les militaires, même en temps cle paix, n’avaient plus à compter parmi /es êtres moraux, ou s’il y aA’ait iweqe profession où la dignité humaine n’eût pas les mêmes exigences et put se trouver abaissée pour avoir reculé devant une mauA’aise action ou reconnu ses torts.

Le duel dans l’armée, — et c’est le dernier et croiton le plus invincible argument, — est une école de courage et d’intrépidité. Il donne au militaire l’habitude de se serA’ir de ses armes, il lui apprend à compter sur elles pour la sauvegarde de sa Aie et de sa dignité personnelle, il tient sa bravoure en haleine, l’habitue à la hardiesse comme au mépris du danger, lui assure le respect de ses camarades. Supprimez la perspective de rencontres à main armée, et les casernes deviennentde suite des théâtres de boxe et de pugilats perpétuels, etc.,. « Voulez-Aous, répond justement le comte Estèa’e, aouIcz-aous enlcvcr à la guerre son droit, sa dignité? Faites intervenir l’iilée du duel ; laissez-nous entendre que l’honneur et le salut de la patrie ne sont pas sans accointances aACc les misérables intérêts des querelles priA'ées ; dites-nous qu’on peut se faire gloire de tirer furtiA ement l'épée pour un débat frivole, comme on se fait gloire de combattre au grand jour pour le salut de tous, sous l’inspiration de sentiments généreux. » (Oinrage cité, p. 36 1.) Cette fermeté du Ai-ai courage, où la.voie-i-onl avant, on cède au qu’en dira-t-on ; après, on se dérobe souA’ent par la fuite au ressentiment des parents de la Aictime ou aux poursuites judiciaires.

Et qui peut être meilleur juge du Arai courage militaire que « ces peuples jaloux entre tous de l’honneur attache à la profession des armes, qui durent à d’incessantes conquêtes de devcnir les maîtres du monde » ? Or les Romains n’avaient pas le duel. Et s’ils ont aimé à 'oir les combats corps-à-corps, les assauts de hardiesse et de vigueur, ils les réserA-aient 121^

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aux esclaves et aux gladiateurs, à des hommes de rien. Qui encore peut juger mieux le A-rai courage que les grands capitaines ? Le duc de Guise, l’intrépide défenseur de Metz contre Cliarles-Quint, menaça les querelleurs (c’est-à-dire les bretteurs, les duellistes) d’avoir le poing coupé. Le grand Frédéric n’admit jamais que le duel put servir à exciter le courage de ses officiers. Apprenait-iluneprovocation entre deux officiers, il les faisait combattre jusqu’à ce que l’un tombât ; l’autre était pendu. Napoléon déclarait :

« Je n’ai jamais compté sur un duelliste pour une

action d’éclat. >' Et dans le Mémorial de Sainte-Hélène on lit : « Le duel est bien souvent le courage de celui qui n’en a pas… Le plus terrible spadassin que j"ai connu était le plus mauvais soldat de mon armée. Il se serait battu volontiers chaque matin avant le déjeuner, mais plus volontiers encore il se serait caché dans un fourgon pendant une bataille rangée. » (EsTKVE, p. 369). Le duel, augmenter le coui-age ! Mais il autorise une foule de lâchetés. On voit des hommes se taire honteusement devant les pires infamies, dans la crainte de s’attirer une provocation, pousser leur prudence à des limites avilissantes pour ne pas risquer d’avoir un duel. Dans la marine française, la mode du duel n’existe pas. Les officiers anglais, japonais, turcs, ne se battent pas. Dira-t-on que nos marins le cèdent en courage à nos soldats, ou nierat-on la bravoure dans le combat, l’intrépidité, on pourrait presque dire, l’insensibilité des officiers de ces nations en face du danger ?

Si le courage ne gagne pas au duel, il est permis de croire que la courtoisie n’y gagne pas davantage, que a tel il est dans la société, tel le duel est à l’armée, n’ayant pas son pareil pour rendre les caractères ombrageux, pointilleux, vindicatifs, entretenir la fausse délicatesse, l’insolence et la rancune, pousser aux fanfaronnades, aux lirimades, ennoblir les calomnies, les effronteries, les abus de force, susciter les animosités et les rendre incurables », (Estève, p. 381.)On ne voit pas en quoi la bonne camaraderie, lesprit de corps, la généreuse émulation de dévouement et de sacrifice, qualités maîtresses dliommes cjui doivent être prêts à marcher la main dans la main jjour le service de leur patrie, pourraient gagner à cette pratique du duel qui, pour un oui ouun non, pour la plus futile querelle, les oblige à venir sur le terrain l’épée à la main et chercher à s’arracher une vie si précieuse pour la ])atrie.

Il est inutile, semble-t-il, d’apporter des arguments pour condamner le duel entre soldats. Il faudrait vraiment se faire une étrange illusion pour y voir un exercice de bravoure et une leçon d’honneur, de respect de soi et de bonne camaraderie. Qu’on voie ces deux braves garçons, pour une misérable querelle, qui devait se terminer par quelques horions, mais qu’on a grossie à plaisir et transformée en affaire d’honneur, venir, sous la menace de punitions gra-Aes, qu’on leur infligerait contre tout droit, échanger <pielques coups d’une arme dont ils ne savent pas se servir, sous l’œil d’un maître d’escrime chargé de transformer cet exercice périlleux en une ridicule parade ! Belle école de courage, alors qu’on prétend même supprimer le danger qui seul pourrait justifier les éloges qu’on lui donne ! Et si, connue il arrive parfois malgré les précautions prises, la maladresse, plutôt querhal)ilcté, cause un accident sérieux, voici un pauvre ouvrier ou agricullcur privé pour la Aie tle la faculté de se livrer au travail, Aoici la patrie privée d’un défenseur. Comment justifier ceux qui, pour une vétille, au lieu de punir celui qui a tort, sans même se préoccuper de le rechercher, ont lancé l’un contre l’autre deux hommes qui devaient rester unis et travailler de concert au salut de leur pays ?

Parmi les propositions condamnées par Bexott XIV, deux se rapportent au duel militaire, et le réprou-A-ent absolument ;

Prop. I. Le militaire qui, s’il refuse de proposer ou d’accepter le dueUs expose à passer pour un homme peureux, pusillanime, m-^prisahle, incapable de remplir les emplois militaires, et â être privé de l’office qui le fait vii’re lui et les siens, ou à devoir renoncer à l’espoir d un avancement mérité et dû à ses services, est exempt de faute et échappe à toute peine, soit qu’il propose, soit qu’il accepte le duel.

Prop. 3. N’encourt pas les peines ecclésiastiques portées contre les duellistes, l’officier qui accepte le duel sous la crainte grave de perdre sa réputation ou son emploi. Denzinger-BanuAA^art, Encliir. 1 491-1493 (1343-1345).

Les ministres de la guerre et de la marine d’Italie se sont honorés en signant, au mois de novembre 1908, un décret, dû sans doute à l’infiuence des ligues antidtiellistes. Sans supprimer complètement le duel entre militaires, il marque un progrès réel dans cette Aoie.

Les représentants des parties doivent tout tenter pour obtenir une réconciliation. L’accepter est pour rofi"enseur et l’offensé un dcvoir dicté par « le sentiment de l’honneur bien compris et des liens qui unissent entre eux les membres de la grande famille militaire dans la communauté d’une fin supérieure ». Reconnaître aA’ec loyauté ses torts, accepter aA’ec la même loyauté la main que a-ous tend l’adversaire, est un acte généreux, une manifestation des sentiments de fraternité et de solidarité qui font la force de l’armée. Si les efforts des mandataires échouent, on dcvra recourir à un jury d’honneur dont la composition est réglée par le décret, lequel, après aA’oir pris connaissance de la cause, rendra son Aerdict auquel les parties ne pourront se soustraire sans un grave manquement à la discipline militaire. Ce A’erdict sera — ou une déclaration que la querelle était sans fondement ; — ou un procès-Acrbal de conciliation ; — ou enfin une déclaration de non-intervention du jury dans la querelle. Cette déclaration pourra être prononcée dans les cas « où les faits seront de nature à i-endre éA’idente la convcnance que les parties restent libres de trancher leur dilYérend lomme bon leur semblera, sous la responsabilité de leurs actes au regard des règlements militaires et des lois pénales ». (Cf. Civiltà Cattolica, anno LIX, J908, Aol. IV, pp. 492-493.)

Appendice II. Le duel dans les Universités allemandes. — Dans les statuts des associations d’étudiants des Universités allemandes, il est ordinairement réglé que nul ne sera admis à en faire l)artie comme membre effectif, s’il n’a prouvé sa bravoure par un certain nombre de duels. Dans ces duels, appelés « Mensurenn (mesures), les armes sont ordinairement des couteaux assez courts, aA’ec lesquels les adversaires cherchent à s’atteindre et à se l)lesser au Aisage, les autres parties du corps étant garanties de numière à éviter de graves blessures. Les partisans de cette coutume y Aoient un exercice très propre à maintenir l’esprit chevaleresque, à développer la noblesse de caractère, et l’honneur personnel : d’ailleurs ni haine, ni vengeance n’entrent en jeu, il n’est même pas question d’honneur à réparer ; ce sont deux camarades, les meilleurs amis du monde peut- être, qui se livrent à cet exercice comme à un sport quelconque et se rendent même ainsi un excellent service en s’ouvrant mutuellement les jiorles de l’association. Aussi la « Realencyklopâdic fiir protcstanlische Theoloi^ie und Kirche, art. Ziveikampf )’, qui condamne résolument le duel et loue

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EGLISE

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l’Eglise catholique d’avoir eu à son égard une attitude très ferme et très constante que les églises pro testantes ne peuvent se flatter d’avoir tenue, ne veut pas condamner les « Studentenmensuren ». A Rome, on s’est montré, sur ce point encore, plus sévère. Après une sérieuse discussion, la Sacrée Congrégation du Concile a répondu, le 9 août 1890, à l’évêque de Breslau que ceux qui se livraient à ce duel et leurs parrains encouraient l’irrégularité qui interdit l’accès à la cléricatiu’e (Acta Sanctæ Sedis, t. XXIII, 1891, p. 234 ss).

Que le duel entre étudiants entretienne Vesprit chevttceresque, développe la noblesse de caractère, etc., il est difficile de s’en laisser convaincre ! Aussi malgré la puissance des préjugés, un bon nombre de jeunes gens se sont inscrits, à Vienne, dans la ligue antiduelliste des étudiants de l’Université, qiii rejette et réprouve absolument le duel, en Allemagne, dans a Freie Studentenschaft, qui lutte à peu près pour les mêmes idées. A eux comme à nous, ce duel paraît un jeu brutal, un sport barbare, < un pernicieux usage ({vii, sur le terrain académique, il est vrai, prend des formes moins tragiques, mais d’autant plus ridicules ». (Compte rendu du Congrès antiduelliste de Budapest, p. 60. Discours du président de la ligue d’étudiants de Vienne.) Car enfin, si ces « mesures - » sont sans danger, en quoi forment-elles le caractère, en quoi sont-elles une école de grandeur d’àme ? Si elles offrent de vrais dangers, elles méritent tous les reproches justement formulés contre le duel. Et l’on n’a, remarque le P. CA.raREiy (Moralphilosophie, t. II, j). io5) qu’à voir les visages lamentablement balafrés des étudiants allemands, pourneplus regardercomme purement chimérique le danger de sérieuses blessures. C’est la raison de la condamnation portée par la Congr. du Concile, suivant le commentaire autorisé des AcTA S. S. (t. XXIII, p. 2^2). Il y a là comme dans tout duel, convention sur le lieu, le temps, les armes : ces armes sont, de leur nature, pro]>res à tuer ou à blesser. Le i « f pour lequel est entre])ris le duel ne change pas sa nature.

On peut ajouter avec les moralistes que cette habitude conduit plus ou moins fatalement à celle du duel proprement dit, et c’est là une nouvelle raison de condamner ces tristes passe-temps.

Bibliographie du duel privé. — a) Documents ecclésiastiques. — Décrétâtes de Crégoire IX, 1. V. titres 13-15, éd. Friedberg col. 804-5 ; et les commentateurs ; Conc. de Trente, ses. xxv, c. 19 de reform. ; Benoît XIV, Constit. « Detestabilem », du 10 nov. 1702 ; Pie IX, Bulle « Apostolicae Sedis », du 12 oct. 1869, qui renouvelle (2* série, § 3) les censures contre le duel ; Léon XIII, Lettre au.r évêques d’Allemagne contre le duel, du 12 sept. 1891, éd. de la Bonne Presse, t. III, p. 85 ss.

h) Le duel au point de vue liistorique. — On trouvera un très grand nombre de références dans Thimm, Bibliography of Fencing and Duelling, (Londres, 1896). Plusieurs des auteurs cités dans la Topo-Bibliographie (cf. Bibliogr. du duel judiciaire, Ulysse Chevalier) sont à signaler aussi pour

l’histoire du duel privé, par ex. Caucliy et Colombey. Citons encore : von Belovv, dus Duell in Deulschland, Geschiclite und Ge gemvart (Cassel, 1896) ; Coulin, Verfall des gerichtlichen und Entstehung des privaten ZsKeihampfs in Franhreich (Berlin, 1908, ss.) ; Eichhorn, Deutsche Staats^=und Rechtsgeschichte ; Fehr, Der Zæilampf (Berlin, 1908) ; Fougeroux de Campigneulles, Histoire des duels anciens et modernes (Douai, 1834 et Paris, 1835-^) ; Ott, Geschichte des Zweikampfs aller Vôlker und Zeiten (Olmiitz, 1885).

c) Le duel au point de vue juridique. — D’Arbois de Jubainville, Le duel conventionnel en droit irlandais et chez les Celtibériens, dans la Nouvelle Revue historique du Z*/-o (7 (1889) ; Dupin, Question du duel devant la Cour de Cassation, réquisitoire de M. Dupin, proc. génér., 183’j ; Esmein, Histoire de la procédure civile en France (Paris, 1882) ; Gelli, // duell o nella storia délia giurisprudenzae nella pratica italiana (Florence, 1886) ; Glasson, Histoire du droit et des institutions de l’Angleterre ; A. Valette, Rapport sur le duel, préparé en 1851 pour être soumis à l’Assemblée législative ; dans ses Mélanges de droit, de jurisprudence et de législation, t. II, p, 625-698. Paris, 1880. Et les répertoires de Bibliographie jiu’idique, au mot Duel.

d) Le duel et la morale, philosophie, théologie, etc.

— Cathrein, Moralpliilosophie, t. II (Freiburg, 1904) ; Grieperkel, Bas Duell im Lichte der Eihik (Trêves, 1906). Card. Gerdil, Des combats singuliers (reproduit en partie dans Migne, Encyclnp. théol., XXXIV, 303). Mgr d’Hulst, Carême de X.-D., 1896, 3* conférence ; Lehinkuhl, dans Stimmen aus Maria-Laach, XLl {18gl) ; MeeT, Instit. juris naturalis (Freiburg, 1904), t. Il ; Paulsen, System der Ethik (Berlin, 1900), t. II ; von Radowitz, Gesammelte Schriften, IV (1853) (ces deux derniers sont favorables au duel, au moins dans certaines conditions) ; Schiffini, Philosophia luoralis,. t. IL p. 290 sqq. ; Wiesinger, Dus Duell vor dem Richterstuhle der Religion, der Moral, des Redites und der Geschichte (Graz, 1895). Voir aussi les ouvrages et manuels de théologie morale, par ex. : S. Liguori, Theologia moralis, 1. iii, tr. iv, n. 399 ss. ; Ballerini-Palmieri. Opus theologicum morale, tract. VI, sect. v, c. Il ; Bulot, Compendium theologiae moralis, t. I, n. 397 ss. ; t. II, n. 956 ; Génicot, Theologia moralis, t. I, n. 3^9 ss ; t. II, n. 595 ; Lehmkuhl, Theologia moralis. 1. 1, n. 850 ss. ; t. II, n. 948-9 ; Noldin, De præceptis. n. 338 ss. ; J^e poenis, n. 64.

Nous avons déjà cité souvent : Le duel devant les idées modernes, par le Comte Estève (Paris, 1908), et les deux très intéressantes publications des ligues antiduellistes, Résumé de l’histoire de la création et du développement des ligues contre le duel, par S. A. R. Don Alfonso de Bourbon et d’Autriche-Este (Vienne, 1908) ; Compte rendu du /" Congrès international contre le rfwe/ (Budapest, 1908). (Au siège de la ligue française, 54, rue de Seine, Paris.)

L. RiVKT.