Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Epilogue

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Bernard LOTH
Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Table analytiquep. 13-34).
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EPILOGUE

Quarante ans se sont écoulés — Grande mortalis aevi spatium — depuis que l’abbé Jean-Baptiste

Jaugey découpait dans les colonnes de la Science catholique les premiers articles de son Dictionnaire Apologétique.

Le but poursuivi n’a rien perdu de son actualité : « Mettre à la portée et, pour ainsi dire, sous la main de tout lecteur de bonne volonté les preuves principales de la foi catholique, avec les réponses les plus solides aux objections de toute nature que l’on fait contre elle. «  Et les principes directeurs n’ont pas vieilli : « Orthodoxie, impartialité, science et charité. » Ainsi s’exprimait la préface. On ne peut qu’applaudir au programme de ce docte et excellent prêtre. Quant aux états de services du Dictionnaire, ils sont des plus honorables. Très vite, l’opportunité d’un supplément se faisait sentir. Douze à quinze mille exemplaires, écoulés en vingt ans, témoignent qu’il répondait à un besoin réel.

Mais les livres vieillissent, ainsi que les hommes. Ce volume trapu et d’aspect débonnaire n’avait jamais prétendu renfermer le dernier mot de la science. Il ne tarda point à paraître quelque peu démodé. On réclamait une mise à jour ; elle fut résolue au cours de l’année 1907 ; le premier fascicule vit le jour au début de 1909 ; le vingt-quatrième et dernier s’achevait à la fin de 1928 ; un volume de tables était en vue pour 1930. Des lecteurs bienveillants ont cru que cette œuvre de vingt ans et plus méritait deux mots d’histoire ; on nous excusera d’avoir voulu les écrire. Si l’on juge que le récit manque un peu de panache, nous l’accordons d’emblée. Depuis la mise en chantier du Dictionnaire, nous n’avons guère connu l’enthousiasme de la tâche, malgré la claire vision de son opportunité.

Tout d’abord, l’imprésario doit décliner la responsabilité d’une entreprise aussi téméraire. De lui-même, il n’y eût jamais songé, ne s’étant jamais cru la vocation d’encyclopédiste. Mais il y avait un éditeur, breton et tenace. Il y avait aussi des circonstances capables de faire réfléchir.

L’éditeur est assurément le grand coupable. M. Gabriel Beauchesne venait d’acquérir la succession de la librairie Delhomme et Briguet : tout naturellement, il souhaitait la vie d’un livre qui avait fait ses preuves et que sa foi chrétienne lui désignait comme une des colonnes de sa maison. Quand il en parla pour la première fois à un auteur qui venait de publier chez lui la Théologie de Tertullien, puis la Théologie de saint Hippolyte, et qui projetait, dans la même série, d’autres volumes, il se heurta à un refus catégorique. Au lieu de se décourager, il revint à la charge, et il faut avouer que les circonstances le favorisaient. Repousser ses avances, c’était livrer à d’autres mains la refonte, d’ailleurs certaine. On ne se flattait pas de faire très bien, mais on souhaitait empêcher autrui de faire plus mal. L’événement ne devait que trop justifier ce pronostic. Dès lors, devant la perspective d’une candidature indésirable, la résistance mollit. La mise à jour fut résolue en principe.

Et voici l’arrangement auquel on s’arrêta. On commencerait par recueillir, de toutes mains, les éléments de l’édition nouvelle. Puis on jetterait le tout sous la presse, pour en finir. Le directeur malgré lui » consentait le sacrifice d’une année, sans plus, la majeure partie de ce temps devant être consacrée à la correction des épreuves. Le dessein n’avait rien de grandiose.

Alors se démasqua tout le machiavélisme de l’éditeur. Après avoir fait miroiter les avantages d’une exécution rapide, il insinua qu’on allait se trouver aux prises avec des difficultés matérielles insurmontables. Quel imprimeur disposerait d’un nombre de caractères suffisant pour

un tel bloc ? D’ailleurs, les mœurs littéraires de notre temps s’accommodaient mieux d'
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publication sériée par fascicules. Assertion trop facile à confirmer par des exemples. N’a-t-on pas vii, de nos jours, tel grand Dictionnaire ecclésiastique tuer successivement déjà deux directeurs ? Et tel autre, — dans le temps où les choses allaient vite, — annoncer bravement l’apparition de son dernier fascicule pour l’an de grâce 1975 ? Une seule chose importait : la longévité du directeur ; et on n’hésitait point à la lui promettre.

Cependant l’horizon s'élargissait. La nécessité se révélait tous les jours de créer des articles nouveaux pour faire face aux besoins de la controverse actuelle ; et aussi la difficulté de cou .server beaucoup d’articles anciens. D’ailleurs, les collaborateurs pressentis voyaient grand ; ils entendaient bien ne pas se laisser enfermer dans les lignes d’un édifice caduc, et ne demandaient qu'à bâtir sur fondations nouvelles. A porter la main sur le monument de Jaugey, on ne manquerait pas de tout ébranler. Finalement, il apparut plus expédient de jeter par terre la vieille bâtisse dont quelques parties menaçaient ruine. On en serait quitte pour remployer les matériaux les plus durables. Cela suffirait à marquer la continuité de l'œuvre et à justifier le titre : « Quatrième édition du Dictionnaire Jaugey ».

Ce n’est pas que la direction nouvelle se soit résignée de gaieté de cœur à sacrifier les pages signées par des théologiens tels que Jaugey, Vacant ou Didiot ; par des philosophes comme le P. Coconnier ; par des exégètes comme les Pères Corluy et Brucker ; par des historiens comme Allard et Guilleux ; par d’autres encore, entre ceux qui ne sont plus. On retrouvera dans la présente édition nombre de ces pages enchâssées avec un soin pieux avec les pages dues aux maîtres encore vivants qui relient le présent au passé : ces collaborateurs de l’abbé Jaugey que furent Mgr Waffelært, évêque de Bruges ; M. le Chanoine Forget, professeur à l’Université de Louvain ; le Révérendissime Dom Cabrol. Ces noms vénérés demeurent pour l'œuvre rajeunie une gloire et une parure. Mais décidément le plan avait évolué. De capitulation en capitulation, le directeur en était venu à ne pas faire ce qu’il avait voulu et à faire ce qu’il ne voulait pas.

Un tel aveu ne l’humilie guère. Il n’a mis aucun point d’honneur à ne jamais changer et à gouverner avec une main de fer. Tout de même, on lui permettra d’ajouter qu’il a su quelquefois dire non, et assurer au Dictionnaire son mérite le moins contestable en le défendant contre le péril de spécialisation à outrance ou de développements infinis. L’abbé Jaugey avait voulu faire un livre abordable et utile à tous ; on a veillé à lui conserver ce caractère.

Cela, au prix de renoncements multiples et de quelques inconséquences. La tentation était grande, et s’est présentée plus d’une fois, d’accueillir des travaux excellents, qui eussent rehaussé notre Dictionnaire dans l’estime du public savant, mais auraient paru au grand nombre un poids inutile. Déterminer a priori l'étendue précise de chaque article apparaissait prétention tyrannique et insoutenable ; d’autant qu’une appréciation exacte de ce qui convient en chaque cas exige une spéciale compétence ; elle supposerait donc une science universelle. D’autre part, on ne pouvait se dispenser de fixer par avance une certaine mesure, quitte à interpréter largement ces indications sommaires. Ainsi avons-nous procédé avec les auteurs qui voulaient bien nous prêter leur concours. Mais la tendance est naturelle aux hommes supérieurs d’estimer toutes choses d’après l'échelle de valeurs qui leur est propre. Tel collaborateur, laissé à lui-même, userait du multiplicateur 2, tel autre du multiplicateur 3, tel autre du multiplicateur 20. Les historiens sont à cet égard les plus redoutables de tous, d’autant que la matière sur laquelle ils travaillent se prête à une extension presque indéfinie. Le directeur a dû se raidir maintes fois pour empêcher le présent recueil de tourner au Dictionnaire d’Histoire ecclésiastique. D’autres collaborateurs feraient éclater non seulement la catégorie d’espace, mais encore celle de temps : ils composent à loisir, comme ayant l'éternité pour eux. Tout cela est désastreux, au regard dune œuvre collective, assujettie à des échéances rigoureuses. Les hommes éminents et excellents que nous avons pu contrister parfois voudront bien ne pas imputer à quelque étroitesse de cœur les limites fatales de notre hospitalité.

Les disparates qu’on ne manquera pas de remarquer dans notre recueil s’expliquent par des raisons de même ordre. Nous avons été maintes fois heureux d’accueillir une bibliographie

abondante, sinon exhaustive, et soigneusement triée, qui accroît singulièrement la
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valeur d’un article. Là où elle ne nous était pas offerte, nous nous sommes volontiers abstenu de la requérir, comptant que quelques indications sommaires suffiraient à mettre le chercheur avisé sur des pistes qu’il pourra suivre. En général, nous orientons le lecteur vers les ouvrages spéciaux ; il ne nous appartient pas de les suppléer.

Enfin, nous avons cru devoir, dans une large mesure, laisser chaque auteur suivre son propre génie. Le lecteur qui s’en étonnerait voudra bien avoir égard au rôle délicat de l’imprésario, constamment obligé d’assembler des esprits divers, par la seule dictature de la persuasion.

Il est temps de l’inviter à un coup d'œil sur l’ensemble.

L’apologiste de la Foi catholique peut aujourd’hui, moins que jamais, se borner à des escarmouches de détail, mais doit être prêt à rendre compte du fondement même où s’appuie sa foi. De ce quartier général, il observera les mouvements de l’ennemi, prêt à se porter sur les points menacés. Dans le cadre compréhensif et parfois capricieux de ce Dictionnaire, on peut, à s’en tenir aux grandes masses, distinguer trois groupes de développements :


I. — La foi catholique.
II. — Les religions diverses.
III. — Questions subsidiaires.

I. — La Foi catholique

L’assaut donné par le modernisme à la Foi catholique provoquait, il y a un peu plus de vingt ans, l’intervention décisive de Pie X. Dans l’histoire de l’apologétique chrétienne, l’année 1907 marque une date. Les enseignements rappelés parle Décret Lamentabili et par l’Encyclique Pascendi apparaissent plus que jamais actuels, sous leur forme rajeunie. Parallèlement à ce renouveau, l’impulsion donnée sous le pontificat de Léon XIII à la philosophie thomiste par l’Encyclique Aeterni Patris, à la politique chrétienne par l’Encyclique Immortale Dei, aux études scripturaires par l’Encyclique Providentissimus Deus, se développait. Les effets de ce développement sont marqués dans la doctrine sur Dieu, dans la doctrine sur Jésus-Christ, dans la doctrine sur l'Eglise. A chacun de ces grands objets, le Dictionnaire consacre d’importants articles. Mais le traitement des questions principales amorce lui-même des articles spéciaux. A vouloir ressaisir l’ensemble, on a l’impression de soulever comme trois immenses grappes, ramassant toute la doctrine de foi. Nous le montrerons par l'énumération des articles principaux.

L’idée de Dieu appelle des éclaircissements, donnés sous forme négative dans la réfutation des erreurs contraires aux attributs divins (Monisme, Panthéisme) ; sous forme positive dans l’exposition de la doctrine du Nouveau Testament sur la vie intime de Dieu (Trinité). Elle appelle encore des compléments, touchant l'œuvre divine (Création) ; très particulièrement la créature spirituelle (Ame humaine, Ange ; cf. Matérialisme), La créature spirituelle est soumise à la Loi de Dieu ; cette soumission elle-même a pour condition essentielle le fait de la Liberté ; elle est procurée par le gouvernement de la Providence, et atteint son terme, voulu de Dieu, par le fait des décrets de Prédestination. Le ressort par lequel l’homme s’assujettit volontairement à Dieu est la Prière. D’ailleurs il a plu à Dieu d’intervenir dans l’histoire humaine par des communications directes (Révélation ; notion dénaturée par le Modernisme théologique) et par une action soutenue (Grâce surnaturelle). Les critères de l’action divine extraordinaire sont le Miracle et la Prophétie (art. Prophétie Israélite). La fin de la créature humaine est la possession de Dieu dans le Ciel, déchéance de cette fin la voue à l'Enfer ; entre deux, il y a place pour l’expiation temporaire des moindres souillures de rame, dans le Purgatoire. Au dernier jour de ce monde, le corps sera de nouveau réuni à l'âme pour participer à sa gloire ou à ses tourments (Résurrection de la chair).

La personne de Jésus-Christ, en qui se rencontrent la nature divine et la nature humaine, se révèle à nous sous les traits de l'Homme, fils de la Vierge Marie, et dans sa fonction
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de Médiateur (art. Rédemption). Or, la Rédemption présuppose la chute (Péché originel). Selon la volonté divine, elle aboutit, pour tout homme de bonne volonté, au Salut. Le droit souverain du Christ Rédempteur sur l’humanité régénérée a trouvé sa plus haute expression, de nos jours, dans l’institution d’une fête liturgique en l’honneur du Règne de Jésus-Christ.

L’Eglise, organisme surnaturel institué par le Christ pour communiquer aux boni m es la vie divine, prolonge ici-bas la personne du Christ. On accède à l’Eglise par la Foi, appuyée sur l'Eriture et la Tradition, expression de la révélation divine. On trouvera dans le Dictionnaire des articles généraux sur l'Écriture (Canon, Exégèse, Inerrance, Inspiration…) et des articles spéciaux sur la plupart des Livres saints. Ces articles, parfois très étendus, écrits par d’éminents biblistes, renferment la plupart des données que l’on peut demander à un Manuel biblique, et quelquefois beaucoup plus. Sous la pression du modernisme, la pensée catholique s’est faite plus exigeante, spécialement en matière biblique, et réclame déplus grandes précisions. On trouvera par ailleurs des articles consacrés aux Apôtres, sur qui repose l’Eglise, et d’abord a saint Pierre et à saint Paul ; à la constitution monarchique de l’Église et à la Papauté romaine, à ses origines, à son développement, à son Pouvoir d’enseignement et de gouvernement. Le Sacerdoce chrétien, participation au sacerdoce personnel du Christ, offre à Dieu l’Eucharistie, sacrifice de l’Eglise, et administre les Sacrements, institués par Jésus-Christ pour donner la vie divine aux fidèles. Les points les plus délicats concernant chaque sacrement sont étudiés en leur lieu. Les Evêques, chefs du sacerdoce chrétien, et les Conciles, grandes assises du collège épiscopal, enseignent et gouvernent pour une part. Les fils glorifiés de l’Église sont les Saints, dont les Reliques reçoivent de justes honneurs.

Nous avons tracé le cadre général de l’Apologétique chrétienne.

II. — Les Religions

L’exposition de la foi catholique a fait ressortir la transcendance de la religion chrétienne, appuyée sur la révélation divine et garantie par l’autorité de l’Eglise. Une contre-épreuve est fournie soit par la survivance de la nation juive après la passion du Sauveur, soit par l’histoire des diverses confessions chrétiennes qui ont dévié de la foi hérésies ; ou rompu avec l’unité de l’Eglise (schismes) ; soit enfin par le spectacle des diverses religions où la notion du vrai Dieu est plus ou moins compliquée d’inventions humaines ou défigurée.

Le Dictionnaire consacre plus de cent colonnes à l’article Juifs et chrétiens ; plus de cent encore aux Eglises dissidentes grecque et slaves ; plus de deux cents aux diverses Eglises issues de la Réforme protestante. Chacun de ces articles représente le fruit d’une enquête minutieuse, souvent faite sur le terrain même, et dont on trouverait difficilement ailleurs l’équivalent : le seul article consacré à la Réforme réunit les efforts de quinze collaborateurs pour l’Ancien et le Nouveau Monde.

Beaucoup plus grande est la diversité des religions anciennes et modernes étudiées à part : religion d’Israël (art. Babylone et Bible) ; de la Chine ; de l’Egypte ; de la Grèce ; de l’Inde ; de l'Iran ; de lIslam ; du Japon ; culte de Mithra  : Mystères païens, qu’on osa présenter, de nos jours, comme la source d’inspiration d’un saint Paul ; religions du Nord de l’Europe ; des Américains Précolombiens ; des Romains ; des Celtes (oubliée à son rang alphabétique et abordée en supplément) ; religions Sémitiques ; religions diverses des primitifs (Animisme, Fétichisme, Naturisme. Totémisme…) : religions d’État. Parfois la complexité des faits ou la multiplicité des hypothèses conseillait de partager le travail et d’entendre plus d’un son de cloche ; ainsi les religions de l'Inde sont-elles étudiées, de points de vue divers, par deux historiens ; la religion de l'Islam est reprise dans un article complémentaire sur Mahomet  : la religion de l'Iran dans une note sur Zoroastre, qui d’ailleurs continue les conclusions acquises. Enfin l’on n’a pas oublié ces diverses contrefaçons de l’idée religieuse que sont la Magie, l’Occultisme, le Spiritisme, la Superstition, la moderne Thèosophie.

L’accumulation des faits ne favorise aucun syncrétisme : unis leur exposition par des spécialistes qualifié ! forme un ensemble qui ne le cède, croyons-nous, en richesse et en profondeur, à aucun de nos Manuels d’histoire des Religions. Elle prépare et appuie la réfuta
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tion de théories fort arbitraires, imaginées de nos jours pour expliquer la genèse des Religions : théorie Sociologique de Durkheim ; théories Psychologiques, Animisme, Subconscient.

Un regret. En 1913, le P. Léonce de Grandmaîson publiait dans les Etudes une série d’articles qui furent, après sa mort, réunis en un volume sous ce titre : La religion personnelle. Relisant, il y a quelques mois, ces pages originales et profondes, je fus frappé de leur portée apologétique, et, les rapprochant d’une suggestion émise trop discrètement par l’auteur, je pense en avoir saisi l’intention. Ma conviction présente est qu’elles furent écrites pour le Dictionnaire  ; et qu’en ne les demandant pas, j’ai laissé échapper une magnifique occasion. Aucune histoire des religions ne possède ce chapitre ; il eût figuré heureusement à côté de l’article Jésus-Christ, qui est la perle du Dictionnaire. J’ai cru devoir souligner ici l’expression d’un désir inefficace.

III. — Questions subsidiaires

Ici, l’éparpillement devient complet. Il s’agit de questions très nombreuses, d’importance très inégale, de développement quelquefois paradoxal, entre lesquelles on ne peut saisir d’autre lien que celui de leur commune utilité. Toutes répondent à des préoccupations sinon actuelles, du moins possibles pour des chrétiens habitués à réfléchir. Il a paru opportun de les soulever, ne fût-ce que pour orienter u ne pensée indécise, et avertir de ne chercher à quelques-unes d’entre elles aucune sorte de connexion avec la foi catholique ; ce qui rentre évidemment dans la fonction de l’apologiste. Un classement méthodique est impossible ; on ne peut qu’ébaucher des séries.

1. Série doctrinale. — La foi catholique réprouve certaines propositions, comme directement contraires à ses dogmes (Hérésies). Beaucoup de doctrines philosophiques entrent ouvertement en conflit avec elle (par exemple, Criticisme Kantien, Pessimisme, Positivisme…). D’autres portent des noms susceptibles d’acceptions diverses et donnent lieu à un travail délicat de discernement (Déterminisme, idéalisme, Libéralisme…). D’autres noms encore, d’un contenu normalement très pur, peuvent accidentellement être appliqués à d’autres objets (Intellectualisme, Mysticisme…). Il appartient à l’apologiste de dissiper les équivoques et de maintenir la controverse doctrinale sur un terrain ferme. Nombre d’articles poursuivent cette œuvre de clarté.

Certaines directions de pensée, sans appartenir aux définitions du magistère infaillible, occupent, soit dans l’enseignement ordinaire des écoles et dans l’exercice du ministère ecclésiastique, soit dans les documents authentiques du Saint-Siège, une place qui les signale au respect des fidèles et aux soins de l’apologiste. Nous donnerons pour exemples, d’une part le principe premier du Probabilisme moral, assez autorisé dans l’Eglise, surtout depuis saint Alphonse, pour avoir droit aux égards de tous ; d’autre part, les points fondamentaux de la métaphysique Thomiste, si souvent recommandés par les papes depuis six siècles, de Jean XXII à Pie XI, et récemment proposés aux écoles catholiques par les soins de Pie X, dans un formulaire officiel. Au sujet du gouvernement de la Providence, nous avons cru opportun de défendre, d’après saint Thomas, le primat de la science divine, non certes pour rendre la doctrine catholique solidaire d’une opinion privée, mais bien pour écarter l’ombre d’une solidarité contraire et revendiquer le bénéfice de cette conception en faveur des esprits nombreux qui l’estiment vraie et bienfaisante.

La morale sociale de l’Eglise affirme d’abord le caractère sacré de la Famille, première cellule de la société humaine. Elle affirme le droit de Dieu sur la vie, et donc sur la propagation de la race, elle réprouve comme criminels les attentats contre cette propagation (Natalité). Elle affirme, d’après l’Évangile et d’après saint Paul, l’origine divine du Pouvoir, même dans l’ordre temporel, et donc le devoir civique de l’obéissance ; le droit de l’Etat, contenu par la loi de Dieu, qui ordonne l’homme au salut éternel. Elle affirme la nécessité imprescriptible de relations humaines réglées par la justice, tempérées par la charité ; elle affirme le droit de propriété individuelle et collective et condamne le Socialisme. Elle ne rui EPILOGUE :

saurait se désintéresser de l’éducation ni de l’Instruction de la Jeunesse, sur laquelle les parents possèdent un droit imprescriptible’Ouestion Scolaire).

2. Série historique. — Certains épisodes historiques ont le privilège d’alimenter depuis des siècles la polémique anticléricale. Et sans doute il serait puéril de soutenir que les hommes d’Eglise font toujours grande figure dans les annales de l’Inquisition et du Saint-O/ftre, dans le procès de Galilée, dans celui de Jeanne d’Arc, dans celui de Savonarole ou dans celui des Templiers ; que la l’ajiautè fut toujours exempte de, faiblesse, toujours prudente et avisée dans l’exercice du magistère (art. Boniface VIII, llonorius, Libère) ; toujours digne dans sa vie (art. Alexandre’J, ; toujours intègre dans sa fiscalité [Papes d’Avignon) ; que le zèle de la religion, chez les princes chrétiens, ne couvrit jamais aucune vue ambitieuse ni aucun acte tyrannique. L’apologiste de la foi catholique ne doit pas marchander les aveux nécessaires, et l’on se convaincra aisément que nos collaborateurs ont eu maintes fois le courage de ces aveux. Mais, la part faite des faiblesses humaines auxquelles nulle profession n’échappe, l’équité veut qu’on établisse la balance des vies et des responsabilités ; qu’on fasse la part des mœurs du siècle, à ne pas perdre de vue dans les procès d’Inquisition par exemple, si l’on veut apprécier exactement des sentences si éloignées de nos mœurs ; la part aussi des puissances du siècle, qui souvent pesèrent d’un poids décisif dans les procès ecclésiastiques, ce qui est, sans doute possible, le cas de Philippe le Bel dans l’affaire des Templiers ; qu’on ne transforme pas le défaut d’énergie, probablement imputable au pape Libère, en trahison envers la foi, etc. C’est à quoi nos collaborateurs n’ont pas manqué non plus.

Le rôle de défense, auquel on accule si volontiers les avocats de l’Eglise, ne laisse pas d’être quelquefois ingrat ; il l’est sûrement beaucoup moins que ne le voudraient ses ennemis, dès qu’on entre dans l’examen objectif des lieux communs complaisamment exploités contre elle. Mais surtout il a une contre-partie que nul ne peut supprimer : quelle offensive victorieu se ne peut pas prendre l’apologiste de la religion chrétienne, en déroulant les annales de l’héroïsme chrétien ! Annales du Martyre, actes des Saints, vies admirables de confesseurs et de vierges sans nombre, histoire des grands papes et des grands évêques, histoire des Persécutions, luttes incessantes de la hiérarchie catholique pour la suppression de Y Esclavage, pour l’Instruction de la jeunesse, pour l’assislance des Pauvres, pour la Propagation de l’Evangile. Nos collaborateurs ont ouvert ces veines fécondes ; on pourra les creuser encore, sans les épuiser jamais.

La passion antireligieuse se donne vraiment trop beau jeu, et ne veut voir que les côtes d’ombre, là où resplendissent de si pures lumières. Par exemple, on se plait à rappeler que les ju ges de Houen, par qui Jeanne d’Arc fut envoyée au bûcher, étaient hommes d’Eglise, et à rendre l’Église responsable de sa perte. Comme si les hommes d’Eglise n’avaient pas prêté les mains à un crime politique ! Comme si Jeanne d’Arc elle-même n’était pas fille de l’Eglise, et comme si l’héroïsme de sa mort ne rayonnait pas du sein des ténèbres accumulées par les haines politiques, aux yeux de l’Eglise universelle qui devait la revendiquer, la réhabiliter et la glorifier.

La contribution de nos collaborateurs à l’histoire chrétienne est Irop vaste et trop variée pour ne pas se dérober à l’analyse. Citons, presque au hasard, l’histoire d’une secte antichrétienne [Franc-Maçonnerie) ; celle d’un sanctuaire miraculeux [Lourde*) ; celle d’un miracle célèbre entre tous Stigmates de saint François). On peut apprécier par ces exemples la conscience de la méthode et la sûreté des conclusions.

3. Série artistique. — Dans le domaine de l’archéologie sacrée, mentionnons d’importants articles : Catacombes, Epigraphie, Lieux saints (Authenticité des, Monuments antiques Destruction des), (Saint) Pierre à Rome, Reliques…

Dans le domaine proprement dit de l’art :.1/7, Musique religieuse, Renaissance…

4. Série scientifique. — Avec une éloquence austère, l’article Système du) Monde montre comment les cieux de l’Astronomie moderne racontent la gloire de Dieu ». Parleur caraoEPILOGUE îx

tère technique aussi bien que par l’absence de portée immédiate dans le domaine de l’apologétique chrétienne, les articles Energie et Relativité pourront surprendre quelques lecteurs-D’autres leur sauront gré d’établir que les disciplines les plus abstruses peuvent insérer dans la synthèse catholique leurs conclusions fermes, sans y apporter aucun dommage. Et c’est de quoi justifier complètement leur présence dans notre recueil. Les articles Galilée, comète de Hallexj, Laplace athée, Sphéricité de la terre, font justice de légendes trop tenaces.

Les sciences biologiques sont confrontées avec des faits transcendants, dans l’article Guérisons miraculeuses ; avec des opérations mystérieuses, dans les articles Hypnose, Hystérie. Les quelques colonnes sur la baguette des Sourciers suffiront, croyons-nous, à rassurer le lecteur qui flairerait dans les phénomènes de magnétisme humain quelque sorcellerie.

L’article Homme avait exposé les données les plus récentes de la paléontologie sur le passé de notre race. L’article Terre, découvrant des perspectives plus lointaines, depuis des millions de siècles, déroule avec magnificence les annales du globe. L’article Transformisme essaye de retracer la genèse des espèces vivantes, avec une soumission entière aux faits observables, sous la lumière indéfectible de la foi. Ces trois articles, d’une inspiration pleinement scientifique, se soutenant l’un l’autre, offriront au lecteur averti le thème d’inépuisables méditations.

Le désir de fournir promptement une réponse aux lecteurs pressés, qui ne s’aventureront pas dans les méandres d’une longue dissertation, a décidé le maintien de certains articles peut-être légèrement vieillis, en tout cas de faible envergure, et de consultation facile. Mais nous n’avons pas craint, là où le besoin s’en faisait sentir, de les supplémenter, sinon de les remplacer totalement.

Dire notre gratitude à tous les collaborateurs, à tous les amis qui nous ont soutenu durant cet effort de vingt ans et plus, est impossible. Nous avons trouvé notre meilleur, notre plus constant appui à la Rédaction des Etudes et à l’Institut catholique de Paris. A ce double titre, les RR. PP. J. Lebreton et Y. de La Brière ont droit à notre premier merci. L’un nous a donné deux articles, Eucharistie et Trinité, fruits de son enseignement à l’Institut catholique, et qui sont des modèles du genre ; un troisième sur Y Encyclique Pascendi et la Théologie moderniste. L’autre a accepté — combien de fois ! — de nous venir en aide, dans les domaines les plus divers : théologie fondamentale, exégèse du Nouveau Testament, droit international, histoire moderne, car aucun ne lui est étranger. Il a signé : Eglise, Papauté, Paix et Guerre, Origine du Pouvoir, Saint-Barthélémy, Cabale des Dévots, Révocation de l’Edit de Nantes, Question scolaire dans la France actuelle ; dans le Supplément, Rome et l’Jtalie… Encore ne recherchons pas ce qui lui appartient en propre dans l’œuvre d’autrui… On aboutirait à de curieuses découvertes. Ces deux théologiens nous ont assisté maintes fois de leurs suggestions, de leurs avis.

Le R. P. Léonce de Grandmaison fut aussi pour le Dictionnaire un ami de la première heure et un conseiller toujours vigilant. Il nous donna l’article Jésus-Christ, de tous le plus considérable et qui serait resté sans doute le plus consulté, s’il n’avait été remplacé heureusement par deux magnifiques volumes, qui feront vivre le nom et l’influence de l’auteur. Nous avons reproduit son étude sur la Théosophie, parue dans les Nouvelles Religieuses.

Le R. P. J. Brucker a couronné sa longue carrière d’exégèle en parlant ici du Déluge et de la Genèse ; sa carrière d’historien en parlant de la Traite des Nègres. D’autres rédacteurs des Etudes guideront le lecteur dans les domaines qui leur sont familiers : le R. P. L. Rouie dans le domaine philosophique, en décrivant Mysticisme, Pessimisme, Positivisme, et dans le domaine pseudo-religieux en décrivant Spiritisme, Superstition ; le R. P. P. Dudon dans le domaine de l’histoire religieuse moderne, en traitant des Concordais et du Quiétisme ; le II. I’. J. ilubyparun exposé de la religion des Grecs, où l’on retrouve le directeur de Chris tus, le manuel si apprécié. Au 11. P. L. Jalaberl nous devons une vraie Somme d’Epigraphie chrétienne, riche de faits précis, et singulièrement utile pour la connaissance des origines ; au R. x EPILOGUE

P. II. du Passage, directeur des Etudes, un magistral ailicle Socialisme, qui vaut à lui seul un traité d’économie politique.

Envers l’Institut c ; tl.<’] : <, !. < de Paris, roe dettes km f(ii icn.luuhes. Sa Grai c’eu

Mgr Baudi illart, Lecteur, voulut bien contribuera l’article lnsti uction de la jeunesse, pa une vaste enquête sur les Universités calboliques des deux mondes. Mgr L. Pnmel, victleur, dans l’article les Pauvre » et l’Eglise, met à la portée de tous une magnifique collection de faitspeu connus, touebant l’histoire de la Charité chrétienne. M. l’abbe J. Guibeit, supérieur du Séminaire des Carmes, et le II. P. P. Teilhard de Chardin contribuèrent à l’article Homme, le premier insistant sur l’unité de l’espèce humaine, le second sur la place de l’homme devant les enseignements de l’Église et devant la philosophie spiritualiste. Le 11. P. J.-Y. Bainvel, notre ancien maître et doyen de la Faculté de théologie, reprit des sujets qui lui étaient familiers en composant un précieux article, Foi, Fidéisme, et pour l’article Marie un précieux fragment sur l’intercession universelle de la Sainte Vierge. Le 11. P. P. Ilousselot écrivit Intellectualisme, avant de tomber au champ d’honneur. M l’abbé E. Mangenot écrivit sur le Canon catholique des Ecritures ; M. l’abbé J. Touzard sur [Peuple) Juif dans l’Ancien Testament et sur Moïse et Josué. Ces deux articles, fort étendus, témoignaient d’une érudition immense ; le second ne manquait pas de hardiesse ; il fut, on le sait, l’objet d’une censure qui fit éclater l’esprit pleinement sacerdotal de l’auteur et l’empressement de son obéissance à l’Eglise. Nous avons pu conserver l’article en le supplémentant sous le titre : Pentateuque et Hexateuque. M. l’abbé A. Clerval écrivit sur l’Instruction de la jeunesse en France au moyen âge, et M. l’abbé X. Arquillière, avant d’être venu à nous, sur le Gallicanisme, de Charlemagne à l’avènement des Valois. M. l’abbé A. Villien, avec l’article Sanctification du Dimanche, représente la Faculté de droit canonique, dont il allait devenir doyen ; le R. P. Sertillanges, avec l’article Art, et le II. P. A. Blanche, avec l’article Pragmatisme, la Faculté de philosophie.

De la Faculté de droit nous vint l’article Famille, par M. H. Taudière. De la Faculté des lettres, l’article Franc-Maçonnerie, par M. G. Gautherot ; deux articles de M. l’abbé G. Bertrin sur la Criminalité du Clergé et sur le fait de Lourdes ; deux encore de M. IL Froidevaux, doyen, sur les religions des peuples anciens du Nord de l Europe et les religions des Américains Précolombiens ; l’article Sibylles, découpé, avecl’aulorisation du regretté abbé A. Boxler, dans un ouvrage que sa mort laisse inédit. De la Faculté des sciences, outre le fragment déjà cité du P. Teilhard de Chardin, un article de M-A. Briot sur la vertu hygiénique du Jeûne ; d’autres de M. le chorévêque F. Nau, témoignant d’une vie intellectuelle qui déborde singulièrement le cadre des sciences mathématiques : Apocryphes de la Bible, Démons, Zoroastre. Ce n’est pas quitter tout à fait l’Institut catholique de Paris que de donner un souvenir reconnaissant à Mgr A. Farges, à qui nous devons une synthèse très solide du Modernisme philosophique ; à Mgr L. Duchesne, qui nous autorisa libéralement à transcrire et à manipuler un sien chapitre sur la Gnose ; k M. Georges Goyau surtout, que nous n’avions pas emcore la gloire de posséder, mais qui déjà trouvait, dans une obligeance infatigable, le secret de se faire tout à tous. Qu’il s’agt d’une controveise retentissante soulevée jadis en Allen :  ; * ;, ! e autour de la maxime Fin justifie les moyens, et terminée par le plus piteux échec, ou du développement de la llèforme dans l’Allemagne moderne, ou de la question Scolaire danrelations avec la pensée catholique, il se montrait toujours prêt à faire trêve aux occupations de son choix. On apprécie une telle fortune, même après s’être fait de l’importunité une vertu professionnelle.

Mes frères de la Compagnie de Jésus furent les plus perse ei animent quêtes. Plusieurs, qui ont obtenu, parla mort au champ de bataille, la récompense éternelle, se survivent dans ces pages : le II. P. L. Rivet, sous le titre Duel Ae 11. P. II. Aufi’roy, sous le titre l sias tiijuc et sous le titre Sacerdoce chrétien : le Célibat ; le II. P. I r. Bouvier, sousle titre Magic et Magisme. J’ai déjà nommé le P. Ilousselot.

Parmi les autres, qui n’entendront point ici-bas mon merci, se présente d’aboid mon vieux maître, le IL P. X. Le Bachelet. Il a mis beaucoup de sa science. qui était grande, dans les articles Apologétique-Apologie, Mario (Immaculée Conception) iii, Pèché originel. Et puis, ses ÉPILOGUE xi

collègues du scolaslicat d’Ore place : le R. P. S. Harent, qui prit une large part à l’article Modernisme et surtout à l’article Papauté ; le R. P. M. Chossat, qui créa l’article Agnosticisme, frontispice du Dictionnaire, et collabora aussi à l’article Modernisme ; & R. P. A. Durand, qui disparaissait hier, et dont l’œuvre est une des plus étendues, car elle embrasse toutes les questions générales concernant l’Ecriture sainte : Critique biblique, Exégèse, Frères du Seigneur, /nerrance, Inspiration, Modernisme, Paraboles de l’Evangile, Vulgate ; le tout représentant la valeur d’un fort volume. Et puis, à Rome, le R. P. P. Gény (art. Certitude) ; à Lyon, le R. P. J. Grivet(art. Évolution créatrice) ; en Hollande, le R. P. P. Mallebrancq (art. Monisme) ; à Jersey, le R. P. A. Poulain (art. Extase) ; le R. P. A. Noyon (art. Marie, Assomption ; Mariolatrie), et le R. P. M. Nivard (Responsabilité) ; k Paris, les RR. PP. G. Sortais (art. Instruction de la Jeunesse, les Principes) et P. Bliard (art. (Chevalier de La~ Barre, Loriquet) ; à Toulouse, le R. P. M. Dubruel [Gallicanisme, Régale) ; en Angleterre, le R. P. Sydney F. Smith, fils de ministre anglican, ex-anglican lui-même, qui nous a donné sur les Ordinations anglicanes un article définitif et de tous points admirable, résumant les recherches de toute une vie.

Passons aux vivants, et mettons quelque ordre dans notre énumération.

Groupe des Biblistes. — Ceux-là no us furent particulièrement secourables qui possèdent, avec la science des Ecritures, l’expérience des difficultés propres à une carrière si délicate, et l’héroïsme du dévouement. A Ore Place, le R. P. A. Condamin ne savait rien nous refuser et nous a prodigué les trésors d’une érudition parfaitement mûre et lucide. On appréciera sa maîtrise dans les articles Babylone et Bible, Jephté, Jonas, Judith, Prophétisme Israélite. A Enghien (Belgique), le R. P. F. Prat a su enfermer en des pages nerveuses la quintessence de cette théologie paulinienne qu’il possède mieux qu’homme du monde (art. saint Paul etPaulinisme). A Rome, le R. P. A. Vaccari a su compatira notre détresse et nous donner — au prix de quels sacrifices pour ses propres travaux ! — deux articles longtemps cherchés en vain : ] J saumes et Livres Sapientiaux. La contribution du R. P. Joùon est discrète, mais combien aimable (art. Cantique des cantiques et Kabbale). De Rome encore et de l’Institut Biblique, nous sont venus des articles d’histoire des religions, connexes avec la Bible et écrits par des biblistes : Egypte, par le R. P. A. Mallon ; Mahomet, par le R. P. E. Power.

Groupe dogmatique. — Déjà plusieurs noms ont été prononcés, mais non pas tous. D’Enghien nous avons reçu les contributions précieuses du R. P. H. Pinard de la Boullaye : Création, Dogme, Expérience religieuse, et du R. P. P. Galtier : Indulgences, Pénitence. De Gemert en Hollande, celle du R. P. J. INI. Dario : Matérialisme. Aux chaires romaines se rattachent les articles : Confirmation et Extrême-Onction, du R. P. J. de Guibert ; Insurrection, du R. P. INI. de La Taille. Aux chaires lyonnaises, Immanence (Doctrine), du R. P. Albert Valensin ; Immanence (Méthode), Criticisme kantien, Panthéisme, [Pari de) Pascal, du R. P. Auguste Valensin. D’une pensée toute personnelle procèdent : Immanence (Méthode) et Miracle, du 11. P. J. de Tonquédec ; Athéisme et Conscience, du R. P. X. Moisant. Divers articles df Ascétisme (voir ce mot), par le R. P. Aug. Hamon ; Vocation et Vœu, par le R. P. R. Plus, et de Mystique : Cœur de Jésus, par le R. P. R. de La Bégassière. Les sujets eschatologiques : Ciel, Enfer, Purgatoire, sont traités parle R. P. P. Bernard. Le merveilleux article La’icisme, où la plaie de l’athéisme social est si efficacement débridée, fut écrit dans la tranchée par le R. P. B. Emonet, aumônier militaire.

Groupe des Canvnistes et des Moralistes. — Nous avons reçu de Rome les contributions précieuses du R. P. J. Besson : Corpus luris canonici, Exemption des Réguliers, Féticide thérapeutique. Incinération ; du R. P. A. Vermeersch : (Prêt à) intérêt ; Probabilisme (partie doctrinale) ; Restriction morale et Mensonge. De Ore Place, celles du H. P. L. Choupin, assez heureux pour pouvoir donner de son abondance : Curie romaine, Hérésie, immunités ecclésiastiques, Syllabus. D’Enghien, celles du H. P. P. Castillon : Mariage et Divorce ; du R. P. J. de Blic : Probabilisme (historique) ; du R. P. R. Brouillard : Théologie morale.

Gratifie, des iiistnriens. — Les historiens sont légion, et dispersés sur toute la surface du globe. Aux noms déjà prononcés, ajoutons : K. P, H Dutou<|uct, à Engliicn : la [Conversion de) Constantin ; le R. P. C. Lattey, un Anglais : [Religions d’Etat ; R. P. A. Pcrc/ C.ociia, un xii EPILOGUE

Espagnol, qui présente la figure sinistre de ['errer ; lî. P. P. de Yregille, un Français, qui, de l’Université de Beyrouth, étudie, en astronome et en historien, la légende, si complaisaminent grossie, de Galilée ; R. P. J. Stein, un Hollandais, qui, d’Amsterdam, s’inscrit en faux contre une pure légende, celle de la [Comète de) Ilalley exorcisée par le pape Calixte III : un Tchèque, le R. P. A. Kroess, qui précise le souvenir de [Jean //us ; puis des Français : |{. P. J. de Joannis qui, par documents irrécusables, réduit à néant la légende de Le place ail II. P. A. de Becdelièvre, auteur d’un article très informé, très lucide, sur le Jansénisme ; H P. Al. Brou, parfaitement qualifié, comme historien de saint François Xavier, pour caractériser les religions du Japon, et comme Jésuite pour opposer aux Jésuites de la légende la peinture d'êtres réels, comme aussi pour démasquer une fois de plus l’impudente mystification des Monita sécréta (voir au Supplément) ; qualifié encore, à ces deux titres réunis, pour redire la Propagation de V Evangile ; R. P. C. Neyron, encore un professeur à l’Université de Beyrouth, qui étudie en juriste et en penseur le Gouvernement ecclésiastique, puis, à travers vingt siècles d’histoire, le rôle de la Papauté ; dans l’article Réforme, plusieurs auteurs : K. P. Louis de Geuser, tableau du Protestantisme français moderne ; R. P. P. Albers. sur le Protestantisme dans les Pays-Bas ; R. P. J. Svensson, en Islande ; R. P. S. Bednarski, en Pologne : R. P. J.-J^Vynne, auteur d’un résumé pittoresque autant qu’instructif sur l'émiettement de la Réforme aux Etats-Unis. En marge de l’histoire des religions, R. P. G. Gibert, qui met sous nos yeux, dans un graphique suggestif, une statistique des Religions à l’heure présente : R. R. L. Laurand, très docte historien de l’ancienne religion des Romains : R. R. C. Burdo, qui discute en archéologue et en pèlerin l’authenticité des Lieux saints. N’oublions pas l’Extrême-Orient. Avant d’aller enseigner à l’Université l’Aurore, de Shanghaï, le R. R. J. de La Servière avait rédigé, sur des sujets fort disparates d’histoire ecclésiastique, des articles qu’il nous a laissés : après des sujets d’histoire pontificale, Alexandre VI et Boni/ace VIII, il aborde l'énigme historique de la Conspiration des Poudres, la question canonique du Divorce des princes, celle du Droit divin des rois, et le problème moral du Tyrannicide. Le R. P. L. Wieger, un sinologue hors pair, expose, de première main, la religion de la Chine, et rend un témoignage autorisé sur la pratique courante de Y Infanticide en ce pays. Le R. P. G. Chambeau, que la Chine nous a rendu, éclaire en deux mots l’archéologie du Swastika.

Croupe scientifique. — Relevons simplement les noms de quelques hommes de science qui ont collaboré au Dictionnaire. Pour les sciences mathématiques, les RR. PP. L. Pouquet (art. Relativité) et M. Potron (art. Système du Monde), l’un et l’autre anciens élèves de l’Ecole Polytechnique, professeurs à l’Ecole Sainte-Geneviève. Pour les sciences d’observation, les RR. PP. J. Stein, P. de Vregille, J. de Joannis, déjà nommés. Sur la question délicate du Transformisme, le R. P. R. de Sinéty réalise l’alliance, désirable et plutôt rare, d’une science biologique profonde avec la sagesse du théologien.

Nous signalerons à part l’article du R. P. A. Eymieu sur Scienccet Religion. L’idée saugrenue d’une incompatibilité entre la science et la foi chrétienne a su bi de nos jours, dans les milieux éclairés, une éclipse dont témoignait encore naguère l’enquête menée en bon lieu par un journal parisien ; elle n’en règne pas moins encore à l'école primaire, et les confins de l'école primaire s'étendent parfois très loin. Il y a donc lieu de la combattre. C’est ce que l’auteur a fait par un argument topique. Mettant la critique historique au service de la foi, il a eu la patience de procédera un pointage minutieux sur les grands noms de la science au cours du dernier siècle ; et il a constaté que dans l’humanité supérieure que composent les grands savants, les initiateurs géniaux, l’idée religieuse règne beaucoup plus, incomparablement plus que dans l’humanité vulgaire. L’argument n’exige, pour être compris, aucun effort d’intelligence ; et il ferme la bouche à la tribu innombrable des Homais.

J’ai remercié les auteurs d’articles avoués et signés. Mais comment remercier les collaborateurs anonymes : censeurs, conseillers techniques, parfois traducteurs, dont Pieu sait les noms ; soldats inconnus de l’apologétique, pour qui le directeur seul entretient la tlamme du souvenir ! Telle version, qui a l'étendue d’un juste volume et la splendeur d’un original, ne laisse lire entre les lignes qu’une signature : Ama nesciri. Quel théologien eminent se cache derrière ce voile ? Respectons son magnanime incognito. EPILOGUE xin

Notre regard s’est arrêté d’abord sur les collaborations que le directeur du Dictionnaire a pu recruter dans son entourage le plus immédiat, c’est-à-dire dans l’Institut catholique où il professe et dans la famille religieuse à laquelle il appartient. Hâtons-nous d’ajouter que cet horizon arbitrairement limité ne représente nullement tout le milieu où s’est élaboré le Dictionnaire. On a cherché au contraire à étendre le cercle des relations intellectuelles et on a eu la joie d’y réussir dans une large mesure. L'œuvre est vraiment catholique, d’esprit et d’exécution. Nous le montrerons par l’indication très sommaire des sympathies qu’elle a suscitées.

Sympathies effectives des diverses* Universités catholiques de France.

L’Université catholique de Lille figure dans nos cadres en la personne de son éminent recteur, Mgr Lesne, historien de l’Eglise médiévale (art. Investitures) ; en la personne de ses maîtres : feu le chanoine L. Salembier (art. Schisme d’Occident) ; chanoine IL Dehove (art. Idéalisme, [Question] Scolaire, [Morale] Sociologique, Subconscient et Inconscient).

L’Université catholique d’Angers, en la personne du maître es science sociale que fut le regretté abbé Ch. Antoine (art. Aumône, État) ; en la personne d’un maître ancien, aujourd’hui professeur à l’Université Grégorienne, le R. P. M. de La Taille ; en la personne d’un maître présent, dont la signature suffit à illustrer le texte : Comte J. du Plessis de Grenédan, doyen de la Faculté des lettres (art. Patrie).

L’Université catholique de Lyon, en la personne de maîtres anciens : R. P. R. Hedde, O. P., de la Faculté de théologie (art. [Libre] Pensée) ; feu M. J. Rambaud de la Faculté dos lettres (art. Natalité) ; en la personne de maîtres présents : RR. PP. et Albert et Auguste Valensin, déjà nommés ; chanoine E. Jacquier (art. Mystères païens et saint Paul) ; chanoine

F. Vernet (art. [Papesse] Jeanne, Juifs et Chrétiens, Savonarole) ; abbé L. Cristiani (art. Réforme : Luther et Calvin).

L’Université catholique de Toulouse, en la personne d’un maître ancien, R. P. J. Resson ; en la personne d’un maître présent ; chanoine G. Michelet (art. Religion : Théorie sociologique. Théories psychologiques).

L’Université de Strasbourg, Faculté de théologie catholique, en la personne de l’abbé

G. Mollat (art. Dime ecclésiastique, Elections épiscopales dans V ancienne France, Papes d’Avignon, Templiers).

Aux Universités françaises, nous sommes heureux d’associer les Universités belges, représentées par le regretté Godefroid Kurth, à qui nous devons plusieurs notices brèves, parfois piquantes, toujours instructives : (Ame des) Femmes (épisode du Concile de Mâcon) ; Lèpre ; (An) Mil ; Moyen âge ; par M. l’abbé H. Coppieters, auteur d’un article sur les Ac/cs des Apôtres ; par M. le chanoine Forget, auteur des articles Conciles et Index ; par M. l’abbé E. Tobac sur les fondements scripturaires de la doctrine de la Grâce ; par M. L. de la ValléePoussin, qui étudia les religions de l’Inde.

Puis l’Université suisse de Fribourg, d’où nous vinrent l’article du R. P. De Munnynck, O. P., sur Déterminisme ; de feu le R. P. A. Roussel, Oratorien, sur les religions de l’Inde ; la contribution de M. Max Turmann à l’article Instruction de la jeunesse, sur les institutions, complémentaires de l'école primaire.

Arrêtons là cette revue universitaire, et constatons, par d’autres signes encore, le concours de bonne volontés éparses à notre œuvre apologétique.

Les grandes familles religieuses y ont concouru.

Ordre de Saint-Benoît, représenté dès l'édition primitive par plusieurs articles de feu Dom J. Souben, que nous avons conservés : Ange, Morisques, Mortara, Yanini ; par le Révérendissime Dom F. Cabrol, qui avait largement contribué au supplément du Dictionnaire Jaugey. Nous avons été heureux de reproduire son article Honorius, et lui devons en outre un article Culte chrétien. Nous avons encore reçu de Dom E. Fehrenbach un article Croix, et de feu DomJ.M. Besse un article Monachisme. De Rome, Dom IL Ilopfl, professeur au collège Saint-Anselme, a bien voulu nous autoriser à user librement des chapitres de son Introductio specialis in libros V.-T., consacrés à Moïse et à Josué ; bienfait 1res senti dont nous lui rediun ÉPILOGUE

sons notre vive reconnaissance. (Voir art. Pentateuque et Ilexateuque). Dota L. Oougaud a donné en supplément un article sur la Religion des Celtes.

Ordre de Saint-Dominique, de tous le plus secourable. Nous lui devons l<*s articles eschatologiques du II. P. A. Lemonnyer : Antéchrist, Apocalyse, Fin du monde ; l’article très considérable du K. R. 11. Garrigou-Lagrange sur Dieu, repris ultérieurement et développé' par l’auteur dans un grand ouvrage ; l’article du R. P. Et. llugueny sur Humilité ; l’article du 11. P. M. J. Lagrange sur la religion de Y Iran ; l’article du R. P. R. lledde sur [Libre) l’eu-i l’article du R. P. R. Louis sur les [Religions] Sémitiques ; celui du R. P. Gillet, dominant d’assez haut la question du Théâtre pour réconcilier dans une unité supérieure saint Thomas et Bossuet. Nous avons déjà rencontré les RR. PP. Sertillanges, Blanche et De Munnyin k. Un accident postal nous a privé des pages qu’avait bien voulu écrire pour nous le R. P. Ed. Hugon, professeur au Collège Angélique, à Rome.

Ordre de Saint-François, représenté par le R. P. Ephrem Longpré, de Quaracchi, à qui nous devons : [Esprit) Séraphique.

La Congrégation de l’Oratoire est représentée par les contributions de S. G.MgrA.Baudrillart, archevêque de Mélitène ; de feule R. P. A.Roussel ; de feu le II. P. P. Bugnicourt [Animisme, Totémisme).

La Congrégation du Saint-Esprit, par les contributions de son ancien Supérieur général S. G. Mgr A. Le Roy, archevêque de Carie, relatives à l’histoire des religions : Amulette, Circoncision, Fétichisme, Naturisme.

La Congrégation des Assomptionnistes, par les très importants articles du R. P. M. Jugie : [Eglise) Grecque ; [Eglises) Slaves ; etduR. P. S. Salaville : Epiclèse Eucharistique.

La Compagnie de Saint-Sulpice, non seulement par les contributions, déjà signalées de feu M. Guibert et deM. Touzard, mais encore par celles de M. M. Lepin : Evangiles apocryphes ; Evangiles canoniques, équivalant à un juste volume, et de H. P. Pourrat : Sacrements. Le P. Archange, des Frères de l’Instruction chrétienne, a bien voulu combler une lacune regrettable de l’article Instruction de la jeunesse par un supplément sur la fondation du vénérable Jean Marie de La Mennais.

La part du clergé séculier est fort considérable, comme on a pu s’en convaincre. Les articles de S. G. Mgr Waffelært, évêque de Bruges, sur les Convulsionnaires et sur les Possessions diaboliques, comptaient déjà parmi les plus considérables du Dictionnaire Jau gey. Ajoutons-y les articles bibliques de S. G. Mgr C. Chauvin, évêque d’Evreux : David Job ; l’article Apôtres, par.Mgr P. Batiffol ; l’article Évêques, par M. le chanoine A. Michiels doyen de Mal en Belgique ; l’article Évolution : doctrine morale, par M. l’abbé E. Bruneteau : la part prise à l’article Homme (préhistoire), par M. l’abbé IL Breuil, professeur de l’institut océanographique et par MM. les abbés A. et J. Bouvssonie ; Jeanne d’Arc, par feu M. le chanoine Ph. Dunand ; Libéralisme, par fou M. l’abbé G. de Pascal ; Ligue catholique, par M. l’abbé P. Richard ; part prise à l’article Réforme par M. l’abbé J. Trésal (Origines de la Réforme anglicane) ; par M. l’abbé Ch. Journet, de Genève 'la Réforme en Suisse) : par M. l’abbé B.-D. Assarson, de Stockholm le Protestantisme suédois) ; par l’abbé A. Pezzenhoffer, de Buda-Pest (le Protestantisme hongrois) ; par M. l’abbé L. Wrzol le Protestantisme dans la République tchécoslovaque ; par le regretté abbé Cl. Bouvier Principes et essence du Protestantisme). Nous avions reçu de l’eu M. le chanoine E. Vacandard : Symbole des) Apôtres ; de feu M. l’abbé L. Le Monnier : Stigmates de saint François.

Il nous reste à saluer le groupe dos apologistes laïque*, relativement peu. nombreux, par la simple raison que les laïques sont plus rarement voies par état à la culture de la science ecclésiastique ou à l’exercice du zèle, mais d’autant pies méritants que la lutte ouverte pour la foi catholique exige du laïque une plus grande force de caractère et uue plus notoire indépendance. Plusieurs noms se sont déjà rencontrés dans les cadres par nous ouverts. Nous ajouterons les suivants.

Sous le titre : Démocratie, le comte A. de Mun ne nous a guère livré qu’une signature ; nous nous sommes empressé de la recueillir. Son frère en vocation sociale, le marquis de La Tour du Pin la Charce, a fait plus : ses considérations sur Ylndis’idualisme sont d’une convieEPILOGUE xv

tion vécue et d’une éloquence prenante en leur brièveté. Non moins éloquent et à jamais actuel, l’article du comte A. Celier sur la Propriété ecclésiastique. Parmi les ouvriers de la pensée qui sont ou qui furent aussi des hommes d'œuvres, nous rencontrons trois directeurs de la Revue des Questions historiques : le regretté Paul Allard, qui résuma dans ce Dictionnaire l'œuvre de toute sa vie (art. Catacombes romaines ; Esclavage ; Instruction de la Jeunesse : maîtres et écoliers chrétiens au temps de l’empire romain ; surtout Martyre ; Destruction àes monuments antiques ; Persécutions) ; M. Jean Guiraud, l’auteur d’Histoire partiale et histoire vraie, apologiste envers qui notre dette ne sera acquittée ni par la génération présente ni par celles qui suivront : il nous a donné Inquisition et Saint Office ; M.R. Lambelin à qui nous devons une bonne part de l’article Révolution. Puis M. Max. de La Rocheterie, qui résuma aussi de longs travaux, à l’article Louis XVI ; comte G. Baguenault de Puchesse (art. Coligny, [Etienne] Dolet) ; Fénelon Gibon (art. Législation du Dimanche ; Criminalité de VEnfance, Enterrements civils, Insoumis ; contribution à l’article Instruction de la Jeunesse : l'école libre en France) ; F. Sagot [Ibid., l’Eglise éducatrice, en regard de la Renaissance et de la Réforme) ; J. Mantenay (art. Garibaldi) ; un orientaliste éminent, baron Carra de Vaux (art. Islamisme et ses sectes) ; des artistes tels que MM. Camille Bellaigue (art. Musique religieuse) et André Peraté (Renaissance) ; M. Niels Hansen, le très distingué collaborateur de l’article Réforme pour les pays Scandinaves.

Parmi les titulaires de chaires officielles, M. Pierre ïermier, de l’Académie des Sciences, professeur à l'École des Mines, a résumé pour nous, dans l’article Terre, tout l’effort scientifique d’une vie entière dominée par la foi. M. Paul Fournier, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur à la Faculté de droit, a parlé, avec une autorité hors pair, des Fausses Décrétâtes. M. Bernard Brunhes nous a donné l’article Energie, peu de jours avant de mourir, professeur à la Faculté des sciences de l’Université de Clermont. M. Louis Bréhier, professeur à la Faculté des lettres de la même Université, a écrit l’article Croisades. Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir grouper plusieurs médecins chrétiens. Le fait, rare en d’autres générations, n'étonne plus aujourd’hui. Docteur G. Surbled Cérébrolo » ie) ; docteur P. Goy (Chasteté) ; docteur A. Briot (Jeûne et Abstinence) ; docteur R. Marage (Baguette des Sourciers) ; surtout docteur R. Van der Elst (Guérisons miraculeuses, Hypnotisme, Hystérie, Occultisme, Stigmates de saint François, Suggestion, Yoga).

Notre classement des œuvres et des hommes ne vise pointa être exhaustif. Il omet notamment nombre d’articles dont le directeur s est chargé d’urgence, faute d’avoir pu recruter, en temps utile, le collaborateur désirable. Il faut bien laisser au lecteur quelque chose à découvrir.

Nous avons cru devoir conserver, encore qu’il ne fût pas du goût de tout le monde, le titre donné par l’abbé Jaugeyà son Dictionnaire, composé « avec la collaboration d’un grand nombre de savants catholiques ». Or, précisément, une erreur piquante a rendu ce titre mensonger : dans la liste, très accrue, de nos rédacteurs, s'était glissé un protestant convaincu. Quand la méprise me fut signalée, je crus devoir faire part à ce rédacteur du scrupule de loyauté que m’inspirait notre titre. L’excellent homme s’excusa d’avoir été rendu « savant malgré lui et catholique malgré moi ». Et il déclina spontanément toute collaboration ultérieure.

Après avoir exprimé nos remerciements, il faudrait passer aux excuses. Excuses à tant de grands travailleurs qui acceptèrent, de bonne grâce, les invitations d’abord, puis les sommations et finalement les objurgations arrachées au directeur par le sentiment de sa lourde responsabilité. Le nombre de lettres rogatoires, incrépatoires et comminatoires qu’il a dû écrire en vingt ans est incalculable. Il ne prenait pas toujours la peine de renouveler les for mules, et il a dû en rencontrer de vives. Il portera, sans trop de remords, ce souvenir au tribunal de Dieu, car ses intentions étaient pures. Mus les hommes ont moins d’indulgence. Devant eux, il n’hésite pas à plaider coupable ; il invoque seulement les circonstances atténuantes. Imaginez que de colères amasse sur sa tête un auteur anonyme encore, mais insolvable, attendu par des milliers de souscripteurs qui ne veulent rien entendre, par l'éditeur xvi EPILOGUE

qui ne voit pas sortir son fascicule, par les typographes qui rongent leur frein, par les collaborateurs qui s’inquiètent de voir leur propre prose moisir, car il suffit d’un article attardé pour arrêter toute la colonne. Et maintenant considérez combien ingrate est la situation du directeur harcelé de toutes parts, pris entre l’auteur et le public, obligé de stimuler l’un sans négliger de sourire à tous. Si vous ne vous sentez pas le courage d’affronter tant de regards courroucés, ne vous faites pas lexicographe.

L’article désirable entre tous est celui qui remplit son programme et vient à son heure. Grâce à Dieu, nous l’avons reçu très souvent, et nous savons ce qu’il coûtait parfois à ceux qui nous l’ont donné. Encore une fois, merci.

Maintenant, le Dictionnaire existe. Le voici, non sans peine, muni d’une Table analyique, à laquelle ont mis la main successivement M. le chanoine A. Dommergues, M. l’abbé L. Barbier, enfin et surtout M. Bernard Loth ; nous avons cru devoir y joindre un court Supplément. Tel quel, il n’est pas parfait, tant s’en faut. On y a déjà signalé, on y signalera encore des lacunes et des faiblesses, des inexactitudes de détail et parfois quelques imprudences. En vingt ans, on se fait la main, et s’il fallait recommencer aujourd’hui, on s’y prendrait un peu autrement. Malgré tous ses défauts, on veut, bien nous dire que le Dictionnaire a déjà rendu des services, qu’il est appelé à en rendre plus encore. Huit mille exemplaires déjà souscrits lui permettent d’envisager l’avenir avec confiance. Il a quarante ans de moins que le Dictionnaire Jaugey, une étendue plus que quadruple, et ne coûte que vingt fois plus cher. 11 marche un peu mieux avec son siècle. Qui le remplacera dans quarante ans ? Nous en abandonnerons le souci à de plus jeunes. L’essentiel n’est-il pas, au regard de l’éternité qui nous appelle, de faire au jour le jour l’œuvre de Dieu ?

Adhéma » 1 d’Alks.

Paris.


EXTRAIT DE LA PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION


Le titre de ce Dictionnaire en indique suffisamment la nature et l’objet ; néanmoins il ne sera pas inutile, croyons-nous, de fournir ici au lecteur quelques éclaircissements sur le but spécial en vue duquel nous le publions, sur les principes qui ont présidé à sa composition et sur son contenu.

I. But. — Autrefois, dans notre monde chrétien, on naissait croyant ; aujourd’hui l’enfant naît sceptique ; il commence à douter aussitôt qu’il commence à raisonner. À toutes les époques, le scepticisme a fait des victimes, mais jamais cette fatale maladie n’avait envahi les esprits aussi universellement que de nos jours. Non seulement, en effet, elle sévit dans les classes lettrées, où souvent elle est engendrée par des études mal conduites et par l’abus même des facultés intellectuelles, mais elle exerce ses ravages jusque dans les couches les plus infimes de la société ; elle se manifeste, non seulement dans l’âge mûr et dans la vieillesse, où elle est parfois le fruit des déceptions de la vie, mais dès l’adolescence, à une époque où l’esprit, encore dépourvu de toute expérience, semble à peine capable de soupçonner l’existence de l’erreur.

Le scepticisme contemporain, il est vrai, ne s’étend pas à tous les objets de nos connaissances ; en particulier, il ne s’étend pas aux sciences qui ont la matière pour objet et qui se fondent sur l’expérience, mais il atteint toutes les croyances religieuses ; il n’est pas, comme autrefois, limité à certaines vérités particulières, il porte sur les principes mêmes, sur les racines de toute conviction religieuse et morale. On peut le considérer comme le mal capital de notre époque, comme le ver rongeur du christianisme au milieu de notre société. Tout homme qui en subit les pernicieuses atteintes perd aussitôt la foi chrétienne, car cette foi est essentiellement une croyance ferme, absolue et non provisoire, en la parole de Dieu annoncée par l’Église. Bientôt même il perd ce qu’on peut appeler la foi naturelle en Dieu, en l’immortalité de l’âme, en la vie future, ou du moins, sa croyance à ces vérités primordiales devient chancelante, incertaine ; il ne peut plus se délivrer de la crainte d’être le jouet d’une illusion.

Cette disposition maladive des esprits, s’ajoutant aux autres tentations qui sont les mêmes aujourd’hui qu’autrefois, explique la diminution considérable du nombre et de la fermeté des croyants au milieu de nous. Elle explique aussi ce phénomène étrange d’efforts admirables, accomplis de nos jours par l’Église dans le domaine des œuvres de charité et d’instruction populaire, et de résultats si faibles au point de vue de la conservation de la foi dans les intelligences.

À côté de ce scepticisme religieux, qui est comme inné dans les générations actuelles, il faut placer la haine du christianisme qui, dans tous les siècles, a poussé un certain nombre d’hommes à combattre la foi chrétienne. Ces ennemis, pour ainsi dire, personnels du Christ, sont aujourd’hui nombreux et puissants ; leurs paroles retentissent à toutes les oreilles et leurs écrits sont dans toutes les mains. Enfin il faut considérer que la diffusion de l’art de lire ou d’écrire, ainsi que les nouvelles conditions de la vie politique et sociale ont multiplié, comme à l’infini, le nombre des travailleurs sur tous les terrains des connaissances humaines. De là ce déluge d’objections contre la foi catholique, sous lequel on espère la submerger. Les unes sont anciennes pour le fond, mais se présentent sous des formes nouvelles : ce sont principalement celles qui se tirent de la philosophie, de la théologie, et de l’histoire ; un certain nombre d’autres sont relativement récentes et portent surtout sur l’Écriture sainte, elles sont le fruit de la critique rationaliste ; les autres enfin sont puisées dans les sciences naturelles, principalement dans la préhistoire, dans la linguistique, dans l’ethnologie et dans l’histoire des religions. C’est en vue de cette situation morale et des dangers qu’elle fait courir à la vérité religieuse qu’a été conçu et réalisé le projet de ce Dictionnaire apologétique. Il est destiné, dans notre intention, à mettre à la portée et, pour ainsi dire, sous la main de tout lecteur de bonne volonté les preuves principales de la foi catholique, avec les réponses les plus solides aux objections de toute nature que l’on fait contre elle. Nous y avons condensé et mis en lumière une multitude d’arguments, de faits et de renseignements, qu’on ne pourrait se procurer ailleurs que par l’étude d’un grand nombre d’ouvrages, au prix de beaucoup de travail et d’argent. Tel a été notre but.

II. Principes suivis dans la composition de cet ouvrage. — Les principes qui, à notre avis, doivent guider l’apologiste catholique, lorsqu’il se place au point de vue indiqué ci-dessus, et que nous avons cherché à suivre fidèlement dans la composition de ce Dictionnaire, peuvent se ramener aux quatre suivants : Orthodoxie, Impartialité, Science et Charité.

Orthodoxie. — Nous plaçons l’orthodoxie au premier rang, parce que l’apologiste qui, pour les besoins xv… EXTRAIT DE LA PREFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

de la défense, allère ou abandonne com ne insoutenable un point quelconque, même secondaire, des doc. Irines nue l’Eglise impose à la croyance de ses enfants, renverse par la base toute la démonstration de la foi catholique. Bn effet l’Eglise se proclama établie de Dieu pour enseigner la vérité religieuse et infaillible dans l’exercice de cette mission ; si donc l’on concè le que l’un des points de la doctrine qu’elle impose à la foi de ses enfants est une erreur, on concè le par là-même qu’elle n’est pas infaillible, qu’en s’attribuent I fl privilège elle se trompe ou bien elle nous trompe, et que, par conséquent, elle ne vient pas de Dieu. En matière apologétique s’applique rigoureusement la parole du Seigneur : « Qui ergo solverit unum de maiidati 3 istis minimis, et docuerit sic bomines, miniums vocabitur in regno cu-lorum. » (Malt, v, 19.)

Mais si c’est une loi inviolable pour l’apologiste de n’abandonner aucun des points de doctrine imposés par l’Eglise à notre croyance, c’est aussi pour lui une règle stricte de ne rien ajouter à cette doctrine de son propre fonds ou sur l’autorité de qui que ce soit. La violation de cette loi constituerait de sa part une faute très grave. En effet, il usurperait un p >uvoir qui ne lui appartient pas, en présentant comme une vérité certaine de la foi catholique une doctrine que l’Eglise ne propose pas comme telle, et il jetterait une regrettable confusion dans les esprits, en défendant comme également incontestables des propositions dont les unes sont garanties par une autorité infaillible et les autres par son propre jugement privé. Agir ainsi, c’est défendre, non pas la foi de l’Eglise, mais les croy.inces personnelles de l’apologiste, deux choses qu’il importe de ne pas confondre. C’est donc une règle sacrée pour le défenseur de la foi de ne jamais soutenir, comme faisant partie du dogme catholique, aucune proposition qui n’ait été l’objet d’une définition infaillible de l’Eglise, ou qui n’appartienne incontestablement à son enseignement ordinaire et universel.

Toutefois la tâche de l’apologiste n’est pas limitée à la défense des vérités que l’Eglise impose à notre foi ; elle comprend encore d’autres objets. C’est d’abord la défense des doctrines qui, sans appartenir incontestablement à la foi catholique, sont communément reeues dans l’Eglise, que le Saint-Siège favorise en les faisant enseigner dans ses écoles et en censurant les opinions opposées, comme fausses ou dangereuses. L’apologislen’est pis obligé de soutenir ces d îctrines communes dans l’Eglise comme infailliblement vraies ; il doit même faire observer que la vérité n’en est pas garantie par la décision de la suprême autorité ecclésiastique ; mais il lui incombe de montrer que l’Eglise, en les favorisant, suit ordinairement les règles de la prudence et travaille en faveur de la vérité. Nous disons « ordinairement », parce qu’il n’est pas impossible que l’erreur se glisse dans une sentence provisoire rendue en faveur d’une doctrine commune, mais laissée à l’état d’opinion ; l’apologiste doit proclamer cette possibilité d’erreur, et, le cas échéant, reconnaître loyalement l’erreur commise.

L’Église n’est pas seulement attaquée dans son enseignement, elle l’est aussi dans sa conduite, et c’est là un autre objet de la tàehe le l’apologiste contemporain. Les apologistes des premiers siècles n’avaient pas à traiter ce genre de difficultés, puisque l’Église n’avait pas encore d’histoire ; mais aujourd’hui elle a derrière elle un passé de dix-huit siècles, et il faut montrer que, pendant ce long espace de temps, elle a constamment porté les caractères d’une œuvre divine, que jamais elle n’a rien fait, rien subi qui dénote une institution d’origine purement humaine. Cette preuve de la vérité de la foi catholique, à laquelle cba. que siècle apporte un nouvel éclat, est attaquée de mille manières, et il incombe à l’apologiste de repousser ces attaques ; miis q telles règles l’orthodoxie lui ira ; >ose-t-elle en cette matière ? Ces règles découlent des deux principes suivants : premièrement L’Église n’est jamais abandonnée par Jésus-Christ, son divin fondateur ; secondement l’Eglise est composée d’hommes soumis aux infirmités humaines. Du premier de ces principes ilsuitqie L’Église, eu aucun temps, dans aucune circonstance, n’olTre rien dans son histoire qui soit incompatible avec les privilèges d’une société spécialement assistée de Dieu pour l’accomplissement de sa mission, que l’ensemble de ses lois, de ses actes et des résultats obtenus par elle porte la marque de l’assistance divine. Par conséquent l’orthodoxie nous oblige à soutenir et à montrer : que jamais l’Église n’a ordonné ni approuvé aucun acte, aucun usage qui fût opposé soit à la loi naturelle, soit à la loi positive de Dieu, que sa législation a toujours été sage et propre à produire la sanctillcition des hommes, qu’en réalité elle a produit cette sanctification dans une mesure sullis ante ; mais elle ne nous oblige pas à soutenir que ses lois et ses procédés ont toujours été de la plus grande perfection et de la plus grande opportuni’.é possibles. Dusecond princip ; en tnoé il suit qu : les m -m’ires de l’Église, les papes, les évéques, les prêtres, les religieux ont inévitablem >nt succombe, en plus ou m >ins grand nombre, aux faiblesses humaines. L’orthodoxie ne nous oblige donc pas à pren Ire toujours la défense de la conduite des papes, des évéques. des prêtres et des or. 1res religieux : elle nous coin nande même, en certiins cas, de la condamner hautement, puisque l’Eglise elle-111 ai a publiquement reconnu, à diverses reprises, la culpabilité de plusieurs de ses ministres, et la réalité des abus qui s’étaient introduits dans son sein. En somme, l’orthodoxie de l’apologiste consiste à défendre tous les points de l’enseignement de l’Eglise, en matière de dogme et de me 1rs, avec le d >gro de certitude 0.1 de probabilité qu’elle leur attribue elle-même, sans y rien ajouter et sans en riea retrancher ; nom avons conscience de n’avoir rien négligé pour rester fidèle, dans le présent Dictionnaire, à cette règle fond im-ntile de l’apologétique catholique. EXTRAIT DE LA PRÉFACE DE LA PREMIERE EDITION xix

L’impartialité. — La seconde loi qui s’impose à l’apologiste est celle de l’impartialité. L’impartialité n’est, au fond, qu’une forme spéciale de la justice ; dans le cas actuel, c’est la ferme disposition à attribuer à chaque argument, à chaque opinion, la force probante ou la valeur qui iui appartient, et qu’un homme ami de la vérité doit lui reconnaître. Or, le jugement porté sur une opinion, ou sur un argument, dépend surtout des principes qui constituent, pour chaque individu, la règle d’après laquelle il mesure la vérité des choses, et de là est né le préjugé si répandu que l’apologiste ne peut être impartial ; c’est, dit-on, un avocat et non un juge. Les motifs qui, dans l’opinion commune, doivent toujours faire soupçonner l’impartialité de l’apologiste sont les deux suivants : le premier est sa conviction même, et le second est son désir de réussir, aux yeux du lecteur, dans la tâche qu’il entreprend. Examinons de près ces deux causes prétendues de la partialité imputée à l’apologiste.

La première, si elle exerce une influence quelconque, agit sur tout homme qui entreprend de traiter sérieusement la question religieuse ou même n’importe quelle question : elle inllue également sur tous, croyants, incroyants ou sceptiques. En effet, il faut supposer chez l’auteur qui veut traiter sérieusement les questions d’apologétique, une étude préalable suffisante, sans laquelle il serait évidemment incapable de pénétrer à fond les arguments et d’en apprécier la valeur. Or, cette étude l’a nécessairement conduit à la persuasion, soit de la vérité de la foi catholique, soit de sa fausseté, soit de son incertitude. Dans le premier cas, il ne peut être impartial, dit l’objection, parce que sa conviction l’entraîne invinciblement à exagérer la valeur des arguments favorables et à diminuer celle des arguments opposés. Il faut évidemment en dire autant de l’incroyant, que la persuasion de la fausseté de la religion entraîne en sens contraire. Reste donc le sceptique, celui dont la persuasion est que la vérité de la religion est douteuse, qu’elle ne peut être connue avec certitude. Sa condition est-elle meilleure que celle du croyant ou de l’incroyant ? Eu aucune façon. Car sa conviction que la certitude est impossible, en cette matière, l’entraînera naturellement àdiminuer la valeur de tous les arguments capables de convaincre en un sens ou dans l’autre et à exagérer celle des arguments opposés soit à la foi, soit à l’incrédulité. Si, en elfet.il reconnaissait la force démonstrative d’un seul argument, n’importe en quel sens, sa conviction serait logiquement détruite, et il deviendrait par le fait même croyant ou incrédule. Sa situation, au point de vue de l’impartialité, est donc absolument la même que celle des autres : son esprit est préoccupé par une conviction d’après laquelle il juge, celle de l’incertitude de la vérité religieuse. Si le préjugé vulgaire contre l’apologiste était fondé, il faudrait donc admettre cette conclusion absurde : Quiconque a suflisamment étudié la question religieuse pour se faire une conviction est incapable de la traiter parce qu’il est partial ; celui-là seul peut la traiter avec impartialité, c’est-à-dire avec justice, qui ne l’a pas étudiée !

Le second motif allégué contre l’impartialité de l’apologiste a moins de valeur encore. On dit, en effet, que le défenseur de la religion est porté à altérer 1° vérité, ou du moins à la voiler, par le désir qu’il a de faire triompher la religion plus complètement aux yeux de son lecteur : en d’autres termes, on suspecte sa loyauté à cause de son amour pour la religion et aussi à cause de sa vanité intéressée à gagner devant le lecteur la cause dont il a pris la défense. Mais s’il en coûte au croyant d’avouer qu’il ne voit pas la solution de telle dilliculté, dirigée contre la foi chrétienne, ou que telle preuve invoquée par lui n’a pas toute la valeur désirable, l’aveu est-il moins pénible, en pareil cas, pour l’athée ou pour le sceptique ? Ceux-ci désirent-ils moins vivement que lui triompher aux yeux de leurs lecteurs ? Si cet argument était fondé, il ne serait plus jamais permis de prendre la défense d’aucune opinion, même pour soutenir qu’elle est douteuse, sans s’exposer au soupçon de manquer de loyauté. L'écrivain est protégé contre la tentation de déloyauté dans la controverse par la voix de sa conscience, qui lui commande de respecter avant tout la vérité, et celle voix se fait entendre aux amis comme aux ennemis de la religion. Chez les catholiques, elle est fortifiée par la voix de l’autorité exlerieure.de l’Eglise, qui commande à l'écrivain de défendre sa religion par la vérité et seulement par la vérité. Naguère encore, dans son Bref S.rpenitmero considérantes (i * s 3), le chef de l’Eglise rappelait solenne.lement celle loi : « Avant loul, disait il. que les écrivains aient ceci présent à l’esprit : la première loi de l’histoire est de n’oser rien dire de faux, ensuite c’est de ne pas craindre de dire la vérité quelle qu’elle soit et de ne prêter à aucun soupçon de (laiterie ou d’animosilé (i). « 

Le commandement de la conscience, commun à tous les hommes et ensuite le commandement de l’Eglise. acre pour tout catholique, voilà ce qui protège l’apologiste contre la tentation de partialité, et doit écarU i 'le lui autant et plus que de tout autre, le soupçon de déloyauté dans la discussion.

Mais il y a plus, l’apologisle catholique se trouve placé, sous le rapport de l’impartialité, dans une condition beaucoup plus favorable que ses adversaires. En effet, la conviction absolue qu’il a de la vérité de la religion et de son triomphe final, la solidité des preuves qui l’appuient, solidité attestée par l’expérience

(I) 'i lllud in primis scribentium observetur animo : prima m eue hiatoriæ legem ne quid falti dicere audeat deinde rpiid veri non audeat ; ne qua ratio : lit in acribendo, 0, 0 quo limultotis. » xx EXTRAIT DE LA PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITA N

de dix-huit siècles de discussion et par le témoignage de tant de grands génies, lui permettent de dédaigner les aililiccs de langage et de raisonnement, qui s’imposent aux défenseurs de » systèmes incertains et nouveaux. Il est dispense de la nécessita de faire, comme eux, flèche de tout bois. L’impuissance même dans laquelle il peut se truiner de résoudre une dilliculté i ni | revue ne le déconcerte ni lie l’elliaie ; il sait que la réponse existe certainement et que, s’il peut la trouver lui iiicuir, un autre la trouvera. Rien donc ne l’oblige à se réfugier dans l'équivoque ou dans le sophisme, comme ses adversaires sont trop souvent contraints dç le faire pour appuyer leurs théories personnelles, toujours chancelantes et incertaines de l’avenir. Enfin la religion est pour lui une chose sacrée, qu’il ne eut sans sacrilège défendre par des armes indignes d’elle. Il sait que tôt ou tard ses sophhmes et sa duplicité seraient j ercés à jouret deviendraient une flétrissure pour la cause sainte dont il a pris la défense. Son amour même et son resj>ect de la religion lui font une obligation sacrée de la sincérité la plus complète. Nous croyons pouvoir compter que jamais aucun soupçon de partialité ne viendra même à l’esprit des lecteurs de cet ouvrage ; tous reconnaîtront aisément que l’impartialité la plus complète a présidé à L’exposé de-pn uvt —, ainsi qu'à celui des objections et de leurs solutions.

Science. — Mais si la bonne foi et la droiture du coeur suffisent, avec la grâce de Dieu, pour faire un croyant, elles ne suffisent pas pour faire un apologiste. Autre chose, en (fiel, est la conviction que l’on a de la vérité, autre chose la démonstration que l’on en fait. Pour prouver à autiui la vérité de la ieligion, il faut plus qu’une conviction solide ; il faut la science, et une science très élendur. Eu effet, il faut à l’apologiste la science de la théologie et de la philosophie, c’est à- dire la connaissance approfondie de tout ce que l’Eglise enseigne et des preuves sur lesquelles s’appuie cet enseignement ; il lui faut la connaissance des eliverses sciences humaines, dans lesquelles les adversaires sont allés chercher des difficultés contre la vraie foi, et cette connaissance doit être profonde, non superficielle, atiu que la force des arguments soit bien saisie et bien exposée. C’est ce qui nous a déterminé à faire appel, pour ce Dictionnaire, à la collaboration d’un grand nombre de savants catholiejues. Aujourd’hui, en effet, le temps est passé où un seul auteur pouvait résumer toutes les connaissances de son temps ; telle est actuellement la variété, telle est l'étendue des diverses sciences humaines que nul homme, nul génie, ne peut se flatter de les posséder toutes à fond. Les seules sciences religieuses : philosophie, théologie dogmatique, théologie morale, Ecriture sainte, liturgie, droit canon, histoire ecclésiastiejue, approfondies avec tous les développements qu’elles ont reçus dans le cours des siècles, dépassent les forces intellectuelles de 1 individu. Or, a ces connaissances, l’apologiste contemporain doit joindre celle de l’histoire générale, de l’histoire des religions, de la linguistique l’ethnologie, de la géologie, de la préhistoire, de la cosmologie, d’une ceitaine partie de la médecine, de l'économie politique, etc. De cet état de choses, il résulte que les questions d’apologétique ne peuvent plus aujourd’hui être traitées à fond que par des spécialistes. Comme le montrent les signatures des articles du présent ouvrage, nous avons fidèlement suivi cette règle de conduite. On n’y trouvera aucun article important, qui ne soit dû à une plume déjà exercée et connue par ses travaux antérieurs sur la question.

Outre la connaissance, qui est le fond de la science, il faut encore à l’apologiste la méthode et la forme scientifiques. Les esprits sont aujourd’hui tellement façonnés aux procédés en usage dans l'étude des sciences, qu’ils veulent les trouver partout, même dans les matières qui ne les comportent pas. Très souvent, il est vrai, ces procédés n’ont de scientifique que les apparences, et Le ublic s’en contente ; mais cela même est une nouvelle preuve de la fascination eju’exerce sur nos contemporains la forme scientifique donnée à l’argumentation. Au siècle dernier et dans les premières années du nôtre, l’apologiste accordait une grande importance aux preuves qu’on peut appeler sentimentales et littéraires : les harmonies du dogme et du culte catholique avec les besoins du ctvur humain et avec la nature maléi ielle, les ressources merveilleuses qu’ils fournissent pour la culture des lettres et des arts, tels (talent les arguments que nos devanciers aimaient à développer en les entourant de tous les charmes de la littérature. Aujourd’hui le goût et les besoins du public sont tout autres ; et c’est pour nous y conformer que nous aons choisi la forme du dictionnaire, forme qui exclut les développements littéraires et n’admet que les mots rigoureusement nécessaires à l’expression des idées. Pour le même motif, iu us avons relégué à l’arrière-plan L’argumentation qui se fonde sur certaines subtilités métaphysiques, et sur les vestiges, plus ou moins probables, d’une révélation primitive, le caractère de ces preuves, d’ailleurs très faibles en elles-mêmes, convenant peu à l’esprit positif de notre siècle. Le lecteur ne devra donc pas chercher ici les hautes et poétiques considérations « jui font le charme des livres apologétiques les plus célèbres chex nous, ni cette verve littéraire qai donne parfois tant d’attrait aux œuvres de aos polémlsti s. Ce sont des mérites que nous sommes loin de dédaigner, quoique leur influence réelle soit bien amoindrie élans notre iuor.de actuel ; mais la nature du présent ouvrage ne les comporte pas.

Charité. — La charité dont nous faisons l’un des principes de l’apologétique catholique ne doit pn « et"-* »

confondue uvec l’indulgence pour l’erreur, avec je ne sais quelle générosité, je ne sais quel libéralisme
xxi
EXTRAIT DE LA PRÉFACE DE LA PREMIERE EDITION

envers les idées fausses. Nous avons dit plus haut que l’apologiste doit soutenir la vérité catholique tout entière, et qu’à l’égard des doctrines contraires à l’enseignement de l’Eglise il doit être intransigeant. Mais il en va tout autrement des hommes qui soutiennent ces doctrines. Aux yeux de l’apologiste, l’adversaire de la religion, à moins de preuves manifestes du contraire, est toujours un homme de bonne foi, un ami de la vérité. Et ici la charité n’est souvent que de la justice. Autrefois les ennemis de la religion étaient presque toujours des rebelles, des hommes de mœurs dissolues, chez qui la bonne fois manquait totalement, ou chez qui l’erreur de l’esprit était la conséquence et le châtiment des vices du cœur. Il n’en est plus de même aujourd’hui ; la grande majorité des adversaires du catholicisme vit dans la bonne foi. Pour plusieurs, cette bonne foi a toujours été exempte de faute, parce qu’ils n’ont pas reçu le baptême, ou parce qu’ils ont été élevés soit dans une fausse religion, soit dans l’athéisme. Pour d’autres, leur erreur a été coupable à l’origine, mais ils sont depuis longtemps rentrés dans la bonne foi, et lorsque l’on considère tout ce qu’il leur aurait fallu de courage, de soins minutieux et constants pour conserver leurs croyances religieuses dans le milieu qui a entouré leur enfance ou leur jeunesse, on songe plus à les plaindre qu’à les condamner. Combien d’âmes, parmi nos frères séparés, parmi nos incroyants et nos sceptiques, ont soif de la vérité et la cherchent, mais hélas ! sans apporter à cette recherche le courage, parfois héroïque, qui serait nécessaire pour arriver à la conquérir ! Dieu nous garde de toute parole amère, de tout soupçon injurieux à leur égard ! Leur erreur se comprend trop aisément, quand on réfléchit à toutes les difficultés que présente la connaissance certaine de la foi catholique, pour qui n’a pas grandi dans le sein de cette unique Eglise du Christ, qui est la colonne de la vérité. Que d’objections et de difficultés de toute nature se présentent aux esprits, dont les préjugés sont malheureusement contre la vérité ! Les preuves les plus éclatantes de la divinité du christianisme, les miracles et les prophéties, sont elles-mêmes l’objet de tant d’attaques, qu’elles perdent une grande partie de leur évidence, lorsque des esprits, nourris en dehors de la vraie lumière, entreprennent de les étudier en détail ; un certain nombre d’objections ne sont résolues que péniblement par les défenseurs de la foi catholique, et les réponses n’ont pas toujours cette éclatante supériorité qu’on voudrait trouver du côté de la vérité. Ceux-là seuls, croyons-nous, peuvent nier les diffiuiltés sérieuses qu’offre l’étude de la religion aux homnes élevés en dehors d’elle, qui ne les ont jamais considérées de près et scrutées à fond. La charité s’impose à l’apologiste catholique, comme un devoir sacré, à l’égard de ceux qu’il combat. D’ailleurs, s’il était permis de nier ou de mettre en doute la bonne foi des adversaires, la discussion n’aurait plus raison d’être…

J.-B. Jaugky.
Auteuil, 28 juin 1888.
SUPPLÉMENT