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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Liberté, Libre arbitre

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 932-937).

LIBERTÉ, LIBRE ARBITRE. — On appelle liberté, libre arbitre. le pouvoir que possède l’être raisonnable de se déterminer lui-même entre divers objets que la raison prop’)se à son clioix. La liberté s’o])pose à la nécessité, soit à la nécessité de nature qui s’exerce au dedans de l’être raisonnable, soit à la contrainte venue du dehors. Elle se manifeste soit

par le choix entre l’agir et le non-agir (liberias exercitii), soit par le choix entre telle et telle action (liliertas specificationis).

Une expérience immédiate démontre la réalité de ce pouvoir, quelque peine qu’on puisse éprouver d’ailleurs à en déterminer exactement le domaine et à discerner quelques-unes de ses applications. Toute la vie morale des individus et des sociétés repose sur ce fondement ; que l’on supprime le libre arbitre, dès lors les mots de devoir, de responsabilité, de conscience morale, de mérite et de démérite ne seront plus que des non-sens. Aussi l’existence du libre arbitre est-elle une vérité d’ordre rationnel, avant d’être un dogme de la foi chrétienne. En affirmant ce dogme, l’Eglise a vengé du même coup l’ordre essentiel des choses, la dignité de la personne humaine et les droits de la raison.

La racine du libre arbitre doit être cherchée dans la constitution même de la nature raisonnable, qui ne trouve en aucun objet uni la pleine réalisation de ses aspirations vers le bien universel, et conséquemment peut hésiter entre divers biens particuliers, diversement estimables, dont aucun ne nécessite son choix.

Les objections modernes contre le libre arbitre ont été discutées ci-dessus à l’article Déterminisme. On a étudié le libre arbitre dans sa manifestation aux individus (article Conscience). On l’étudiera dans ses relations avec la règle suprême des actes humains (article Loi divine). Un article spécial a été consacré aux fondements seripturaires de la doctrine de la Grâce : secours divin destiné à parfaire le libre arbitre dans l’ordre du salut. Ici, on apportera seulement des considérations sommaires sur le libre arbitre envisagé dans ses relations avec la doctrine catholique.

l. Doctrine traditionnelle sur te libre arbitre. —

IL Décisions et déclunitions de l’Eglise touchant

le libre arbitre. — III. Controverses pendantes

entre les écoles catholiques.

1. Doctrine traditionnelle sur le libre arbitre.

— A. Ecriture. — L’existence du libre arbitre est partout impliquée, souvent énoncée en termes plus ou moins formels dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Qu’il sullise de rappeler les textes suivants ; Gen., IV, 7 : Nonne, si bene egeris, recipies : sin autem maie, statini in foribus peccatum aderit ? Sed sub te erit appetitus tuus, et tu dominaberis itlius. — Eccli, , XV, 14 : Deus ab initia constituit hominem et reliquit iltum in manu consilii sui ; xxxi, 10 : Qui prabatus est in illo et perfectus est, erit illi gtoria aeterna ; qui potuit transgredi et non est transgressus, facere muta et non fecit. — I Car., , 87 : Qui

statuit in corde suo /irmus, non habens necessitatem, potcstatem autem habens suæ voluntatis…

B. DocTRiNB DES PÈRES. — Lcs Pèrcs ont eu souvent occasion de défendre le libre arbitre, soit en réfutant le fatalisme astrologique, soit en vengeant la Providence contre les attaques des gnostiques et des manichéens. Tel dépassa même le but, par exemple Ohigène, rattachant à l’exercice du libre arbitre toute la différenciation des créatures raisonnables. Ilsoi àp/’M, passiin, notamment I, iv ; II. I. v ! ii. IX. x ; III, I. VI, /*. G., XI ; cf. A. d’Alès. Les erreurs d’Origéne, Etudes, t. CXLII, p. 312, 5 mars 1916. Mentionnons le traité de saint Méthode ri-ji T5J 5<ÙT£ ; ov(T(5v, dout uous avoiis (Ics fragments, P. G., XVIII. 289-266, et l’ouvrage très import. nnt de saint Auoustin contre les manichéens. De libéra iirbilrio libri III, /’. /.., XXXII, 12211810. Entre tous, l’évêque d’IIippone contribua à fixer la doctrine catholique sur le libre arbitre ; tous les 1853

LIBERTÉ, LIBRE ARBITRE

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Pèi’es laliiis postérieurs relèvenl de lui. Nous analyserons son ouvrage, écrit peu après son entrée dans TEjîlise (entre 388 et Sijô).

Sous forme lie dialogue avec son disciple Evode, Aujrustin aliorde l’examen de cette question : qu’est-ce que le mal dupéclié ? et comment Dieu, auteur de la nature, n’en doit-il pas être rendu responsable ?

— Le péclié est un désordre de l’àme, qui cède à la passion. D’ailleurs la passion n’est pas irrésistible ; le « ouvernement de l’homme appartient à la raison ; la raison ou la passion prévaut, selon que le libre arl)itre incline vers l’une ou vers l’autre. Tomber sous le jougde la passion est déjà un châtiment pour l’àme qui s’abandonne. Au contraire, celle qui s’attacUe au bien montré par la raison, entre dans la béatitude. (L. 1.)

Mais pourquoi laisser à l’homme cette redoutal>le option ? Si l’homme vient de Dieu, si le libre arbitre lui-même est un don de Dieu, si le libre arbitre est la conditioH du péché, comment la responsabilité du péché ne remonte- t-elle pas jusi|u’à Dieu même ? — C’est que le libre arbitre est d’aljord la condition du mérite ; Dieu en a fait don à l’homme en vue du mérite ; que l’iiomme en use pour une autre (in, il encourt le juste châtiment de Dieu. Mais d’où vient que ce don de Dieu peut être détourné de sa lin légitime ? Voilà justement le scandale. Pour lever ce scandale, il faut par-dessus tout adorer liumblement les mystères de la Providence. Trois considérations pe<ivent aider à lui rendre justice ; on ne saurait trop s’en pénétrer, i" Dieu existe ; il est le fondement immuable de toute vérité, de toute sagesse, le Bien suprême. 2" Il est la source universelle de l’être, l’auteur de tout bien, l’universelle Providence. 3" Parmi ces biens dont Dieu est la source, il faut nécessairement compter le libre arbitre. Car le libre arbitre est un bien de l’âme ; encore que l’iiomnie en puisse abuser, comme il abuse des biens du corps, ce bien doit être apprécié comme la condition essentielle du bien-vivre. Il y a en elfet tel bien dont nul ne peut abuser, comme la justice, la sagesse et en général les vertus ; mais il y a aussi tel bien de nature, dont on peut bien ou mal user : le libre arbitre est de ce nombre. L’usage, bon ou mauvais, ne doit pas être imputé à l’auteur de la nature, mais à la volonté créée, qui en décide. (L. II.)

Keste à expliquer l’origine de cette détermination coupable, par laquelle la volonté se détourne du bien immuable et se tourne, de préférence, vers des biens caducs. Comment l’accorder avec la prescience divine ? — Augustin répond que la prescience divine ne met pas plus obstacle à 1 exercice du libre arbitre que toute autre prescience, puisqu’elle n’exerce aucune pression sur la puissance appelée à faire son choix. D’autre part, le souverain domaine du Créateur se manifeste soit par le châtiment dvipéclié, soit par la conservation de la nature raisonnable qui, même viciée par le péché, l’emporte, par ses dons essentiels, sur tous les corps, et sur la lumière même. Des créatures impeccables, il en existe, déjà en possession de l’éternelle béatitude. Mais il convenait à la sagesse divine de livrer ici-bas les âmes à la conduite de leur libre arbitre, dussent plusieurs d’entre elles tomber dans le péché ou même y persévérer jus(]u’à la fin. Quand des hommes prétendent se désintéresser de la vie et accusent Dieu de leur malheur, ne les croyez pas : même le suicide est motivé par le désir du repos, que le désespéré s’imagine trouver dans la mort, c’est-à-dire d’un bien, car nul n’aspire au néant, comme tel. Mais comment Dieu n’empêche-t-il par cette àme d’aboutir à un malheur éternel ? Ses péchés et son malheur i étaient-ils donc nécessaires à la perfection de l’uni- I

vers ? — Réponse : ce qui est nécessaire à la perfection de cet univers, ce ne sont [jas les péchés, mais bien les âmes, et l’existence des âmes a pour corollaire inévitable le péché. D’ailleurs, le pécheur tombe sous la dépendance de créatures inférieures, chargées de rétablir l’harmonie dans l’œuvre divine. La justice de Dieu éclate dans le châtiment du péché. Les anges avaient péché de leur propre mouvement ; ils aggravèrent encore leur faute en provoquant la chute de l’homme : Dieu les traite sans miséricorde. L’homme a péché à l’instigation des anges : Dieu lui permet de se réhabiliter en faisant sienne la rédemption du Verbe incarne. Œuvre de scrupuleuse justice, cette rédemption toui’ne contre le démon ses propres armes, et l’abat sous les pieds de l’homme qu’il a vaincu. L’àme régénérée commande au corps, non toutefois avec ce plein empire qu’elle exerçait avant la chute. Soit par leur lidélilé, soit par leur châtiment, toutes les créatures raiso,.nables justilient la Providence, qui ne laisse ni la vertu sans récompense ni le péché sans châtiment. Sortie des mains de Dieu, la nature est bonne ; bon aussi l’usage légitime de ses puissances ; l’abus seul est mauvais, précisément parce qu’il déroge au plan divin. — Le disciple d’Augustin adhère à ces conclusions, mais insiste pour connaître la cause de la volonté qui rend la nature pécheresse. Augustin répond qu’il n’en faut pas chercher d’autre que la volonté elle-même. Deux choses demeurent certaines : i" sans libre arbitre, il n’y a pas de péché ; 2° avec le libre arbitre, on peut éviter le péché. Cependant l’homme déchu porte en lui-même des tares héréditaires : l’ignorance et les résistances de la nature, qui sont un juste châtiment du péché. (Quelque hypotlièse que l’on adopte sur l’origine des âmes, il suffit de s’attacher à l’atitorité de Dieu, inspirateur des Ecritures, pour trouver la Providence admirable en toutes ses voies. Les forces qui sollicitent le libre arbitrepcuventse ramener à deux. D’une liart, suggestion extérieure venant du tentateur : c’est aune telle suggestion qu’Adam succomba. D’autre part, attrait des objets inférieurs, ou charme intérieur de la nature qui se complaît en elle-même, au lieu de s’attacher au souverain Bien : ainsi tombèrent les anges. Heureuse l’àme qui, insensible à ces divers attraits, s’adonne tout entière à la contemplation de la justice, de la lumière éternelle, de la vérité et de la sagesse immualiles ! Elle goûte les prémices de l’éternité bienheureuse. (L. III.)

Dans cet écrit dirigé contre la secte manichéenne qui s’en prenait à l’reuvre du Créateur, Augustin ne touche qu’en passant aux relations du libre arbitre avec la grâce. Vingt ans plus tard, l’entrée en scène de Pelage, qui exaltait la puissance du libre arbitre jusqu’à méconnaître la nécessité de la grâce, devait l’amener à combler cette lacune. Il explique ce changement d’attitude dans les Jletiaciationes, I, IX, P. /,., XXXII. 596-699 ; voir encore Contia diias epistolas Pela^ianonim, ad Boriifaciiim liomanae Ecclesiæ episcopum, l, M, 2- ?>, P. /.., XLIV, 672673. Le De natura et gratia, P. L., XLIV, 247-290, oii Il prend position contre l’hérésie naissante, est de l’année ! ^b. Ses revendications portent sur les points suivants :

1° Il n’y a de salut qu’en Jésus-Christ et par sa grâce, selon Rom., iii, 23-2^ ; iv, 5 ; II Cor., iv, 13, 5, 17 ; Epli., ii, 3-5. — oT De nat. et grat., i, i ; iii, 3 ;

IV, 4 ; xLi, 48 ; xi.iv, 5 1-52 ; lxx, 84.

2° On distingue justement, du pouvoir d’être sans péché, le fait d’être sans péché, selon lo., xi. 43-41 j

V, 21. Mais le système pélagien, qui attribue à la nature le pouvoir, au libre arbitre le fait d’être sans péché, ruine la nécessité de la grâce. — De nat. et 1855

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grat., VII, 8 ; xLii, 49 ; xLvii, 55 ; xLviii, 56 ; li, bg.

3° Le libre arbitre n’est plus ce qu’il était dans l’étal de nature intègre, selon Gal., v, i^ ; fiom., vii, 151 8. — De nal. et gral., i, i ; ^l’K, 21 ; xxi, 23 ; l, 58mi, 61 ; Lv, 66-LVi, 67.

4" Impossible d’éluder les sentences de l’Ecriture sur l’universelle nécessité de la grâce, /o., iii, 5 ; Boni.,

V, 12. — De nal. et grat.. viii, y ; ix. 10.

5° La grâce est promise à la prière, selon Mat.,

VI, 13. — L’e nat. et grat., xii, 13 ; xiii, 14 ; xviii, 20 ; XXXV, 41 ; xmi, 50 ; xLiv, 52 ; lui, 62 ; lviii, 68.

6" Le péchélui-mènie peut être uncliàtiment divin, châtiment salutaire qui brise l’orgueil de l’homme. Rom., I, 21-31. — De nat. et grat., xxii, a4-xxxiv, 38.

7" En fait, l’Ecriture ne connaitpas d’iiomme sans péché — si l’on met à part, comme on le doit, la très sainte vierge Marie. II Cur., v, 21 ; IJeh., iv, 15 ; I Jo., I, 8 ; Mt., VI, 12 ; /’s., cxlii, 2. — De nat. et grat., xxxvi, 42-XLiv, 51 ; Lx, 70

8" Les textes empruntés parPélageàdivers auteurs catholiques, et notamment à Augustin lui-même. De liliero arhitrio. airirment les ressources foncières delà nature et le fait du libre arbitre, non la superfluité de la grâce. — De nat. et grat., lxi, 71-LXVIII, 82.

G. Doctrines scolatiques. — Nous nous contenterons d’analyser saint Thomas, qui explore toutes les parties de ce vaste domaine dans la xxiv’des Qiiæstiones disputatæ de Veriiale. Après avoir rappelé la parole de l’Ecriture, Eccli., xv, 14 : Deus ab initia corislitiiit lioniinem et reliquit eum in manu consilii aai, il allirme l’existence du libre arbitre dans l’homme, et l’appuie de trois preuves : la foi catholique, rattachant à l’exercice du libre arbitre le mérite et le démérite, le châtiment et la récompense ; rex[)érience humaine ; l’analyse rationnelle. La raison distingue diverses catégories d’êtres ; les uns n’ont pas en eux-mêmes le principe de leur mouvement (êtres inanimés) ; les autres ont eux-mêmes le principe de leur mouvement (êtres animés), mais ils .s’y portent ou bien par une détermination naturelle (animaux), ou bien par une détermination qu’ils se donnent h eux-mêmes, en orientant leur activité par un choix rélléchi entre divers moyens qui tendent plus ou moins eflicacement vers la fin de leur nature, ("c dernier cas est celui de l’homme, llnmo per iirtulein rationis iiidicans de agendis potesl de siio arhitrio iudicare, in quantum cognoscit ralionem finis et eius qiiod est ad finem et habitudinem et ordînem unius nd alterum : et ideo non est solum causa sui ipsius in movend(>, sed iniudicando ; et ideo est liheri arbitrii, ac si diceretur nrbitrii de agenda wel non agendo (art. 1).

La racine du libre arbitre est dans lajaison, ca|)able <Ie concevoir l’universel, de comparer et de clioisir. Dépourvus decette faculté, les animaux sont également dépourvus de libre arbitre, encore qu’on trouve en eux une i>uissance estimative, dont les déterminations présentent quelque analogie avec celles du libre arbitre (art. 2).

Le libre arl)itrc est excellemment en Dieu, sans les infirmités inséparalilesdeson exercice chez l’homme. En effet, la volonté divine trouve dans l’Etre infini qu’est Dieu son plein contentement ; son choix ne s’exerce qu’entre les divers moyens possibles de manifester extérieurement les perfections divines. Dès lors, on voit que le libre arbitre en Dieu ne peut se porter au mal, mais seulement à diverses sortes de biens. Il s’y portesans délibération, parce que toutes choses sont élernellement présentes au regard de Dieu. Celte pronqititude dans le choix distingue l’exercice du libre arbitre en Dieu — et aussi chez l’ange — de l’exercice du libre arbitre chez l’homme.

condamné par sa condition présente aux lenteurs et aux hésitations d’une connaissance discursive (art. 3).

En soi, le libre arbitre n’est rien d’autre que la volonté, en tant qu’elle a le domaine de ses actes (art. 4)- Faculté simple qui, à la lumière delà raison, aiguille, chacune dans sa voie, les diverses puissansances de l’homme ; le choix est son acte propre (art, 5-6),

La vue des écarts du libre arbitre suggère cette question : une volonté créée peut-elle être naturellement (c’est-à-dire par ses propres forces) confirmée dans le bien, au point de n’en pouvoir plus déchoir ? Il faut répondre : non. Car c’est le propre de la volonté raisonnable de tendre au bien universel, et c’est le propre de la volonté créée d’y tendre par des voies particulières. Dans ces voies particulières, elle peut toujours s’égarer, n’étant point naturellement fixée dans le bien infini, qui seul la préserverait de toute erreur (art, 7), Maiscequi surpasseles forces de la nature, n’est pas impossible à la grâce. Une fois parfaitement uni à Dieu parle don divin, le libre arbitre devient participant de l’immutabilité divine et ne peut plus se porter au mal. Telle est la condition des bienheureux dans le ciel (art, 8), Sur terre, on ne peut concevoir un tel alTerraissement dans le bien, rendant métapl13’siqueinent impossible une déchéance. On peut seulement concevoir un secours si puissant de la grâce et une providence si spéciale, que tout danger soit elfectivement conjuré, comme il advint de la Très sainte Vierge durant toute sa vie et, à un moindre degré, de plusieurs saints personnages (art, 9). Par contre, les démons sont enfoncés dans le mal, au point de n’en plus pouvoir émerger, et cette perversion irrémédiable procède de trois causes : la rigueur delà justice divine, qui abandonne à eux-mêmes ces esprits damnés par eux-mêmes ; la profondeur du péché des anges, qui implique une totale aversion de Dieu, car ces volontés spirituelles ne se partagent pas entre plusieurs objets ; enfin leur malice très spéciale, car ils ont péché dans la lumière de Dieu (art. 10), Sur terre, nul n’est à ce point alfermi dans le mal : radicalement impuissante à se relever par elle-même, la nature viciée peut bien opposer aux appels de la grâce une résistance presque insurmontable ; néanmoins, le libre arbitre n’est pas encore brisé jusqu’à ne plus pouvoir produire aucun bon mouvement (art, 11).

Les sollicitations du mal trouvent dans la nature un accueil tout différent, selon qu’elle est ou non ornée de la grâce sanctifiante. Le libre arbitre appesanti par le péché mortel incline déjà vers le mal ; il offre une proie toute prête à la tentation. Capable de repousser chaque assaut en particulier, il cédera tôt ou tard à des assauts multipliés, si la grâce de Dieu ne lui vient en aide (art. 12). Au contraire, le libre arbitre assisté de la grâce sanctifiante opj>ose à la tentation un principe actif de résistance ; il peut faire immédiatement face au danger présent. D’ailleurs, l’avenir ne luia|ipartient pas : la persévérance est un don de Dieu, effet d’une grâce particulière (art. 13).

Le libre arbitre est puissant pour le bien, mais seulenu-nt dans l’ordre de la nature, à moins d’être soulevé par la grâce. Sans la présence habituelle de la grâce, il ne peut poser aucun acte méritoire de la vie éternelle (art. 14) ; il ne peut même, sans l’impulsion de la grâce, se préparer à la justification : dans l’ordre du salut, l’initiative appartient à Dieu (art, 15).

Voir encore Somme théologique, I’p., q. ig ; 63 ; 83 ; I" II » « , q. 109 ; Contra Génies, I, 88 ; III, 78 ; 8q ; 148. 1857

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II. Décisions et déclarations de l’Eglise relative au libre arbitre. — Deux sortes d’hérésies se sont élevées eontre le libre arbitre : les unes l’exaltaient au nom du naturalisme, les autres le déprimaient au nom du fatalisme ou du quiélisme. Aux unes et aux autres, rEy : lise a opposé, au cours des siècles, de multiples né}^ : ations.

Le pétagianisme est le type des hérésies naturalistes, exaltant outre mesure le libre arbitre. Pelage niait la déchéance originelle et affirmait la suffisance de la nature pour l’accomplissement intégral des comuiandemcnts divins. Les conciles de Milève (416) et de Carlhage (418) rétablirent la doctrine catholique, can. (5.7. 8, D.B.jio/i (68) ; 107(71) ; 108(72) ; le pape S. Zosimb y ajouta sa sanction. A son tour, le pape S. Célkstin, rééditant les enseignements de S. Innocent et de S. Zosime, affirma la nécessité de la grâce divine pour i-endre au libre arbitre sa vigueur, atteinte par le péché (43 1). De gratia indiciilus, notanmient c. 4. 7- 8. 10. 12, D. B., 130 (88) ; 133 (91) ; ’34 (9-2) ; 136(94) ; i 4’(96). Contre une forme plus subtile de la même erreur, le second concile d’Orange (5^9) affirma, non plus seulement l’insuffisance delà naturepour accomplir toutela loi divine, mais son impuissance radicale pour toute initiative quelle qu’elle soit, dans l’ordre du salut. Notamment can. i. 8. 9. 13. ai. 23. 25, D. B., I74(144) ; 181 (15 i) ; i 82 (152) ; .8fi (156) ; 194(164) ; 196 (iGG) ; 198 (168) ; 200 (169). La sanction de Boniface III donna à ces enseignements pleine autorité dans l’Eglise. Au Moyen âge, le III" concile de Valence (855), à l’occasion des erreurs prédestinatiennes, s’établissait expressément sur le terrain des conciles d’Afrique et d’Orange, can. 6, D. B., 325 (288). Parmi les erreurs d’ABÉLAno, le concile de Sens (II 40) notait un retour au pélagianisnie, n. 6, D. B., 378 (315). Les débuts du protestantisme furent aussi marqués par une nouvelle renaissance pélagienne autour de Zwingle ; le concile de Trente en prit occasion d’exposer et de préciser, dans sa sixième session (13 janvier 1047), la doctrine traditionnelle sur la justilication, qui est essentiellement l’œuvre de la grâce divine, avec le concours du libre arbitre. Voir surtout ch. i. 3. 5. 6. ii.D. B., 793 (e75) ; 795 (677) ; 797 (679) ; 798 (680) ; 804 (686). et can. i. 3, D. B., 81 1 (G93) ; 813 (696). Le naturalisme moderne, exaltant indiscrètement l’initiative et l’autonomie de l’homme, présente, dans quel(iues-unes de ses manifestations, une réelle affinité avec d’anciennes erreurs sur le libre arbitre. Ainsi Vamérlcanisine, préconisant l’exercice des vertus naturelles et spécialement des vertus dites actives, au détriment des vertus chrétiennes, méconnaissait la faiblesse et l’indigence de l’homme déchu. Cette apothéose du libre arbitre a encouru les condamnations de Lko.nXIII, Ep. Testent henevolentiae, 2 janv. 1899, 0. B., 1971 ; 1972, et de Pie, Encycl. Pascendi, 7 sept. 1907, D. B., 2104.

Les erreurs commises au préjudice du libre arbitre sont plus variées que celles commises à son avantage ; elles ont donné lieu à des condamnations plus nombreuses.

Au VIII » et au ix* siècle, le prédestinatianisme sévit en Espagne et en Krance. Dans une lettre aux évêqiies espagnols (785), le pajie Haduikn I* délimite le champ de la prédestination divine : Dieu a préparé lis mérites des justes et leur récompense ; il n’a point préparé les démérites des pécheurs, mais il les a prévus et, en conséquence de ces démérites, il leur a préparé des supplices éternels. D. B., 300 (a51). Les conciles de Chiersy (853). contre Gottes-CHALK, et de Valence (855), contre Jean Scot Eki-GÈ. xB, reprennent et précisent cette doctrine. Chiersy, can. I. 2.3. 4, D. B., 316(279) ; 317 (280) ; 318 (281) ; Sig

Tome II,

(282) ; Valence, can. 2. 3. D. B., 821 (284) ; 322 (280). Le breuvage du salut est préparé à tous ; à chacun de le boire, et c’est l’œuvre du libre arbitre. Saint Léon IX rappelle la même vérité dans son symbole de foi (io53), D. B., 348 (296).

Le concile de Vienne (1311-1312) s’éleva contre la chimère quiétiste des Béguards, qui prétendaient que l’homme peut parvenir en cette vie à une complète iuipeocabilité. D. B., 471 S(|q. (399 sqq). Le concile de Constance (14l5), puis Mauti.n V (1418) condamnèrent, entre les erreurs de Wiclbfp, le fatalisme absolu ; n. 27, D. B., 607 (503).

Luther ayant insiste sur la déchéance du libre arbitre jusqu’à fermer le ciel aux âmes de bonne volonté, LÉON X réprouva ces doctrines désolantes. Bulle Exsurge Domine (b iuin 1620), n. 3. 36, D. B., 743 (627) ; 776 (660). Le concile de Trente, dans son décret sur le péché originel, spécifla que la concupiscence, à laquelle l’Apùlre donne parfois le nom de péché (Rom., iv, 12 sqq.), n’est pas, selon l’enseignement de l’Eglise, un péché proprement dit, mais seulement un fruit du péché et un poids qui incline l’homme au péché. Sess. v (17 juin 1546), c. 5, D. B., 792 (674). Dans son décret sur la justilication, le Concile revint sur cette matière, pour alhrmer que le libre arbitre, encore qu’atteint et affaibli par le péché, n’est pas frappé à mort. Sess. vi (13 janv. 1547), c. i, D. B., 793 (O7.5). Contre la théorie de la justilication définitive par la foi seule, il maintint le rôle essentiel du libre arbitre dans la justification du pécheur, où Dieu exige sa coopération, can. 4. 9, I). B., 814 (696) ; 819 (701), et son infirmité native qui l’expose à pécher encore, can. 23, D. B., 833 ("15).

La doctrine luthérienne du serf arbitre avait poussé des racines jusque dans le sol catholique : on la retrouve au fond des propositions de Baïus sur la corruption foncière de la naiure et la nécessité universelle de la grâce. Sous prétexte de s’opposer au pélagianisme, Baïus damnait le libre arbitre, dont il ne conservait le nom que jiour l’assujettir en fait à la nécessité inéluctable de pécher en tout ses actes. S. Pie V réprouva le système (1067). Voir notamment prop. 8. 25. 27. 28. 30. 35. 36. 87. 39. 40. 4 i. 50. 51. 59. 65. 66. 67. 76 ; cf. D. B., looi à 1080 (881 à 960).

Mais l’antithèse de la grâce omnipotente avec la nature pécheresse, âme du système baianiste, devait se survivre dans le /aHse » ; i’me. Les cinqpropositions extraites de VAugustitiiis et condamnées par Innocent X (3 1 mai i 653) en sont pleines. Voir proj). 2. 3. 4, D. B., 1093 (967)^094 (968). Il en est de même de plusieur propositions condamnées par Alexandre Vlll (7 déc. 1690), notamment I. 2. G 8, D. B., 1291 (II 58) ; 1292 (1109) ; 1296 (11 63) ; 1298(1165). Sous une forme plus atténuée, Qoesnel professe encore la stérilité complète de la nature, l’activité exclusive et irrésistible de la grâce. Parmi les propositions notées dans la bulle Unigenitus de Clément XI (8 sept. 1 713), voir i. a. 3. 4- 9- 10. ii. 17. ai. 2a. 23. 36. 87. 38. 64. 69, cf. D. B., 1351 à1451 (1216 à 1316). Le synode janséniste de Pistoie y revint encore ; dans la bulle Auclorem fidei (28 août i 794). Pie Vlalïirme une fois de plus que l’homme a le pouvoir de résister à la grâce intérieure du Christ, prop. 21, D. B., 1521 (138’i) ; il réprouve expressément la doctrine du double amour dominant et irrésistible, qui ne laisse pas (le milieu entre l’opération divine de la grâce et l’opération damnable de la nature, aS. 24, D. B., 1523(1386) ; 1524 (1287).

Beaucoup ])lus rares sont les traces de l’erreur quictist<>^ condamnée par Innocent X en la personne deMicnEL de Molinos(19 nov. 1687), voir prop. Sa. 55.56. 62, D. B., laai à 1288 (1088 à 1155).

&9 1859

LIBERTE, LIBRE ARBITRE

1860

An six’siècle, Pie IX revendiqua, contre le traditionalisme, l’aptitude de la raison humaine à établir le fait du libre arbitre (i 855). Proposition de BoNNETT Y, 2, D. B., 1650 (1506). Le concile du Vatican signala, parmi les caractères de l’acte de foi salutaire, la liberté, qui en fait un acte méritoire d’obéissance rendue à Dieu sous l’influence de la grâce (24 avril 1870), Sess. III, Constitutio dogmatica de fide catliolica, 3, D. B., 1791 (iC40).

III. Controverses pendantes sur le libre arbitre. — Les délinilions de l’Ejjlise, en protégeant la doctrine du libre arbitre contre les erreurs qui la compromettent par excès ou par défaut, laissent un large cliamp ouvert à la discussion. Dès qu’on entreprend de concilier l’exercice du libre arbitre avec la prescience divine et le gouvernement divin, spécialement avec les opérations de la grâce, on rencontre le mystère. Saint Aucrsnx le constatait déjà, Liber de gratia Christi, xLvii, 52, P. L., XL1V, 383 : Isla quæstio, uhi de arbitrio vtiluntatis et Dei gratia dispiitatur, ita est ad disceriiendum di//icilis ut qtiando defenditur liherum arbitrium, negari Dei gratia videatur, qnando autem asserilur Dei gratia, liberiim arbitrium putelur auferri. Sur cette question diflicile entre toutes, la pensée thcologiqiie a enfanté des systèmes, dont l’exposition détaillée serait déplacée ici. Nous ne dirons qu’un mot des célèbres controverses /Je auxiliis (grutiae) qui, à la lin du xvi » siècle, mirent aux prises deux écoles, sur une question toujours pendante.

L’une et l’autre école prétendait bien exposer la doctrine catholique conformément à la pensée du plus illustre Père de l’Eglise latine, saint Augustin, et du plus grand des scolastiques, saint Thomas d’Aquin. Mais pour expliquer les déterminations du libre arbitre, elles suivaient des voies différentes. La première école insistait principalement sur le souverain domaine de Dieu, moteur premier et universel, et le dominicain Ba.Xez, représentant extrême de cette tendance, faisait tout procéder d’une prédétermination pliysique, œuvre deDieumêrae, en vertu de ce principe par lui énoncé, In. I, q. 14, a. 13 : [Deus] est prima causa dans esse et i-irtutem et determinationem omnibus causis. L’autre écolerevendiquait pour la volontélibre l’initiative de ses déterminations ; elle rendait d’ailleurs compte de l’infaillibililé du gouvernement divin par la connaissance que Dieu a des déterminations liypothétiques de la volonté créée, connaissance à la lumière de laquelle il choisit les moyens convenables pour mener la créature à ses lins. C’est le système de la science moyenne, développé par le jésuite Moi.ina dans son livre célèbre : Liberi arbitrii cum gratine donis, divina præscientia, providenlia, prædestinatione et repnibatinne Concordia, publié pour la première fois à Lisbonne en 1588. Cette divergence fondamentale avait pour corollaires des conceptions différentes touchant le partage et la nature des grâces ; touchant le rôle du libre arbitre sous l’action de la grâce, selon la définition du Concile de Trente (sess. vi, can. ! ^, D. B., 814 [693]) ; touchant la tliéorie de la libertchumaine.

Dès son apparition, le livre de Molina fut dénoncé par Bafiez à l’Inquisition d’Espagne, et ce conflit entre deux théologiens devint la querelle de deux ordres religieux. Les dominicains accusaient la doctrine moliniste de restaurer le naturalisnie pélagien ; les jésuites reprochaient aux propositions bannésiennes de favoriser les erreurs protestantes sur le serf arbitre.

En ir)g4, , CLKMKNr’VIII évoqua la cause à son tribunal. Ce fut le signal des discussions fameuses qui s’ouvrirent en fait le 2 janvier 15g8 et durèrent dix

ans. Les dominicains y furent représentés par leur Maître général Beccaria, par les théologiens Alvarez, Ripa, Lemos, par le cardinal Berneri (Asculanus) ; les jésuites par leur Général Aquaviva, par les théologiens’Vasquez, Cobos, Arrubal, Bellarinin (bientôt créé cardinal), ’Valentia, Bastida. Après la mort de Clément Vlll (5 mars 1605), les débals reprirent sous Paul . Ils furent clos le 28 août 1 607 par une séance que présida le pape en personne, et à laquelle prirent part les cardinaux Pinelli, Berneri, de Givry, Blanchetto, Arrigone, Bellarinin, BufTalo, Taberna, du Perron. Le jjrocès-verbal de cette réunion, écrit de la propre main de Paul’V, a été retrouvé par le P. G. ScuNKEMANN.S. J., à la Bibliothèque Borghèse, et publié par lui en 1881 (Contro^’ersiarum de divinae gratine Uberique arbitrii concordia initia et progressas, p. 287-291. Reproduction phototypique à la fin du volume). En voici les conclusions. Sur les neuf consulleurs, trois se prononcèrent dans le sens bannésien, l’un avec beaucoup d’énergie (cardinal Berneri), les deux autres mollement (de Givry, Blanchetto ) ; deux parlèrent très énergiquement dans le sens molinisle (Bellarmin et du Perron), les quatre autres ne se prononcèrent pas. Voici le jugement personnel de Paul V :

Touchant la grâce divine, le Concile (de Trente) a défini que nécessairement le libre arbitre doit être mû par Dieu ; la ditBcuIté est de voir s’il est ntù pliysi(]uement ou moi-alement. Il serait bien désirable qu’on pùl écarter ces discussions de l’Eglise de Dieu, parce que les dissentiments engendrent souvent des erreurs, c’est pourquoi il importe de bien trancher les questions. Toutefois nous ne voyons ] » as que celle nécessité existe, parce que l’opinion des Dominicains dilTt-re beaucoup de celle de Calvin, atteiuîii qu’ils disent que la grâce ne détruit pas le libre arbiti’mais le perfectionne et fait que l’homme agi là sa manière, c’est-ù-dire librement : les Jésuites diffèrent des pélagien ^ qui mettaient en nous le commencement du saint, car lU atîîi’ment tout le contraire. Donc aucune nécessité ne presse d’en venir à une définition ; on peu ! remeltie l’alYaire, en attendant que le temps porte conseil. Quant à la proposition de faire une constitution pour déclarer les points qui sont hors de controverse, elle paraît inopportune, parce qu’elle n’est pas nécessaire et donnerait prise aux railleries des hérétiques ; s’il y a des jjfnpositions fâcheuses, on peut en recueillir quelques-unes et le saint Otlice pi’océderait contre ceux qui les ont émises.

On peut donc examiner plus mûrement cette question paiticiiliêre des propositions îi censurer) et en conférer avec les universités et les autres tliéologiens.

Que les censeurs regagnent leurs résidences ; que leurs secrétaires demeurent (ce qui fut tt|)prouTê de tous) ; qu’ils ne ]> ; irlent pas des résolutions et des discours tenus en congrégation ; qu’ils disent seulement que Nous ferons connaître plus tard la décision ; qu’en attendant, les censeurs et orateurs ont re^n leur congé. Nous avons défendu sous peine de censures de parler de tout ceci, même aux consulleurs.

Malgré ce dénouement, quiconsacrait le statu qu", le bruit se répandit, et fut entretenu avec persévérance, qu’à l’issue des controverses De auxiliis une bulle de condamnation contre la doctrine molinisle était toute prête, et que des raisons d’ordre politique en avaient seules arrêté la publication. On invoquait de prétendus ^Icta des Congrégations De auxiliis, attribués à Fr. Peila (}- 1612), auditeur île Rote, cl à Th. de Lemos, O. P. (f 1629). qui avaient été mêles à ces débats ; on produisait même le texte de la bulle de condamnation Apres un demi-siccle. Innocent X intervint (28 avril i(j5.’|) pour déclarer que ces documents ne méritaient aucune confiance : nullam ommino esse fîdem adliibendam, neque.,. allcguri passe aiit debere. Il y avait eu, de fait, un projet de bulle, dfi à la plume de Pierre Lombard, archevêque d’Arinagh ; mais ce document, œuvre d’un théologien 1861

LIEUX SAINTS (AUTHENTICITÉ DES)

1862

privé, ne reçut jamais aucune consécration ollîcielle.

(ScUNKKMANX, Op. cil., p. 2lj8.)

Depuis lors, et malgré les menées des jansénistes qui alTeclcrenl de s’abriter derrière la robe blanche des lils de saint Dominique pour faire la guerre aux jésuites, les deux écoles ont gardé leurs positions. En 1700, en pleine querelle janséniste, parut à Louvain Uistoria congregatiunum de auxiliis, uuctvre Attg. Le Blanc, s. theuL. doctore, qui rééditait d’anciennes attaques en les aggravant de calomnies récentes ; il faut renoncer à discerner dans ce livre la part d’Hyacinthe Sehry, O. P., qui avait tenu la plume, et celle de Qubsnel, qui surveilla l’impression. Il lui fut répondu sous le pseudonyme de Tueodo-Rcs Eleutubhcs par Liévin db Mkyeh, S. J., Ilistariae conlroversiarum de auxiliis libri VI, Antverpiae 1700 ; et : llisturiæ controiersiarum de auxiliis… ah ohjectioniius H. P. U. Serry viudicatæ librt 111, Bruxellis, 1716.

Il est horsdedoutequedesmalentenduschroniques contribuèrent à perpétuer le débat. Les lignes suivantes peuvent en donner quelque idée. Sertilla>-GES, Saint Thomas d Aquin, t. 1, p. 265-206 (Paris, 1910) : c …Que de poussière n’a-t-on pas soulevé autour de ces deux mots : prémotion physique, el la plupart ne se sont pas rendu compte que, si l’on veut parla qualiûer l’action même de Dieu conçue comme en relation avec la nôtre, d’abord on oublie cette loi générale que les relations ne sont pas de Dieu à nous, mais uniquement de nous à Dieu. Ensuite on commet, en ce qui concerne le cas présent, une triple hérésie verbale. Hérésie quant au plan de l’action, qui n’est pas le plan o physique », mais le plan ontologique ; hérésie quant à sa forme, qui n’est pas proprement « motion », mais création ; hérésie quant à sa mesure, qui n’est pas temporelle (prae…), mais immobile et adéquate à l’éternité. Toutes expressions de ce genre employéespar les grands penseurs doivent se comprendre comme qualiûant l’effet de la transcendance divine, non comme introduisant celle-ci, même à titre premier, dans l’ordre des moteurs et des mobiles, par conséquent dans l’ordre temporel. »

Le Saint-Siège montra toujours un ^and souci de sauvegarder l’honneur des écoles en présence. Pour écarter toute idée d’une solidarité entre les thèses bannésiennes et les erreurs jansénistes, le pape Benoit XIII, O. P., donna, le 6 nov. 172^, à la requête du Maître général des Frères prêcheurs, le bref Demissas preces, où on lit : Magno anima contemnite. dilecti filii, calummias intentalas sententiis vestris, de gratia præsertim per se et ab intrinseco efpcaci ac de gratuila prædestinatione ad gloriam sine ulla prae^’isione méritai um, quas laudabiliter hactenus docuistis et quas ab ipsis SS. ItD. Augustino et Thoma se hausisse et verbo Dei Summorumque Pontificum et Conciliorum decretis el Patrum dictis consonas esse schola testra commendahili studio gloriatur. — D’autre part, pour empêcher qu’on exploitât contre les autres écolescedocumenlet d’autres émanés de Clkmbxt XI et de Clément XII, ce dernier pape, par la bulle Apostolicæ Sedis, 2 oct. 1733, déclara :.Ventem tamen eorumdem prædecessorumnostrorumcompertam habentes, nolumus aut per nostras aut per ipsorum laudes thomisticæ scliolae delatas, quas iterato nostro iudicio eomprobamus et confirmamus, quidquam esse detractum ceteris scholis catholicis diversaab eadem in explicanda divinae graiiæ eflicacia sentientihus, quorum etiam erga S. Sedem præclara sunt mérita.

Sur le fond des choses, on peut souscrire à ce jugement du cardinal Billot, De gratia Christi, p. 16, Prali, 1912 : £cce iam dudum, hoc est a qua tuor circiter sæculis, acriter disputaiur in scholis de concordia divinæ graiiæ cum libéra haminis arbitrio : dum alii in ea abeunt placila quæ ab aliis ut plane etersiva ipsius liberi arbilrii reticiunlur, et isti iicissim in easveniuntexplicationes quæ ab illis traducuntur tanquam ex adversa e^ersisac fundamentdliiim principiarum metaphysicæ et naluraïis thealagiæ de prima causa et primo molare Dea. Atque ita contrariarum disputationum nullus terminus reperitur, imo nec reperiendi aliquando spes ulla aljulget. ^

Sur l’ensemble de la controverse, voir surtout : A. Scbneemann, S. J., Controi-ersiarum de divinae gratiæ liberique arbilrii concordia initia et prairessus, FriburgiBrisgov., 1881 ; P. F. A. M. Dum’mermuth, O. P., 5. Thomas et doctrina præmotianis pitysicae, seu responsio ad li. P. Schneemann S. J. aliosque doctrinæ scholæ thomisticæ impugnatores. Parisiis, 1886 ; V. Frins, S. J., Sancti Thomæ Aquinatis U. P. doctrina de cooperatione Dei cum omni natura creata, præsertim libéra, Tlespansio ad H. P. F. A. -M. Diimmermulh, O. P., Parisiis, 1892 ; P. F. A. M. Dummermuth, 0. P., Defensia doctrinae S. Thomæ Aq. de præmotione physica, seu responsio ad R. P. y. Frins, S. J., Lovanii, Parisiis, iSgS ; Th. de RegnoD, S. J., Banes et Molina, Histoire, doctrines, critique, métaphysique, Paris, 1883 ; Bannésianisme et malinisme, Faris, 1890 ; Hipp. Gayraud O. P.. Thomisme et molinisme, Toulouse, 188y ; même titre, réponse au R. P. Th. de Regnon, Toulouse-Paris, 1890 ; H. Gayraud, 5ai/ ! < Thomas et le prédéterminisme, Paris, 1890.

A. d’Alès.