Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Ordinations anglicanes
ORDINATIONS ANGLICANES. — Sommaire. /}ut de Vaitlcle. — Obiginb du schisme d’Henri VIII
(1530- 10/17). SEPARATION d’avec LE PaPE, MAIS MAINTIEN DES FORMES LITURGIQUES DU CULTE. NoU ieau.t : changements SOUS Edouard K/ (1547-1557).
— Innovations liturgiques. Doctrine nouvelle que ces changements visaient à exprimer. Sources du noKi’eau Prayer Book (le premier d’Edouard VI, 1549).’-" formula Missæ de Luther. Le premier Prayer Book, mutlation du Missel de Sarum. Le deuxième Prayer Book d’Edouard 17(1552). Nouvelles mutilations. — Introductio.v de l’Ordinal d’Edouard VI (1550). Les Eglises latiouales ont-elles le pouvoir Je régler leurs rit^i sacramentels ? Innocent f. Morin. Type ancien c mmun à toutes les formes d’ordination. La forme d’ordination de Bucer sert de modèle à l’Orainal anglican. Evêques consacrés sous Edouard VL d’après l Ordinal nouveau. Marie Tudor (1553-1558). Réconciliationavec Rome, Elisabeth (1558-1605). Rétablissement du schisme. Installation d’une nouvelle lignée d’évêques et d’un nouveau clergé. Les ordres des nouveaux évoques dérivent tous de l’archevêque Parker, 1163
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— Rejet formel et absolu des ordres anglicans PAR LE Saint-Siège sous Marie Tudor, sous Elisabeth et drpvis. Attitude pratique des autorités catholiques à l’égard de ces ordres (in^licaiis. — Nouvel EXAiMEN officiel de l’Ordinal anglican en 1685 et en 1704. Rapports de Geiietti, du Cardinal Casanala et d’autres coiisulteurs. La décision de I 704 n’est pas fondée sur l’absence de la tradition des instruments dans le rite anglican. — Histoire
DE LA controverse THÉOLOGIQUE SUR LES ORDRES
ANGLICANS. Im légende de ta ïète de clieval. Sauf quelques points superflus, les arguments apportés dès le début contre les ordres anglicans sont identiques en substance à ceux que devait sanctionner le Saint-Siège. Historicité de la consécration célébrée à Lambeth e/MÔSg. Examen de la question de la consécration de Barloty. — Résumé de la conduite
OFFICIELLE DE l’EgLISE ENVERS LES ORDRES ANGLI-CANS. Stade final (1896-1897). La Bulle Apostolicae curæ (1896). Accueil fait par les anglicans à la bulle Ordines Anglicani. Relation de la oo.m MISSION instituée PAR S. E. LE CARDINAL HERBERT
Vaughan. La Responsio. La Vindicatio des évéques catholiques. La bulle déclarée " irréformable »
PAR LÉON xni.
But de l’article. — L’organisation du clergé de l’Eglise établie d’Angleterre, du clergé anglican comme on l’appelle communément, diffère à plus d’un égard de celle que présente le clergé dans la plupart des autres églises protestantes. L’Eglise anglicane possède une hiérarchie à trois degrés, formée d’évêques, de prêtres et de diacres, qu’elle députe aux fonctions de leur ministère respectifs par trois rites d’ordination, assimilables — du moins à première vue — aux trois rites correspondants de l’Eglise catholique. Les membres de ce clergé s’appuient même précisément là-dessus pour alliriuer qu’ils sont validenicnl ordonnés évêques, prêtres et diacres, tout aussi bien que ceux de l’Eglise de Rome, et pour soutenir avec insistance que le Saint-Siège devrait les reconnaître comme tels. Aussi quand l’un des leurs, comme il arrive parfois, se réconcilie avec l’Eglise catholique et désire y exercer le saint ministère, voudraient-ils que du moins on lui épargnât la cérémonie, sacrilège à leurs yeux, d’une deuxième ordination. D’autre part en Angleterre, où la question a fait de tout temps l’objet d’âpres controverses, la théologie catholique a toujours nié au nom de ses principes propres la validité de ces ordres anglicans ; et cette doctrine a eu pour elle la pratique constante des autorités ecclésiastiques, qui, se conformant en cela aux directions papales, ont toujours traité en laïcs les ministres anglicans convertis qui désiraient remplir les fonctions sacrées, et leur ont toujours conféré les ordres sans condition. De leur côté, les controversistes anglicans sont souvent revenus à la charge, assurant que l’approbation accordée par le Saint-Siège à cet usage se fondait sur l’ignorance où l’on était à Rome des véritables faits : l’autorité Y’ontificale, disaient-ils, avait été trompée par les faux rapports des catholiques anglais, qui, emportés par leurs préventions, n’avaient jau’ais pris la peine de chercher, à une théorie qui h ur était trop chère, des fondements historiques solides.
En 1896, des circonstances sur lesquelles nous aurons à revenir altiièrent l’attention de Léon XHI sur ces revendications anglicanes ; en conséquence il donna ordre à une Commission d’enquête d’entreprendre une étude approfondie du sujet. Les conclusions auxquelles elle arriva l’amenèrent à publier dans l’automne de cette même année la bulle Apos tolicæ curae, par laquelle il confirmait les résultats de l’examen qu’il avait fait faire, et déclarait o définitivement et irréformablement » la nullité absolue des ordres en question.
Origine du schisme d’Henri’Vni(1530-lS47). Séparation d’avec le Pape, mais maintien des formes liturgiques du culte. — Le schisme qui, au XVI8 siècle, détacha du Siège de Pierre l’ancienne Eglise d’Angleterre n’eut aucunement sa cause dans une désaffection générale du peuple anglais pour une religion que lui avaient transmise tant de générations d’ancêtres : la aeule et unique raison en fut la tyrannie d’Henri VIII, exaspéré contre Clément VH parce que ce pape refusait d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, c’est-à-dire de trahir la doctrine de l’indissolubilité du lien conjugal : car, si Catherine fut la veuve d’Arthur, frère du Roi, l’empêchement dirimant qui en résultait avait été levé par dispense de Jules II. Décidé à exécuter son dessein et à répudier la Reine pour prendre une autre femme, Henri usa de tout son pouvoir pour arracher son peuple à la juridiction de Rome, qu’il remplaça en proclamant sa sui)rématie personnelle, sa primauté suprême sur l’Eglise de ses domaines. Sous la menace des plus terribles châtiments, il fit reconnaître celle suprématie par tous les évêques et personnages considérables du pays, tant civils qu’ecclésiastiques, et il la fit ratifier par un Acte de Parlement de 153/|. .Sans doute, un simple coup d’autorité royale ou parlementaire nt sullisait pas à rompre le lien spirituel qui rattachait le peuple anglais au Saint-Siège ; mais par une clause de cet Acte, le Roi interdisait à ses sujets toute espèce de commerce avec le Pape, et défendait en particulier aux évêques de lui demander les bulles d’institution accoutumées. Et comme par ses menaces il les empêcha toujours effectivement de le faire, il réussit à soustraire la nation tout entière à cette juridiction sans laquelle l’unité catholique n’existe plus.
Mais, si Henri VIII, pour arriver à ses fins personnelles et pour se voir soutenu dans son schisme, entraîna l’ensemble de ses sujets à une rupture avec Rome, il n’avait pas pour autant le désir d’introduire dans son pays un corps de doctrines protestantes. A l’occasion, il lia bien partie avec les chefs protestants d’Allemagne, pour faire bénéficier de leur appui les projets qu’il formait contre le Pape ; mais afin d’abuser mieux son peuple, il voulait que les crojances et les formes du culte divin auxquelles on était habitué demeurassent à peu près ce qu’elles étaient auparavant. C’est ce qui apparaît clairement dans les Articles about Beligion devised by the Kiiig’s llighness, publiés en 1536 ; dans l’Institution of a Christian Man, publiée en 153^ et communément appelée le Bishops’Booh, parce qu’elle s’ouvre par une préface signée des évêques et de certains membres du clergé ; dans lANecessary Doctrine and Erudition of any Christian Man, publiée en 1543, ouvrage qui, bien qu’il ait été, dit-on, « vu par les Lords spirituels et temporels et trouvé très à leur gré », a pris néanmoins le nom de King’s Bool-, en raison de la Proclamation Royale placée au début et qui en prescrit l’usage comme règle de saine doctrine. Ces trois documents n’en forment en substance qu’un seul : l’unique différence qui les sépare, c’est que le second est le développement du premier elle troisième le développement du second. L’objet de leur exposition se diviseen quatre parties, quiont pour thème : la première le Credo, la seconde le Pater, la troisième les dix Commandements et la quatrième les Sacrements. Sur les Sacrements, ces traités sont incomplets, puisqu’ils n’en mentionnent 1165
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que trois ; mais pour le reste, le fond de leur enseignement est catholique, si ce n’est qu’ils gardent sur le Sacrifice de la Messe un silence significatif, qu’ils rejettent le Siège apostolique, et que, tout en permettant les prières pour les morts, l’invocation des Saints et l’emploi des images, ils font quelques réserves prudentes destinées à couvrir la destruction générale des châsses par ordre du Roi et le transfert de leurs trésors à sa cassette. Ainsi, bien que sur ces trois questions ces documents puissent, du point de vue catholique, prêter flanc à la critique, dans leur ensemble ils témoignent cependant que, pour Henri VIII, les croyances religieuses et le culte traditionnel devaient rester les mêmes qu’avant, excepté bien entendu ce qu’exigeait l’état de schisme résultant de la rupture avec Rome. Et, conformément à ces nouveaux règlements, on continua à conférer les Saints Ordres suivant l’ancien rite du Pontifical. Si d’autres changements n’étaient survenus dans la suite, le problème des Ordinations anglicanes ne se serait donc jamais posé.
Nouveaux changements sous Edouard VI (1547-1553). —.Mais la mort d’Henri VIll, arrivée le 37 janvier 1647, en faisant monter sur le trône un enfant de neuf ans, Edouard VI, ouvrait une période nouvelle. Toute l’autorité de l’Etat tomba aux mains d’Edouard Sej’mour, oncle maternel du nouveau Roi, lequel se fit bientôt créer duc de Somerset. Cranmer, l’archevêque de Cantorbéry, tigurait le second sur la liste du Conseil de Régence. Or Cranmer et Somerset étaient tous deux, — et depuis quelque temps déjà,
— en étroite alliance avec le parti protestant d’Allemagne. Le jeune Roi, bien qu’incapable, vu son âge, de se former un jugement personnel sur les questions religieuses, avait été élevé par des gouverneurs protestants, portait en sol la persuasion que sa mission serait de délivrer son peu[ile des erreurs du Papisme, et possédait, pour le confirmer dans ce dessein, toute l’opiniâtreté d’un ïudor. OutreSomersetetCranmer, il y avait d’autres ræraljres dans le Conseil, mais
I leurs pouvoirs étaient très limités, à moins qu’ils ne consentissent à se faire les instruments de Somerset et de Cranmer, — et c’est bien là ce qu’ils firent pour la plupart. Ainsi toutes les circonstances annonçaient qu’on allait abolir radicalement jusqu’à ces restes de Papisme » qu’Henri avait voulu conserver. On ne tarda pas longtemps à inaugurer ce travail de destruction. A la cérémonie du couronnement,
— accomplie elle-même selon le rite du Pontifical, — Cranmer adressa la parole au jeune souverain comme au vice-régent de Dieu, et l’invita à se considérer comme un nouveau Josias, suscité par le ciel pour réformer le culte divin, détruire l’idolâtrie, enlever les images des églises, et n’avoir plus rien de commun avec l’évêque de Rome. Les évêques furent requis de se démettre de leurs sièges, pour en reprendre possession par lettres patentes du nouveau Roi, afin d’exprimer par là plus clairement qtie toute leur autorité spirituelle leur venait de l’autorité royale. Pour préparer, dans la mesure du possible, l’opinion publique aux changements qui devaient suivre, un Premier Lit’re d’Homélies fut composé, en grande partie par Cranmer en personne, et, pour le reste même, soumis à son approbation. Ce livre était une attaque dissimulée contre la Necessary Doctrine and Institution of any Christian Man, et Strype (Meniorials, Bk. 2, ch. m) nous le présente comme ayant pour but n d’exposer clairement les bases et
« les fondements de la vraie religion, et de délivrer
le peuple des erreurs et des superstitions communément répandues ». L’exercice de la prédication
! lut interdit pendant un certain temps, sauf à quel
ques personnages patentés en qui on pouvait avoir confiance ; les autres devraient remplacer le sermon du dimanche par la lecture de ces Homélies. On publia aussi une traduction des Paraphrases d’Erasme, qui, sous couleur de reprendre les reproches du Nouveau Testament contre les prêtres juifs et leur direction du culte au temple, ne sont au fond que la satire voilée des pratiques de dévotion catholiques. On donna ordre d’acheter dans toutes les paroisses un exemplaire de ces Paraphrases et de le placer dans l’église, attaché par une chaîne, en un lieu où tous pussent venir le lire. Pour obtenir plus siirement l’obéissance à toutes ces mesures, on commença dans l’automne de 1547 une visite du Royaume par autorité royale. Strype (ibid., p. 209) donne une liste des Visiteurs désignés, et il suffit de la parcourir pour reconnaître que, sauf de rares exceptions, c’étaient tous des hommes aux tendances protestantes les plus accusées. Tout le temps qu’ils étaient à l’œuvre dans un diocèse, l’autorité de l’évêque était suspendue ; et les membres du clergé, à commencer par l’évêque lui-même, étaient invités à passer devant eux un examen sur leur vie et leur doctrine. Les examinateurs exigeaient en particulier une parfaite connaissance des Homélies et des Paraphrases, ainsi que — cela va sans dire — l’adhésion aux idées qui y étaient contenues. Ils étaient munis en outre d’une série d’Injonctions royales ordonnant la suppression de nombreux usages catholiques, comme ceux de porter des cierges le jour de la Purification, de recevoir les cendres le Mercredi des Cendres et de « ramper jusqu’à la croix » le Vendredi saint. En vertu de ces Injonctions, les Visiteurs devaient aussi enlever toutes les images et peintures de « faux miracles » ; et comme il appartenait à chacun de juger quels miracles étaient faux et lesquels étaient authentiques, les Visiteurs prirent le parti qui leur assurait le concours de la populace protestante, et qui consistait à détruire toutes les images et peintures sans aucune distinction. Il en résulta un carnage de vitraux, et un badigeonnage général des murs dont les fresques avaient charmé jusque-là le regard des fidèles. Londres fut tout spécialement éprouvé en novembre iSSy, quand les Visiteurs vinrent à Saint-Paul. Cette cathédrale formait, au dire du Chanoine Dixon, n un temple qui
« était une collection de temples, tant elle était vaste, « et si innombrables étaient les chapelles, les autels,
a les statues, les peintures sacrées et les vitraux
« qu’elle contenait. » k Sur cet édifice rempli de précieux
trésors, continue-t-il, on lâcha une armée de
« vandales et de pillards, conduits par les Visiteurs « eux-mêmes ; en peu de jours tout n’était plus que « désolation et que ruine. Et l’exemple ainsi donné « dans la Cathédrale fut promptement suivi dans
(’toutes les églises de la grande cité. »
Innovations liturgiques. — La décision qui vint ensuite, la plus importante qu’aient prise ces nouveaux réformateurs, portait sur la transformation de la liturgie ; et notre présente recherche exige que nous accordions à ce i^oinl une attention toute spéciale. Un Bill « sur le Sacrement » fut discuté et adopté au Parlement, le 17 décembre 1547. Il statue que « ledit très saint Sacrement sera communément
« donné et administré au peuple d’Angleterre, d’Irlande
et des autres domaines du Roi, sous les deux
« espèces du pain et du viii, à moins que la nécessite
ne requière autrement.1 (ll/id., p. 224). On ne proposa au Parlement aucun texte déterminé réglant le rite nouveau qu’il faudrait suivre pour se conformer à ce décret : on lui demanda seulement d’ordonner la rédaction d’un cérémonial convenable. Qui furent au juste ceux qui se chargèrent de ce travail de rédaction, c’est ce qui reste enveloppé de mystère ; mais la Proclamation royale qui figura en tête de ce cérémonial lorsqu’il fut achevé, et qui en imposait l’adoption pour le jour de Pâques 1548, nous le présente comme composé par « plusieurs des prélats de Sa Majesté les plus graves et les mieux instruits, qui, après avoir longuement conféré ensemble et délibéré leurs avis, sont enfin tombés d’accord » sur ce texte. C’était là une formule ordinaire en ce temps des Tudors ; et nous ne nous tromperons pas de beaucoup en lui faisant signifier que le Roi avait confié le travail à un petit comité de personnages qui partageaient ses vues, — nous voulons dire celles du Conseil de Régence, — mais manquaient d’autorité pour les imposer. Si, pour faire accepter de la nation la mesure ainsi décrétée, on jugeait ensuite nécessaire d’y engager la responsabilité de quelque corps régulier de dignitaires ecclésiastiques ou civils, on n’avait plus qu’à convoquer ceux-ci et à user de menaces pour leur faire signer le cérémonial rédigé en petit comité par les « prélats graves et bien instruits » ou par toutes autres personnes indûment chargées de ce travail.
Le texte qu’on voulait ainsi faire admettre de force au peuple anglais, était imprimé le 8 mars 1548, et resta jusqu’en 1549 à l’état de feuillet séparé. (Voir Two Books of Commons Prayer. App.) Il comprenait deux parties : la première conçue en forme de proclamation à faire par le ministre, et celui-ci y annonçait son intention d’administrer la Sainte Communion selon la nouvelle méthode, le prochain dimanche ou du moins quelqu’un des jours suivants. Ce qui nous intéresse ici, c’est que la Sainte Communion ne devait plus comme auparavant se distribuer indifféremment à toutes les messes où quelqu’un se présenterait pour la recevoir, mais seulement à l’unique messe indiquée d’avance par le ministre et fixée par lui à l’heure qui lui conviendrait. Les auteurs de cette disposition savaient bien où ils voulaient en venir : l’intention de Cranmer, telle que nous la connaissons par ailleurs, était d’abolir toutes les messes où il n’y aurait pas de communiants, et par là de déraciner l’habitude où l’on était de considérer la Messe comme un sacrifice. La première partie du nouveau cérémonial règle que la Messe sera dite comme ci-devant jusqu’à la fin de la communion du prêtre. Le seconde donne au célébrant les directions suivantes : « Sans modifier (jusqu’à nouvel ordre) aucun autre rite ou cérémonie de la Messe, mais suivant ce que le prêtre a été jusqu’ici dans l’habitude défaire avec le Sacrement du Corps, en préparant, bénissant et consacrant autant qu’il est utile pour le peuple, ainsi continuera-t-on en même manière et forme, sauf que le prêtre bénira et consacrera un grand calice, ou bien une ou plusieurs belles et décentes coupes, emplies d’un vin mêlé de quelque peu d’eau. » Puis, après communié lui-même, le prêtre devra omettre la fin de l’ordinaire de la Messe, et se tournant vers les assistants il leur adressera une longue exhortation commençant par ces mots : « Bien aimés au Seigneur qui avez intention de communiquer…[1] », afin de s’assurer qu’ils sont bien dans les dispositions qui conviennent ; et s’ils n’y étaient pas, il devrait se retirer aussitôt. Suit une prière de confession générale que tous doivent dire en semble, et une prière d’absolution adressée à tous ceux qui veulent communier ; puis on récite quelques « Paroles de Consolation » empruntées aux évangiles et aux épîtres du Nouveau Testament, et enfin une prière d’ « Humble accès », après laquelle le célébrant doit donner la communion sous les espèces du pain d’abord et sous celles du vin ensuite, en prononçant la formule ordinaire du rite catholique qu’on a adaptée également à l’administration du Précieux Sang. Aussitôt après, il doit congédier l’assistance par ces mots : « La paix de Dieu laquelle surmonte tout entendement, etc. »
Cette juxtaposition du vieil office de la Messe soudainement interrompue après la Communion du Prêtre, et du nouveau cérémonial de Communion, renfermait une incohérence manifeste : l’ancien Ordinaire de la Messe était imprégné en toutes ses parties de l’idée de sacrifice, tandis que le nouvel Ordinaire de la Communion avait été introduit, comme nous allons le voir, avec l’intention expresse de bannir du rite de la communion ce qui pouvait y rappeler une pareille notion. Mais ceux qui méditaient un tel changement se rendaient compte que leurs plans seraient mal accueillis dans le pays : car, sauf quelques petits groupes protestantisés qui existaient à Londres et dans certaines villes de la côte orientale, la population restait profondément attachée à la foi catholique. Les Reviseurs comprirent donc qu’il fallait procéder avec prudence, et se contenter d’introduire progressivement les innovations projetées, sans jamais dépasser la mesure que le peuple pourrait présentement porter. Quelques mois plus tard cependant, ils se sentirent de force à faire un pas de plus : le premier « Prayer Book » d’Édouard VI fut publié, et un Ordre du Conseil en imposa l’adoption en tous lieux. En février 1549, l’Acte d’Uniformité prescrivit qu’à partir de là Pentecôte de cette même année ce livre devrait être partout le seul en usage, sous peine d’amendes, de destitution, et même de prison en cas de persistance obstinée.
Doctrine nouvelle que ces changements visaient à exprimer. — Avant d’expliquer la nature de ce nouveau livre, il pourra être opportun d’établir les sources dont il s’inspirait et la pensée à laquelle il prétendait répondre. Les anglicans de « haute église » sont enclins à y voir « une correction modérée, généralement conservatrice en ses tendances, de la Messe romaine (Fære, History of the Book of Common Prayer, pp. 52-54), telle qu’elle figure dans le Missel. De même Wakeman nous déclare que le but des Reviseurs était d’obtenir un rite (1) simple, d’où la suppression des complications qui rendaient l’ancien office si peu intelligible aux laïques, (2) social, tel que le peuple pût y prendre une part plus grande, (3) plus scripturaire dans son langage, et (4) purgé d’abus certains comme étaient l’invocation des saints ou la commémoraison des âmes du Purgatoire. (Wakeman, History of the Church of England, p. 270) Le chanoine Brightman est plus près de la vérité quand il voit dans le nouveau canon « une paraphrase et un développement éloquent de la conception du sacrifice eucharistique présentée à trois points de vue, savoir : (1) comme la commémoration de l’oblation historique du Christ par lui-même, dans sa mort sur la croix, (2) comme un sacrifice de louange et d’action de grâces pour le bienfait de la Rédemption, (3) comme l’offrande de l’Église, de nous-mêmes, de nos corps et de nos âmes ; ce canon concentre sur ces trois aspects toutes les expressions relatives au sacrifice. » (Brightman, English Rite, Préface, cvi) Mais une pareille description n’équivaut-elle pas à un aveu détourné que l’intention des Reviseurs était d’expulser tout ce qui, dans l’ancien rite de la messe, formait, d’après la doctrine
Il aditionnelle de l’Eglise catholique, l’essence même (iii sacrilice eucharistique, autrement dit l’olTrande du Corps et du Sang du Christ, rendus présents sur i’aalel par les pai-oles de la Consécration ? Dépouiller la liturgie de toute trace de caractère sacriûcatoirc pour la transformer en pur service de coiuraunion, cesl-à-dire enunesimple cérémonie d’administration d'- la communion au peuple, c’est là, on n’en peut liciuler, l’intention qui domina d’un bout à l’autre le f.M.'Qionial des Prayer JBooks d’Edouard VI. La pensi ! de ceux qui le réglèrent était que, sur la croix, le Christ s'était offert en sacrilice une fois pour toutes, pour la Rédemption de tous les hommes et la rémission de tous leurs péchés ; que par suite ce sacrifice n’avait plus à être renouvelé ni continué par aucun autre, et spécialement par celui que, selon la doctrine papique, les prêtres prétendaient ollVir sous les apparences du pain et du vin dans chaque messe qu’ils célébraient ; qu’eulîn le Sacrement de l’Eucharistie n’ayant été institué que pour donner une nourriture spirituelle aux croyants, ceux-ci n’avaient point d’autre offrande à présenter à Dieu en action de grâces que celle d’eux-mêmes, et qu’ils n’avait nullement à Lui offrir le Corps de son Kils, lequel d’ailleurs ne se trouvait pas là sur l’autel de manière à pouvoir être reçu réellement d.uis leur bouche, mais seulement dans leurs cœurs par la foi.
Pour démontrer que tel était bien le but visé par les Réformateurs, on pourrait citer d’innombrables passages tirés des écrits de Cranmer et des autres personnages sous le contrôle desquels fut rédigé le nouveau Prayer Book. Bornons-nous aux suivants, à titre d’exemples :
Pour parler un peu plus amplement du sacerdoce et du aucriGce de Christ, c'était un si haut Pontife qu’il Lui a suflB de s’offrir une fois pour abolir le péché jusqu'à la iin du monde par une seule effusion de son sang. C'était lin prêtre si eccompli que par une seul< ; ohlation II a f^xpié un monceau infini de péchés, laissant à tous les pécheurs un remède facile et tout prêt, puisque son unique sacrifice devait suffire pour beaucoup d’années à tous les liommes qui ne se montroraient pas indignes. El 11 prit sur Lui non seulement les fautes de ceux qui laient morts bien des années auparavant et avaient mis ?n Lui leur confiance, mais aussi les fautes de ceux qui usqu'à son deuxième avènement devaient croire sincèrement en son Evanj^iie. Si bien que maintenant nous ne levons plus cherch*^r pour remettre nos péchés d’autre jrètre ni d’autre sacrifice que Lui et son sacrifice… Or, mr ce 'jui vient d'être dit. tout homme peut aisément jomprc’mlre que l’offrande du prêtre i la messe, ou l’ap->licatif » n de son ministère fait© ri son grè pour ceux qui sont vifs ou morts, ne peut gagner ou mériter ni pour hiinénie, ni pour ceux à l’intention de qui il chante ourécite, a rémission de leurs péchés ; mais pareille doctrine ()apique est contraire h la doctrine de l’Evangile et inju-ieuse nu sacrifice de Christ. Car si seule la mort de Christ est l’ohlation, sacrifice et rançon pour lesquels nos >échés sont pai-donnés, il s’ensuit que l’acte ou le minisèro du prêtre ne peut avtdr le même oQjce. Aussi est ce m blasphème abominable de donner à un prêtre l’office ou lignite qui n’appartient qu'à Christ seulement.
.-Vnssi longtemps que régnait la Loi, Dieu souffrait que
ies bêles sans raison Lui fussent offertes ; mais inainte lant que nous somnies spirituels, nous « levons offrir des
^)blations spirituelles au lieu de veaui, de moutons, de
, loues et de colombes. Nous devons tuer le diabolique
prgueil, la furieuse colère, l’insatiable avarice, etc., et
ous ceux qui appartiennent ù Christ doivent crucifier et
nimoler ces vices pour Christ, comme II s’est crucifié
>our eux. Tels soient les sacrifices des Chrétiens, et que
.le teiles hosties et oblalions soient acceptables à Christ.
Et toutes semblables messes papiques sont à bannir
jiimplement des Eglises chrétiennes, et l’usage véritable
de la Cène du Seigneur doit être lêfahli, en laquelle le
dévot peuple assemblé puisse recevoir le Sacrement
h ! un pour soi, afin de déclarer qu’il se souvient du
bienfait qu’il a reçu par la mort de Christ et pour témoigner qu’il est membre du corps de Christ, nourri de son corps et abreuvé de son sang spirituellement. (CiiANMEU, LurWs Suppc/', II, ."J’iô sq.)
A ces déclarations de Cranmer, nous pouvons en joindre d’autres, en raison des circonstances particulières qui leur tirent donner la l’orme d’une proclamation royale. Ecoutons la première des « Six
« raisons publiées pour expliquer pourquoi le Révé(I rend Père Nicolas Ridley, Evèque de Londres, a « exhorté les églises de son diocèse, où ponr lors
u les autels subsistaient encore, à suivre l’exemple n de ces autres églises qui les avaient enlevés, et a avaient dressé au lieu de la multitude de leurs
« autels une décente table en chaque église ».
La forme d’une table fera mieux passer les simples des opinions superstitieuses de la messe papique au légitime usage de la Cène du Seignem', Car l’emploi d’un autel est d’y accomplir des sacrifices ; l’emploi d’une table est de servir aux hommes pour y manger. Or quand nous venons au repas du Seigneur, pourquoi venons-nous ? Pour sacrifier Christ à nouveau et le crucifier à nouveau, ou pour nous nourrir de Lui, qui n’a été qu’une seule fois crucifié et oITert pour nous ? Si nous venons pour nous nourrir de lui, pour manger spirituellement son corps et boire spirituellement son sang (ce qui est le véritable usage de la Cène du Seigneur), alors nul homme ne peut nier que la forme d’une table ne soit plus convenable ponr le repas du Seigneur que la forme d’un autel. (RiuLEY, Œuvres, p. 321 et App. vi)
Sources du nouveau Prayer Book (le premier d’Edouard VI, 1549). — Ces textes et d’autres du même genre, qu’on rencontre dans les écrits des Reviseurs, ne laissent place à aucun doute : s’il est vrai jusqu'à un certain point que le Missel de Sarum (identique, sauf quelques petits détails, au Missel romain) a fourni la matière première de leur travail de refonte, l’opération à laquelle ils l’ont soumis ne visait pas seulement à rendre plus simple et plus sociale l’expression de l’ancienne doctrine et de l’ancienne piété, fidèlement conservées quant à leur substance : le but poursuivi a été l'élimination complète de tous les éléments, de tous les termes qui donnaient à la Messe sa valeur essentielle aux yeux des Catholiques d’avant la Réforme. Et le modèle auquel on travaillait à se conformer n'était point tiré de quelque source primitive : il avait été fixé par les protestants continentaux de ce temps-là, comme une multitude de preuves l'établissent et comme il importe de bien s’en convaincre.
Strypb, dans ses Memorials of Arcliliishop Cranmer (vol. I, pp. cxxiv et 584), nous expose comme suit les préoccupations de Cranmer en l’année 1548 :
L’Archevêque poussait l’exécution d’un projet qui devait procurer une plus grande union entre toutes les églises protestantes. Ce projet eût consisté en l’adoption d’une commune confession et harmonie de foi et de doctrine tirée de la pure parole de Dieu, telle que tous pussent l’admettre d’un seul accord. Il avait remarqué quelles différences s'éleviiient entre protestants sur la doctrine du Sacreraient, sur les décrets divins, sur le gouvernement de l’Eglise et sur plusieurs autres matières. Ces dissentiments avaient rendu les tenants de l’Evangile méprisables à ceux de la communion romaine… Gela lui faisait juger très expédient de procurer l’adoption d’une pareille confession. Et pour cela il croyait nécessaire que les principaux et les plus doctes théologiens des diverses Eglises se réunissent ensemble et là, en toute liberté et amitié, discutassent les points controversés selon la règle de l’Ecriture, et, après mute délibération, rédigeassent d’un commun accord un livre d’articles et de points capitaux de la foi et de la pratique chrétienne, lequel servirait de doctrine fixe aux protestants.
Cranmer, nous explique encore le même auteur, pensait que l’Angleterre était à cette époque le pays
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le plus iiulic|ué pour ce conciliabule des novateurs : et il avait obtenu d’Edouard VI « une promesse de permission et de protection ». Aussi envoya-t-il aux membres les plus éniinents des communions réformées de Suisse, de France et d’Allemagne, c’est-à-dire à BuUinger, Calvin et Mélanchlhon, des lettres où il leur communiquait son plan, en demandant leurs conseils et leur concours. (Lettres de Zurich, vol. I, lettre cxxi, p. 263) — Que ces assertions de Slrype soient exactes, du moins en substance, c’est ce que prouvent plusieurs lettres de Cranmer, contenues soit dans les éditions de ses œuvres, soit dans les deux premiers volumes des Lettres de Zurich. Par exemple, dans une lettre du 4 juillet 1548 adressée à Jean a Lasco et où il lui exprime son regret de ne l’avoir pas vu encore passer en Angleterre, Cranmer déclare qu’il en voie à Mélanclithonvine troisième lettre pour le presser de venir au plus tôt. Il y dit aussi qu' « alin de mettre à exécution cet important des « sein [il a| cru nécessaire de recourir à l’assistance (( de savants qui, ayant comparé leurs opinions entre <r elles, pussent en finir avec toutes les controverses
:. doctrinales et construire un système complet de
.. doctrine vraie » ; et il ajoute : o C’est pourquoi nous
« vous avons invité, vous et plusieurs autres savants ; « et, comme ils sont passés chez nous sans faire de
i d’amener à une entente les différents réformateurs. La même e.xpérience se renouvela au temps dont nous parlons : le congrès obtint cependant un certain résultat local : il aboutit aux quarante-trois Articles anglais de 1553, qui sont apparentés à la confession d’Augsbourg de Mélanchthon.
Mais ce qui nous touche directement, c’est la provenance des nouveaux Prarer Books d’Edouard VI ; et c’est là, peut-il sembler, une bien autre affaire. Toutefois, et quoique nous en aj-ons trouvé peu de traces dans les lettres échangées alors au sujet de cette mesure plus générale qu'était la rédaction d’un corps complet de doctrine, nous pouvons être sûrs qu’on ne fabriqua pas la nouvelle liturgie sans consulter ces illustres étrangers, invités en Angleterre pour y apporter leurs conseils. Et nous ne constatons que ce que nous eussions pu prévoir, quand nous voyons Richard Hilles écrire le 4 jui" '549 — c’està-dire peu de jours après la mise en usage du premier Prayer Book — au calviniste suisse Henri BuUinger une lettre où se rencontrent ces mots :
« C’est pourquoi — maître Jean Butler [le porteur de « la lettre] en informera votre Révérence plus coni<i plètement d’après ma lettre, — nous avons une
o célébration uniforme de l’Eucharistie dans tout le
« royaume, mais à la manière des églises de Nurem « berg et de certaines de celles de Saxe ; car on ne se
n sent pas encore disposé à adopter vos rites [les
« rites calvinistes] au regard de l’administration des « sacrements… Ainsi nos évêques et gouvernants « semblent agir comme il convient, au moins pour le
« présent, puisque, pour sauvegarder la paix publiII que, ils évitent ce qui pourrait choquer les Luthé « riens, tiennent compte de vos très doctes théolo « giens allemands, et leur soumettent leur jugement « tout en retenant quelques cérémonies papiques. »
{Lettres de Zurich, vol. I, p. 2C5, Richard Hilles à Henri BuUinger, Londres, 4 juin 15.'19) BuUinger était calviniste, comme l'était aussi, à ce qu’il semble, ce Hilles, marchand anglais, ami de Cranmer et son homme de confiance, qui avait longtemps vécu à Strasbourg et était entré dans l’intimité d’un bon nombre de réformateurs allemands. Le mais de la lettre que nous venons de citer exprime le déplaisir que causaient à ces calvinistes quelques points de la nouvelle liturgie. Dans l’ensemble pourtant ils l’approuvaient, comprenant les difficultés que ses rédacteurs devaient rencontrer dans l’hostilité d’un paj’s encore attaché aux rites et aux doctrines catholiques ; et d’ailleurs ils gardaient l’espoir de voir l'œuvre amendée quelque jour en un sens plus conforme à leurs opinions.
La << Formula Missæ » de Luther. — Beaucoup de raisons ])urent incliner Cranmer à s’inspirer de ce modèle de Nuremberg dans la rédaction de son livre d’oCBee anglais. La Formula Missæ et Commiinionis pro Kcclesia Jl’ittembergensi, écrite par Lutuer en 1623 et traduite ensuite en langue vulgaire, avec quelques légères modifications sans importance pour nous, dans sa Deutsche Messe de 1626, constituait le prototype auquel se conformèrent les diverses Kirchenorduungen des quelques années qui suivirent ; non point qu’elles en reproduisissent mot à mot les prières, car ce n'était pas là aux yeux de Luther une chose essentielle ; mais elles se réglaient sur les principes qu’il y avait posés et qui déterminaient les changements à introduire dans l’ancienne liturgie de la messe pour qu’elle s’adaptât à ses théories. Le missel de Nuremberg-Brandebourg, composé par Osiander, premier pasteur de Nuremberg, et Jean Brenz, premier pasteur de Halle, fut mis en usage à Nuremberg en 1533. Si l’on se rappelle que cette messe nurembergeoise fut un des plus importants succédanés de la Formula luthérienne de Wiltemberg ; que Cranmer, qui devait bientôt épouser en secondes noces la nièce d’Osiander, se trouvait l’hôte de celui-ci à Nuremberg peu avant l’introduction du nouveau missel ; qu’il a même pu, par suite, avoir son rôle dans les discussions qui aboutirent à le constituer ; qu’il prenait aussi à cette époque uiî intérêt spécial à la forme provinciale de service divin suivie alors dans la ville, et qui était marquée des mêmes caractères que celle qui allait (voir le témoignage de Sir Thomas Eliot dans sa lettre au duc de Norfolk du 1 4 mars 1553, ap.EtLis, Original Lett.) la remplacer, — on comprendra sans peine que Cranmer ait pu, quelque vingt ans plus tard, vouloir iiâtir sur ce modèle son propre rite anglais.
Nouvel indice parallèle : les Reviseurs anglais semblent s'être servis delà /'j’a Consultatio, aiu{re Kirchenordnung du même genre, rédigée quatre ans plus tôt par Mélanchthon à l’usage de la ville de Cologne, sur la demande de l' Archevêque-électeur, l’apostat 1 Ilermann de Wied. Or ce prince avait voulu que la liturgie de Nuremberg servit de liase à la liturgie réformée qu’il projetait pour Cologne, laquelle en porte effectivement des traces, — tout comme aussi le Prarer Book porte des traces de la liturgie de Cologne, principalement dans certains de ses rites secondaires, tels que l’administration du Baptême et de la Confirmation.
Nous ne pouvons omettre de mentionner encore, toujours pour établir le même emprunt, un détail 1173
ORDINATIONS ANGLICANES
1174
n signilicalif relevé par Gasquet et Bishop
: ^yard VI and tlie Book of Common Prayer,
. : lip. vi). A l’exception du texte mozarabe, — lequel I..1 guère dû inlluencer les Reviseurs anglicans, — imites les versions du canon usitées dans les lituri : les catholiques donnent les paroles d’inslilulion de 1 Eucharistie sous une seule et même forme. D’autre l’iut, la formule nurenibergeoise de ces paroles d’in stitution, le texte latin qu’en donne Juslus Jonas dans son Catéchisme, la traduction de ce dernier ouvrage par Cranmer, et la forme adoptée au temps qui nous occupe dans le premier Prayer Book de 1 54g, sont identiques entre elles, hormis quelques variantes de pure expression, tandis qu’elles diffèrent essentiellement de la forme usitée dans la Messe. C’est ce que montre le tableau suivant :
RITE MOZARABE
Doniinus Noster Jpsus Christus in qua nocte tradebatur iiccepit paneni et ^.’ii.tias agans benedixit ïr. Iregit deditque
i^cipulis suis dicens : Accipite et manducate. lU’C pst corpus meum
; iiod pro vobis tradetur.’.^’uctiescumque manducaverilia ! 0c facile in meaiu comrænioratio
tlPIU.
^iiîiiliter et calîcem ostquam coenavit
L fst calix novi testamenti
: ne() sanguine
|>ro vobis et pro multis elTunde-III’T I eoiîssionem peccatorum. ^luoliescumque biberitis
loc fQ<*ite in meam couimeniorutîoneni.
PHAYEK BOOK DE 1549’Lequel,
en la mènie nuit qu’il fut trahi,
prit du pain,
et l’ayant béni et ayant rendu grâces
le rompit i-t le donna
à ses disciples^ disant :
Prenez, mangez,
ceci est mon corps
qui est donné pour tous.
Faites ceci en commémoration de moi.
Seinblablement aussi après le souper
il prit la coupe
et ayant rendu grâces illa leur bailla
disant ;
Buvei-en tous
car ceci est mon sang
du nouveau testament,
lequel est répandu pour vous et pour
plusieurs en rémission des péchés. Faites ceci toutes fois et quantes que
vous en boirez, en commémoration de moi.
KOK.ME DE NUKKllIlKRG-nRANDEBOUKG
DE 15 : 13
Unser Herr Jésus Christus,
in der nachl da er verralen wardt
nam Er das brot,
danket
und brachs und gabs
sein Jilngeren und sprach :
Nembt hin und essel.
Des ist mein leyb
der filr euch gegeben wirdt ;
das thut zu meinem gedàchtniss
Derselben gleychen nam Er auch deii
Kelch nach deni nbenlmal und danket nnd gab ihn den und sprach ; Trinckt aile daraus. Das ist mein blut des newen lestamenles das filr euch und fUr vil vergossen
wirdt zur vergehung der sijnden. Solchs thut 80 oft îrs trinckt
Zu meinem gedàchtniss.
Inutile de pousser plus loin les comparaisons mi--ulieuses : il suffit que notre examen nous ait indiiié les origines du rite d’Edouard VI. Ce qui, dans e présent article, est jiour nous d’une importance ajiilale, c’est de déterminer les principes qui présièreut à la constitution de la liturgie anglicane. )emandons-le donc maintenant à la source même où ous nous sommes vus conduits par l’intermédiaire u Missel de Nuremberg-Brandebourg, à la Formula c niissa H’iltembergensi de Luther. En voici le pasage essentiel :
Iraprimis itaque profitemur non esse nec unquam iis>e in animo nostro omnem cullum Dei prorsus aborr, sed eum qui in usu est pessimis additamentis vitiajiu repurgare et usum pium monstrare. iN’am hoc negare "Il possuiMUs missam et communionetn panis et vini iliim esse a Christo divinitus institutum… At ubi jam centia lîebat addendi et mutandi, proul cuivis libehat, cci’dente tuin et quæstus et ambilionis sacerdotalis lyranide, tum coeperunt altaria illa et insignia Baal et omnium eoium poni in templum Domini per impios reges nostros,
e. cpiscopos et pastores. Hic sustulit impius Ahaz altare freum et constiluit aliude Damasco petitum, loquor utem de canone illo lacero et abominabili ex niiiltorum
c’iiiis ceu sentina rollecto, ibi coepit missa fieri sacritiiiiin, ibi addita offertoria et collectæ mercenariae, ibi quentiæ et prosæ inter Sanctus et Gloria in ej-cehis isertae. Tum coepit missa esse monopolium sacerdotale iliiis mundi opes exhauriens, divites otinsos, potentes, et "lii[iluarios, et inimundos illos coelibes toto orbe ceu , i-lilalim ultimam cxundans. Hinc raissæ pro defunctis, tm itineribus, pro opibus. Et qiiis illos titulos solos niilerot quorum missa facta est sacrilicium ?
Kn somme, Luther veut voir rayer du Missel, en - : ige dans l’Eglise catholique depuis mille ans et
Nous soulignons les mots que nous avons du introduire rif"rme au texte anglais de 1549.
plus, tout ce qui exprime l’idée de sacrifice ; mais il veut bien en tolérer tout ce qui n’impliquerait pas cette doctrine et semblerait d’ailleurs, à son gré personnel, pieux et conforme à l’Ecriture. Il est prêt notamment à accepter les Introits (excepté ceux propres aux fêtes des saints), le Ayrie, le Gloria, et les Oraisons si elles sont « pieuses » ; de même aussi les Epitreset les Evangiles, — sauf que les Epîlres, telles que les marquait l’ancien Missel, donnaient trop de place aux exhortations morales et ne parlaient pas assez de la foi. Malgré cela, le Réformateur accordait qu’on n’y toucherait pas pour le moment, et que jusqu’à nouvel ordre on s’en remettrait à la prédication pour réparer ce déficit. Luther n’aime pas les Séquences et les Proses, ni non plus la récitation du Symbole de Nicée, mais il laisse le soin de décider si on gardera ou non tout cela, aux évêques, — c’est-à-dire aux évêques du genre d’Amsdorf, qu’en ce temps-là on pensait encore à conserver..Vinsi jusqu’à cet endroit de la Messe, nous voulons dire jusqu’à la fin du Credo, on pourra en pratique s’en tenir à la liturgie existante. Mais, l’auteur de la Formule continue :
Sequilur tota illa abominalio cui servire coactum est quidquid in missa præcessit, unde et olîertorium vocatiir. i^t abhinc omnia fere sonant et oient oblationem. In quorum medio verba illa vitæ et virtiitis (il s’agit des paroles d’institution) ponuntur, uti olim arca Domini posito est coram Dagone in lemplo idolorum. Proinde omnibus illis repudiatis qiiæ oblationem sonant cum universo canone, retineoniiis quæ pura et sancta sunt, et sic missam nostram ordiamur.
Tels sont les points essentiels du plan de Luther pour la reforme de la liturgie, et on voit comme ils
ou modifier dans la version française de 1616 pour la rendre t
concordent avec les théories sui-la nature Je la messe que Cranmer nous a livrées dans les citations données plus liaut. Quant aux autres détails contenus dans la Formula de iSaS, il nous sullira d’en noter quelques-uns : Luther donne comme direction de déposer le pain et le vin sur la table sans cérémonies ni prières d’aucune sorte ; il laisse indécise, quoique non indiscutée, la question de l’eau à mêler au vin ; il insiste tout spécialement sur ce que les « paroles d’institution », c’est-à-direlerécitscripturairederinstitution eucharistique, devront être prononcées tout haut (évidemment pour indiquer qu’on ne les prononce pas pour consacrer, mais seulement pour rappeler au peuple un événement hi : ; torique île la vie de Noire-Seigneur). Toutes les liturgies luthériennes constituées dans la période qui suivit l’apparition de cette Formula se distinguent par ces caractères. Or l’examen des deux Prayer Books d’Edouard VI prouve jusqu'à l'évidence qu’ils appartiennent à ce groupe luthérien.
Le premier Prayer Bock, mutilation du Missel de Sarum. — Dans le premier Prayer llool :, le texte du Missel de Sarum, forme ou variété du Missel romain la plus généralement usitée en.Angleterre, fut adopté par les Réformateurs pour servir de base à leur revision, si l’on peut donner ce nom de revision à une pareille œuvre de mutilation systématique. On maintint les Inlroils (sauf que sous cette appellation, et conformément encore au désir de Luther, on introduisit un Psaume entier au lieu de l’Introït classique de la messe romaine) ; on maintint le Kyrie, le Gloria, tout le système des Collectes, des Epitres et des Evangiles des dimanches et même de quelques rares fêtes en l’honneur de Saints mentionnés dans l’Ecriture ; on retrancha seulement toutes les Proses ou Séquences. Mais « toute cette abomination qui est appelée offertoire « fut supprimée. Le.Ganon, il est vrai, pour éviter l'émotion populaire qu’eût causée son omission complète, subsiste quant à son ossature ; mais toutes les phrases qui pourraient sentir le sacrifice sont omises ou modifiées, comme le sont aussi toutes les phrases ou expressions similaires des autres parties de l’ancien office. Gasquet et Moye.s, dans le rapport présenté par eux au Saint-Oflîee en 1896, en cataloguent seize exemples. (Gascjukt et Moyes, Ordines Anglicani, pp. 62, 63 et app. iii) Les Reviseurs d’Edouard VI retranchent en entier l’OlTertoire de la messe ; ils retranchent la prière pour l’olTrande de l’hostie ; Suscipe Sancta Triniiaf : hanc oblalionem… ; ils retranchent les prières :.ic-eptum sit Omnipotenti Deo hoc sacrificiuni novum… ; Sic fiât sacrificium nostrum in conspectu tu<i hodie… ; Orate fratres… (à cause des mots : ut meum pariler et vestrum acceptum fiai Domino Deo sacrificiuni), avec le répons : Accipiai Dominas digne hoc sacrificiuni lundis… Os abolissent toutes les Secrètes, qui pour la plupart parlent de sacrifice ou d’oblation. Ils ometlent dans le Canon les mots : hæc sancta sacrificia illibata ; hanc ohlationem servitutis nosirae… quant ohlationem tu, Deus…, hostiani puram, hostiam sanctam, liostiam imniaculatam, et sanctam sacrificium, inimacalatani hostiani. De même, là où dans l’ancien missel se reucoutraient les paroles : Agnus Dei qui tollis peccata 7 ; iK/(rfi….les Reviseurs, les ayant interprétées avec raison comme adressées au Christ présent dans son sacrifice eucharistique, les transformèrent en une déclaration faite par le ministre olficiant pour publier que « Christ, notre agneau pascal, fut olfert pour nous une /ois pour toutes quand il porta nos péchés en son corps sur la croix ». Il est vrai que ce premier Prayer Book recommandait au chœur de
chanter, pendant que se donnait la communion, le ; mots : « O Agneaii de Dieu… », exactement comm( ils sont dans le Missel ; mais pour déterminer le sens où le chœur devait entendre ces mots, il faut tenii compte de la déclaration que nous venons de citer ei qui, dans l’intention des Reviseurs, avait justemeni pour but d'éviter toute équivoque ; car, comme If remarquent Moyes et Gasquet dans l'écrit d’où nous tirons ces citations, cette phrase : « Christ, notrt agneau pascal, qui fut olfert pour tous quand il porte nos péchés sur la croix », constiluaient un mol de passe que les Réformateurs échangeaient conli nuellerænt entre eux, pensant établir par là que depuis la mort du Christ, toute sorte de sacrifice el de sacerdoce sacrificateur avait pris fin. Enfin, outr( les changements déjà énumérés, les Reviseurs rayèrent encore la prière, propre au rite de Sarum qui se disait avant la communion : Ave in aeternum., carnem qnam ego hic in mnnibus teneo, et les prière ; Ave in aeternum sanctissinta caro Christi… et Ayt in aeternum cælestis potus…, ainsi que la prièrf Placent tihi sancta Trinitas, qui contenait les mots Præsta ut hoc sacrificium quod ego… obtiili… si milti propitiabite.
Le deuxième Prayer Book d’Edouard Vl (1538), nouvelles mutilations. — Ce n’est pas tout. Quand le premier Prayer Book fut mis eu usage et que tons eurent été requis de l’adopter deux fails notables se produisirent : Gardiner, h chef (lu parti protestant le moins éloigné de la doc trine orthodoxe, s’empara de deux ou trois phrases de la liturgie nouvelle sur lesquelles il croj’ait pouvoir s’appuyer pour lui trouver un sens catholique ; et d’autre part Cranmer, l'àme du mouvement réformateur, avait pour lors dépassé sur la nature d « laSainte Communion, la doctrine de Luther, pour rejoindre Calvin, apportant par là une grande cause de joie au parti calviniste anglais. L’un des effets de tout cela fiitiui’en 1552 on publia une deuxième édition du (( I-ivre de la Prière commune », où, à la suite de revissions nouvelles, on supprimait les détails qui rassuraient ({uel(^ie peu Gardiner et ses amis, pour donner satisfaction aux critiques soulevées contre le premier n Prayer Book » par Bucer, rhéréli( ; ! ue de.Strasbourg. Car Bucer, arrivé à Londres juste après l’apparition de ce livre, au printenq^s de iS’ig, avait composé sur ce sujet, à la demande de llolbeach évêque d’Ely, la Censura qu’on peut trouver dans ses Scripta anglicci. Les nouvelles modilications furent au nombre de neuf. Dans la première édition on n’avait fait qu’abolir tous les termes qui parlaient de sacrifice ; mais l’enchaînement même des diverses parties de la Messe subsistait, el il exprimait tellement cette idée que, pour parler comme Luther (voir supra, col. i f^li), « tout ce
« qui précédait cet abominable Canon lui était as « servi ». Du point de vue protestant, c'était dans le
premier Prayer Book un sérieux défaut ; mais dans le second il fut amplement réparé, et selon les principes propres aux Calvinistes : car tandis que les Luthériens cherchaient à garder ce qui leur semblait bon de l’ancien rite et en éliminaient seulement cei qu’ils en jugeaient contestable, le parti réformé s’efforçait, dans ses nouveaux rituels, d’effacer autant que possible toute trace de cette Messe abhorrée. C’est à cpioi on réussit pleinement dans le cas présent : F^e Canon expurgé lui-même, qui figurait dans l'édition précédente, se vit cette fois couper en deux, et le morceau le plus long, relégué au début de l’olTice, y devint une Prière pour l’Eglise militante, tandis que l’autre, très raccourci, prenait place à la fin comme Prière d’action de grâces. Le
yii-nùer Prnyer liouk avait aussi conservé les mois iliL Missel : Digneris beneiiicere et sancitficaie huec iiia doua et crecituras panis et vini, ni sint nobis
- , / ;.(ti et saii'^uis dilectissimi Filii iui J< ; su Ckrlst.
paroles, Gardiner les avait invoquées en faveur
- a iirésence objective du Corps et du Sang du
si, et Craumer les avait défendues en faisant rver « qu’elles ne demandent pas que le pain et vin deviennent absolument le Corps et le Sang
- CUrist, mais seulement qu’ils le deviennent
I' tur nous en ce saint mystère ». Néanmoins le ond l’rayer Dook change cette prière en cette auplus simple : « Fais (nous) la grâce que, recevant , , :, tiennes créatures de pain et de viii, selon la sainte Institution de Jésus Christ ton Kils notre sauveiM', en commémoration de sa mort et passion, nous soyonsfaits parlicipantsdeson corps et de son
« sang très iirécieux. » De même, l'édition précédente
contenait, entre la Consécration et la Communion, une prière de préparation pour les communiants appelée Il Prière d’Humble accès », que le Ministre ngageait à réciter « humblement agenouillés leurs genoux » ; elle contenait, après le Ter sdiutiis, les mots : « Benedictus qui tenit… » ; pour uliuinistrer la communion, on avait gardé la fortuule : <i Corpus Doinini nostri… custodiat animam .< Itiiiin… » ; et, comme nous l’avons vu, si VJgniis .'ifi n'était plus récité par l’OfTiciant, il étaitdu moins ncore chanté par le ehœur. Et sur tout cela aussi iaidiner s'était appuyé comme sur autant d’indices rii faveur de la Présence réelle et du Sacrifice eucharistique. Tout cela fut supprimé ou modiQé dans le deuxième frayer Book. La k Prière d’Humble accès » fut transportée avant la Consécration ; et aux anciennes formules de communion, on substitua celle-ci : « Prends et mange ceci en commémoration u que Jésus-Christ est mort pour loi, elle repais de .< Lui eu ton cœur par foi avec action de grâces. » ' r.ois ceci en commémoration que le sang de Christ il été répandu pour toi, el rends grâces. » — Plus lard, il est vrai, quand Elisabeth monta sur le trône et que ce deuxième Prayer Book fut remis en usage, un espéra gagner les Catholiques en rétablissant la icille formule, qu’on eut soin du reste de faire sui 1 < de la nouvelle pour bien montrer en quel sens ' - paroles devaient être entendues. Mais jusqu'à la Un du règne d’Edouard VI, au temps où se poursuivait le travail de réforme, on n’employa que la lurmule protestante, avec le sens hérétique, qu’elle impliquait.
Si l’on tient compte de tous ces faits, il devient impossible de reconnaître aux Prayer Bocks d’E iouard VI un autre but, un autre esprit que ceux (lu’avail marqués Luther dans sa Formula de missa Hitteinliergensi.Xe service de communion contenu dans ces livres de la prière officielle anglicane, non seulement ne cherche pas à exprimer la vraie nolion de Sacrifice eucharistique, mais vise même précisément à répudier cette doctrine comme blasphématoire.
Introduction de l’Ordinal d’Edouard VI (1330). — Mais ce qui nous intéresse le plus directe aient, c’est l’Ordinal d’Edouard VI ; et si nous avins dû nous étendre si longuement sur les carac -s du Service de Communion, c’est à cause de lime relation qui existe entre le sacrifice et la .. aie de ministère dévolue au sacrificateur. Passons lune à cet Ordinal, qui fut composé de la même uanicre mystérieuse et arbitraire que les autres lis liturgiques. En janvier 1550, le Parlement a un Acte approuvant d’avance un ordinal nouV., qui devait être rédigé « par six prélats et six
a autres hommes du Koyaunie, instruits dans la loi ic de Dieu », dont les noms sont inconnus. Le livre était imprimé et prêt à servir au début du iirintemps <le I 5.50. Pendant quelque temps, il resta à l'élut de fascicule séparé, distinct du Prayer Book ; mais dès lors on en faisait usage pour les ordinations quand elles avaient lieu. En 1 552, quand le deuxième /-'/ « ver Book vit le jour, le nouvel Ordinal y fut inséré comme une de ses parties, avecuneou deuxmodiûcationsde texte sans importance décisive, quoiqu’elles accusent encore un progrès dans le sens du Protestantisme. Mais avant de chercher à déterminer la nature du nouvel Ordinal, demandons-nous à quel besoin il prétendait répondre.
Les Eglises nationales ont-elles le pouvoir de régler leurs rites sacramentels ? Innocent I". Morin. — Si vraiment, comme le suggèrent en général les auteurs anglicans modernes, les Reviseurs d’Edouard VI ne voulaient pas répudier la vieille doctrine catholique sur le sacerdoce en lui-même, mais prétendaient seulement sujiprimer certaines additions de date postérieure, inipliquan un supposé doctrinal erroné, ils devaient, semlile-t-il, se borner à éliminer quelques textes surajoutés à l’Ordinal primitif, mais sans écarter en bloc un document d’une pareille antiquité, un document tenu en vénération par toute l’Eglise d’Occident, et employé par elle depuis mille ans au moins, pour la création et la conservation de son ministère. Que l’on considère en efl’et le danger où cette attitude devait jeter quiconque croyait réellement à la nécessité de la succession apostolique dans la hiérarchie. On dil quelquefois que les rites de l’Ordination, comme ceux de la Messe, étaient au Moyen Age très dilîerenls les uns des autres ; qu’on reconnaissait alors universellement à chaque église locale, ou du moins à chaque église nationale, le droit de régler à son gré son rite d’ordination. Il n’y a pourtant pas la moindre trace d’une pareille croyance dans les monuments du Moyen Age ou des âges précédents ; et il n’y a guère de vraisemblance qu’elle ait jamais été admise. Si l’on compare entre eux le rite usité en Occident et les divers rites établis en Orient dès les tout premiers siècles du christianisme, on remarque bien que ces derniers difïèrent les uns d’avec les autres aussi bien que du rite occidental dans les termes emplojés ; mais tous ces rites restent conçusd’aprèsuneseule elmèmeidèe : l’ordination se fait par une prière solennelle, qui détermine clairement l’ollice auquel les candidats doivent être promus par Dieu et sollicite pour eux les grâces nécessaires. Quant aux variétés locales qui se rencontrent dans les divers pays ou daos les diverses provinces d’Occident, — tels les rites de Sarum et d’York en Angleterre ou les rites gallicans en France, — ce ne sont, comme le nom l’indique, que des la/ie^cs : toutes sont conformes dans l’ensemble au rite romain, spécialement dans cette préface solennelle, et endiffèrent tout au plus par l’addition ou le changement de cjuelques phrases ou cérémonies sans importance. Inutile donc, dans une recherche comme la nôtre, de nous occuper de ces particularités régionales.
Ainsi il suQira de consulter le rite romain luimême, pour se rendre compte de tous les points sur lesquels ce nouveau rite d’Edouard VI, qui de nos jours encore forme toute la substance du culte anglican, a rompu avec les anciennes formes liturgiques de l’Eglise universelle. Et que l’on compare la témérité de ces réformateurs anglais, faisant ainsi table rase de cet antique rite occidental, au traditionalisme circonspect qui a toujours caractérisé l’Eglise 1179
ORDINATIONS ANGLICANES
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catholique dans le maintien de ses usages liturgiques et sacramentaires… Ce Iraditionnalisme des autorités catholiques, voici comment il s’exprime dans la lettre qu’en 416 saint Innocbnt I" écrivait à Decentius d’Eugubium.
Si les piètres du Seigneur voulaient garder dans leur intégrité les ordonnances [institutaj ecclésiastiques, telles qu’elles ont été transmises par les bienheureux Apôtres, il n’y aurait nulle diversité dans les ordres et les consécrations mêmes. Mais parce que, au lieu de s’en tenir ù ce qui nous n été transmis, chacun veut prendre pour règle son goût personnel, on voit dans les divers lieux ou dans les diverses églises des usages ou des rites divers ; et le peuple s’en scandalise, car, ne sachant pas que les traditions anciennes ont été coriompues parla présomption des hommes, il se dit, ou bien que les églises ne sont point d’accord entre elles, ou bien que les.Apôtres et les hommes apostoliques ont établi des institutions contraires les unes aux autres. En effet, qui donc ignore ou méconnaît que les traditions données à l’Eglise romaine par le prince des.pôtres Pierre et gardées jusqu’ici ce jour doivent être observées par tous, sans rien y surajouter, sans rien y introduire qui ne s’appuie point sur l’autorité, ou qui se recommande d’un autre exemple ? D’autant plus que très manifestement nul n’a fondé d'églises, dans toute l’Italie, en Gaule, en Espagne, en Afrique, en Sicile et dans les iles situées entre ces pays, hormis ceux qui ont été établis prêtres par le vénérable apôtre Pierre ou ses successeurs. Que ces gens cherchent plutôt dans les documents s’ils y trouvent ou lisent que ces provinces aient été évangélisées par un autre Apôtre. Que s’ils ne Vv lisent pas, ne l’y trouvent nulle part, il faut qu’ils se conforment à ce qu’observe cette Eglise romaine dont ils ont indubitablement tiré leur origine, de crainte qu’en s’attachant à des assertions étran^rèi-es. ils ne paraissent délaisser la source même de leurs institutions. (Migne, Z'. i., XX, 551-552)
Voilà, posé par un pape écrivant au début du cinquième siècle ce principe que nul changement ne doit se faire sans la sanction de l’autorité, dans les usages que, dès leurs premiers commencements, toutes les Eglises d’Occident ont reçus de Rome. Innocent I^ ne parle pas spécialement du changement des rites d’ordination, — encore queces mots : a dans les ordres et les consécrations » paraissent bien les inclure ; — mais il spécilie plusieurs détails de beaucoup moindre importance, tels que le moment exact où la paix doit se donnera la Messe, la question de savoir si, en l’absence de l'évcque, l’ExtrêmeOnclion doit être administrée par un prêtre, etc. Xous pouvons donc juger par ses paroles de ce qu’on aurait pensé au début du cinquième siècle d’une église locale qui aurait prétendu abandonner purement et simplement les formes d’ordre de l’Eglise d’Occident, pour leur substituer, comme nous verrons que cela s’est fait, l'élucubration toute fraîche de quelques personnages inconnus et dénués de toute autorité ecclésiastique.
Mais sur ce point on peut pousser plus avant. On sait que l’ordinal occidental s’est accru dans le cours des âges de plusieurs cérémonies additionnelles fort imposantes. C’est ainsi qu'à une époque très reculée s’introduisit la coutume de tenir le livre des Evangiles sur les épaules de celui qui devait être élevé à l'épiscopat ; plus tard vint la coutume d’oindre la tète de ceux qu’on consacrait évêques, et les mains de ceux qu’on ordonnait prêtres ; plus tard encore, celle de remettre aux nouveaux diacres le livre des Evangiles, aux nouveaux prêtres le calice plein de vin et la patène avec l’hostie, aux nouveaux évêques l’annean et la crosse, et d’imposer à tous les vêlements de leurs ordres respectifs. Comme on pouvait s’y attendre, les théologiens ont discuté et bâti des théories pour savoir si quelques-unes des paroles ou des cérémonies ainsi ajoutées avaient pu
devenir essentielles et lesquelles. Mais ces questions 1 théoriques n’ont jamais causé aucune incertitude ' pratique sur la validité des ordinations accomplies, en raison de la règle pleine de sagesse qu’a toujours suivie l’Eglise catholique, et que Morin expose en ces termes :
Nous croyons nécessaire pour le lecteur de savoir que le Pontifical romain modei’ne contient tout ce qui se trouvait dans les Pontificaux antérieurs, mais que les Pontificaux antérieurs ne contiennent pas tout ce qui se trouve dans le Pontifical romain moderne. Car divers motifs de piété et de religion ont fait introduire dans les Pontificaux récents certaines additions qui manquent dans toutes les éditions anciennes, et plus les Pontificaux sont de date tardive, plus aussi ces insertions se multiplient… Mais, fait admirable et impressionnant, dans tous ces livres, qu ils soient anciens, plus modernes ou contemporains, il n’y a jamais qu’une seule forme d’ordination, tant pour les paroles que pour les cérémonies, et les livres postérieurs n’omettent rien de ce qui se rencontrait dans les précédents. Ainsi la moderne forme d’ordination ne dillère ni par les mots ni par les rites de celle usitée par les anciens Pères. (MoitiN, De Sacris Ordinaiionibus, P. III, p. 10)
Type commun à toutes les formes d’ordination.
— Ce serait nous égarer que d’esquisser ici l’histoire de l'évolution des rites sacramentaires dans l’Eglise ; mais pour qu’on puisse juger de la forme anglicane, qu’on nous permette de citer comme terme de comparaison la forme de l’ordination sacerdotale telle qu elle a existé dans l’Ordinal catholique depuis le xvi= siècle tout au moins, et telle qu’elle se trouve, conçue en termes identiques, dans les sacramentaires Gélasien, Léonin et Grégorien.
Invliatoire. Oremus, dilectissimi, Deum Patrem Omnipotentem ut super hos famulos suos quos ad presbyterii munus elegit cælestia dona multiplicet, quibus quod ejus dignatione suscipiunt ejus exsequantur auxilio.
LitdJiies.
Prières. Exaudi nos, Dcus salutaris noster, et super hos famulos tuos benediclionem Sancti Spiritus et gratiæ sacerdotalis effunde virtutem, ut quos tuæ pielatis aspectibus offerimus consecrandos perpétua muneris tu largitate prosequaris.
Préface. Vere dignum… Deus honorum omnium et omnium dignitatum quæ tibi militant distrihutor, per quem proficiunt universa, per quem cuncta iirmantur. amplilicatis semper in melius naturæ rationabilis incrementis per ordinem congTua ratione dispositum. Unde sacerdotales gradus et officia levilarum sacramentis mysticis instituta creverunt ; ut cum ponlifices summos regendis populis præfecisses, ad eorum socîetatis et operis adjumentum sequentis ordinis viros et secundæ dignitatis eligeres. Sic in eremo per aeptuaginta virorum prudentum mentes Moysi spiritum propagasti ; quibus ille adjutoribus usus in populo innumerabiles multitudines facile gubernavit. Sic in Eleazaro et Ithamar filiis Aaron paternæ plenitudinis abundantiam transfudisti, ut ad salutares hoslias et frequentioris ofEcii sacramenta sufficeret meritum sacerdotum.
Hac proïidentia. Domine, Apostolis Filii tui doctore » fidei comités addidisti, quibus illi orbem totum secundîs prædicatoribus impleverunt. Quapropterinfirmitati quoque nostrae, Domine, quæsumus, hæc adjumenla lar- 5 gire, qui quanto magis fragîliorea sumus, tanto his plu- t ribus indigemus. Da, quæsumus, Pater, in hos famulos tuos præsbvterii dignitatem ; innova in visceribus eorum spiritum sanctitatis ; acceptum a te Deus secundi meriti munus obtineant, censuramque morum exemple suae conversationis insinuent. Sint probi cooperatores ordinis nostri ; eluceat in eis totius forma justitiae, ut bonam rationem dispensationis sibi creditæ reddituri, aeternae beatiludinis præmia consequantur.
Comme nousl’avons noté, ce qui est essentiel dans cette préface, c’est la désignation du degré ou di1181
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l’ollice auquel le candidat doit être élevé, ainsi que la requête omcielle faite à Dieu de l’y promouvoir, l.cs mêmes sacramenlaires anciens renferment des formes similaires pour la collation de l'épiscopat et du diaconat : les degrés en question s’y trouvent clairement désignés, puis on ajoute une prière demandant à Dieu de les conférer.
Tournons-nous vers l’Orient. VEuchologium de GoAR nous fournit les rites d’ordination de l’Eglise grecque orthodoxe ; les liitus Orientales de DenzinGERnous donnent les formes Maroniles.Nestoriennes, Arméniennes et Coptes. (Ces dernières se trouvent aussi dans l’Appendice xxxiii, des Anglican Ordinations du chanoine EsTcouRT.)Nous avons là toutes les formes dont on puisse prouver que l’Eglise catholique les ait jamais sanctionnées, soit en les employant elle-même, soit en acceptant les ordres conférés par leur moyen. Or ces formes, toutes diverses entre elles quant au détail des expressions, gardent toutes la même caractéristique essentielle : toutes désignent clairement le degré ou la fonction et demandent que le candidat y soit élevé, avec les grâces nécessaires pour s’acquitter fidèlement de sa charge nouvelle.
Il existe bien encore une ou deux autres formes aberrantes : ce sont celles qu’on trouve dans les Constitutions apostoliques, dans les Canons dits de saint Hippolyte et dans ce qu’on appelle le livre de prière de Sérapion (Voir l’article du D' Georges Wobbermin dans la collection Texte iind Untersuckungen de Leipzig, 1899, ou le tome II des Cnnstitutiones Apostolicae, éd. Funk.Paderborn, 1906). Là encore la forme des trois ordres est d’un type analogue, sauf que, dans le dernier de ces documents, la formule pour le presbytérat ne détermine pas clairement ce degré ; mais la faute en est peut-être à une omission ou à une corruption du texte, accidents qui menacent toujours les restes littéraires de ce genre. Le chanoine Estcourt, dans l’ouvrage cité, donne aussi un extrait de certaines formes Ethiopiennes pour les troisordres, telles que les a copiées Mgr Bel dans « certains livres Abyssins « (Voir aussi le Month, juin 1914). Mais il ne semble pas que nous ayons là le texte complet, et en tout cas, rien ne prouve que le Saint-Siège ait jamais garanti de son .Tutorilé la validité des rites schisniatiques perdus dans ces régions reculées.
La forme d’ordination de Bucer sert de modèle a l’Ordinal anglican. — Telle fut la témérité avec laquelle on rejeta en bloc les formes d’ordination traditionnelles : il nous reste à voir ce que les l’u lormateurs anglicans imaginèrent pour les remjilacer.
Ce qui frappe d’abord quand on examine le Prayer
liocik d’Edouard VI, c’est qu’il ne retient à peu près
rien des cérémonies anciennes. Si ensuite on veut
avoir dans quelle mesure le service nouveau consti
; iu' une composition originale, dans quelle mesure
(irocède au contraire d’une source allemande —
lume on peut bien le soupçonner après ce qu’on a AU du Service de Communion — on fera bien de consulter un document intitulé : fle ordinatione légitima Ministrorum revocanda, qui se trouve dans les Si ripta anglica de ce réformateur Strasbourgeois lîrcER, que Cranmer invitait à passer en Angleterre |Hiur y collaborer à son travail de réforme. Le titre lie cet écrit révèle assez clairement l’intention de l’auteur : Bucer était de ceux qui, mécontents du rite alors en usage pour la création des ministres dti culte, souhaitaient de lui en substituer un autre, de forme plus pure et plus légitime. Nous allons voir quel lien rattache son ouvrage au nouvel Ordinal
d’Edouard VI, qu’on était justement alors en train de composer. Mais interrogeons d’abord siu' ce sujet MM. Dbnny et Lacky dans leur De Ilierarchia anglicana, ouvrage publié en 1896, appuyé d’une préface approbative du Dr. Jean Wordsworth, évêque de Salisbury, et composé en latin tout exprés pour que lescatholiques du Continent pussent y lire, au moment même où la question se discutait dans une Commission nonmiée par Léon XUl, les véritables arguments pour la validité des Ordinations anglicanes :
Rognante Eihvardo VI pluiirai adveneruiit in Angliam exules quibus in votis erat Ecclesiam Anglicanam in eandein refornialimiia viani redticcre quam ipsi in suis patriis sGCnti erant. Id pi-aesertini fiugitubant ut penilus aboleretur sHcerilotiutij, utquee ritu ordinationis omnia deti-uderenlur f[næ Sancti iSpiritus coUationeui postularent Horum omnitim longe præstaiilis'^imuB fuit Martinus Bucer, ArgenLoratensia. Lullieranus ei’at, spectalo nioderamine, qui, viris tani cui-ialibiis quam ecclesiusticis pertJ ; ratus, in Academiam Cuntabrigiensem ascilus professer ei’uditioni niagnopere profuit, ecclesiæ non mullum nocuit. Is quideiu librum composiiit de oi-dinatione légitima ministrorum revocanda qui propositum suumin ipso titulo præ se fei’t. Quippe non sacrum Ecclesiæ ministerium, non saccrdotium. non verum episcopatum relineri, sed ordinationes quasdam Apostolicas, quas jam pridem desuetas fuisse 30mnial>at, instaurari volait. Très ministrorum oïdines permisit, non tamen veros nec inler se vere distinctos, Unam duntaxat formulam ordinationis pro omnibus ordinibus exhibait quæ bis verbis enunliatar : « Manus omnipotentis Dei Patris et Kilii et <( Spiritus sit super vos, prolegat et gabeniet vos, ut
« eatis et fructum atferatis, isque maneat in vitam aetcr « nani. » Hanc vero formulam ila explicat ut omnes
ministri aequo jure presbyteri, quamvis in très ordines administrative dispositi, per eam ordinari intelligantur. Inter prinii ordinis presbyterum et secundi ea tuntuui ratione ut, cum ordinatur aliquis superinlendens, id est episcopus, orania aliquanto pluribus et gravius gerantiir et periiciantui- quam cum ordinatur pi-esbyter secundi oi’dinis vel tertii. Ita etiani fit nonnullum discrimen inter ordinationem secundi et tertii ordinis,
llunc tandem librum manibus versabant castigatores rilus AnglicMhi, f|ui multum auctoritatis Bucero tribuebant, nec tamen cjus consiliis bac in rc obtemperaverunt…
Ce témoignage d’adversaires est intéressant à enregistrer : donc l’intention de Bucer en inventant ce rite était d’abolir le véritable sacerdoce, pour restaurer en sa place une forme de ministère où il s’imaginait follement reconnaître l’institution primitivement établie par les Apôtres. Que les auteurs du De Ilierarchia anglicana aient raison en ce point, c’est d’ailleurs ce qui est clair pour quiconque étudie l'écrit du réformateur Strasbourgeois. Mais est-il également vrai que les réformateurs anglais de cette époque aient repoussé délibérément les projets d’un homme qu’ils tenaient en si haute réputation ? est-il vrai qu’en composant leur rituel ils aient pris soin d’en exclure toutes les doctrines de Luther et des autres hérétiques, afin de conserver et de perpétuer par des ordinations valides l’authentique sacerdoce de l’Eglise ? En ce cas, ils choisirent un moyen bien étrange pour réaliser un plan qui devait, de l’aveu d’auteurs anglicans, leur apparaître diamétralement opposé à celui de Bucer : de leur plein gré, sans rien qui les y forçât, ils adoptèrent presque intégralement le rite nu’nie que Bucer avait proposé, avec cette seule différence qu’ils substituèrent à sa formule d’ordination unique trois fornmles distinctes. La place nous manque pour donner ici le texte complet des deux rites ; citons-en du moins quelques extraits : leur parallélisme illustrera la parenté qui les unit, et qui, notons-le, ne porte pas seulement sur le détail de l’expression, mais aussi sur l’ordonnance de tout l’ensemble. 1183
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Les deux lilui-gies commencent par un paragraphe prescrivant une exhortation sur la nature du ministère auquel sont appelés les ordinands. Suit un autre paragraphe sur les Psaumes à réciter ou à chanter, sur les Epîtres et les Evangiles à lire : le choix est identique dans les deux rituels. Puis vient une allocution au peuple :
IIITE DE BfCEH’Soient donc ceux-ci ceux que nous nous proposons avec l’aide de Dieu d ordonner au ministère de l’Eglise (il mentionne la nature du ministère el le lieu où il devra èlie exercé). Car après leur examen canonique nous les trouvons, autant qu’un tel objet peut être reconnu par nous autres hommes, légitimement appelas et approuvés pour cette fonction. Mais si quelqu’un de vous connaît, etc.
Puis, si le peuple n’allègue pas de crime ou d’empêchement, rOrdinant principal (selon Bucer), l’Evèque (selon le rite anglican), s’adresse aux candidats en ces termes :
RITE D EDOUARD VI
Bonnes gens, soient ceuxci ceux que nous nous proposons, s’il plaît à Dieu, de recevoir aux saintes fonctions de… Car après dû examen, nous trouvons non point le contraiie, mais bien qu’ils sont… Et néanmoins s’il est quelqu’un de vous qui connaisse, etc.
Vous avez entendu, frères, dans voire examen canonique et tout ft l’heure dans le sermon, el dans les leçons qui ont été lues des Apôtres et des Evangiles, combien grande est la dignité, etc…
Vous avez en tendu, frères, tant dans votre examen privé que dans l’exhortation qui vous a été faite tout à l’heure, et dans les saintes leçons tirées de l’Evangile et des écrits des Apôtres, de quelle dignité, etc.
Dans toute la longue allocution dont nous venons de citer les premiers mots, le rite anglican d’Edouard VI suit, avec cette même fidélité, le rite de Bucer. Tous deux la terminent en introduisant un questionnaire sur les croyances du candidat, — questionnaire de neuf demandes dans le rite anglican, de dix dans celui de Bucer, mais ovi par ailleurs questions et réponses sont presque identiques dans leur sujet et dans leur forme.’Vient ensuite une traduction de la collecte : Actiones nustras, après laquelle les deux liturgies réservent un temps convenable à la prière privée pour les ordinands. Puis commence une sup]dication, évidemment insijirée par l’oraison du Pontitical catholique : Deus honoriim omnium, bien que dans ces rituels protestants elle ne s’associe plus à l’imposition des mains :
Dieu toul-jiuissant. Père dp Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous rendons grâces à Ta divine Majesté el ù Ton immeneeamour et bienveilL- ^nce envers nons, par ce même Tien Fils Notre Seigneur et Rédempteur… Et Tu as voulu qu’après qu’il eut achevé notre Rédemption par sa mort et qu’il se fut assis… Il nous donnât à nous, hommes misérables et perdus, et nous envoyât comme Tu L’as envoyé, des Apôtres, etc.
Dieu tout-puissant et céleste Père, qui par Ton infini amour el bonté envers nous, nous as donné Ton Fils unique et très chèrement aimé Jésus-CIirist pourétre notre Rédempteur et l’auteur de la vie éternelle ; lequel, après qu’il eut achevé notre Rédemption par sa mort et qu’il fut monté au Ciel, envoya à travers le monde ses Apôtr « s, ses Prophètes, ctc.
1. AngUca Scripia, pp. 255-259 ; voir aussi le Tablet, janvier 1896, qui cite le texte complet de Bucer.
Pour ces si grands bienfaits, pour Ton éternelle bonté, et parce que Tu as condescendu à appeler ces Tiens serviteurs ici présents au même ofiBce et ministère du salut de l’humanité, etc…
C’est pourquoi, pour ces si grands et si ineffables bienfaits de Ton élei’nelle bonté, comme aussi parce que Tu as daigné appeler ces Tiens serviteurs ici présents au ministère du salut de l’homme, et nous les présenter pour être ordonnés à ce même ministère, etc…
Puis c’est la formule que 1’ « Ordinant principal » et les « presbytres » (selon Bucer), l’n Evêque » et les « prêtres » présents (selon le rite anglican pour l’ordination presbytérale), doivent réciter en imposant les mains aux candidats agenouillés :
Texte db Bucer :
La main du Dieu tout-puissant. Père, Fils et Saint-Esprit soil sur vous, vous protège et gouverne, pour que vous portiez beaucoup de fruit par votre ministère et qu’il demeure à jamais. Amen.
Texte u’Edocahd’VI’et texte anglican actuel) :
Pour le Diaconat :
Reçois autorité pour exécuter l’office de diacre dans l’Eglise de Dieu à toi confiée : au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Reçois autorité pour lire l’Evangile dans l’Eglise de Dieu, et pour le prêcher si tu y es autorisé par l’évêque lui-même.
Pour la Prêtrise :
Reçois le Saint-Esprit. Ceux dont tu pardonnes les péchés, leurs péchés sont pardonnes, el ceux dont tu retiens les péchés, leurs péchés sont retenus. El sois un fidèle dispensateur de la parole de Dieu el de ses saints sacrements, au nom du Père, etc.
Reçois autorité pour prêcher la parole de Dieu et pour administrer les saints sacrements dans la paroisse où ta seras pour ce établi.
Pour l Episcopat :
Reçois le Saint-Esprit et te souviens d’exciter la grâce de Dieu qui est en toi par l’imposition des mains ; car Dieu ne nous a pas donné l’esprit de crainte, mais celui de puissance, d’amour et de sobriété. Applique-toi à la lecture, à l’exhortation el à la doctrine. Pense à ces choses contenues dans ce livre, sois diligeni en elles pour que l’accroissement qui viendra par elles soit manifeste à tous las hommes ; prends garde à toi-même et à ton enseignement, et sois diligeni à ce faire, car en ce faisant lu le sauveras toi même en même temps que ceux qui l’écoutenl. Sois pour le troupeau du Christ un pasteur, non un loup ; nourris-les, ne les dévore pas. Soutiens Içs débiles, guéris les malades, répare ceux qui sont brisés, ramène ceux qui sont bannis, cherche ceux qui sont perdus » Soyez miséricordieux sans faiblesse ; administrez la discipline shus oublier la miséricorde : afin que, quand viendra le suprême Pasteur, vous receviez l’immarcessible couronne de gloire par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen.
Ces quelques extraits aident peut-être à saisir le rapport q-ui unit les deux rites d’ordination. Si l’on désire pousser plus loin cette élude, on n’aura qu’à ouvrir n’importe quelle édition du Livre de la prière communeà partir de celle de 1552, et à en comparer le cérémonial avec celui proposé par le réformateur de Strasbourg dans son De ordinatione légitima Minisirorum revocanda. On verra du premier coup comme les deux textes se répondent en toutes leurs parties : à pai-t la substitution de la triple formule à la formule unique, la liturgie anglicane ne se différencie de l’autre que par quelques perfectionnements verbaux, d’ordre purement littéraire, et par quelques 1185
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abréviations dues, semble-t-il, à des motifs du même genre. Mais alors, où découvrii' enli-e ces deux rites une diverfrence dogmatique ?
Il est vrai que l’Ordinal anglican est précédé d’une courte préface, qui renferme la déclaration suivante :
Depuis le tem[is des Apôtres il y a eu dans l’Eglise du Christ CCS trois ordres de ministres, les évoques, les prêtres et les diacres, et nul ne devait présumer d’exercer le » fonctions d’aucun d eux, si ce n’est qu’il eût d’abord été appelé, éprouvé, examiné el reconnu doué des qualités re(iuises, et que l’autorité légitime l’ciit approuvé pour cet office par prière publique jointe à l’imposition des mains… Et c’est pourquoi, afin que ces ordres soient perpétués et-respectueuserænt employés et' estimés dans 1 Eglise d’Angleterre, nul homme ne sera compté ou considéré légitime évéque, prêtre ou diacre de 1 Eglise d’Angleterre, ni ne sera soulTert exercer lesdites fonctions si ce n’est qu’il ait été éprouvé, examiné et accepté pour cela d après la formule qui suit ci-dessous.
Mais rien dans ces lignes ne montre que l’auteur veuille faire plus que d’affirmer l’existence, au temps des Apôtres, d’un ministère à trois degrés ; rien n’y implique qu’il attribue à ce triple ministère le pouvoir de conférer des sacrements vraiment efficaces et d’offrir un véritable sacriQoe eucharistique. Et il serait étrange qu’il en fût autrement : car l’auteur de cette préface, on le sait par ailleurs, n’est autre que Granrær lui-même, — Cranmer dont l’horreur pour l’idée catholique de la Messe est bien connue et s’atteste en des pages comme celles que nous avons citées de lui.
D’autre part, si Bucer ne donne pour l’ordination de tous les ministres qu’une formule unique, ce n’est pas qu’il désapprouve la notion d’un triple ministère, pourvu que celui-ci ne prétende pas à un pouvoir mystique sur des sacrements efficaces ex opère operato : tout au contraire, il envisage lui-même l’emploi à faire de sa formule pour la collation de trois différents offices. Car dans le document même qui nous occupe, après avoir proposé sa formule, il la fait suivre de cette direction :
Puisqu’il y a trois ordres de presbytres et ministres de l’Eglise, l’ordre des évêques, celui des prêtres ^- que les anciens appelaient cardinaux et qui ont la principale administration de l’Eglise dans les lieux où il n’y a pas d'évt’ques, — et enfin les presbytres qui assistent les susdits et qui parmi nous sont appelés diacres ou assistants, le service d’ordination doit être rendu correspondant à ces trois déterrés ; de sorte que, quand un surintendant ou évêquG sera ordonné, tout sera fait avec un plus grand et imposant appareil que quand sera ordonné un presbvtre du second ou du troisième ordre. Semblablement il faudrait faire quelque différence entre l’ordination d’un presbytre du second ordre el celle d’un du troisième.
Après cela, nous avons sans doute le droit de récuser la théorie d’après laquelle la substitution de trois formules à la formule unique de Bucer révélerait chez les auteurs de l’Ordinal d’Edouard VI l’intention de conserver à leur Eglise un pouvoir mystique, sacrificatoire et sacramentaire, au sens catholique des mots.
Nous n’avons fait jusqu’ici que compai-er la formule d’Edouard VI à celle de Bucer. Mais on nous permettra de signaler dès maintenant un détail complémentaire sur lequel nous aurons à revenir plus loin : c’est que la forme anglicane pour l'épiscopat, et même celle pour la prêtrise, sont déficientes : il leur manque l’indication de l’ordre qui se confère. La première dit : « Reçois le Saint-Esprit », mais sans déterminer à quelle Un, — omission qui a fait dire au D' Lingardque ces paroles ne seraient pas moins appropriées pour l'établissement d’un sacristain de village que pour la consécration d’un évêque. Et la
Tome ni.
forme de la prêtrise elle-même est loin de désigner avec précision l’ordre administré ; elle dit bien :
« Ceux dont vous pardonnez les péchés, leurs péchés
sont pardonnes, etc. » Mais la puissance de pardonner les péchés, bien qu’adjointe au sacerdoce, n’est pas le constitutif essentiel du sacerdoce ; et d’ailleurs nous avons des preuves pour établir qu’en ce tempslà et aux yeux des réformateurs, cette puissance de pardonner les péchés a n'était rien d’autre que celle de « réconcilier l’homme à Dieu ». Car Mason, un des anciens auteurs les plus dûment approuvés par son Eglise sur la question des ordres anglicans, nous allirme que » l’Ecriture enseigne que Dieu se réconcilié l’homme en ne lui imputant pas ses péchés », et que « à nous est donné le ministère de la réconciliation, que saint Paul appelle le ministère de la
« parole, auquel sans nul doute est adjoint le ministère
des sacrements » (De Ministei-io aiiglicano, lib. V, c. 14). Il faut seulement avertir ici nos lecteurs de ne pas juger la forme d’ordination anglicane d’après le texte des éditions modernes du Prayer Book ; car, tout en reproduisant fidèlement le texte du xvi' siècle cité ci-dessus, ces éditions y ajoutent
— et pour l'épiscopat et pour la prêtrise — une détermination complémentaire ; elles portent :
« Recevez le Saint-Esprit pour l’office et l'œuvre
d'évêque — ou de prêtre — dans VFglise de Dieu. » C’est là un progrès assurément. Mais nous n’avons pas à rechercher s’il a suffi ou non à rendre le rite valide, car ces additions datent de 1662 ; c’est-à-dire qu’elles sont postérieures d’un siècle à la consécration des évêques d’Elisabeth ; ells n’ont donc pu en toute hypothèse valider les ordres précédemment transmis par ces prélats.
Evêques consacrés sous Edouard VI d’après l’Ordinal nouveau. — C’est d’après cet Ordinal, rédigé dans les conditions que nous avons dites, que fut ordonné ou consacré tout le clergé anglican durant tout le reste du règne d’Edouard VI. c’est-à-dire depuis 1550, année où cet Ordinal entra en usage, jusqu'à l’avènement de la Reine Marie, le 6 juillet 1553. Ceux qui reçurent alors la consécration épiscopale furent au nombre de six ; c'étaient : Jean Poynet, consacré évêque de Rochester le 29 juin 1550, Jean Hooper, évêque de Gloucester, le 8 mars 1551 ; Miles Coverdale et Jean Scory, évêques l’un d’Exeter et l’autre de Rochester, le 30 août 1551 ; Jean Taylor, évoque de Lincoln, le 26 juin 1552 ; et Jean Harley, évêque de Hereford, le 26 mai 1553. Un certain nombre de diacres et de prêtres furent aussi ordonnés à cette époque, mais le chiffre exact n’en peut être établi el leurs noms n’ont pas d’intérêt pour le présent lra.aiil. (^Ordines anglicani, p. 35 etvpp. vi)
Marie Tudor (1553-1588). Réconciliation avec Rome. — Dès qu’Edouard VI fut mort et que l'échec des partisans de Jeanne Grey eut laissé Marie en paisible possession de son trône, on abandonna complètement l’usage de l’Ordinal anglican et on entra en négociations pour réconcilier avec Rome tout le royaume, peuple et clergé. Quatre des évêques nommés sous Edouard par le pouvoir civil, Poynet, Barlow, Coverdale et Scory — ce dernier après quelques tergiversations — s’enfuirent d’Angleterre ; quelques prêtres intrus particulièrement compromis en firent autant. Cranmer, Latimer, Ridley, Ferrar et Hooper — consacres les trois premiers selon le rite romain, les deux derniers selon le rite anglican — furent arrêtés, et ne donnant pas signe de repentir, ils furent jugés par une commission papale, déposés, dégradés, incarcérés et finalement livrés au bras séculier pour subir leur châtiment. Jean Bird, évêque de facto de Chesler, et
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1188^
Paul Busb, évêque de fado de Bristol, consacrés tous deux selon l’ancien Pontifical sous le règne d"Henri VllI, perdirent les sièges qu’ils avaient usui’pés : le premier fut déposé « propter conjugium », le second sut démissionner à temps. Deux autres prélats sacrés à l’anglicane, Taylor et Harley, furent jugés et déposés, Taylor a propter nuUitatem consecrationis » et Harley a propter conjugium et hæresim et ut supra » (c’esi-SL-divepropternullitatem consecrationis). D’autres, comme Nicolas Heath, Cuthbert Tunstall, Thomas Thirlby, Georges Day, Antoine Kitchen.tous consacrés selon le Pontifical, donnèrent des marques de repentir, reçurent l’absolution de leiurs censures et furent soit canoniquement rétablis, soit nommés à d’autres sièges. Remarquons donc qu’aucun desévêques constitués par Pôle n’avait reçu le caractère épiscopal d’après le rite d’Edouard VI.
Elisabeth (1558-1608). Rétablissement du schisme. — La Reine Marie mourut le 17 novembre 1558, et le Cardinal Pôle deux jours après, ce qui laissait vacant le siège primatial de Cantorbéry. Le champ était ouvert aux transformations religieuses qui devaient suivre. Elisabeth, la nouvelle reine, n’attendit pas longtemps pour commencer à défaire tout l’ouvrage si heureusement entrepris par sa sœur et pour replonger tout son peuple dans le bourbier du schisme.
Ce fut principalement au moyen de deux Actes qu’Elisabeth imposa à ses sujets ce schisme qui contredisait tous leurs vœux. Le premier fut VActe de suprématie, qui abolissait en Angleterre toute juridiction étrangère — c’est-à-dire toute juridiction papale — et rétablissait la suprématie de la Couronne en matière ecclésiastique, telle que l’avait pour la première fois revendiquée Henri VIII en 1530. La seule différence était qu’Elisabeth, craignant le ridicule qu’il y aurait pom’une femme à porter le titre de « Chef de l’Eglise », y fit substituer celui de « Suprême Gouverneur » ; mais la distinction était purement verbale, le pouvoir et les droits attachés à cette nouvelle appellation restaient exactement les mêmes. Comme sous Henri VllI, comme sous Edouard VI, on rédigea un serment qui reconnaissait cette suprématie royale, et on commanda à tous de le prêter sous menace de peines graves. L’autre Acte voté par le premier Parlement d’Elisabeth fut celui De la Prière Commune et de l’Administration des SacremeJits, lequel abolissait et déclai-ait illégal l’usage des livres liturgiques catholiques et ordonnait de les remplacer par le deuxième Prayer Book d’Edouard VI — celui où les tendances protestantes s’accusaient le plus. On y avait seulement introduit un tout petit nombre de changements sans importance, dans le vain espoir de séduire ainsi plus facilement les partisans du Catholicisme qui seraient par ailleurs peu préparés au martyre. Au temps où cet Acte fut définitivement adopté, il avait pris le nom d’Acte d’Uniformité, son objet étant d’imposer sous des peines sévères l’uniformité dans les services de l’Eglise nationale. L’histoire du temps atteste la dure pression exercée par la Cour dans le vote de cet Acte (voir Dom Norbert Birt O. S. B., The Elizahelhan Beligious Seulement, chap. 11) et tout spécialement l’opposition décidée qu’y firent tout l’épiscopat et une très grande partie du clergé — le clergé dans son Assemblée de convocation, l’épiscopat dans son Assemblée de convocalion et à la Chambre des Lords. L’évêque Quadra, ambassadeur du Roi d’Espagne auprès d’Elisabeth et observateur attentif des idées et des coutumes anglaises, rapporta même à son maître qu’au dire des personnes instruites en
ces matières, les coutumes du Rojaume interdisaient à ces statuts d’avoir force de loi, parce qu’ils n’avaient été appujés par aucune portion du corps ecclésiastique, ni en convocation ni à la chambre des Lords (ibid., pp. 91, 96). Mais l’Angleterre vivait alors sous un régime despotique, non point peut-être d’après la lettre de sa constitution, mais en fait et vu l’impuissance où se trouvait le peuple de résister à l’arbitraire de ses souverains, dès que ceux-ci avaient assez d’énergie pour recourir à la force. Aussitôt l’Acte de Suprématie voté, on commença par demander à tous les évêques de prêter le serment : tous refusèrent, sauf Kitchen de Llandaff qui, grâce à une réponse évasive, parvint à conserver son siège pendant le peu d’années qui lui restaient à vivre, mais qui ne consentit jamais à exercer son ministère épiscopal, même sur l’injonction formelle de la Couronne. Quantité de prêtres refusèrent également le serment quand on le leur demanda ; ils perdirent leurs bénéfices et subirent diverses vexations.
Installation d’une nouvelle lignée d’évêques et d’un nouveau clergé. — Le Gouvernement se vojait donc dans la nécessité de créer une nouvelle hiérarchie qui serait prête à servir ses desseins. Un ancien chapelain de la mère de la Reine fut désigné — bien contre son gré, semble-t-il — pour le siège de Cantorbéry. Dociles au Congé d’élire voya, le Doyen et le Chapitre de cette église le choisirent pour archevêque le 1"^ août iSSg. Jusque-là tout allait bien ; mais une difficulté s’éleva aussitôt louchant sa consécration : l’Acte de Parlement qui, en rompant avec le Saint-Siège, avait institué les nouveaux règlements ecclésiastiques (2J Henri VIII c. 8), prescrivait que, pour la consécration d’un évêque, le mandat royal lut adressé à un archevêque et à deux évêques du Royaume, chargés le premier d’officier et les deux autres de lui servir d’assistants ; et s’il s’agissait de consacrer un archevêque et que nul autre archevêque ne pût être requis, le mandat devait être adressé à quatre évêques du Royaume, lesquels devraient conduire la cérémonie. Mais dans le cas présent, tous les évêques du Royaume refusant de prendre part à cette solennité schismatique, le Gouvernement était bien en peine de trouver des prélats dont la docilité voulût bien le dispenser d’une infraction au statut légal. Car en dehors des évêques catholiques qu’on était en train de déposer, il n’existait pas « quatre évoques du Royaume » — c’est-à-dire quatre évêques en possession de sièges épiscopaux dans le Royaume. Enfin de compte, on envoya le mandat à Kitchen, Barlow, Scory, Coverdale et Hodgkins, qui tous, sauf le premier, semblaient disposés à obéir. Mais Barlow, Scory et Coverdale, s’ils avaient précédemment occupé les sièges de Bath et Wells, de Ghichester et d’Exeter, en avaient été privés sous le règne de Marie. Et cette destitution était, en droit civil, tout aussi valide que celle deBonner, de Tunstall et des autres. Quant à Hodgkins, il n’avait jamais été qu’évéque auxiliaire sans juridiction en Angleterre. Que, de son point de vue légal, le Gouvernement ait trouvé là une difficulté, c’est ce dont témoigne tine note du Secrétaire d’Etat Lord Burleigli, écrite en marge d’un projet de la cérémonie de consécration conservé au State Paper Office, cf. col. 1210. Autre difficulté encore : il semble que !e rite d’ordination du deuxième Prarer Book d’Edouard VI n’avait pas encore été remis en usage par l’autorité du Parlement, comme l’aurait exigé r.A.cte (25 Henri VIII) que l’on invoquait. Consultés sur ce double cas, les juristes de la Couronne conseillèrent 1189
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1190
à la Reine d’alléguer la plénitude de son royal pouvoir et de dispenser de l’observation de ces règles. Cet avis fut approuvé par la Couronne et la consécralion finit par se faire. Elle eut lieu le 17 décembre 155g, dans la chapelle du palais archiépiscopal de Lnmbetli, à une heure singulière et où l’affluence du public n'était guère à craindre : 5 lieures du matin. On a même élevé des doutes sur le fait lui-même, et contesté qu’il ait jamais eu lieu. Le mystère qui l’entoura — car on n’appela sur lui l’attention générale que bien des années après — prêtait quelque fondement à ce soupçon.
Les ordres de cette nouvelle lignée épiscopale dérivent tous de l’archevêque Parker. — Ainsi consacré selon le rite anglican par le ministère de Barlow, de Scory, de Coverdale et de Hoilgkins — qui, nous dit le Registre, lui imposèrent loiis les mains et récitèrent ensemble les mots : « Reçois le Sainl-Esjtrit, etc. », Parker consacra, ffuatre jours plus tard, quatre nouveaux évêques à Bow Church de Cheapside. Cette église, qui formait dans le diocèse de Londres une enclave relevant de l’archevêque de Cantorbéry, servait souvent pour les cérémonies où devait s’exercer la juridiction archiépiscopale. Les quatre nouveaux évêques, respectivement destinés anx diocèses de Londres, d’Ely, de Bangor et de Worcester, étaient Edmond Grindal, Richard Cox, Roland Meyrick et Edwin Sandys. Le a i janvier, quatre autres évêques furent consacrés pour d’autres sièges vacants, puis trois le 24 mars, un le i^ juillet, un le I"' se[>tembre, — tous par l’archevêque Parker. C’est donc, sans aucune contestation, de lui et du sacre accompli à Lambeth le 17 décenilire 155g que les prélats anglicans de la première génération tinrent les pouvoirs qu’ils devaient transmettre à leurs successeurs. Et par suite il est vrai de dire que toute la série des pasteurs de l’Eglise d’Angleterre, depuis le temps d’Elisabeth jusqu'à nos jours, garde ou ne garde pas le caractère du sacerdoce chrétien, selon que le rite posé par Barlow et ses collègues en ce matin do décembre, dans la chapelle de Lambeth, a été etlicace ou non.
Voilà donc, en son essence, le problème des ordres anglicans. L’Ordinal employé pour cette cérémonie — c'était, ne l’oublions pas, l’Ordinal d’Edouard VI, dont nous avons examiné la nature — fournissait-il une forme d’ordination valide ? et le consécrateur de Parker était-il lui-même un évêque validement consacré? Si à la première de ces deux questions on doit répondre négativement, la seconde devient superllue, puisque l’Ordinal d’Edouard VI a été depuis ce temps le seul en usage dans l’Eglise d’Angleterre. Si au contraire on concluait que ce rite, en lui-même, est valide, il deviendrait absolument capital, pour qui veut juger de la succession anglicane, de déterminer si Barlow, l’homme de qui dérive, par l’intermédiaire de Parker, toute la hiérarchie nouvelle, était vraiment évêque ou non.
Rejet formel et absolu de ces ordres par le Saint-Siège sous Marie Tudor. — Après avoir ainsi défini le problème, voyons d’abord quelle a été, à l'égard de ces ordres anglicans, l’attitude des autorités ecclésiastiques. Sur ce point, il n’y a place pour aucun doute : dès le début. les chefs de l’Eglise c.itholique regardèrent ces ordres comme invalides et nuls. Pour le temps du règne de Marie, nous avons déjà eu l’occasion de le noter en passant, à propos de In déposition de quelques évêques d’Edouard VI (voir plus haut, col. 1 186-7) ; mais il nous faut maintenant citer les documents authentiques qui fomlèrent la pratique universelle de réordonner sans condition tous les
ecclésiastiques anglicans convertis, que l’Eglise catholique aduiettait au service de ses autels. Nous n’aurons pour cela qu'à transcrire un long extrait de la VinJication, lettre adressée en 1898 aux archevêques anglicans (Temple et Maclagan) par le cardinal Vauuhan et les évêques catholiques d’Angleterre pour défendre la bulle Apostulkæ ciiræ contre les conceptions erronées que s’en étaient formées les prélats protestants et qui s'étaient révélées dans leur critique intitulée : liespoiisio Archiepiscoporuni Ani ; Uæ ad lileras apoxlolicas f.eonis Papæ XIIl de uidinationibus Anglicanis.
Pour nous renseigner sur le merle de reconciliation adopté sous la reine Marie, il existe une série doctes authentiques où, entre autres choses, se trouve clairement exposée la conduite à tenir louchant les ordres anglicans ; et c’est à ces documenta que Lé, on XIIl a fait allusion. Cette série comprend : (1) la lettre Je Jules III {Dudum duîn charissima) au Cardinal Pôle, datée du 8 mors 1.054, el qui cite les termes d’une lettre antérieure, datée du 5 août Xhâ'i, pour renouveler et élargir les pouvoirs qu’elle concédait ; (2) une collection de lettres de Pôle à ses suffragants, où il leur délègue une partie desdits pouvoirs : un passage d’une de ces lettres adressée à l'évéque de Norwich figure dans la bulle Apnslolicae curne ; (3) la bulle de Paul IV [Piæclaru charissimi), du "20 juin 1555, dans laquelle le Pape, répondant à une consultation de Pôle, ratifie l’usage fait de leurs pouvoirs par le cardinal et ses suifragants et prend leurs actes à son propre compte ; (4)e bTei(Reffimini unifersalis) an même pontife, daté du 30 octobre 155.">, et où il corrige un malentendu né à propos d une phrase de la bulle Præclara charissimi^ précisément sur la question des oi’dres d Edouard VI. A ces quatre documents on peut en ajouter un autre, bien qu’il ne soit pas ineutionné dans la récente bulle : il a été découvert dans les archives du Vatican (le texte en est donné dans l’ouvrage du P. Brandi, Rnmc et Cantorbéry, p. 236) et renferme un sommaire des concessions que Pôle désirait voir ratifiées dans la bulle Præclara charissimi : or il se trouve que ladite bulle y est conforme de tous points…
'oici ce que nous rencontrons dans ces divers documents : (1) La lettre papale du 8 mars 1554, dans la citation qu’elle l’ait de la lettre précédente (du 5 août 1553), partage en deux catégories les ministres qui, de fait, accomplissaient alors en Angleterre les fonctions du culte : « Ceux qui avaient été régulièrement et légi « limement (rite et légitime] promus 00 ordonnés avant (( de tomber en cette sorte d’hérésie » et « ceux qui n’avaient
« pas été promus ». Les premiers pourraient exercer leurs
ordres, pourvu qu’ils fussent dûment relevés des censures encourues ; les autres devaient recevoir tous les ordres, y comprisla prêtrise, si on les en jugeait capables et dignes.
(2) La fin de cette même lettre du 8 mars, faisant manifestement allusion àceuxqui ont été qualifiés de « non promus », en parle comme de sujets ayant besoin de dispenses « quant
« aux ordres qu’ils n’ont jamais reçu.s ou qu’ils ont mal « reçus (// « nr/uam ai^^ ma^e), ou quant au don de lacoDsécration qu’ils ont i eçu peu régulièrement [minus rite) et « sans l’obserfalion de la forme accoutumée dans V Eglise ».
(3) La lettre de Pôle à l'évéque de Norwich lui donne le pouvoir de permettre l’exercice de leurs ordr-es, — après absolution de leurs censures ^ « même aux sujets onlon « nés par des évoques hérétiques et schismatiqnes, malgré
« que leur ordination se soit faite peu régulièrement
IX [minus rite), pourvu que la forme et l’intention de ({ l’Eglise aient été gardées » dans l’administration de ces ordres. (4) La bulle Præclara charissimi ne se borne pas à confirmer et à approuver pleinement tous les actes de Pôle — ce qui inclut déjà la direction par lui donnée de considérer comme « n’ayant jamais été reçus » les ordres conférés dans une autre forme ou intention que « la
« forme et l’intention de l’Eglise » ; le pape y ajoute prudemment une nouvelle restriction afin d’exclure une autre
source possible d’invalidité que Pôle n’a pas directement spécifiée dans ses recommandations à ses suffragants ; c’e-'t que « si quelqu’un avait « té promu par l’usage d’un
« rite valide en soi. mais par le ministère d’un évoque ou « archevêque « [uî lui-même n’aurait pas été <ltUnent et
a correctement ordonné », son ordination devrait pareille1191
ORDINATIONS ANGLICANES
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ment élre tenue pour nulle, et le sujet devrait être réordonné par son ordinaire, (5) Le bref du 30 octobre explique que les termes « ovéques non dûment et correctement
« ordonnés » visent ceux et ceux-là seuls qui n’ont pas été
ordonnes et consacrés selon la forme de l’Eglise. v6 ; Le sommaire dont la bulle ^/)os<o/r"ræ cutæ ne fait pas mention nous intéresse par le litre suivant ; « Dispenses (accor « dées par le Révérendissime Légat et dont on demande <( la ratification) pour des personnes ecclésiastiques, soit a séculières, soit membres des divers ordres religieux,
« afin qu’elles puissent être promues tant aus ordres
II qu’aui bénéfices invalidemeut (nidliter) l’eçus pendant II le scbisme.)>
Quand on rapproche les uns des autres tous ces passages, il devient tout h fait évident qu’il y avait à cette époque certains ministres du culte faisant fonction d'évéques, de prêtres et de diacres, qui pouvaient désirer se réconcilier avec l’Eglise, mais dont les ordres étaient tenus pour invalides : et la cause de cette invalidité, t'était, à l’origine de ces ordres, la substitution d’une certaine forme ou d’un cerlain rite ii la « forme de l’Eglise ». Or cette « forme de l’Eglise », dont il' s’agit, est manifestement la forme prescrite dans le Pontifical, telle qu’elle li-urait dans l’un ou l’autre des testes quasi identiques usités en Angleterre jusque vers ce temps. La forme qu’on lui oppose ne peut donc élre que celle d’Edouard VI, quiavail, au su de tout le monde, supplanté la forme traditionnelle propre à l’Eglise catholique. Telle est la conclusion très sage que tire la bulle ApostolUae curae, en remarquant que, si l’on supposait visée dans ces documents une autre forme que celle d’Edouard VI, on devrail supposer que les lettres du Pape et les autres ne fuisaicnl point allusion aux besoins réels de leurs destinataires.
Les preuves données sur ce point suffisent amplement à emporter la conviction ; mais il y en a d’autres encore pour les confirmer, et dans un article comme celui-ci on ne peut se dispenser de leur accorder au moins une mention sommaire. Ces ecclésiastiques qui ont besoin d'être ordonnés à nouveau, si par ailleurs l'évêque du diocèse les y juge aptes et trouve qu’ils réalisent les conditions requises, les décrets de Marie Tudor du 4 mars ! 554 nous les décrivent comme « toutes personnes ci-devant pro « mues à quelque ordre d’après la noin^eUe espèce et a manière d’orJres, considérant qu’elles n’ont pas été a ordonnées en toute réalité (in rery deed) ». Ici l’Ordinal nouveau est directement désigné comme cause de la nullité des ordres conférés. Il est vrai que ces décrets furent publiés avant la venue de Pôle, lequel ne fut institué légat que par une bulle du 8 mars suivant, et n’expriment par suite que l’opinion de la Couronne ; mais outre que cette opinion se fonde sans aucun doute sur une correspondance avec Pôle et sur les commentaires qu’en ont fait des ecclésiastiques orthodoxes et experts, comme Gardiner et Bonner, elle suffit en tout cas à nous montrer quel était le vice dont on croyait fermement le rite d’Edouard VI entaché ; et nous pouvons par là saisir plus clairement encore le point visé par le Saint-Siège dans la condamnation subséquente. — De même nous voyons Bonner dans son Profitalile and Necessary Doctrine (publié en 1554 ; voir Bonner dans Calh. Encycl.) faire allusion à ces mêmes personnages pour les qualifier de « ministres récemment
« institués en temps des chisme, d’après l’ordination « qu’on a nouvellement inventée… [lesquels] ont très « pitoyablement abusé le peuple de ce Royaume, qui « par ce moyen a été frustré des très sacrés Corps et « Sang du Christ notre Sauveur… et aussi du sacri « fice de la Messe. » —.ulre indice encore : lorsqu’en février 1555 Thirlby. Montague et Carne furent
envoyés en ambassade par Pôle à Paul IV, pour lui expliquer l’usage fait par le Cardinal des pouvoirs de légat qu’il tenait de Jules II, et pour obtenir que le Saint-Siège, s’il approuvait les mesures adoptées,
voulût bien les confirmer et les prendre à son compte, les ambassadeurs n’emportèrent pas seulement le sommaire que nous avons mentionné i)lus haut et qui leur rappelait les décisions à faire ratifier : ils, y joignirent une copie des parties essentielles de l’Ordinal d’Kdouard VI (voir, pour le texte de ces extraits, Lacey, Roman Diary, p. 181), aûnque Rome piit ainsi juger par elle-même du bien-fondé de ces décisions. Le P. Brandi, dans son Home et CantorbérvÇp. 71) cite les Archives du Vatican (71'(i/i//n<Hra di Inglttlterra, III, io3 et Bililiotheca l’ia, 2^0) pour attester que l’examen eut lieu. Au reste, la nature même de la question siiflit à nous en assurer : comment supposer que Paul IV ait voulu confirmer de son autorité des assertions et des décisions semblables, sans les avoir d’abord examinées avec soin ? Et lui-même d’ailleurs nous en avertit équivalemment dans la bulle Præclara charissimi en accordant la confirmation demandée : « Nos… præmissis omnibus cum nonnullis ex iisdeni foiribus nostris, ipsius
« Romanæ Ecclesiæ Cardinalibus propositis et
n diligenter discussis, habitaque desuper delibe « ratione matura, singula… prædicta auctoritate
« Apostolica ex certa scientia approbanms et confir « mamus. »
Attitude pratique des autorités catholiques â l'égard de ces ordres sous Marie. — La conduite qu’on tint dans la suite fut en parfait accord avec cette réponse de l’autorité. Noivs voj’ons (et la Vindication ne manque pas de le noter) que lorsque se jugèrent les accusations d’hérésie et les autres portées contre les évêques et le clergé d’Edouard VI, les condamnés furent régulièrement dégradés de tous les ordres qu’ils avaient reçus selon le Pontifical, tandis qu’on dédaignait comme inexistants tous ceux qui leur avaient été conférés selon l’Ordinal nouveau. C’est ainsi que Cranmer, Latimer et Ridiey, consacrés tous trois d’après le vieux rite, se virent dégrader de l'épiscopal ; Hooper fut dégradé de la prêtrise qu’il avait reçue lui aussi au mode ancien, mais non de l'épiscopat qui lui avait été conféré selon la liturgie nouvelle. Le cas de Ferrar est d’un intérêt spécial : il avait été consacré évêque par Cranmer et Ridiey à Chertsey le 9 septembre 1548, donc plus d’un an avant que fût imposé l’usage de l’Ordinal d’Edouard VI ; et cependant nous voyons qu’il fut dégradé du rang sacerdotal seulement. La conclusion s’impose : d’une manière ou de l’autre, les juges devaient avoir appris que cette consécration avait été accomplie par l’emploi d’une forme invalide. Et la chose se trouve précisément confirmée par le caractère suspect de la mention que fait de cette cérémonie le Registre de Cranmer. « Idem Menevgn<t sis, porte-t-il, lectis publiée comraunibus suffragiis » de more Ecclesiæ anglicanæ usitatis, consecratus Il et benedictus per impositionem maniium Episcopo « rum prædictorum fuit. » Il est dit qu’on récita ensuite quelques Psaumes, Hymnes et Prières, que la Sainte Communion fut consacrée en anglais et distribuée par le prélat consécrateur aux évéques présents, y compris celui qui venait d'être consacré. Ces détails ne s’accordent guère avec les rubriques d’une consécration épiscopale telles que les règle le Pontifical. Au contraire ils entrent parfaitement dans le plan d’un service de consécration anglican, comme celui que les lois d’Edouard VI devaient bientôt imposer dans tout le pays. Il faut donc présumer qu’en cette occasion les intéressés avaient d’un commun accord substitué au rite traditionnel un autre rite, identique en substance à celui qu’on projetait déjà d’introduire et qu’on rendit obligatoire peu après. (Voir pour le texte de la mention du Registre 119 ;
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de Cranmer et pour la discussion de ce point spécial, EsTcouuT, op. cil., Appendice viii)
Ce cas est d’ailleuis le seul qui demandât quelque explication. Hors de là, et pour autant que les documents subsistants nous permettent d’en juger, c’est toujours la règle indiquée plus haut qu’on suivit, soit pour faire, soit pour omettre la dégradation des prélats condamnés. On n’a qu à se reporter à la statistique de 26 exemples, tous tirés du règne de la Reine Marie qui fut dressée par les auteurs de la responsio au ne re anglicana de MM. Lacky et Puller, c’est-àdire Oïdines AnglUanl (pp. 174 à i^j).
On y trouvera ces exeuqiles rangés en un tableau à deux colonnes, selon que les ecclésiastiques dont il s’agit avaient été ordonnés d’après le Pontifical ou d’après l’Ordinal anglican. De cette liste, nous ne citerons qu’un cas, véritablement typique. Jean Kogers et Jean Bradford, tous deux préljendiers à Saint-Paul de Londres sous le règne d’Edouard VI, furent accusés d’hérésie et cités en jugement à une session qui se tint dans l'église Sainte-Marie Overy de Southwark en janvier 1555. Leur cause fut soumise à une commission d'évéques, sous la présidence d’Etienne Gardiner, évoque de Winchester. « Hi a judices Joannem Rogers tanquam presbyterum
« condemnarunt, ipsiusque antequam morte allice « retur degradationem mandarunt, et Joannem Brad « ford ceu laicum [licet juxta ritum Edwardinum « admissus fuerat] condemnarunt atque clausulam « consuetam degradationem injungentem prorsus
» deleverunt. » Ce qu’il y a dans ce cas de particulièrement frappant, c’est que l’original de la sentence jjortée contre ce Jean Bradford se conserve à la bibliothèque du Britisli Muséum (Harleian Mss. A" i'21, /'. 40. / ;.), et ce texte, évidemment copié par un scribe, contient la clause de dégradation usuelle : « Et eo
« prætextu degradandum et ab omni sacerdotal ! « ordine deponendumetexuendum fore debere, juxta
sacros canones in hac parte editos et ordinatos. » Mais sur cette clause, le document porte en surcliarge une rature très nette.
Comme le note Lkon XIII dans l’encyclique Apostolicæ curae, c’est le jugement formulé dans ces lettres apostoliques de Jules III et de Paul IV qui fonda la pratique — toujours observée dans la suite — de réordonner sans condition tous les convertis venus des rangs du clergé anglican qui, en passant à l’Eglise catholique, désiraient entrer au service de ses autels :
Aucloritates quas excitavimus Julii III et Pauli IV aperte oslendunt initia ejus disciplinæ quæ tenore constanti jarn tribus acteculis custodita est, ut ordinationes ritu edwardiano habeientur înfeclæ et nullae, cui disciplin.ie itmplissime suffragantur testiiuouia mulla earumdem ordinatiorium quue, in hac etiam Urbe, sæpiu3 absoluteque iteratæ sunt ritu catholico. 1d hujus igitur disciplinæ observantia vis inest opportuna proposilo. Nani si quidqnam dubitalioois resîtieat in quamnam vere sententiaoi ea Ponlificum diplomata sint accipienda, recte illud valet : Consuetudo optima leguin interpres. Quoniam vero firmum aemper ratumque in Ecclesia nianserit Ordinis sacramentum nefas esse iterari, fier ! nuUo modo poterat ut t ; dem consuetudinem Apostolica Sedes tacita paterelur et toUrarel.
H } a des arguments pour établir que le règne mcræ de Marie Tudor vit s’ouvrir la longue liste des convertis venus des rangs du clergé anglican, et que dès lors, sans égard aux ordres qu’ils avaient reçus suivant le rite nouveau, on se mil à suivre la règle donnée à Pôle par Jules 1Il et Paul IV, c’est-à-dire à leur conférer sans condition et d’après le Pontifical les ordres catholiques correspondants. Toutefois la démonstration ne va pas sans diflicultés, en raison
du caractère incomplet des témoignages documentaires. Nous éviterons donc d’appuyer trop fort nos conclusions sur cette preuve, et nous nous bornerons à exposer les faits dans la mesure où ils nous sont connus, sans leur attribuer ])lus de valeur qu’ils n’en ont. Un érudit anglican, leU^W. H. Frbre, a fait quelques recherches sur ce point et les a consignées dans une brochure de la Chiirch Ilistarical Society, intitulée : The Mariaii Réaction. « Si l’on compare
« entre elles, nous dit-il, les listes d’ordination du « temps d’Edouard VI et celles du temps de Marie, « pour tous les diocèses où, comme à Londres, à
'< Oxford, à Exeter, les deux ont été conservées, il < est clair qu’un certain nombre de membres du a clergé d’Edouard VI se firent ordonner par les
« évêques de Marie Tudor selon le vieux rite latin. « A Oxford, il y en a au moins trois exemples et « probablement quatre ; à Exeter, deux ; à Londres,
a au moins neuf et probablement dix. « Le D' Krere a manifestement employé beaucoup de temps et d’attention à recueillir dans les registres épiscopaux les matériaux de ses statistii|ues ; les travailleurs des deux camps doivent lui en savoir gré. Mais on ne peut dire que sa méthode de classement échapi)e à toute critique. Ses comptes rendus des ordinations de Marie Tudor sont bien plus sommaires que ceux des ordinations d’Edouard VI, et paraissent négliger des détails qui auraient pu aider à trancher les questions d’identité. De plus, il est visiblement peu familiarisé avec les dispositions du Droit canonique catliolique, ce qui le conduit parfois à des inférences peu fondées. Nous ne sommes pas tout à fait sûrs d’avoir identifié les seize cas de réordination dont il a voulu parler, mais il semble que ce soient les suivants.
Ordinations de Londres,
Jacques Clayton. Né à Byrstall dans le comté d’York, résidant à Hackney. Ordonné diacre suivant le rite d’Edouard VI le 23 juin lô.îO, par Kidley ; et pareillement ordonné prêtre en mai 1551. — « Probablement identique (t à un citoyen du même comté portant le même nom, (( ordonné sous-diacre à Londres en décembi-e 1554, diacre <( et prêtre au mois de mars suivant.)) (Frère)
Jean Hawes. Ecolier à Gunwell (c.-à.-d. GonvillejHall. Cambridge. Né à Walsham in the Willows, Suffolk. Ordonné diacre par Ridley, suivant le rile d’Edouard VI, le 4 octobre 1551. — Probablement identique au Jean Hawes ordonné sous-diacre, diacre et prêtre à Londres, le 9 mai 1554. Devint ensuite recteur de Ryckyngale, au diocèse de Norfolk.
Georges Uarrison. Membre du Collège Saint-Pierre de Cambridge. Né à Willesley, dans le comté de Leicester. Ordonné diacre pur Ridley à Saint-Paul, le 15 mai 1552. — Reçut pareillement les ordres mineurs et majeurs, y compris la prêtrise, à Londres le 9 mai 1554.
Thomas Degge. Membre du collège Sainte-Catherine de Cambridge. Né à Ashby dans le comté de Leicester. Ordonné diacre anglican à la même ordination que le précédent. Un Thomas Degge fut ordonné diacre a Londres le 4 mars 1557. « Il était alors membre du Peterhouse
« de Cambridge, mais comme on ne connaît à cette date
<( qu’un seul gradué de ce nom, les deux mentions se
« rapportent probablement au même personnage. »
(Frère)
Robert Kynseye. Né à Warmynsham dans le comté de Chester. Membre du collège de la Trinité de Cambridge, Ordonné diacre anglican (et prêtre.') en août 1552 par Ridley, avec l’assentiment de l'évêque d’Ely. — Reçut les ordres mineurs et majeurs, y compris la prêtrise, le 20 et le 21 déc. 1553 à Londres. Curé de Ware.
Ordinations d’Oxford.
Nicolas Arscot, sujet du diocèse d’Exeler. Ordonné diacre anglican le 22 mars 1549 (vieux style) ', et prêtre an 1. On sait que l’Angleterre garda jusqu’en 1753 le vieil usage de commencer l’année au jour de l’Annonciation, 1195
ORDINATIONS ANGLICANES
1196
glican en avril 1550, les deux fois à TUame, dans le diocèse d’Oxford, — Oi’donné diacre au rite calbolique le 9 mars 1553 (vieux style) et prêtre le 24 mars ISSi (id).
Robert Taynter. Membre du collège Sainle-Madeleiue d’Oxford, et ijtnit évidemment diacre angflican, quoiqu’on
« ait pci’du les pièces mentionnant son ordination ; — i-eçut
lui aussi les ordres, depuis celui de portier jusqu’au
« sous-diaconat, le 22 décembre 1553, lo diaconat et la « prêtrise le lendemain, le tout à Londres. Posséda de
a nombreux bénéfices. » (Frerej
Cbristopbe Rawlina. Membre du collège Sainte-Marie de Winton, h Oxford (c’est-à-dire du New Collège). Fut fait sous-diacre le 6 avril 1549. t( E ait évidemment diacre anglican, quoique nous n’ayons pas les pièces mentionnant son ordination ; — fut aussi ordonné diacre le
« 19 mai et prêtre le 22 déc. 1554. Wood, Bislory vf « Oxford CuÙef^cs and Halls, p. 185. » (Frère)
Richard Benêt, de Cbrist Church, à Oxford. Ordonné diacre anglican ii Thame le 23 nov. 1550. —. « Peut-être (c identique au recteur de Bucknell, au diocèse d’Oxford.
« qui fut ordonné (au i-ite catholique) sous-diacre le 17 fév., « diacre le 9 mars et prêtre le 24 mars 1553 (vieux style). »
(Frère)
Jean Addyson, du collège de la Reine (Queen’s Collège), à Oxford. Ordonné diacre anglican en même temps que Richard Benêt. — Egalement ordonné au rite catholique les mêmes jours que lui : sous-diacre le 17 fév., diacre le 9 mars et prêtre le 24 mars 1653 (vieux style).
Ordinations d’Exeier,
Jean Grose. Ordonné diacre et prêtre anglican le 1"^’janvier 1551 (vieufx style), à Exeter, par Coverdale.
— Reçut les ordres mineurs catholiques le 16 mai 1554, et, la même année, le suus-diacooat à Exeter le 19 mai et la prêtrise à Londres le 3 juin.
Guillaume lirydges. Ordonné diacre anglican à Exeter le 3 juillet 1552. — Ordonné sous-diacre au rite catholique le 1 1 février 1553 (vieux style), diacre le 10 mars et prêtre le 24 mars, à Exeter.
Ordinations d’Yhrk.
Antoine Askham M. B. Ordonné diacre anglican à la chapelle d Eglon, dans le diocèse d’York le 1 août 1552.
— Reçut tous les ordres, depuis la tonsure jusqu’à la prêtrise, les 20 et 21 déc. 1553. Recteur de.Methley à partir du 10 août 1552. Cet exemple, absolument indufcitable, se trouve encore confirmé ] » ar le texte (donné dans Frère, op. cit. Appendice xvii) d’une dispense accordée par le doyen et le chapitre de Cantorbéry, agissant comme gardiens des droits spii’ituels du siège métropolitain durant sa vacance, pour autoriser le candidat à recevoir d’un évêque catholique à son choix les trois ordres majeurs. Cette permission est datée du 15 déc. 1553. Cet Antoine Askham fui un écrivain d’une certaine notoriété en matière médicale.
Thomas Thomson. Ordonné diacre anglican h la cathédrale d’York le 2 juillet 1553, avec Léonard Cowll. — Léonard Cowll reçut tous les ordres à Londres le 16 et le 17 février 1553 (vieux style) avec un Thomas Thomson, ce qui suggère que ce dernier pouvait bien être son compagnon d’ordination tl’York de juillet précédent. Pourtant le nom de Thomas Thomson reste des moins distinctifs, et le D’Frère nous avertit que trois personnages de ce nom furent ordonnés plus tard à Londres.
Ce sont là tous les noms que nous avons pu identifier sur les tableaux du D’Frère ; nous n’en avons trouvé pour Londres que six au lieu de neuf ou dix. Mais un ou deux des ecclésiastiques qui avaient reçu ailleurs les ordres anglicans reçurent ensuite à Londres leurs ordres catiioliques, et peut-être est-ce d’eux qu’il a voulu parler. En tout cas, et comme il l’a noie lui-même, il faut ajouter à sa liste Thomas Harding, le controversisle catholique. Dans la controverse qu’il eut avec Jewell sous le règne d’Elisabeth, Harding avoua qu’il était diacre anglican, quoique la date de son ordination ne nous soit pas
ce qui avait pour effet de relarder d’un an sur notre présente manière de compter toutes les dates comprises entre le 1"’janvier et le 25 mars.
connue. Or, d’après le D’Frère, il fut ordonné acolyte et sous-diacre à Oxford le 19 mai 1554, et prêtre à Londres le 3 juin suivant. Il n’y a pas de témoignage établissant qu’il ait reçu le diaconat calbolique entre ces dates, mais nous avons le droit de le présumer.
Les données fournies par le D’Frère nous donnent une certitude morale que le plus grand nombre au moins, sinon la totalité, de ces noms représentent des personnages à qui les ordres catholiques furent conférés sous le règne de Marie Tudor, sans égard pour les ordres anglicans qu’ils possédaient. Toutefois le docte chercheur lui-même ne croit pas que ces exemples suffisent à établir notre thèse, et il eu donne plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est que les cas cités sont en trop petit nombre pour qu’on ait le droit de voir dans ces réordinations les indices d’une politique arrèlce. C’est ensuite qu’ils appartiennent tous aux six premiers mois du règne de Marie, c’est-à-dire au temps où Pôle n’était pas encore entré en scène : il est remarquable au contraire, nous dit-on, qu’à partir du moment où il parut, les réordinations cessèrent complètement : Pôle devait donc juger les ordres anglicans moins sévèrement que n’avaient fait Bonner et autres prélats de Marie Tudor. Enfin plusieurs membres du clergé anglican paraissent avoir été laissés en possession de leurs bénéfices sous le nouveau régime, ce qui s’expliquerait dillicilement si leurs ordres avaient été tenus pour invalides.
Au fond, toutes ces considérations supposent que le D’Frerè n’a pas bien interprété les termes elle but des lettres de Jules IH et de Paul IV. Du vrai sens de ces directions papales, nous avons déjà traité. Disons un mot pourtant des raisons alléguées. D’après les calculs du D’Frère (p. io5), en dehors des six évêques anglicans d’Edouard’VI dont le cas est clair, les registres conservent les noms de 1 10 personnages qui auraient reçu les nouveaux ordres : ’j5 d’entre eux ne dépassèrent pas le diaconat, mais 32 avancèrent jusqu’à la prêtrise. Le D’Frère nous apporte aussi des témoignages établissant qu’il y eut dans tout le Royaume une remarquable pénurie d’ordinands depuis le début du schisme jusqu’à l’inlroduclion du nouveau rituel. Un phénomène si général atteste les anxiétés qui devaient arrêter toutes les âmes de tendances catholiques au seuil de la cléricatiire en un temps où la situation religieuse du pays était si peu satisfaisante et si mal assurée ; peul-élre aussi rellèle-t-il la répugnance que les éléments de la nation déjà gagnés au protestantisme pouvaient éprouver à se faire ordonner, tant que le vieux rite catholique serait encore en vigueur. Si cette explicalion esl juste, il n’est pas probable que beaucoup de ceux qui s’étaient présentes aux ordinations anglicanes entre 1550 et 1553 aient été disposés à embrasser le catholicisme lors de l’avènement de Marie Tudor. Et si la proportion de ceux d’entre eux qui vnulurent remplacer leurs ordres anglicans par les ordres catholiques dépassa dix pour cent, n’est-ce pas vraiment plus qu’on ne pouvait attendre ? Que les réordinations citées dans la liste du D’Frère appartiennent toutes aux six premiers mois du nouveau règne, c’est exact, du moins à peu de chose près ; et il est exact aussi que Bonner et les évêi|ues ses associés agissaient bien peu régulièrement en entreprenant de traiter ces affaires d’ordinations : car non seulement ils manquaient de pouvoirs pour absoudre, dispenser et promouvoir les autres, mais ils n’avaient pas encore été absous eux-mêmes de leur participation au schisme. Aussi Pôle, lorsqu’enUn il put prendre en main l’autorité, eut-il 1197
ORDINATIONS ANGLICANES
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à valider leurs décisions, y compris celles’.j ni nous occupent. Mais étant donné qu’ils admettaient au service des autels catlioliques des clercs précédemment ordonnés à la nouvelle manière, ils avaient raison de leur faire conférer les ordres de manière inconditionnée ; et Pôle, fidèle aux directions reçues du Siège, ne pouvait leur refuser sur ce point sa plus complète sanction. Rappelons-nous d’ailleurs, comme le note le D’Frère, que, dès le mois de juin 1549, le Pape avait entre les mains un exemplaire de l’Ordinal d’Edouard VI (Staie Papcrs Dont. VU. 28), et que Pôle et la Reine étaient en correspondance depuis l’automne de 1553 : lesévêques d’Angleterre devaient donc avoir eu vent du sentiment de Rome sur le rite nouveau. Que les ecclésiastiques anglicans n’aient pas tous été chassés de leurs bénéfices en raison de la nullité de leurs ordres, le fait peut être exact ou ne l’être pas : en tout cas il s’expliquerait facilement par bien d’autres motifs qui pouvaient conseiller de laisser en paix quelques-uns au moins d’entre eux. D’ailleurs nous n’oserions garantir avec la belle assurance du D’Frère que la nullité des ordinations entraînât par elle-même la nullité de la collation des bénéfices, et fournit ainsi un moyen simple et régulier d’en expulser les occupants. Sans doute on gardait la ressource de poursuivre ces derniers pour hérésie, et de les destituer à ce titre ; mais le procès risquait de présenter des difficultés. On pouvait aussi — et on le fit pour quelques-uns — les (aire condamner pour ne s’être pas présentés au sacerdoce dans l’année qui suivait leur entrée en charge. Mais n’auraient-ils pas pu alléguer que, dans l’étal oii se trouvaille pays, ils n’en avaient pas le moyen, ce à quoi on eut peut-être été embarrassé de trouver réponse ?
Sous Elisabeth et depuis. — Si nous passons au règne d’Elisabeth, nous y voyons s’élever une question nouvelle : la hiérarchie constituée au début de ce règne, et en particulier Matthieu Parker qui en fui la source, possédaient-ils ou non le caractère épiscopal ? Nous avons déjà fait allusion à l’affaire de la consécration de Parker. Le mystère dont elle s’entoura la déroba longtemps à la connaissance du public, et donc aussi à celle des catholiques contemporains, ce qui donna lieu à une controverse dont nous aurons à rappeler l’histoire. Mais, quoi qu’il en ail été de cette cérémonie, on se trouvait en présence d’un fait certain et manifeste : l’église officielle avait remis en usage l’Ordinal anglican, qu’elle devait suivre désormais dans toutes ses ordinations. Il n’y avait donc aucune raison pour que les autorités catholiques, et le Saint-Siège à leur tête, se départissent de la règle sanctionnée par les lettres de Jules III et de Paul IV. On continua donc comme par le passé à réordonner les ministres convertis qui désiraient remplir les fonctions du sacerdoce catholique. La série de ces conversions et de ces réordinalions s’est continuée sans interruption jusqu’à ce jour.
Il n’est pas essentiel au but de cet article d’apporter des statistiques sur cette pratique constante, mais il peut être intéressant de transcrire le tableau que nous fournit le chanoine Estcoiht dans le travail que nous avons cité (pp. i 38 sq.).
Nom : Ëdmoud Campian
Nom
Ai’ant Dans rEglise
sa eoni^trsion : catholique :
Ordonné diacre. Ecrivit une Ict par Cheney, évê- Ire à Clieney, lui
que (le Gloucester. reprochant de lui
Ari-iva à Douai eu avoir conféré des
1570. Diaires df ordres invalides.
Douai, Entrédans laCoin Cutbert May ne Thomas Blewett
Richard Simpson
Jean Lowe
Guillaume Rainolds.
Jean Vivian
Thomas Huberley
Jean Adams
Jean Chapman
Everard Hanse
Avant sa conversion
Prêtre dans l’église anglicane. Dodd, Clialloner.
Ministre de l’église d’Angleterre, Dodd, Cfialloner. Arriva à Douai le 19 mar » 1557. — Dodd, Diaires de Douai.
.Ministre de l’église d’Angleterre. — Z)o(/<i, Challoner. Arriva à Douai le 19 mai 1577. Diaires de Douai.
Ministre protestant. — Clialloner.
Reçut les ordres vers l.’jUCi. — Wood dans Aikenæ.V^nseigne et prêche avec conviction la religion protestante : Parsons. Arriva à Reims le Il avril 1578 ; représenté coname un la’ique. — Diaires de Douai,
Prédicant bénéficier . Arriva à Reims lelôfévrier 1579. — Diaires de Douai,
Ministre bénéâcier de la secte calviniste. Arriva à Reims le 29 nov. 1579. Zlirti/fs de Douai,
Ministre bénélicier à Martinston, dans le comté de Dorset. Arriva à Reims le 7 déc. 1579. — Diaires de Douai, State Paper Office, Eliz, Dom, 1582. Vol. 155, 8. Voir Estcourt, Appendice XXV.
Ministre ordonné par l’évêque de Wells ; posséda un bénéfice du nom de Langton Herring dans le comté de Dorset. .Arriva à Reims le 7 déc. 1579. — Dinires de Douai, State Paper Office, ibid, : ses propres aveux. Appendice
.XT.
Ministre bénéficier et prédicant. Arriva à Reims le
Dans VE^lise catholique :
pagnie de Jésus à Rome. Ordonné prêtre par l’archevèque de Prague. — Bombini, dans Vit, Camp.
Ordonné prêtre le 24 avril 157().— Diaires de Douai.
Sous-diacre le 19.sept. 1577. Diacre le ! ’, ) déc. 1577. Prêtre le 24 févr. 1578. — Diaires de Douai,
Ordonné prêtre en 1577. — Diaires de Douai.
Sous-diacre le 14 mars 1579. — Diaires de Douai.
Minoré et sousdiacre à Laon, le 20 sept. 1579. Diacre à Ghâlons, le 24 févr. 1580. Prêtre à Châlons, le 31 mars 1580. — Diaires de Douai,
Diacre le 18 avril 1579. Prêtre à Laon le 15 iuin
1579. — Diaires de Douai, — State Paper Office, Eliz, Dom, Vol. 178, N » 47.
Sous-diacre à Châlons, le24fêTr.
1580. Diacre à Reims le 19 mars 1580.— Diaires de /louai. Prêtre à Chfllons, marsl580.
Sous-diacre à Chàlons le 31 mars 1580. Diacre à Soissonsle 25 mai 1580. Prêtre à Soissûns le 15 déc. 1580. —Diaires de Douai,
Sous-diacre à Soissons le 15 déc. 1580. Diacre le 21 févr. 1581. Prêtre à Chàlons le 4 mars 1581. — Diaires de Douai,
Ordonné prêtre à Reims par l’évêque de Ch&Ions, 1199
ORDINATIONS ANGLICANES
J200
Nom
Etienne Rousbam
Jean Lugar
François Walsingham
Humphry Leach
Jean Goodman
Hugues-Paulin Gressv
Eliennefioiïe
Jean Massey
Jean Placide Adelham
Jacques Clifton
Avant sa conversion :
Il juin 1580. — Dlaireê de Douai^ Concertatio Ecclesiæ Cath., Dodd^ Challoner.
Ordonné par les hérétiques. Ministre à Sainte-Marie d"Oxford, Arriva à Heims le 23 avril 1581. — Diacres de Douai, Challoner.
Minisire à Cannock, dans le comté de Stafford. — Challoner,
Ordonné prêtre par Heaton, évéqued’Ely, en 1603. Il rend compte lui-même de sa conversion dans Searcfi made into niaiiert opieligion. Reçu au collège anglais de Rome le 27 oct. 1606. — Archives.
Vicaire de St.llimund d « Shrewsbury, puis cliapelain de CliristChurchàOiford. — H’ood, dans son Aihenae. Reçu au Collège anglais de Rome eu 1609. Archives.
Ministre de l'église d’Angleterre. Challoner. Porfe ce titre dans la Remontrance du Parlement du 29 janvierl639 (vieux style).
Prébendier de Windsor et doyen de Leighlin en Irlande. — Wood, dans Athenae.
Ecclésiastique anglican, chapelain de l’archevêque Laud. — PrideauXj Dodd, Le Quien.
Diacre dans l'église anglicane et doyen de Christ Church à Oxford, — Dodd, Wood dans son Athenae. Constable, p. 369.
Ministre protestant. — Challoner. Oliver dans ses Collections.
Ministre de l’Evangile. Possède un bénéficeparoissial. Reçu à titre de laïc au Collège anglais de Rome, le 16 oct. 1702, — Archives.
Dans l’Eglise catholique :
le 25 mars 1581. — Diaires de Douai.
Diacre à Soissons le 21 sept. 158LPrétreà Soissons, le 27 sept. 1581. — Diaires de Douai.
Prêtre en 1601. -Diaires deDouai.
Sous-diacre à Rome, le 30 mars 1608. Diacre ii Rome, le 5 avril 1608. Prêtre à Rome, le Î2 avril 1608. — Archives du Coll. anglais de iîomc. Voir. appendice.KXVIII.
Sous-diacre à Rome. le 17 mars 1612. Diacre à Rome, le 6 avril 1612. Prêtre à Rome, lê 21 avril 1612. — Archives, Estcourt : Appendice XXTII.
Jugé et condamné comme prêtre d’un séminaire en 1640. — Challoner.
Bénédictin à Paris. Prêtre et missionnaire en .Angleterre ; chapelain de la i-eine Catherine deBragance. — Dodd.
Ordonné à Paris. — Dodd, Le Quien.
Réordonné par l'évéque d’Arras. — Constable.
BénéJictin à Paris. Jugé et condamné comme prêtre d’un séminaire le 17 janvier 1678 (vieux style). — Challoner.
Mort il Rome le 2 janvier 1704. — Estcourt, Appendice ÎCXVIIl.
A la suite de ce tableau, le chanoine Estcourt examine en quelques paragraphes sommaires un petit nombre d’exemples que les prolestants allèguent en leur faveur. Le docteur F. G. Lee cite des cas où des convertis de l’anglicanisme, ayant refusé de subir la réordination, auraient obtenu la permission d’exercer au service des autels catholiques leurs ordres reçus dans l’hérésie. On trouvera dans Estcourt les assertions de certains controversistes anglicans à ce sujet : comme elles ne reposent sur aucune preuve solide, mais sur de simples conjectures et sur des inférenees plus ou moins hasardeuses, nous n’avons pas à nous y arrêter ici.
Nouvel examen officiel de l’ordinal anglican en 1688 et en 1704. — Cette coutume constante et autorisée mériterait déjà par elle seule qu’on lui appliquât, comme a fait Léon XIII, le fameux axiome : Consuetiidn optinia legum interpres. Mais il nous reste encore à mentionner un petit nombre de cas historiques où, pour une raison ou pour une autre, le Saint-Siège concéda une nouvelle enquête sur le bien-fondé de l’usage établi. Ces cas sont pour nous d’une importance toute spéciale : ils nous permettent de pénétrer les motifs qui, dans l’aflaire des ordinations anglicanes, ont dirigé le Siège Apostolique. Car celui-ci, on le sait, n’a point coutume de publier avec ses décrets les raisons des conclusions doctrinales ou des mesures pratiques qu’ils imposent, mais compte sur la confiance que les fidèles auront en son autorité et en l’assistance quc Dieu lui accorde. La bulle Apostolicæ ciiræ de LiioN XIII fait allusion à deux enquêtes de ce genre, datant respectivement de 1685 et de 170^. L’une eut lieu à propos d’un jeune calviniste français, dont le nom n’est pas donné, qui, ayant passé en Angleterre, y reçut la prêtrise suivant le rite anglican, et qui, réconcilié ensuite avec l’Eglise, demanda s’il était libre de se marier. Une telle question équivalait évidemment à demander si son ordination était ou non valide aux yeux de l’Eglise romaine. L’autre enquête se fit pour Jean Clément Gordon, qui avait reçu tous les ordres anglicans, y compris l'épiscopat, des mains d’un évêque épiscopalien écossais de Glasgow, luimême issu de la succession anglicane. Pour le premier de ces cas, la décision fut : Dilata ad mentem, c’est-à-dire : « Laissons cette question pour le moment », — solution facile à expliquer. C'était l'époqxie où Jacques II, monté depuis peu sur le trône, travaillait à améliorer la situation des catholiques en. gleterre, ou même à ramener son royaume à la vraie religion, et peut-être jugeait-on préférable de ne pas ajouter aux difficultés de l’heure, en Iran-chant sans nécessité ce point de controverse. Quant à l’affaire de Jean Clément Gordon, un décret fut rendu — et cela non pas au nom de la Sacrée Congrégation mais au nom du pape —, décidant que
« Johannes Clemens Gordon ex integro et absolute « ordineturad omnes ordinesetiam sacros, et præci<i pue presbyteratus, et quatenus non fuerit confir<i matus, prius sacraræntum conûrmationis susciB piat ».
Rapports de Genetti Casanata, et d’autres consulteurs. — Ce ne fut pas sans examen préalable qu’on en vint à ces conclusions. La marche de ces enquêtes — disons mieux : de cette enquête, car les pièces amassées en 1 684-1 685 resservirent et s’accrurent dans le procès de l’joi — nous est indiquée dans la bulle Apostolicæ ctirae, et un peu plus au long dans la Vindicatinn des évêques catholiques anglais. On trouvera cités dans les appemlices de Rome et Cantorhéry du P. Brandi tous les documents sur lesquels se fondait le jugement du Saint-Siège : 1201
ORDINATIONS ANGLICANES
1202
ils comprennent entre autres le texte complet de l’Ordinal anglican, pris dans une édition du temps de Charles 11. Ces » documents d’une autorité incontestable », comuie les appelle Léon XIll dans sa bulle, nous montrent clairement quels principes présidèrent à l’enquête. On n’accorda aucune attention à la question des consécrateurs de Parker : il n’y est fait allusion qu’une seule fois, dans une lettre de Dom Heskelh G. S. B., prieur des Bénédictins de Douai, à qui Mgr Tanari, internonce à Bruxelles, avait demandé des informations siu- ce fait. Mais Dora Hesketh n’en parle que comme d’un on-dit, sans ajouter s’il le croit digne de foi. Mgr Tanari s’en lait dans son rapport au Cardinal Casanata, rapporteur du Saint-Ofliee pour cette affaire ; Casanata s’en tait dans son Votum. Et ce silence s'étend non seulement à la légende de l’auberge de la Tête de cheval, mais à toute la cérémonie de Lambetb, à la substance même de l'événement comme à ses circonstances, et cela chez Tanari aussi bien que chez Casanata. On peut en dire autant de toutes les nouvelles informations recueillies en i yoi, comme aussi des rapports et du décret auxquels aboutirent en Un de compte tous ces divers documents. Le théologien consulteur qui, en cette deuxième occasion, rédigea un Votum à proposer au Saint-OlUce, commence par observer que, pour prouver l’invalidité des ordres anglicans, on ne saurait arguer du prétendu caractère burlesque qu’aurait revêtu l’ordination célébrée à la Tète de cheval : « Etiamsi pro vera adniittatur his « toria quæ circumfertur de ordinatione memorata
« Parkerii in Londinensi taberna, cujus erat insigne « equi seu manuli caput, peracta, constat quatuor « prædictos episcopos iUi ordination ! adfuisse, ubi « cumque factum fuerit, et cum precibus serio celea bfatum fuisse, non ludicre et joevilariter. » (Brandi,
op. cit., p. 180)
De même Mgr Genetti, dans un rapport daté du 16 avril 170^ et adressé à Mgr Casoni, assesseur du SaJnt-OUice, établit par des raisons concluantes qu’on ne devra introduire dans les considérants du décret projeté pour le cas Gordon aucun argument emprunté aux circonstances de la consécration de Parker. Dans ce mémoire, textuellement reproduit par le P. Brandi (ibid., p. 260), Mgr Genetti raconte qu’en 1685 on consulta sur cette question, par ordre de Sa Sainteté (Innocent XI), plusieurs théologfiens, entre autres M. Joseph Charlas, l’archiprêtre Dorat et Mgr Genetti lui-même. Ils commencèrent par étudier l’affaire séparément et chacun exprima son jugement par écrit ; puis ils se réunirent pour décider de leur rapport. L’un d’eux alors a- outre plu€ sieurs autres raisons, fit valoir que la décision adé « quate devait se tirer, non du fait, qui dépendait
« de l’histoire fort embrouillée des divers changeI menls survenus en Angleterre en matière religieuse, mais du défaut de l’intention et de l’ina sutlisance des paroles employées parles hérétiques
a anglicans dans l’ordination sacerdotale ».
Cette consultation s était tenue à Paris. Mgr Genetti relate ensuite une visite qu’il fit postérieurement en Angleterre. Là il trouva que la question faisait l’objet de nombreuses diseussions, et Mgr Leyburn. vicaire apostolique du district de Londres, lui demanda son avis. Il s’ensuivit une autreconférence, convoquée sur le désir du nouveau Nonce, le Cardinal d’Adda. et qui réunit sous la présidence de Mgr Leyburn sept ou huit des membres les plus savants du clergé anglais, notamment André Gilfard et le docteur de Sorbonne Jean Betham. A tous Genetti fit accepter l’opinion qui avait déjà emporté tous les suflrages à l’assemblée de Paris : et il ajoute que, durant les quelques jours qu’on se ré serva avant de prononcer un jugement final, il eut l’occasion d’examiner du point de vue historique, avec l’aide d’un controversiste réputé, M.Jean Belson, le défaut de la succession anglicane. <i Comme (' on vit que ce fait demeurait toujours douteux, on
« Unit par conclure à l’unanimité et pour les raisons
< susdites [c’est-à-dire pour le défaut de l’intention
« et l’insulfisance des paroles employées] qu’il fal » lait traiter et recevoir les évêques et les prêtres « anglicans et écossais qui reviendraient à la foi cat tholique comme de simples laïques. Et c’est la pra
< tique qui a été suivie depuis, sans autre difficulté. » Ni le P, Brandi, ni personne à notre connaissance,
n’a publié le nom du rapporteur du Saint-Office dans l’affaire de i^oij, ni le texte de son mémoire. Mais le mémoire présenté à ce tribunal par le Cardinal Casanata en 1685, et qui resservit en 170^, nous indique suffisamment quels motifs décidèrent à cette dernière date la Sacrée Congrégation — ou plutôt le Pape, car il s’agit d’un décret de Feria ijuinta — à prononcer que la forme et l’intention du rite anglican devaient être considérées nulles et vaines.
Qæ ces formules [anglicanes], dit Casanata, soient insuSsantes pour l’ordination des prêtres el des évêques, cela résulte, senible-t-il, de cette raison fondamentale, que les saciements n’opèrent que ce qu’ils signitient ex-< pressémentou du moins implicitement ; or, les paroles des dites formules ne signiBant en aucune manière le pouvoir le plus essentiel du prêtre et de l'évêque, c’est-àdire le pouvoir d’offrir le sacrifice et de consacrer le corps de Jésus-Christ, elles ne peuvent ni opérer ni conférer ce pouvoir, ni faire un vrai prèlre ; d’autant plus qu’elles ne sont pas accompagnées de la tradition des instruments du sacrifice, laquelle est en usage dans l’Eglise latine. Et bien que l’Eglise grecque et certaine » E : rlifles orientales ne connaissent pas la tradition des instruments, néanmoins, dans la prière qu’on appelle sacramentelle, elles confi-rent toujours clairement le pouvoir de consacrer le corps de Jésus-Christ, ainsi qu’il résulte des informations que j’ai prises, faisant traduire les formule » des ordinations des Arméniens, Maronites, Syriens, Jacobites et Nestorieus, tant catholiques qu’hérétiques, formules qui sont rapportées ci-après. Or les . glais n’ajont pas la tradition des vases sarrés, et ne conférant pas dans la prière sacramentelle le pouvoir de consacrer, il ne semble pas que l’imposition des mains puisse suffire à elle seule, car elle n’est pas déterminée à la collation d’un sacrement en particulier, et peut au contraire signifier non seulement le sacrement de l’ordre, mais celui de la pénitence, et celui de la confirmation, suivant ce qu’ont fait observer ies théologiens dans leurs commentaires sur l’Ecritare Sainte.
Tel est le passage essentiel du votum de Casanata. Quant à la pensée qu’il développe ensuite, il nous suffira de la résumer : le défaut signalé dans la formule, dit-il en substance, ne se trouve pas réparé par les paroles qui la suivent immédiatement, et par lesquelles on donne à l’ordinand le pouvoir de prêcher, de remettre les péchés et d’administrer les sacrements : car ces pouvoirs purement secondaires ne sauraient être réellement conférés, dès là qu’on a délibérément supprimé le pouvoir essentiel el dont les autres ne sont que le complément, le pouvoir de sacrifier. Et cela d’autant plus que les Articles anglicans proposent de ces fonctions accessoires elles-mêmes une notion très dilTérente de la notion catholique.
La décision de 1704 n’est pas fondée sur l’absence de la tradition des instruments dans le rite anglican. — Mais, dans le décret de 170^, deux points encore méritent d'être spécialement notés en raison des objections anglicanes. Le premier, c’est que, pour établir ses conclusions, le Cardinal ne partit pas d’une description plus ou moins fidèle de l’ordinal 1203
ORDINATIONS ANGLICANES
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d’Edouard VI : il en examina le propre texte dans un exemplaire authentique et complet. Car ce même exemplaire, expédié en 168^ par ïanari et conservé depuis lors aux archives du Saint-Ollice avec tout le dossier de l’airaire, fut mis aux mains des enquêteurs de 1896 durant les séances de leur Commission. L’autre point à noter dans le %'otiim de Casanala, c’est le sens exact de l’argument que lui fournit la suppression dans la liturgie anglicane de tout ce qui ressemblerait à la tradition des instruments. Car on a suggéré qu’au milieu du xvi' siècle les autorités romaines avaient dit nécessairement s’en référer pour cette question au Decrelum pro Armenis, et par suite tenir pour invalide tout rite qui omettrait cette cérémonie ; mais qu’ensuite cette opinion était devenue intenable eu face des données nouvelles apportées en 165Jparle grand travail de Morin : De.Sacrj’s Ordinationiius. Or dans son yotum de 1685, comme on a pu en juger par l’extrait reproduit plus haut, Casanata, écrivant après l’apparition de cet ouvrage, sejuionlre parfaitement au courant de la question. Il concède que les rites orientaux, dont le texte a été par ses ordres soumis à un examen spécial, sont certainement valides malgré l’absence de toute tradition d’instruments ; mais il déclare qu’ils le sont parce que, dans leurs prières sacramentelles, ils parlent claii’ement d’un pouvoir sacrilîcaloire, tandis que la liturgie anglicane, non contente d'éliminer à dessein cette cérémonie où ses auteurs voyaient le symbole de ce pouvoir exécré, ne voulut rien introduire en sa place pour déterminer au sens particulier de la collation des ordres ce geste de l’imposition des maiqs, si vague pourtant par lui-même et tout aussi approprié jiour le sacrement de confirmation ou pour celui de pénitence.
Ou ne saurait du reste accorder que, même avant la publication du travail de Morin, les autorités romaines aient été incapables de concevoir un rite d’ordination valide sans tradition d’instruments. Deux siècles avant l’apparition de cet ouvrage, un concile s'était tenu à Florence qui avait réalisé l’union des Eglises orientales avec celle d’Occident ; et si cette union ne se montra guère durable — du moins avec le gros de ces Eglises —, elle avait eu en tout cas pour effet de faire examiner, discuter et admettre les rites d’ordination orientaux. On reconnut leiu- pleine validité ; on permit d’en continuer l’usage ; et jamais le Saint-Siège, soit à celle époque, soit plus tard en réglant la liturgie uniate aux pays rulUènes ou ailleurs, ne leur demanda de compléter les cérémonies anciennes en y ajoutant la tradition des instruments. Et même avant le Concile de Florence, il ne faudrait pas s’imaginer l’Eglise latine plongée dans une si entière ignorance des liturgies orientales que ce trait particulier de leurs rites d’ordination ail dû échapper à ses théologiens. Ne disons rien du précédent concile d’union lenu à Lyon en 1274. où cependant le même contraste entre les deux types de liturgie avait dû s’imposer à l’attention des Pères, et n’avait pas provoqué de la part des Occidentaux la moindre protestation. Mais auparavant même et depuis des siècles, on pouvait voir aux portes de Rome le monastère grec de Grolia Ferrata, peuplé de moines grecs et qui suivaient le rite grec tout en restant en parfaite communion avec le Saint-Siège. Interrogeons plutôt Morin luimême. Au chapitre vui" de la I" partie de son grand ouvrage, il oppose entre elles la conduite des Grecs et celle des Latins à l’origine du schisme de Cérulairc :
Scopus igitur noster hic est demonstrare Ecclesiom Homaaan : ! , a data auni salutis 1053 epocha, nihil obstan tibus Græcorum injuriis et calumniis, Græcos ad catholicam Ecclesiam redeuntes in ordinibus quos apud suos l’itu græco accepci-ant admisisse, nuUa nova ordinalione inducta ; episcopos Giæcos episcopalia, sacerdotes sacerdotalia, diaconos quæ ad diaconum pertinent, Pontificum approbatione aut etiam provocatione exercuisse, non modo in Græcia, quod scopo nostro abunde eufficeret, sed etiam in ipsa Roma ceterisque Latinorum ecclesiis.
Et Morin cite saint Léon IX — le pape dont se sépara Cérulaire —, Célestin 1Il et Innocent III, pour prouver que telle resta toujours, malgré le schisme, ratlitude et la conduite des papes envers les Orientaux.
Prétendre, en face de pareilles données historiques, que la tradition des instruments ait jamais constitué aux yeux du Saint-Siège une condition essentielle de toute ordination valide, une condition dont l’absence suflisait à convaincre un rite de nullité, c’est une assertion parfaitement gratuite et parfaitement inadmissible. Û'aulre part, l’Eglise latine ayant depuis très longtemps fait servir cette cérémonie à dclinir de manière si précise la nature du pouvoir conféré, on s’explique aisément que son omission dans le rite latin ait pu inspirer quelque inquiétude à ceux mêmes qui reconnaissaient la valeur des rites orientaux où elle était inconnue. Et, comme l’Eglise, dès que la validité de ses sacrements se trouve en cause, choisit toujours le parti le plus sûr, on conçoit que dans les cas où cette omission se serait produite, elle oblige à répéter l’ordination sous condition. On peut démontrer que cette règle a été imposée par le Saint-Siège à partir de l’année 1604 ; et l’on peut tenir pour certain qu’elle était déjà en vigueur bien auparavant. Nous comprenons maintenant ce que veut dire Léon XIU quand, dans sa bulle, il conclut que la raison pour laquelle les ordres anglicans de Clément Gordon furent déclarés nuls n’a pu être l’absence de la tradition des instruments dans le rite de consécration : « lune enira præscriptuni de more i( essel ut ordinalio sub conditione instauraretur ». Nous le comprenons d’autant mieux que nous connaissons par Casanata l’avis donné au Saint-Office en 1685 et en 1704. et par lequel on l’engageait à déclarer ces ordres nuls parce que le rite anglican ne contenait aucune formule pour signifier l’intention d’administrer celui-ci plutôt que celui-là des trois ordres sacrés, ou même pour spécifier qu’on conférait le sacrement de l’Ordre plutôt que celui de Confirmation ou de Pénitence. Et remarquons à cette occasion que l’on peut appliquer le même raisonnement à la condamnation du rite anglican par Jules III, Paul l ou le Cardinal Pôle.
Histoire de la controverse théologique sur les ordres anglicans. — Pour déterminer l’attitude que prit le Cardinal Pôle sons le règne de Marie Tudor à l'égard des ordres anglicans administres sous Edouard VI, et celle qu'à partir de lôôg, date du rétablissement de ces ordres, les autorités de l’Eglise catholique conservèrent toutes les fois que les désirs de vie ecclésiastique d’un ministre converti les obligeaient à une décision, nous n’avons jusqu’ici apporté d’autre preuve que des documents officiels : nous voulons dire les actes authentiques du SaintSiège, du Sainl-OlEce ou des prélats catholiques agissant sous l’autorité et par les ordres du Pape. Rome d’ailleurs n’arrête son jugement qu’ai>rès ie plus soigneux examen de tous les témoignages mis à sa disposition par ses consulteurs, qui eux-mêmes ont été les chercher dans toutes les sources utilisables pour les consigner dans des rapports. Et ces rapports sont ensuite précieusement conservés parmi les archives des Congrégations — dans le cas présent 1205
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parmi les archives du Saint-OfBce —, pour pouvoir resservir au besoin. Mais ordinairement, comme on l’a dil, le Pape ne donne pas ses raisons : il se Itorne à publier la décision qu’elles ont motivée, comptant que, pour la l’aire accepter de ses lils dociles, son autorité suflil. Parfois cependant, pour une raison particulière, le Saint-Siège permet de livrer au public les documents privés qui ont été à la base de sa sentence : tel fut justement le cas pour jilusieurs des pièces qui fondèrent la décision du Saint-Ollice dans l’affaire Gordon en 170^ et dans celle qui l’avait pi' « cédée de quelques années. Tenues secrètes à l'époque laéiue, elles n’ont vu le jour que tout récemment, en 189C, à propos de la nouvelle enquête entreprise à l’instigation de quelques anglicans de marque.
Nous avons analysé plusieurs de ces documents, et en particulier les rapports du cardinal Casanata. Nous savons donc maintenant par témoignage direct, non seulement que le rite même de l’Ordinal d’Edouard VI l’ut jugé invalide — ce qu’on connaissait depuis longtemps, — mais qu’il fut jugé tel parce que la cérémonie de l’imposilion des mains n’y est en aucune manière, ni explicitement ni implicitement, déterminée à signifier les pouvoirs essentiels du sacerdoce ou de l'épiscopat, qui sont le pouvoir de sacrilier et le pouvoir de transmettre à d’autres ce même pouvoir de sacrifier.
A limiter ainsi nos arguments aux seuls documents authentiques, il y avait un réel avantage : c'était établir clairement — et on va le voir mieux encore —, que la position adoptée par le Saint-Siège dès le début de la question des ordinations anglicanes ne varia jamais dans la suite. Quant aux simples théologiens catholiques, anglais et autres, s’il est vrai qu’ils s’intéressèrent toujours à ce problème et qu’ils s’entendirent parfois inviter à justifier contre les défenseurs des ordres anglicans l’attitude de leur Église, il faut se rappeler aussi qu’ils n’avaient pas accès aux archives secrètes du Saint-Office. Ils durent donc suivre la méthode indiquée plus haut : pour expliquer le rejet de ces ordinations, ils se mirent à recueillir de leur mieux les données de l’histoire et à les interpréter à la lumière des principes théologiens communément admis. Méthode excellente, du reste : c'était celle même, ils le savaient, qu’avait suivie le Saint-Oflice pour préparer ses décisions. Mais, ils le savaient aussi, les conclusions auxquelles cette méthode avait conduit le Saint-Office avaient autorité par elles-mêmes, tandis que les leurs ne valaient que ce que valaient leurs raisons.
Un autre point encore mérite notre attention : bien que les origines de la nouvelle succession anglicane remontent au mois de décembre 155g, date de la consécration de l’archevêque Parker à Lambeth, la controverse sur la validité des ordres anglicans n'éclata en Angleterre qu’un demi-siècle plus tard. Le fait s’explique par plusieurs circonstances. Tout d’abord, comme nous avons déjà dit, les catholiques savaient que le rite nouveau avait été déclaré invalide sous le règne de Marie Tudor par le Cardinal Pôle, suivant les directions de Jules UI et de Paul IV, ce qui suffisait à les convaincre de la nullité de ces ordres ; et d’autre part, durant ces premières années du règne d’Elisabeth, les protestants ne soulevaient sur ce point aucune opposition qui put donner naissance à une controverse. C’est que les novateurs n’attachaient aucune importance essentielle au caractère épiscopal et n’y voyaient qu’une dignité utile pour le bon gouvernement de l’Eglise d’Angleterre, si bien qu'à leurs yeux, en cas de pénurie d'évéques consécrateurs protestants, une consécration faite par un simple prêtre eût été suffisante et valide. Déplus, la cérémonie exécutée à Lambeth en assez petit
comité à la fin d’une nuit de décembre, n'était apparemment destinée à être connue du public ni quant à sa substance ni quant à ses détails ; et elle resta certainement ignorée du parti catholique. On en voit un indice dans une passe d’armes entre le controversiste catholique Harding et Jewell, premier évêque anglican de Salisbury, laquelle eut lieu en 1565 et les années suivantes, soit six ans environ après la cérémonie de Lambeth. On trouvera cette discussion dtxnsisxBéfulailun de l’Apologie (de iewell) par Harding, et dans les réponses qu’y opposa Jewell, — ou plus simplement dans Estcourt, qui cite successivement les paroles des deux adversaires (op. Ci(., pp. ugsq.). Harding veut manifestement forcer Jewell à révéler les circonstances de sa consécration, si celle-ci a vraiment eu lieu. Jewell réiilique qu’il est évêque, « par la libre et ordinaire élection de
« l’entier chapitre de Salisburj-, solennellement
a assemblé pour cet objet ». « Nos évêques, ajoute « t-il, sont institués en leur ordre et forme, comme
« ils ont toujours été, par libre élection des chapitres, « par consécration de l’Archevêque et de trois autres
o évêques, et par l’agrément du Prince. » Mais Harding insiste : « Et comment, je vous prie, a été con- ^
« sacré votre Archevêque ? (Jui étaient les trois « évêques du royaume qui furent là pour lui impo « serlesm"îrtns ? 'Vous avez présentement porté contre « vous-mêmes une charge plus lourde que celle qui « avait été alléguée d’abord. Car votre métropoli « tain lui-même n’a pas eu de consécration légitime. »
— A cet argument, Jewell, qui cependant continua la controverse, ne fit aucune réponse : signe évident qu’il n’en avait pas de satisfaisante à présenter. Il connaissait bien, sans aucun doute, l’histoire de la cérémonie de Lambeth : mais il se rendait compte qu’il valait mieux ne pas attirer l’attention du public sur quelques-unes de ses circonstances.
La légende de la Tête de cheval. — Il n’y a pas à s'étonner que ce mystère, dont les chefs du protestantisme enveloppaient la source toute proche (le leur hiérarchie, ait aidé les catholiques à se persuader qu’il n’y avait eu à l’origine de celle-ci aucune cérémonie de consécration épiscopale sincèrement accomplie. Ainsi s’accrédita une légende, qui, si elle ne parut que quelques années plus lard dans les controverses écrites, circula parmi les catholiques presque dès les premiers temps, et qu’il nous faut ici rapporter sommairement, en raison de la place qu’elle occupe dans l’histoire de notre question. C’est ce qu’on appelle la légende de la Tête de clieyal. Voici la version qu’en donne AntoineCuampnry dans son De Vocatione Ministrorum, publié à Douai en 1616 (p. ^97).
Au début du règne d’Elisabeth, quand les évêques catholiques eurent été déposés el jetés en prison…, il devint nécessaire d’en créer d’autres jiour les installer en leur place. Ceux qui avaient été nommés et élus à cette dignité s’entendirent pour se rencontrer en une certaine liûtelleiie sise dans la rue appelée Cheapside, à Londres (et dont l’enseigne était une lètc de cheval). L'ééque de Llandafi' [c’est-à-dire Kitchen, le seul évêque catholique qui oiU consenti è prêter le serment de suprématie royale sur l’ordre d’Elisabeth], homme simple et timide, avancé en âge et tout décrépit, y avait été mandé. Les nouveaux candidats comptaient bien être ordonnés par lui, mais Bonner, l'évêque de Londres, nlors en ]irison poui- la foi, eut vent de ce qui se préparait, et il le fit menacer d’excommunication s’il osait accomplir une telle céi-émonie. Terrifié à cette nouvelle, peut-être aussi intéiieurement touché par les remords de sa conscience, Kitchen recula, et mit en avant la faiblesse de sa vue, )iour se refuser à faire l’imposition des mains. Ainsi frustrés dans 1207
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leur attente…, les candidats durent essayer d’un nouveau plan : ils eurent recours à Scory, moine apostat qui, sous le règne d’Edouard VI, avait usurpé l’épiscopat sans aucune conséci-ation [en réalité il avait été consacré selon le rite anglican le 30 août 1551]. Cet homme qui, avec l’habit religieux, avait répudié sa conscience même, accomplit l’acte sur-le-cliamp, et voici le rite qu’il employa. Tous s’étant mis à genoux devant lui il plaça à chacun une Bible sur la tête, en disant : Reçois le pouvoir de prêcher sincèrement la parole de Dieu. Et là-dessus tous se relevèrent évêques.
Champney cite ensuite sa source :
J’ai moi-même entendu plus d’une fois toute cette histoire de la bouche du vénérable prêtre Maître Thomas Bluett, homme grave, érudit et prudent, qui disait l’avoir entendue de Maître Neale, homme honorable et versé dans les lettres, jadis professeur d’hébreu à l’Université d’Oiford, lequel, au temps où ceci se passa, faisait partie de la maison de Bonner. évéque de Londres ; c’est lui que Bonner avait envoyé interdire à l’évêque de Llandaff sous peine d’excommunication de procéder à cette consécration sacrilège, et qu’il avait chargé de se renseigner sur les suites de l’afVaire : aussi assista-t-il lui-même à la cérémonie. Et de ce récit on peut avoir autant de témoins que vivent encore, de prêtres ayant été emprisonnés pour la foi au château de Wisbeach avec maître Bluett. Et c’est en ce même lieu que j’ai moi aussi entendu cette histoire de sa bouche.
Les autres narrateurs apportent quelques variantes, mais il semble bien que toutes aient leur origine dans les diverses relations de ceux qui, entre lôgo et 1600, avaient entendu Bluett à AVisbeach. Ces discordances ne sullisent donc pas par elles-mêmes à jeter un doute sur la substance du fait, et bien moins encore à rendre Bluett et les autres suspects de mensonge délibéré, comme le voudraient d’ordinaire les polémistes protestants.
D’autre part, l’histoire n’est guère vraisemblable en elle-même ; et il est bien plus probable que Neal, témoin de l’acte nsalériel qu’il rapporte, lui aura donné une interprétation erronée Aussi n’avoiis-nous eu à nous occuper de cette légende que parce qu’elle se lie à l’histoire de la controverse sur les ordres anglicans. Si on désire plus de détails, on n’a qu’à consulter les ouvrages mêmes qui la mentionnent ; mais elle est certainement inacceptable, car elle ne peut s’accorder avec le fait de la cérémonie de Lambelh. Or, si le mystère qui, durant un demi-siècle, déroba cette cérémonie à la connaissance du public, dut jadis inspirer sur elle, quelque défiance, maintenant que nous avons accès à tous les documents, elle nous est garantie par trop d’indices certains pour que nous puissions encore la mettre en doute.
Sauf quelques points superflus, les arguments apportés dès le début contre les ordres anglicans sont identiques en substance à ceux que devait sanctionner le Saint-Siège. — Mais avant d’apporter les faits qui établissent définitivement, ce nous semble, que la consécration de Lambetli s’accomplit comme la relate le Registre, nous ferons ici une observation : c’est que la légende de la Tête Je chenal n’est pas l’unique motif sur lequel s’appuyail ce Champney, en qui nous pouvons bien voir le premier champion théologique du rejet des ordres anglicans. Dans le traité que nous avons cité, il l’onde son jugement sur cinq raisons distinctes : (i)la vérité de l’histoire de la Tète de cheyal ; (2) le caractère apocryphe du Registre de Lambeth ;
(3) l’absence de consécration épiscopale chez Barlow ;
(4) l’insécurité du rite d’Edouard’VI, en raison de ses nombreuses omissions ; (5) la probabilité qu’il ne contient pas ce qui est essentiel à une forme d’ordi nation valide. De ces cinq raisons, la première, il faut l’avouer, n’a plus pour elle aucun critique compétent, et quant à la deuxième, si Cliampney fut bien excusable d’avoir soupçonné de réponses évasives un texte qu’on ne produisait qu’après un demisiècle, nous verrons que son opinion ne saurait plus se soutenir aux clartés de la science historique moderne. Mais les deux dernières raisons qu’il apporte tiennent bon encore ; seulement, nos connaissances actuelles nous permettentde leur attribuer une force bien plus grande, tandis que la troisième en a été rendue, par des recherches récentes, encore plus convaincante qu’il ne pouvait sembler à Champney. Au reste, ilne sera pas superflu de noter en passantlarègle si justement proposée par Champney comme critère de la validité d un rite sacramentel :
La matière et la forme déterminées de quelques-uns des Sacrements, et celles des Saints Ordres en particulier, ne sont pas si clairement et distinctement déclarées par les Conciles et les Pères, que diverses opinions, fondées sur de graves raisons et autorités, n’aient été tenues et défendues avec une solide probabilité… Si donc les uns enseignent que l’imposition des mains est l’unique matière de rOrdiîiation (ce que pourtant je ne trouve formellement athrnié que par un seul des auteurs modernes), si d’autres y ajoutent l’onction d’usage en cette cérémonie et la tradition des instruments, aucune de ces opinions n’est ni certainement vraie ni certainement fausse, mais chacune n’a qu’une probabilité de vérité, proportionnelle à la nature et à la valeur des principes d’où elle est déduite. Et tandis que, de l’accord de tous, la forme des saints ordres consiste dans les paroles qui se prononcent en même temps qu’est appliquée la matière, il existe une semblable incertitude touchant les mots précis qui constituent cette forme…
L’Eglise, ajoute Champney, ne subit (du fait de cette incertitude) aucun mal ou dommage : car elle sait assurément qu’elle possède dans sa liturgie la matière et la forme authentiques prescrites aux Apôtres parle Christ, bien que nul ne puisse déterminer en quelles choses et paroles elles consistent exactement… Il suffit pour cela qu’on n’omette aucune partie du rite dont l’Eglise a coutume de se servir en l’administration de ses sacrements et dans lequel tous reconnaissent d’un commun accord la présence de cette malière et de cette forme. Mais si quelqu’un s’obstinait à ne vouloir suivre que soei propre avis et à exclure de l’administration des dits sacrements toutes les choses, actions et paroles, que personuellement il ne croit pas essentielles, il rendrait ces sacrements douteux etpar suite infligerait à l’Eglise le tort le plus grave (op. cit., pp. 413).
Voilà, énoncé en bref par Champney, comme la loi pratique établie dans l’Eglise, ce même principe que Morin. écrivant quelques années plus tard, devait, nous l’avons vu, énoncer et constater à son tour. ~
El ce que nous disons ici de Champney, il faut le dire aussi des autres controversistes catholiques qui écrivirent contre les ordres anglicans au svii « siècle et au xviiio. Je n’ai pu, il est vrai, examiner le De investigatione veræ et visibitis Christi Ecclesiæ de Christophe Holvwood, ouvrage publié en 1604 et où, dit-on, se rencontre pour la première fois la légende de la Tête de cheval. Je ne saurais donc dire si, en plus du passage qui traite de ce sujet et que reproduit le Df F. G. Lee (Valuiity, p. igS), il apporte d’autres arguments contre les ordres anglicans. Pour Kellison par contre, si je n’ai pu consulter son^j-amen noi’aelteformationis, publié en 1616 et pareillement cité par Lee comme donnant la même histoire, il est sur du moins que dans son ouvrage antérieur, An Eiiglish Sul^^e^, il donne un autre argument : l’absence de toute croyance à la prêtrise et au sacrifice. FiTz Simon, dans sa Britannoniachia publiée en 1614 (p Sig), faisant allusionaux Vindiciæ de Mason qu’il vient de recevoir et où il a vu alléguer le 1209
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Registre de Lanibeth, émet bien contre Ce document quelques soupçons fondés sur l’histoire de la Tête declieval, qu’il admet sur l’autorité de Neal ; mais il renvoie aussi à un passage antérieur de son livre, où il a signalé un grande impedimentum contre la validité des ordres nouveaux : Suhlala itimiriim yeræ ordinatiiinis siih Eda’ordo VI forma deOiiaqiie intentione faciendi giiod facit Ecclesia. Et si nous passons à Pierre Talbot et à son Erasliis senior écrit en 1662, à Jean Constadlk et à son Clerophiles Alctltes composé vers i^So, nous y trouvons toute la question de la validité de la matière et de la forme étudiée aussi méthodiquement qu’on pourrait l’attendre d’un auteur moderne.
Hien ne justilie donc l’assertion courante chez les écrivains protestants, d’après laquelle les catholiques n’auraient à l’origine basé leur rejet des ordres anglicans que sur leur croyance à la légende de la Télé de cheval, et auraient attendu de la voir définitivement réfutée pour s’aviser d’y substituer des arguments d’un autre genre, dont ils n’avaient jamais rien dit jusque-là.
L’historicité de la consécration célébrée â Lambetb en 1559. — La première mention publique de la cérémonie de Lambeth et du Registre (voir le texte de ce registre chez Couraver, éd. de Haddan, ou EsTcouRT, pp. io5 sq.) qui la relate, semble se trouver chez François Mason, dans sa Vindicalion of the Anglican Clntrch, publiée en 1641 (livre 11, chap. xv). Un événement ainsi révélé après tant d’années de silence ne devait pas trouver créance facile dans les rangs des catholi(iues. Champney, répondant (chap. xni) à l'édition primitive de Mason, parue en 1616, s'étonne qu’au début du règne d’Elisabeth, lorsque Sander, Harding et d’autres catholiques réclamaient la preuve de la consécration des nouveaux évêques, ni Jewell ni les autres ne leur aient jamais cilé ces pièces, où Mason prétendait découvrir cinquante ans après l’attestation authentique du fait. Si ces documents existaient alors, et s’ils étaient de nature à trancher délinitivement la controverse, pourquoi, demandait Champney, les a-t-on laissés si longtemps dans l’oubli ? L’objection était aiguë et elle prouvait tout au moins, comme nous l’avons dit, qu’on avait dû précédemment juger le contenu de ce témoignage peu satisfaisant ou peu honorable par quelque endroit. Mais la tare était probablement dans la personnalité même des consécrateurs, laquelle n'était certainement pas pour rehausser la cérémonie. En tout cas il est sûr que le Registre de consécration existait dès le temps des premières controverses ; et maintenant ([ue nous avons accès à tous les documents, nous ne saurions plus douter raisonnablement ni que la consécration de Mathieu Parker dans la chapelle de Lambeth ait vraiment eu lieu le 17 décembre 155g, ni que les circonstances de la cérémonie aient été réellement telles que les décrit la mention portée au Registre de Parker, — en d’autres termes que le consécrateurait été Guillaume Barlow, ancien évoque de Bath et de Wells, avec pour assistants (ou, si les anglicans préfèrent, pour co-consécrateurs) Jean Scory, ancien évêque de Rochester, puis de Chichester, Miles Coverdale, ancien évêque d’Exeter, et Jean liodgkins, ancien évêque auxiliaire de Bedl’ord. Le Registre est à croire encore quand il assure que le rite employé fut celui de l’Ordinal d’Edouard VI, mais que, contrairement aux rubriques du Pniyer Book, d’après lesquelles c’est l'évêque consécrateur seul qui prononce sur le candidat que lui présentent les prélats assistants la formule accompagnant l’imposition des mains, les quatre évêques proférèrent ensemble les
paroles rituelles : « Reçois le Saint-Esprit, etc. », en imposant les mains au nouvel élu.
Car non seulement le Registre lui-même, quoique suspect à quelques auteurs, semble à des critiques autorisés porter toutes les marques internes d’authenticité (voir EsTcouRT, op. cil., p. 96), mais beaucoup de témoignages s’accordent à parler dans le même sens. Tout d’abord c’est la mention qui se trouve dans le diaire privé de Parkkh (conservé dans la bibliothèque du Collège de Corpus Clirisii à Cambridge) : « 17 Decerab. anno iSSg. Consecratus sum in Archiepiscopum Cantuar. Heul Heu ! Domine, in quæ tempora servastime ? » Ce diaire, donné par Parker lui-même à la bibliothèque de ce collège, ne semble par avoir attiré l’attention au temps des anciennes controverses, — ce qui, pour le cas présent, fortifie sa valeur probante, puisqu’on ne saurait ainsi le soupçonner d’avoir été composé pour les besoins de la polémique.
Nous possédons, en second lieii, la mention, également contemporaine, du diaire de Macuyn : « Le
« XVII' jour de décembre, fut le nouvel évêque de « Cantorbéry sacré là à Lambeth… Le xx' jour de « décembre avant midi fut la vigile de Saint-Tho-, « mas ; Mon Seigneur de Cantorbéry alla à l'église « de Bow, et là furent sacrés de nouveaux évêques. » Ce
Machyn était un drapier de Londres qui notait ainsi dans son diaire les événements d’intérêt public qui venaient à sa connaissance. Sans doute lui avait-on commandé du drap pour ces décorations de la chapelle dont parle aussi le Registre (sur ces décorations, voir également Col’raybr, op. cit., p. 332, dans l'édition de Haddan). Et ce qui donne encore au témoignage de Machyn une valeur documentaire toute spéciale, c’est qu’il ne semble pas avoir été remarqué avant la publication de ce diaire par la Caniden Society au xix° siècle.
Troisièmement il existe au State Paper 0//ice une pièce exposant la manière dont il faudra procéder à la consécration de Parker. Le texte central est manifestement de la plume d’un employé quelconque. La marge de gauche porte quelques notes de la main du Secrétaire d’Etat Cecil, et la marge de droite une autre note de la main de l’Archevêque Parker. Ce document est d’un tel poids pour établir la vérité de la relation contenue dans le Registre de Lambeth, que nous croyons devoir le donner en entier. En voici la référence : State Paper Office, Domestic, Elizaheth, iSôg, July, vol. V. ov aussi EsTcoURT, pp. 86 sq.
Copie en serait envoyée ici.
1. Demande est à faire de Lettres Patentes de la Reine, dites Significaverunt, à J’Archevêque de la Province pour la confirmation de l’Elu et pour su consécration. Il n’yapasd’ur- 2. Quand le siège chevêque ni IIII Archiépiscopal est évêques â trouver vacant, alors, « près
présentemen t. DoncQunerendum etc.
élection, de pareilles Lettres Patentes pour la confirmation de l’Elu sont à envoyer à tout nutie Archevêque des domaines du Roi. Si tous sont vacants, ù 1111 èvéques à désigner par les Lettres Patentes de la Iteine,
A.2r,.UenrIVIII, cap. 20, l’ordre est intimé universellement, de manié re que la restitution du temporel soit faite après la consécration, comme il me paraît d’après le dit acte. 1211
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faisant connaître rassenlimentro) al (le sa Glace, avec requête pour la consécration et le Pallium de l’Elu.
3. L’iiommag-e pour le temporel du Siège est à faire à Sa Majesté ; le serment à prêter ; les frais ordinaires à payer aux ofSciers de Sa Majesté.
4. La consécration devra être tel dimanche que les cousecrateurs, avec l’assentiment du consécrand, choisiront li’uu commun accord. Et en tel endroit qu’on jugera le plus convenable.
Ce livre n’est 5. L’ordre du
pas établi par le livre du Roi E Parlement. douard est à ob server, parce qu’il n’y en a pas d’autie spécialement institué en cette dernière session du Parlemanl. Les noies de La note de cette
cette marge sont de marge est de Vccri Vécriture de Cecit. turede Parker.
Ce luénioire, qui esquisse la procédure à suivre dans la consécration de Parker, a évidemment été rédigé à l’usage de Cecil et de l’intéressé lui-iuème, afin ([u’ils pussent y consigner leurs observations au cas où ils verraient des modillcalions à introduire dans la cérémonie projetée. Parker n’ajoute qu’une remarque sur une matière importante pour lui, mais sans aucun rapport avec la fonction liturgique. Cecil note deux points essentiels qui demandent considération ; et le premier, c’est qu’il est impossible de se conformer à la légalité telle que la règle l’acte de Henri VIII qui veut qu'à défaut d’archevêque, la consécration soit faite par a quatre évêques du Royaume » ; car « quatre évêques du Royaume », c’est-à-dire quatre évéques en possession légale de leurs sièges à l’intérieur du Royaume, sont alors impossibles à trouver. Ceci montre qu'à la date oii Cecil traçait ces lignes, l'œuvre de la destitution des évéques catholiques était déjà assez avancée pour qu’il n’en restât pas quatre qui pussent, même s’ils l’eussent voulu, procéder légalement à la cérémonie : en d autres termes, la note n’a pu être écrite avant le 30 septembre iSSg, où la destitution (civile) de Tunslall de Durliam réduisit aux trois noms de Bourne, de David Pôle et de Kitchen la liste des évéques alors régulièrement en charge. Le quærendum de Cecil fut, nous le savons, soumis à quatre canonistes et juristesémiuents : leur avis fut d’y pourvoir par une clause Supplenles dont ils rédigèrent le texte, et qui devait remédier suprema auctoritate nostra regia, ex mero motu et certa scientia, à tout défaut légal qui pourrait exister en l’un quelconque de ceux à qui était adressé le mandat royal de consécration. Le rapport qui propose cette solution avec le texte de la clause se trouve au Stale Paper Office (Dom. EUzabeth, vol. VII, Oct. Dec ; voir aussi Estcourt, pp. 80). La Commission royale, munie de cette clause, fut adressée à Kitchen de LlandalT, à Barlow évèquc déposé de Bath et de Wells, à Scory
évêque déposé de Chichester, à Coverdale évêque déposé d’Exeter, à Hodgkins évêque auxiliaire de Bedford, à Salisbury évêque auxiliaire de Thetford, et à Baie évêque déposé d’Ossory. Ce mandat de consécration est consigné dans les Registres de Chancellerie ; il est donc impossible de nier son ab- u solue authenticité. Et comme d’autre part l’authenticité du mémoire annoté en marge par Cecil et Parker est elle aussi indiscutable, on ne peut plus contester sérieusement la réalité de la consécration célébrée à Lambeth le 17 décen>bre 155g. Car une fois prouvé que Cecil, Parker, et la Reine même, qu’ils représentaient soit comme Secrétaire d Etat soit comme Archevêque élu, comptaient sur une consécration comme celle que pré vojait ce mémoire, une fois établi que les destinataires des lettres royales — ou quatre quelconques d’entre eux — furent requis d’accomplir cette cérémonie, comment pourraiton encore raisonnablement mettre en Joule la véracité du Registre de Lambeth, qui ne fait que relater l’exécution du projet ainsi formé? Ces témoignages sutBsent, senible-t-il, pour le but du présent article ; d’ailleurs on trouverait dans Estcourt (Joe. cil.) d’autres conlirraations du fait.
U est un point secondaire, il est vrai, qui peut prêter à discussion : la note du Registre en sa forme primitive mentionnait-elle Barlow comme le consécrateur unique et les trois autres seulement comme ses assistants, ainsi que le prescrivait la coutume et le langage même du rituel anglican, ou bien cette note fut-elle conçue dès l’origine en sa forme actuelle, qui présente les quatre prélats ofliciant sur le pied d’une complète égalité? Sur cette question on trouvera encore le pour et le contre dans Estcourt, mais elle a trop peu d’importance pour que nous nous y arrêtions ici. Si vraiment on employa quatre consécrateurs à la fois, il faudrait sans doute chercher le motif de cette anomalie exceptionnelle dans un certain souci d’estoinper le mieux possible ce qui dans la situation de Barlow pouvait paraître peu régulier. Car, comme on peut l'établir avec certitude, c’est Barlow qui tenait dans la cérémonie le rôle principal ; mais c’est pareillement là une question que nous laisserons de côté, en renvoyant encore ceux qu’elle intéresserait à Estcourt qui l'étudié avec grand soin. Pour nous, il nous suffit d'être (ixés sur un fait indiscutable, c’est que la forme employée en cette circonstance, comme dans toutes les consécrations d'évcques anglicans, depuis cette date, fut celle de l’Ordinal d’Edouard VI, et qu'à plusieurs reprises l’autorité suprême de l’Eglise catholique a déclaré cette forme absolument insuffisante pour une consécration valide. Après la publication de la bulle Jpoftolicæ curae, tous les petits problèmes secondaires, comme ceux que nous venons de signaler, ne sauraient plus garder pour nous qu’un intérêt d'érudition historique.
Bxamen de la question de la consécration de
BarloTV. — Nous pourrions, pour le même motif, nous dispenser de mentionner une autre question : celle de savoir si Barlow, le principal consécrateur de Parker, était lui-même en possession d’un épiscopat valide. Ceux qui voudraient connaître tout le détail (le cette controverse fort complexe pourront encore se référer à Estcourt. qui discute le problème à fond et sans nulle partialité ; et aussi, pour compléter Estcourt sur un ou deux points, à une publication plus récente de la Catholic Truth Society, intitulée : lieasons for rejectiiig Anglican Orders, et composée par l’auteur du présent article. Si nous donnons ici un résumé sommaire des points en litige, c’est à cause de la grande place qu’a tenue 1213
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celle question Jans toute la littérature polémique parue autour des ordres anglicans, et aussi à cause de l’importance qu’elle aurait eue pour déterminer l’allitude pratique de TEglise envers ces ordres, si le rejet oHîoiel du rite même n’était venu la dc|)asser à tous égards, jusqu’à la rendre pratiquement superllue ; car si le cérémonial anglican n’avait pas été déclaré nul en lui-même et pour des motifs certains, le caractère douteux, ou pour mieux dire immensément improbable, de la consécration cpiscopale de Barlow aurait certainement exigé qu’im réordonnât sous condition tout ancien ecclésiastique anglican désireux d’entrer dans le clergé catholique.
Jusqu’au jour où Mason publia ses VinJiciæ en 1613, les circonstances de la consécration de Parker, et par suite la part qu’y avait prise Barlow, él ; iient, nous l’avons vu, le secret de quelques inities ; les catholiques n’en connaissaient donc rien. Mais quand Mason publia ce qu’il savait de cette cérémonie, il y joignit un étalage de dates de consécrations et de noms de consccrateurs, fournissant tous les détails désirables sur la succession des évêques anglicans depuis Parker jusqu’alors. Il donnait les mêmes précisions sur la consécration des trois prélats associés à Barlow dans la cérémonie de Lambetli. Mais quand il en arrive à Barlow lui-même, il doit avouer qu’il ne peut trouver trace de sa consécration, et sa seule ressource est de déclarer à ses lecteurs qu’ils ont toute sécurité pourcroirequ’elleæulieu, puisque les contemporains considéraient Barlow comme un évêque véritable et complet. Mason ajoute que d’ailleursdansle Registre archiépiscopal de Warham il ne trouve pas davantage mentionnée la consécration de Gardiner pour i’évêché de Winchester ; si donc, conclut-il, l’argument du silence vaut contre la consécration de Barlow, ilfaut appliquer le même principe à celle de Gardiner, — ce qu’évidemment aucun catholique ne consentirait à admettre, Gardiner étant un des évêques catholiques les plus considérés. Et Mason cite encore un ou deux noms de prélats dont le sacre n’est pas relaté dans les registres archiépiscopaux de leur province.
Une telle argumentation est vraiment faible. Quand bien même on ne trouverait nulle part mention du sacre de ces quelques évêques, le seul fait qu’ils professaient la foi catholique rendrait déjà incroyable qu’ils aient accompli sur d’autres les cérémonies d’ordination et de consécration sans avoir reçu eux-mêmes le caractère épiscopal. Mais le cas de Barlow est bien dilférent. Son opinion personnelle était précisément que la consécration épiscopale n’était pas nécessaire, comme en témoignent les paroles qu’il prononça dans un sermon prêché à la Cathédrale de Saint-David le 12 novembre 1536, peu de mois après être monté sur ce siège, et qui nous sont connues par les protestations que souleva parmi le Chapitre l’énoncé de cette doctrine hérétique. U avait déclaré :
« Que si Sa Grâce le Roi, qui est suprême chef de « l’Eglise d’Angleterre, choisissait ou désignait et « élisait pour être évêque un séculier quelconque « qui fût instruit, un tel élu, sans qu’on etit à faire
mention d’aucun ordre, serait aussi bon évêque que
« lui-même [Barlow] ou les meilleurs d’Angleterre. »
(V’oir, pour les sources officielles, Strvpe, Vl/eniono/, ▼cl. I, p. 18/|. Records, no’69 et 77) Et sans doute on a pu ré[)ondre que, si cette déclaration révélait le peu d’importance que son auteur, vu ses conceptions doctrinales, devait attacher à sa consécration, elle aflirmait du moins implicitement que cette consécration avait eu lieu. Mais si l’évêque de Saint-David avait des raisons de tenir secrètes les circonstances de sa promotion à l’épiscopat, il se pourrait fort bien qu’il eût ainsi parlé pour se forlilier, au cas où
la vérité viendrait à percer un jour ou l’autre. On conçoit d ailleurs que si le Roi et Cranmer partageaient ses opinions théologiques, liait pudissimuler l’omission de sa consécration dans la période obscure de ses deux ambassades en Ecosse, qui tombèrent justement vers l’époque où normalement il aurait dû la recevoir. Or que telles aient bien été les idées de Cranmer et du Koi, c’est ce qu’on peut conclure des réponses de Cranmer jiux » Questions sur les Sacrements )) posées par le Roi en 15/lo, et des notes du Roi sur les réponses faites aux mêmes questions par un autre évêque, — probablement Gardiner, s’il faut en croire Estcourt (0^. cil., p. 70). Cranmer répond :
« Que les ministres de la parole de Dieu soient « sous Sa Majesté les évêques, curés, vicaires et tels « autres prêtres qui seront nommés par Sa Majesté « pour ce ministère… Que tous lesdits officiers et « minisires de l’uhe comme de l’autre sorte [c.à-d. « ecclésiastiques aussi bien que civils] soient nom-’niés, assignés et élus en toutes places par les lois « des rois et princes. Que dans l’admission de plusieurs
de ces officiers soient employées diverses ^
« cérémonies et solennités appropriées, lesquelles ne « soient pas de nécessité, mais seulement pour le bon « ordre et les convenances, — car si lesdits oflices « et ministères étaient contîés sans telle cérémonie,
<i ils seraient néanmoins réellement conliés. El il n’y
« a pas plus de promesse de la grâce de Dieu en la « commission d’un office ecclésiastique, qu’il n’y en « a en la commission d’un office civil. » (Burnet,
IJist. Réf., vol. I. App., pp. 214-236)
Or un autre prélat — que ce soit ou non Gardiner
— avait donné à ce questionnaire des réponses différentes :
« Etablir des évêques, disait-il, comprend
(I deux actes : les nommer et les ordonner. La nomination, que les Apôtres durent de nécessité faire par élection commune, et quelquefois par leur
« propre et particulière désignation, ne pouvait alors « être faite par les princes chrétiens, parce qu’il n’y « en avait pas en ce temps. » Contre cette réponse,
l’autographe porte cette note marginale de la main de Henri VIII : « Où est celle distinction’? El puisque
« vous confessez que les.’Vpôtres exerçaient un des « actes que vous confessez maintenant appartenir « aux princes, comment pouvez-vous prouver que « l’ordination n’est commise qu’à vous, évêques ? »
{Ibid.. p. 467)
Pourtant, même une fois prouvé que Barlow ne voyait nullement dans sa consécration épiscopale une condition requise pour conférer les ordres aux autres, il n’apparaît pas encore pourquoi il aurait tenu à l’esquiver ; car elle était tout au moins exigée par les lois du pays, et, ne lui donnât-elle aucune grâce particulière, elle ne pouvait en tout cas lui faire aucun mal.,. — Mais il faut se souvenir qu’à cette époque le seul rite en usage était celui de l’ancien Ponlilical, que tout le parti de Cranmer et de Barlow jugeait rempli de cérémonies superstitieuses : c’est même pour cela qu’ils y substituèrent, presque aussitôt qu’ils furent libres de le faire, le rite d’Edouard VI, toujours employé depuis lors dans l’Eglise anglicane. Il n’est donc pas très dilficile d’imaginer Barlow disant au Roi ; « Je pense avec
« Votre Majesté que votre nomination royale suffit à « me conférer tout ce qui est nécessaire pour le plein « exercice de la charge épiscopale. Votre Majesté ne « voudrait-elle donc pas me dispenser de 1 obligation « de subir une cérémonie de consécration, que j’abhorre
à cause des doctrines superstitieuses que notre Il présent Ordinal contient et exprime ? » El on se représente aussi assez, bien Henri VIII apjirouvant une démarche qui ne tendait qu’à exalter les attributions de l’autorité royale. 1215
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Et quand on prétend assimiler le cas de Barlow à celui de Gardiner parce que le Registre archiépiscopal — celui de Warham — ne mentionne pas sa consécration, on oublie qu’en Angleterre on n’a pas plus qu’ailleurs l’habitude d’exposer à tous les hasards le souvenir authentique des actes importants pour l’Eglise ou l’Etat, en le conliant à une seule et unique relation. L’usage est de prescrire pour chacun de ces actes toute une sérif de pièces et d’attestations, qui se supposent les unes les autres ; et ainsi on ne risque guère d’en voir disparaître toute trace, du moins aussi longtemps qu’il reste essentiel de pouvoir établir que le fait a eu lieu. Celle méthode était en usage en Angleterre sous Henri VIII, comme elle le fut toujours avant et après lui. Il nous suffira donc de dresser la liste des documents qui devaient garder à l’histoire la preuve que lîarlow, Gardiner ou tout autre évêque de ce temps avaient ou n’avaient pas été régulièrement nommés et sacrés. Voici la procédure qu’on suivit depuis 1534, date de la séparation d’avec Rome, jusqu’aux innovations introduites sous Edouard VI : lorsque le chapitre cathèdral avait fait savoir que, docile aux injonctions du gouvernement, il avait élu tel ou tel personnage pour son nouvel évêque, la Couronne adressait à l’Archevêque de la Province deux pièces, appelées l’une V Assentiment lioyal (à l'élection du chapitre) et l’autre le Signijicat’it. La première, d’usage fort ancien, avait pour objet d’annoncer à l’Archevêque que l'élection avait eu lieu et qu’il était libre d’accomplir selon la loi de l’Eglise tout ce qui était requis pour installer le nouveau prélat, — comme de con firrær sa nomination, de le sacrer, de l’introniser, etc. Quand au Signi/icavit, d’institution toute récente, c'était une des conséquences de la rupture avec le Saint-Siège. Il commandait à l’Archevêque de confirmer la nomination de l'élu, de le sacrer et de l’introniser dans les snngt jours qui siiifaieni la réception de ce mandat, sous les peines de Præmunire. Le but était de forcer l’Archevêque à accomplir tous ces actes avant qu’il eût eu le temps de recourir à Rome pour obtenir les autorisations prescrites par la loi de l’Eglise catholique, et d’ordinaire ce document mentionnait expressément l'.^cte de Parlement (25 Henri VIII, c. 20) qui en avait établi l’usage. Ces deux pièces devaient ètreconsignées àleur expédition dans les Registres officiels de la Chancellerie, et à leur réception dans le Registre de l’Archevêque. Dans le cas de Barlow, les Registres de la Chancellerie contiennent bien V Assentiment royal pour ses deux nominations successives à Saint-Asaph et à Saint-David ; mais aucune des deux fois il n’est accompagné du Significavit. Or cet Assentiment royal, notons-le, estici comme d’ordinaire conçu en termes extrèmementvagues : « Nous vous signifions ce Royal '< Assentiment, afin que vous puissiez faire ce qui (1 vous regarde en cette matière. » — Les Registres relatent pareillement la confirmation de Barlow au siège de Saint-David, à la date du 2 1 avril 1 536 ; mais, ni vers cette date ni dans la suite, on ne parle de sa consécration, soit dans les Registres de la Chancellerie, soit dans celui de l’Archevêque. — Cette consécration, si elle eut vraiment lieu, dut aussi être portée dans le Registre de l'évêehé de Saint-David ; mais ici nous ne pouvons rien tirer de l’argument du silence, et pour une bonne raison : c’est que Ferrar, successeur de Barlow à ce siège, brfila tous les registres de son Eglise, — sur ordre rojal, nous dit-il, et parce qu’ils étaient contenus dans d’anciens livres liturgiques. Mais comme Ferrar partageait les idées de Barlow, on se demande malgré soi si cet acte de destruction, si inexplicable autrement, n’aurait pas clé précisément destiné à protéger Barlow contre
toute tentative d’enquête indiscrète… Et si l’on voulait objecter que peut-être Barlow a été ordonné ailleurs qu'à Gantorbéry ou par un autre que par Cranmer, il faudrait se rappeler qu’en ce cas le Registre archiépiscopal devrait nous garder le texte de la commission adressée au prélat consécrateur, et que la réception de celle-ci devrait être mentionnée dans le Registre de ce dernier, ainsi que le fait et le lieu de la consécration même. — Enfin il est un autre document encore qui, s’il était conçu dans les formes ordinaires, devrait témoigner de la consécration de Barlow : c’est l’acte qui lui restituait le temporel de son évèché. L’usage était en effet que la Couronne prit possession du temporel pendant la vacance du siège ; mais d’après la loicitéeplusliaut(25 Henri VIII, chap. 20), il pouvait lui être redemandé, et elle le restituait aussitôt après la consécration du nouvel élu. laquelle se trouvait par suite généralement mentionnée dans l’acte de restitution. Or nous allons voir que dans le cas de Barlow cette pièce, bien loin d’attester sa consécration, apporte de nouveaux motifs de la mettre en doute.
Mais notons d’abord en passant que, si le sacre de Gardiner n’est pas mentionné dans le Registre de l’Archevêque ^Varham, il est relaté dans le Registre de Gardiner lui-même à Winchester. El ainsi en est-il de tous les autres. L'évcque Stl’bhs a publié son Jiegistrum sacrum, une intéressante liste de la succession des évoques anglais, tant avant qu’après la Réforme, avec les dates de leurs consécrations et la dérivation de leurs ordres. Grâce aux témoignages qu’il tire de l’une ou de l’autre des sources énumérées ci-dessus, il est en mesure de nous renseigner sur la consécration de chacun de ces prélats, à la seule exception de Barlow. En face de ce nom, il en est réduit à mettre cette simple note : « Voir Haddan sur Bramhall » — c’est-à-dire : voir les annotations de Haddan sur le livre de Bramhall : Consécration and succession of Protestant Bishops justified, 168g. Or dans ces notes Haddan, érudit fort distingué, remarquable pour la diligence et l’exactitude qu’il a mises dans ses recherches, ne peut apporter en faveur de la consécration de Barlow que l’inférence contestable qui se laisse tirer de quelques faits, de celui-ci en particulier que les contemporains considérèrent toujours ce personnage comme un évoque véritable et complet.
Revenons maintenant à la pièce signalée plus haut, et par laquelle Barlow obtint restitution du temporel de Saint-David. Comme nous l’avons indiqué, le Roi voyait dans le temporel des siègesépiscopaux des fiefs de la Couronne, dont celle-ci par suite reprenait possession aussitôt l'évêehé vacant. Les revenus perçus durant cette période de vacance rentraient donc au Trésor ; mais ensuite ils étaient qiielquefois attribués au nouvel élu à titre gracieux, par une pièce qu’on appelait en termes de Chancellerie : cusiodie du temporel. Au reste ceci ne regardait que le temps de la vacance : car, par son installation même, le nouveau prélat acquérait sur son temporel un droit de franc-lief : il n’avait donc plus qu'à le réclamer à la Couronne, qui le lui faisait rendre aussitôt par un de ces actes que la coutume anglaise appelait des Actes de Droit, voulant dire par là que l’intéressé les exigeait en vertu d’un droit strict et qu’on ne pouvait les lui refuser sans injustice. Et comme la loi d’Henri VIII, que nous avons déjà deux fois mentionnée, ne reconnaissait désormais ce droit aux évêques qu’après leur consécration, celle-ci se trouvait d’ordinaire relatée dans l’acte de restitution. Mais au lieu d’un acte de restitution de cette espèce, on rédigea pour Barlow un acte de forme exceptionnelle et jusque-là inouïe, et on le lui donna 1217
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dès que sa nomination eut été confirmce : car cette confirmaliuu est du 21 avril 1536, et l’acte du a6. Aussi ne saurait-il être question dans ce document de consécration épiscopale reçue, — d’autant plus que, du commun accord de tous les auteurs, siBai-low a jamais été consacré, il n’a pu l’être avant le mois de juin de cette même année.
Le texte de cette concession du temporel a été pour la première fois publié par le Chanoine Estcourt en 1878 (voir son appendice iv) ; car Mason, qui en cita une partie en iG13, passa sous silence ce que l’acte contenait de plus caractéristique, et en donnaune fausse référence, renvoyant aux Registres de Chancellerie, tandis qu’en réalité, comme on le découvrit enfin, l’acte se trouve dans le Registre des Memoranda du Greflier du Lord Trésorier (28 Henri VIII, Easter terni, lloll /). Ce que cet acte a de particulier, c’est que ce n’est pas un Jcte de Droit comme Barlow aurait pu en obtenir un s’il avait été alors consacré, mais un acte de pure grâce, et qui comme tel s’encadre des formules : < par spéciale faveur », « de notre propre mouvement », « pour de spéciales causes ». Or cet acte, bien qu’il accorde le temporel du siège en vertu des droits de Régale, n’a pas pour objet de concédera Barlow les fruits perçus pendant la vacance : il vise le temps même que durera son épiscopat. Il reconnaît que la vacance est terminée par la conlirmalion du nouvel élu sur ce siège comme évêque et pasteur, « sicut per litteras patentes ipsius Archiepiscopi nobis inde dircctas nobis constat », et cependant il ne présente pas cette restitution comme une justice qu’on rend, mais comme une faveur qu’on accorde, laquelle devra s’étendre non à une période déterminée, mais « durante vita prædicti nunc episcopi », et mettre celui-ci en possession de son temporel « in tam amplis modo et u forma prout prædictus Ricardus Rawlins, nuper (I episcopus Menev. et prædccessores sui nuper episcopi ibidem sede plena per chartas progenitorum a nostrorum quondam Regum Angliæ vel aliter,
« seu eorum aliquis, melius et liberius habuerunt « seu perceperunt, liabuit seu percepit. »
Un pareil document est certainement signiûcatif. Il n’a pas dû être ainsi rédigé sans raison ; et s’il est permis de conjecturer d’après son contenu même l’intention qui l’a inspirée, comment ne pas voir que c’était donner à Barlow sans aucune consécration ce que les autres évêqucs ne i>ouvaient obtenir qu’en se faisant consacrer, et ce qui seul — avec les idées que nous lui connaissons — devait lui importer dans l’épiscopat ? Ajoutons qu’aussitôt après, le nouveau prélat reçut sa convocation à la Chambre des Lords, puisqu elle est datée du a^ avril, c’est-à-dire du lendemain du joiir où lui fut accordé son temporel. Et ceci fait tomber l’objection, qu’on a faite quelquefois, que Barlow n’aurait pu siéger dans cette assemblée s’il n’avait été consacré : avec sa convocation en mains, comment eût-on pu l’en exclure ?
Voilà donc où en est la question du sacre de Barlow. Nous ne prétendons pas avoir prouvé avec certitude qu’il n’ait pas eu lieu : ce genre de thèses négatives n’admet guère de démonstrations apodictiques. Pourtant on ne peut contester que les arguments énoncés ne jettent un doute sérieux sur la réalité de cette consécration épiscopale et donc sur celle de Parker dont Barlow fut le consécrateur principal. Mais répétons-le : quoique ce problème ait été souvent au premier plan dans l’histoire de la controverse en Angleterre, jamais les autorités de l’Eglise catholique n’en ont fait le point crucial dont dépendait leur décision officielle. Dès 1685, comme le notait Mgr Genetti dans son rapport au Saint-Office, on pensait que la pleine et complète solution devrait
Tome III.
se tirer, non pas de la question de fait (celle de l’ordination de Parker), car celle-ci dépendait de l’histoire fort compliquée des transformations religieuses qui s’étaient succédé en Angleterre, mais bien du manque d’intention et de l’insuffisance de la formule employée par les hérétiques anglicans dans leurs ordinations sacerdotales (Brandi, 0/). cii., p. 260).
Résumé de la conduite officielle de l’Eglise envers ces ordres. — Stade final (1896). — Reprenons maintenant l’histoire de la conduite oflicielle de l’Eglise à l’égard des ordres anglicans. Cette histoire atteint son stade définitif avec les commissions d’enquête de iSgô et la publication, le 13 septembre delà même année, de la bulle Apostolicae curae, qui en fut la suite. Les circonstances qui amenèrent le Saint-Siège à reprendre l’examen de la question ont été exposées du point de vue anglican parle Révérend T. A. Lacgy dans son lioman Diary and other documents rclatin^ to tlie Papal Inquiry inlu £nglish Ordinations en lS9li, publié en 1910, et aussi par Lord Halifax dans son Léo XIII and Anglican Orders, en 191a. Du côté catholique, les faits ont été racontés par Dom Gasi^uet (depuis Cardinal) dans ses Leaves of my Diary, lS9’i-lS96, publiées en igiiàla requête de i|uelques amis qui lui demandaient ce secours pour réfuter certaines assertions du Roman Diary de M. Lacey. Le livre du Cardinal Gasquet, bien moins volumineux que les deux autres, a sur eux l’avantage d’avoir été écrit par un membre de la Commission d’experts de 1896, et cela au temps même des événements dont il parle ; de sorte qu’il oppose une relation authentique des faits et gestes de la Commission à de pures conjectures formées du dehors.
Dans quelle mesure l’initiative qui devait aboutir à cette nouvelle enquête vint-elle des catholiques anglais, ou au contraire des anglicans, c’est un premier point sur lequel les trois ouvrages que nous venons de citer ne s’accordent pas. Mais en tout cas, sur l’autorité de tous les trois, nous pouvons affirmer sûrement que les premières démarches furent faites par quelques catholiques français, poussés par Lord Halifax et certains de ses amis. Les catholiques anglais étaient dans l’ensemble opposés à la réouverture d’un débat qui leur semblait définitivement clos ; mais c’est là « in point de trop peu d’importance pour être ici discuté. On avait persuadé à Léon XIII qu’en face des protestations bruyantes des anglicans contre l’attitude officielle de l’Eglise à l’égard de leurs ordres, il y avait lieu d’examiner si vraiment les catholiques avaient toujours rendu à leurs adversaires pleine et entière justice. Dans cet esprit de parfaite loyauté qui était chez lui si caractéristique, le Pape décida donc d’instituer une nouvelle enqui’te qui devrait dissiper jusqu’à l’ombre des moindres doutes, et prescrivit pour cette enquête un mode de procéder assurant, dans la mesure du possible, que tous les documents nécessaires fussent pris en considération. On nomma d’abord une Commission d’experts ; ceux-ci durent forcément être tous catholiques ; mais on avait pris soin du moins de les choisir en nombre égal parmi les représentants des diverses opinions. Ces Commissaires, afa nombre de huit, devaient d’abord rédiger des rapports sur la nature des ordres discutés et les envoyer au Pape. Puis on les convoquerait à Rome, où ils se réuniraient au Palais du Vatican et tiendraient douze sessions, dans lesquelles ils se communiqueraient les rapports qu’ils auraient dû précédemment envoyer séparément, et discuteraient à fond tous les points qui y seraient contenus. Le Pape
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leur ferait communiquer tout ce qu’on connaissait, tout ce qu’un poun-ait découvrir, de documents ayant quelque rapport avec leur sujet, soit dans les archives du Vatican, soit dans celles du SainlOflice. Après avoir ainsi échangé leurs vues, ils devaient formuler leurs conclusions, et les matériaux ainsi accumulés seraient envoyés aux Cardinaux constituant le Conseil suprême du Sainl-Ollice. Ceux-ci, après s'être formé chacun son jugement personnel, devraient dans une session solennelle de Ferla Quinta, l’exposer au Saint-Père présidant en personne. Il appartiendrait alors au Pape lui-même, après avoir prié Dieu, de décider s’il y aurait lieu de publier ou de différer la sentence définitive. — Telle fut exactement la marche qu’on suivit. Elle aboutit à un jugement unanime des Cardinaux du Conseil suprême sur les deux propositions qu’on leur soumettait, à savoir : que « la question avait i< déjà été tranchée par le Saint-Siège en pleine i( connaissance de cause, et que cette nouvelle dis « cussion et ce nouvel examen n’avaient servi qu'à mettre mieux en lumière la sagesse et le soin avec lesquels cette décision avait été prise ». En conséquence, Léon Xlll, après s'être réservé un intervalle de prière et de réflexion, décida, comme il nous le dit dans sa bulle, que la matière était en soi claire et qu’il n’y aurait point de bon elfet à différer l’annonce de l’unique sentence possible. La bulle fut donc publiée le 13 septembre 1896.
La bulle « Apostolicæ curæ » (1896). — Cette bulle, nous l’avons noté, suit dans sa composition une marche peu ordinaire, — sans doute pour répon dre aux exigences de ceux qui, n'étant pas catholiques, ne se contenteraient pas de la simple autorité du Siège Apostolique pour s’incliner devant son jugement. Elle expose donc en grand détail les raisons sur lesquelles ce jugement se fonde, ce qui est certainement un précieux avantage pour les apologistes qui ont à défendre au tribunal delà raison chrétienne cet acte du Saint-Siège.
Le ton pastoral affectueux qui règne d’un bout à l’autre de ce document témoigne des sentiments dans lesquels il a été écrit. Léon XIII désire ardemment faire entendre au peuple anglais que ces décisions sont celles qu’il a été contraint de prendre par ses devoirs envers la vérité ; et qu’elles sont en même temps une lumière qui, si on voulait y prendre garde, pourrait reconduire les errants à l’ancienne unité — à cette unité qui leur avait jadis été si chère et que, disait-on au Pape, ils désiraient si vivement voir renaître. Cette Imlle devrait être lue et relue attentivement par tous ceux qui prennent intérêt à cette question sacrée de la réunion des Eglises ; il faut nous borner ici à en résumer les idées principales. Elle considère d’abord la coutume établie et les prescriptions du Saint-Siège à l'égard des ordres anglicans, ainsi que les origines et l’autorité de cette coutume. Dans ce but, elle relate ce qui a été fait sous Marie Tudor par le Cardinal Pôle agissant en vertu des pouvoirs qu’il tenait de Jules 111, et expose comment ses actes furent ensuite ratifiés par Paul IV, que l'évêque Thirlby, dépêché vers lui par le Cardinal, avait mis au courant de tout. Nous n’avons pas à reprendre toute cette histoire : qu’il nous suffise d’inviter le lecteur à comparer notre récit avec celui de la bulle : il verra par lui-même s’ils sont d’accord entre eux. Disons-en autant de ce qui suit sur l’usage, datant des règlements de Pôle, de réordonner sans condition les convertis précédemment ordonnés à l’anglicane, La persistance de cet usage, dit la bulle, atteste en quel sens ont de tout temps été entendus ces règlements de Pôle et l’approbation que leur conféra
Paul IV. Léon XIII passe ensuite à la reprise de l’enquête par le Saint-Ollice en deux occasions, à la fin du xvn « siècle et au début du xviii » ; et ici il insiste sur les motifs qui ont fondé les sentences portées alors contre les ordres anglicans. Les documents de ces enquêtes, déclare-t-il, établissent que le nouveau jugement ne se fonda aucunement sur la légende de la Télé de cheval, ni sur l’omission dans le rite d’Edouard VI de la tradition des instruments, ni même sur les circonstances de la consécration de l’Archevêque Parker en 155g, mais uniquement et entièrement sur l’insujlisance de la forme employée soit dans cette cérémonie, soit dans toutes les autres ordinations anglicanes, forme qui a été « comparée
« à cette occasion avec celles qu’on a recueillies dans « les divers rites d’Orient et d’Occident ».
Arrivée là, la bulle conclut que seule une connaissance imparfaite des documents dont elle a exposé l’existence et le caractère pouvait permettre à des auteurs catholiques de compter encore la présente controverse parmi celles que l’Eglise catholique n’avait pas encore tranchées. Néanmoins le SaintPère, « dans son désir ardent de porter secours aux (1 hommes de bonne volonté en leur montrant la plus a grande considération et charité », avait voulu qu’on refit à nouveau un examen soigneux de ce rite anglais d’ordination, qui constituait le centre du débat. Dans le paragraphe suivant, la bulle déclare donc quelle est la nature du Sacrement de l’Ordre, et puis applique les principes énoncés à l’Ordinal d’Edouard VI, faisant ainsi ressortir ses multiples déficiences. Elle répète ce qui avait déjà été noté et jugé deux siècles plus tôt, au temps où s’examinaient les deux cas dont nous avons parlé. Mais elle ne se borne pas à répéter : elle explique et développe, avec toute la clarté et la précision qu’on pouvait demander à un jugement qui devait apporter sur une matière si débattue une décision définitive. Ici encore, c’est le texte même de la bulle qu’il faudrait étudier attentivement ; mais dans cet article nous nous contenterons d’en résumer l’argumentation.
Pour tous les rites sacramentels en usage dans l’Eglise, Léon XIII distingue entre leurs parties essentielles et leurs parties cérémonielles. Les sacrements de la Loi nouvelle, étant des signes sensibles et efficaces de la grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification doit être contenue dans l’ensemble de leur rite essentiel, c’est-à-dire dans la synthèse de leur matière el de leur forme ; mais elle est principalement exprimée par leur forme, puisque la matière est dans le rite sacré l'élément indéterminé en lui-même et déterminable par les paroles qui l’accompagnent ; et cela est spécialement clair dans l’ordination, où la matière est l’imposition des mains qui par soi ne signifie rien de défini, puisqu’elle sert pour des ordres divers et même pour la confirmation. Or dans l’Ordinal anglican la forme qui doit signifier le deuxième ordre du clergé et qui est : « Reçois le Saint-Esprit », n’exprime certainement pas a le saint
« ordre du Sacerdoce, ni sa grâce et sa puissance, « qui est principalement celle de consacrer et d’offrir « le vrai corps et le vrai sang du Christ Notre-Seigneur (Conc. de Trente, Sess. xxui, can. i), dans
Il ce sacrifice qui n’est pas la simple commémoration
« du sacrifice offert sur la croix ». La bulle n’ignore
pas du reste l’addition : « jinur l’office et l'œuvre de prêtre, etc., introduite en 1661 ; mais, déclare-t-elle, il n’y a pas en tenir compte puisque, quelle que puisse être sa valeur intrinsèque, elle est venue en tout cas cent ans trop tard. Cependant les Anglicans ont apporté un autre argument : c’est que si les mots ; o Reçois le Saint-Esprit… » sont en eux-mêmes trop 1221
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peu déterminés, ce défaut se trouve réparé par d’autres prières cpii, dans la même cérémonie, indiquent expressément qu’il s’agit de conférer la prêtrise. A cela la bulle répond que, de ces autres prières ellesmêmes, les auteurs du rite nouveau ont délibérément banni « tout ce qui spécifie la dignité et l’otlice de la
« prêtrise dans le rite catholique ». On ne peut donc
considéi-er comme suffisante pour le Sacrement une lorme qui omet ce qu’elle devrait essentiellement exprimer. De même pour le rite de consécration épiscopale : non seulement il lui manque, pour accom pagner l’imposition des mains, une forme qui indique le nom ou la nature propre de l'épiscopat, mais cette omission ne peut être suppléée par la prière Dieu Tout-Puissant qui précède, parce que de celle-ci les Réformateurs ont enlevé les mots qui dénotaient le Summum Sacerdotium ; sans compter que, l'épiscopat étant la plénitude du sacerdoce, il serait inconcevable qu’il put être conféré par un rite qui ne conférerait pas le sacerdoce lui-même.
Puis la bulle, élargissant le champ de ses considérations, examine les circonstances parmi lesquelles est né l’Ordinal anglican, et note que toutes les altérations faites dans le cérémonial ancien pour l’adapter aux erreurs nouvelles, — altérations dont nous avons noté et expliqué plus haut la nature et la portée, — eurent pour objet direct d'éliminer toute trace du sacerdoce et du sacrilice catholiques. Elle conclut que le rite ainsi constitué, « ab origine ducto
« vitio si valere ad usum ordinatiouum minime po « tuit, nequaquam decursu aetatum, cum taie ipsum « permanserit, futurum fuit ut valeret «.Telle étant
son origine, infère-t-elle encore, il est vain d’objecter que les mots pris matériellement pourraient s’interpréter en un sens catholique : « Nara semel novato
« ritu quo nempe negelur vel adulteretur sacramen « tura Ordinis et a quo quævis notio repudiata sit « consecrationis et sacrilicii, jam minime constat « formula Accipe Spiritum.Ça « cf » iii, quiSpiritus cum « gratis nimirum sacramenti in animani infunditur, « minimeque constant illa verba ad uffîciunt et opiis « presbyteri vel episcopi, ac similia quæ restant
n nomina, sine re quam instituit Christus. » Enfin la bulle déclare en quel sens l’administration des Ordres anglicans est dite nulle par défaut d’intention de la part du ministre. L’Eglise ne juge de cette intention du ministre que dans la mesure où elle est extérieurement manifestée. « Jam vero cum quis ad u sacramenlum conliciendum et conferendum mate « riam formamque debitam serio et rite adhibuit, eo
« ipso censelur id nimirum facere intendisse quod « facit Ecclesia. Quo sane principio innititur doc « trina quæ tenet esse vere sacramentum vel illud
<i quod ministerio hominis hærelici aut non bap « lizati duramodo ritu calholico conferatur. Contra i( si ritus iramutatur eo manifesto consilio ut alius
« inducatur ab Ecclesia non receptus utque id repel « latur quod facit Ecclesia et quod ex institutione
a Christi ad naturam attinet sacramenti, tuncpalam
« est non solum necessariam sacramento intentionem « déesse, sed intentionem imrao haberi sacramento « adversara et repugnantem. »
Cet exposé, nous l’avons déjà observé et on peut s’en convaincre par le texte des documents relatifs aux décisions de 1704 (voir l’Appendice du P. Brandi), ne fait qu’alïirmer à nouveau et expliquer les motifs qu’on jugeait depuis longtemps concluants. G’estpour ces motifs-là que, dans sa session de Feria Quinta du 16 juillet 1896, le Saint-Office, sous la présidence de LiioN XIII, décida qu’il n’y avait aucunement lieu de modifier la pratique traditionnelle qui voulait qu’on ne tint pas compte des ordres anglicans et qu’on réordonnât purement et simplement leurs titu laires. L’unique point qui restât à considérer, c'était si, pour éviter aux Anglicans une impression pénible, il valait mieux, comme le conseillaient certains, omettre de prononcer un jugement nouveau. Mais à la réilexion, le Pape vit qu'à tenir la décision secrète on n’aboutirait qu'à des malentendus. Bien des gens ne manqueraient pas d’en conclure que les commissions n’avaient pas trouvé d’arguments pour condamner ces ordres, et qu’on usait de diplomatie pour dissimuler la chose. Il décréta donc que le jugement serait publié, et il le fut par la Bulle Apostulicae curæ et dans les termes suivants : « Itaque omni « bus Pontilicura Decessorum in hac ipsa causa dea cretis usquequaque assentientes, eaque plenissime
« confirmantes ac veluti rénovantes, auctoritate « nostra, motuproprio, certa scientia pronunciamus « et declaramus ordinationes ritu anglicano actas,
i( irritas prorsus fuisse et esse, omninoque nuUas. i> Léon XIII termine ensuite sa bulle par une invitation très tendre adressée à tous les membres de l’Eglise anglicane et spécialement à son clergé, leur deman- * dant d’accueillir cette décision dans le même esprit où elle a été prononcée, et de se tourner vers la communion du Siège apostolique qui les rappelle avec le cœur d’un père.
Accueil fait par les Anglicans à. la bulle. La Responslo. — Ceux qui vivent à côté de ces représentants de la Haute Eglise anglicane prévoyaient bien qu’ils ne songeraient pas un instant à accepter cette décision pour ce que valaient les arguments proposés, mais chercheraient seulement à en défigurer le sens du mieux qu’ils pourraient. C’est ce qu’ils firent sans plus tarder, d’abord en de nombreuses publications et conférences privées, puis ofiiciellement dans une lettre ouverte datée du igfévrier 1897, communément appelée la Responsio. On ne pouvait espérer mettre d’accord toute la hiérarchie anglicane sur un texte à signer en commun, mais ceux qui étaient intéressés à la question réussirent à obtenir les signatures des deux Archevêques de Gantorbéry et d’York, — Temple et Maclagan, — pour une lettre composée par l'évêque Jean Wordsworth de Salisbury. L’adresse, qui prête un peu à sourire, porte :
« Les archevêques d’Angleterre à tout le corps des
évêques de l’Eglise catholique. » De ce long document nous donnerions volontiers une analyse, s’il était possible d’y trouver une suite d’idées à analyser. Mais en réalité, il se borne à accumuler les déformations captieuses de tout ce que, suivant ses auteurs, Léon XIII aurait dit ou omis de dire ; et il montre que ses auteurs ont fait du contenu réel de la bulle tout au plus une étude bien superficielle. En outre, on y suppose implicitement que le Pape, ayant à déterminer pour sa propre Eglise la méthode à suivre pour admettre dans son clergé des convertis munis d’ordres anglicans, aurait dû prendre pour base de sa décision, non point la doctrine catholique sur le sacerdoce et les rites aptes à le conférer, mais la doctrine protestante qui seule se recommande à nos critiques anglicans… Ceux que tenterait une élude d’ensemble de cette polémique n’ont qu'à se procurer le texte de cette lettre : elle a été publiée en latin et en anglais. Après l’avoir lue, ils ne seront probablement pas beaucoup plus fixés qu’avant sur les idées précises que les auteurs ont voulu y mettre ; bien moins encore le seront-ils sur la doctrine de l’Eglise anglicane ; mais à défaut d’autre avantage, ils auront pu se convaincre qu’il y a vraiment peu d’espoir de faire jamais saisir aux autorités de ladite Eglise le sens des doctrines et des pratiques de l’Eglise catholique. l
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La « Vindicatio » des évêques catholiques anglais- — Les chefs des catholiques d’Angleterre comprenaient que, pour répondre à de pareilles mystifications, il devenait nécessaire de rédiger un nouvel exposé, tout à la fois moins technique en son langage et plus détaillé dans ses explications que n'était la Inille même, et dans lequel seraient présentées au public les raisons qui avaient fait condamner les ordres anglicans. Vers la Un de l’année Sot, parut une lettre signée par tous les évêques catholiques d’Angleterre etadressée aux deux archevêques anglicans. Cet écrit, qui a pour titre : A Vindicaiion of ihe Uni ! Apostolicæ ciirae, examine successivement les arguments contenus dans cette bulle. Il pèse en premier lieu les motifs extrinsèques qvii militent pour le rejet des ordres contestés, ceux qui se tirent des décisions prises sous le règne de Marie Tudor par le Cardinal Pôle d’après les directions de Jules III, et de la ratification que leur accorda ensuite Paul IV. Puis il donne les raisons qui firent condamner ces ordres par Clément XI à l’occasion du cas Gordon. Ensuite, passant à l'étude intrinsèque des raisons examinées par la Commission de 1896, la Vindiculion expose d’abord les principes dont celleci a dvi s’inspirer, et qui dérivent de thèses doctrinales sur la Présence réelle, sur le Sacrifice de la Messe, sur le Sacerdoce, sur les éléments indispensables d’un rite d’ordination, sur l’intention du ministre. Puis elle cnumère les défauts internes du rite d’ordination anglican ; lesquels proviennent soit de l’indélerminalion de la forme essentielle, soit du caractère général de l’Ordinal entier, formé en éliminant du vieux Pontifical tout ce qui y sentait la doctrine catholique du sacerdoce, soit enfin du manque d’intention dans le ministre : car celui qui emploie un semblable rite, doit être censé agir avec l’intention erronée que le rite lui-même exprime. Lorsqu’elle en vient en particulier à préciser la nature du seconddeces défauts, la F ; n(/icrt<(on illustre la pensée de la bulle par des citations qu’elle emprunte à des écrivains contemporains de la Réforme et à toute une série de théologiens anglicans. Il en ressort clairement que la doctrine anglicane des cinq principes, dont la bulle s’est aidée pour juger l’Ordinal, diffère absolument de la doctrine catholique. Suivent huit Appendices où sont discutées diverses questions connexes, telles que l’instruclio pro Jrmenis d’Eugène IV, les formes essentielles d’ordination des principaux rites d’Orient et d’Occident, et les opinions de Cranmer, de ses collègues et des théologiens anglicans postérieurs sur la Sainte Eucharistie et le Sacrifice de la Messe.
La bulle déclarée » irréformable » par Léon XIII. — A peine la bulle Apostolicæ curae aux mains du public anglican, on s’etaitmis à déclarer qu’il n'}' fallait pas voir une décision définitive, et qu’avant longtemps le Saint-Siège se verrait forcé de changer de position. Cette idée, il est triste de le dire, fut aussi celle de quelques catholiques français qui prirent pour organe la Revue an^lo-romaiiic. Leur al tiHide attira au Cardinal Richard, alors archevêque de Paris, une lettre de remontrances de Léon XIII, datée ilu 5 novembre 1896. Le Pape y déclare que son intention a été a déjuger absolument et de trancher définitivement » le point en litige (absoliite judicare et penilus dirimere), et qu’il l’a fait a avec un tel poids d’argiiments, une telle clarté et
« une telle autorité dans la forme, que nul homme
a prudent et de bonne foi ne peut révoquer en disn cussion sa sentence, et que tous les catholiques (1 doivent accepter celle-ci avec pleine obéissance,
(I comme étant perpétua raiam, /iimam, irret’oca-' ( bileiii ». Poiu- des catholiques, un tel langage est décisif ; et pour les autres, il devrait au moins les convaincre qu’ils ne peuvent jamais espérer voir le Saint-Siège abandonner la position ainsi adoptée-Ce jugement sur les ordres anglicans, notons-le, ne porte pas sur un point de doctrine, mais sur un fait dogmaliqiJfe. Si le Concile du N’atican n’avait pas été interrompu par la déclaration de la guerre-francoallemande, la définition de l’Infaillibilité aurait sùrementété complétée par unedéûnition sur l’extension de son objet. En ce cas, la question des faits dogmatiques serait forcément venue en discussion ; et sans aucun doute aussi, le Concile aurait dii proclamer que l’infaillibilité s'étendait jusque-là : car un fait dogmatique est un fait si étroitement connexe avec un dogme, que le pouvoir de définir l’un deviendrait illusoire s’il n’incluait le pouvoir de définir l’autre. Au reste, ce point a déjà été précédemment défini par le Saint-Siège lui même en plusieurs occasions : l’exemple classique est celui de la bulle Vinea Domini de Clément XI, qui, en i’j15, mit fin à la longue résistance des Jansénistes français. Ceux-ci avait été requis de souscrire à la condamnation que le Pape avait portée contre VAugiistiniis de Jansenius, déclarant y trouver cinq propositions contraires à la doctrine catholique sur l’accord de la grâce et du libre arbitre ; mais ils avaient distingué entre la doctrine qvie le Pape voyait dans ci s propositions et le sens qu’elles prenaient dans l’Augustiiius, assurant qu’ils étaient prêts à signer la condamnation de la doctrine en elle-même, puisqu’ils admettaient le droit de l’Eglise à trancher une question de foi, mais que le Saint-Siège n’avait pas le pouvoir de décider si cette doctrine était ou non contenue dans les expressions de tel ou tel livre. Le motif que le Pape mitalors en avant pourexiger de tous un assentiment interne portant jusque sur le fait, c'était que le pouvoir de juger la doctrine en elle-même devenait purement illusoire dès qu’on le séparait du pouvoir de juger si cette doctrine était contenue dans les expressions de tel ou tel ouvrage. Il est inadmissible, concluait le Pape, de n’accorder au Saint-Siège, sur les questions doctrinales, que cette ombre d’autorité.
Cette condamnation de la thèse janséniste éclaire bien la position de ceux qui voudraient voir dans le rejet des ordres anglicans un acte étranger au domaine de l’infaillibilité pontificale, et donc susceptible d'être rapporté quelque jour : leur attitude est entièrement parallèle à celle qu’adoptèrent en face de la sentence de Rome les tenants de VAugiistiuus.
Bibliographie. — A. Ouvrages historiques sur la période de la Réforme en Angleterre, et ouvragés donnant le texte des documents essentiels.
Oairdner (James). Lollardy and tlie Reformalion.
3 vol. 1908.
Uixon (R. W-). IJistorv of the Cliurch ofEngland, from the abolition of the Roman jurisdiclion.
4 vol. 1878…
Lingard (John) History of England, vol. V.
Haile (Martin). Life of Reginald Pôle. 1900.
Burnet (Gilbert). History of Ihe Reformation. Edition primitive en 1679. L'édition de Nicolas Pocock de 1865 est la meilleure. Elle comprend 7 vol., dont les 4 derniers donnent le texte des documents. Les notes de Pocock sont de grande valeur, étant l'œuvre d’un érudit des plus consciencieux.
Strj’pe. Memorials of Archbishop Cranmer. 3 vol. 1693. L'édition d’Oxford de iS^oestla meilleure. Le troisième volume contient des documents. Î225
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Formulaiies of Vaith put fort h liy authoiitr diiring tlie rei^’n of Henry VlII. Contient le texte des Articles île 1536, Vlnstitulion of a Clirislian Man de ib’6j (ou llishops’Book) cl la Necessary Doctrine and Eruditian of any Christian Man de 1543 (ou King’s Book). The t^u liooks ofComnwn Prayers set forth liy authority in tke reign of Edward VI. Edition rédigée par Edouard Gardwell. Le texte de ces deux Prayer Jiuoks (de lô^g et de 155a) y est mis, en colonnes parallèles pour faciliter la comparaison. Un appendice donne aussi l’Ordre de Communion tel qu’il fut publié en feuillet séparé en 1548.
Granmer. Œuvres. Edition de la Parker Society. Vol. I, Lettres ; vol 11, Treatise on the Lords Supper.
Ridley. Œuvres.
Documentary Annals of the Church of England (154617’6)- Contient une collection d’Injonctions, de Déclarations, d’Ordres et d’Articles d’Enquête. Edité par Edward Gardwell. Oxford. iSSg.
Ellis. Original Historical Leiiers. 1846. Sir Henrj’EUis qui a pul)lié cette collection était alors Bibliothécaire Principal au BritisL Museiun.
Wilkins. Concilia Magnæ Britanniue. 4 vol. Contient le texte d’innombrables documents : décrets de conciles, bulles de papes, proclamations de rois, pièces oliicielles d’évêques, etc. Les vol. III et IV donnent ce qui concerne la période de la Réforme en Angleterre.
Stubbs. Registruni sacrum. 1858. Donne la succession des évoques anglais (des évêques catholiques jusqu’à la Réforme, des évêques protestants depuis lors), avec les noms de leurs consécrateurs.
Jacobs D.D. (Henry Eyster). The Lutheran Morenient in England during the reigns of Henry VIH and Edward VI. Londres. 1892. Ce livre donne un utile exposé du parallélisme qui exista entre le mouvement Luthérien d’Allemagne et le mouvement qui en dériva en Ang’leterre. Les tendances d’abord toutes luthériennes du Protestantisme anglais ne devaient se modilier que vers la lin du règne d’Edouard VI, pour prendre alors une direction plutôt calviniste.
Zurich Leiters. Original Letters. Parker Society. 1846-^17. i" et 2° Séries. Ces lettres témoignent des étroites relations épistolaires qui existaient entre les Réformateurs d’Allemagne et de Suisse el leurs amis d’Angleterre, parmi lesquels setrouvaient nombre d’ecclésiastiques haut placés.
Gasquet and Bishop. Ednard VI and the Book of Commun Prayer. 1890. C est ce livre qui, après un examen soigneux de l’origine el despremierslemps du Prayer Book, établit de fac, ’on décisive sa parenté avec les Kircherwrdnungen du Continent.
Richter. Die evangelischen Kirchenordnungen des sechzehnicn Jahrhunderts. 1846. a vol. — Collection complète.
Kliefoth. Die iirspriinglichen Gottesdienstordnungenin den deuischen Kirchen lutheranischen Bekenntnisses . 1867.
Daniel. Codex Liturgicus Ecclesiæ Lulheranae. Vol. I. Contient la texte de la Formula Missæ de Luther el d’autres Kirchenordnungen.
Luther. Œuvres. Formula missæ et communionis pro Ecclesia Wittenbergensi. |523. C’est le prototype auquel se conforment toutes les Kirchenordnungen Luthériennes parues ensuite. La Deutsche Messe de Luther était une traduction de cet écrit en langue vulgaire, avec quelques corrections sans importance au point de vue qui nous occupe.
Pia Consultatio Archiepiscopi Hermanni. (Une traduction anglaise de cet écrit parut à Londres en
1547 — évidemment en vue des innovations liturgiques qu’on projetait.) Celte Consultatio a été rédigée à Cologne en 1543, pour servir aux réformes liturgiques qu’introduisait alors ù Cologne rvrchevêqueElecteur.l’apostat Hermannde Wied. Elle a pour auteur Bucer. Elle a influencé en quelques points la nouvelle liturgie anglaise, spécialement dans la composition de ses rites secondaires.
Bucer (Martin). Anglica Scripta. Bàle. iSS^. Parmi ces écrits se trouvent la Censura, critique du texte du Prayer Book de 1649 et le De ordinatiune légitima niinistrorum revocanda, qui ont une importance particulière pour déterminer le caractère de la revision liturgique accomplie sous Edouard VI :. la Censura a influé sur le remplacement du premier Prayer Book par le second, quant au De ordinatione, il y a toutes les raisons de croire que le rite d’ordination, qu il esquissait, fut le modèle qu’adoptèrent, avec très peu de corrections, les auteurs du nouvel Ordinal. Sur ce dernier point voir aussi trois articles du Tablei, janvier à juin 1896 (pp. 48, 84, 204).
Maskell. The ancient liturgy of the Mass in the church of England according lo the uses of Sarum, York, Bangvr and Hereford, 1852.
Maskell. Monnmenta ritualia Ecclesiæ Anglicanae. 3 vol. 1852. Les variétés anglaises du rite d’ordination sont données dans le 2° voltime.
Brightman. The English Rite. 2 vol. 1515.
Wakeraan. Introduction lo the History of the Church of England. i<ji/i.
Frère W. H. i’eiv Uislory of the Book of Common Prayer. I901.
Frère. W. H. The Marian Réaction S. P. G. K. 1896.
Ordines Anglicnni. Expositio hisiorica et theologica. 1896. — Rapport rédigé au nom delà Commission nommée par le cardinal Vauglian pour étudier la question des ordres anglicans à l’époque où quelques amis français de Lord Halifax avaient sollicité l’intervention du Pape. Ce rapport, dîi au chanoine Moyes, à Dom F. A. Gasquet O. S. B. (maintenant cardinal) et au R. P. David Fleming O. S. F., expose s.ystéraatiquement les faits historiques et les principes théologiques qui concernent la question controversée ; et nous pouvons connaître par là ce que dut être l’exposé présenté ensuite par les membres anglais de la Commission nommée par Léon XUI.
Documenta adPoli legationem spectantia. Rome. 1896.
liâmes, Mgr Stapylton. The Popes and the Ordinal. 1896. Collection de documents touchant la question des ordres anglicans, avec une introduction.
Brandi (S. M.), S. J., 1898. Romae Cantorberv. Commentaire de la Bulle Apostolicæ curae. IL Examen de la Réponse des Archevêques anglicans. — Cet ouvrage est d’un auteur en relations étroites avec les autorités romaines et leurs archives.
B. Ouvrages de controverse théologique traitant la question des ordres anglicans du point de vue catholique.
Kellison. Survey ofthe ne »’Religion. Douai. 1603.
Holj’wood. De investiganda vera et visibili Christi Ecclesia. 1604.
Fitzherbert. Supplément to the discussion of Barloiv’s Ansiier. i(113.
Fitzsimon. Bri ta nno mac hia niinistrorum. Douai. 1604.
Champney. De vocatione niinistrorum. Paris. 161 fi. C’est, avec certaines additions, la traduction latine d’un traité anglais précédemment publié en Angleterre.
Morinus. De Sacris Ordinationibus. 1655. (Ce livre ne mérite pas le nom d’ouvrage de controverse, mais 1227
ORIGENISME
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nous le mentionnons parce que depuis le temps de sa publication tous les arguments tirés des conditions essentielles de validité d"un rite d’ordination ont dû forcément s inspirer de lui.)
Talbol (Peter), S.J. (plus tard Archevêque de Dublin). The KuUity of tlie prelatical clergy. lùb-}.
Constable (John), S.J.Clerophiles Alethes. Vers 1714.
Ilenaudot. Mémoire écrit pour la « Véritable croyance de l’Eglise catholique » de l’Abbé Gould. Reproduit aussi dans la dissertation de Cournyer. Paris.1920.
Le Quien. Nullité des ordinations anglicanes. (Réfutation de la Dissertation de Courayer.) 2 vol. 1725.
Williams (John), Canon. /.e</e ; s on Anglican Oiilerf. iSôg. Voici le jugement qu’en porte le Chanoine Estcourt : « On ne peut se liera son livre pour une seule assertion. L’auteur avait certainement de bonnes intentions, mais c’était absolument incompétent pour sa tâche. »
Kenrick (Peter), Archbishop of Saint-Louis. The validity of Anglican Orders examined. 1841.
Raynal, Canon, O. S. B. The Ordinal of Ed^a)d VI. 1870.
Estcourt (E. E.), Canon of Birmingham. The qiiesiionof Anglican Ordinations discussed. 18-)3.Lelivre du chanoine Estcourt est l’un des meilleurs qui aient été écrits du coté catholique. L’auteur s’est pourtant laissé tromper sur un point par une erreur d’Antoine, qui cite comme un décret du Saint-Office même un ]’otum d’un consullcur du Saint-Office traitant de certaines ordinations abyssiniennes, lequel fut rejeté par Clément XI le 10 avril 1704. (Voir ce qu’en rapporte Franzelin, dans Brandi, Ramae Cantorber), App. xxiii.)
Hutlon (A. H.). The Anglican Minist : y. 18 ; 9. Ouvrage précédé d’une préface de John Henry Newman.
Smith (Sydney, F.).Reasons for rejecting Anglican Orders. Cntholic Truth Society. 1896.
Moyes (J.), Canon. Trente et un articles sur les ordres anglicans, dans le Tahlet, février à décembre 18g5. Ces articles n’ont jamais été réunis en volume, mais ils sont très précieux, en raison surtout de l’examen soigneux qu’on } trouve desquestions soulevées par les bulles de Jules III et de Paul IV, comme aussi par les lettres officielles et la manière de procéder du cardinal Reginald Pôle.
The Vindication of the Bull ApostoUcæ ciirae. 1858. Lettre signée par S. E. Cardinal Vaughan et les évêques catholiques d’Angleterre et adressée aux archevêques anglicans de Cantorbéry et d’York. L’occasion en fut la lettre dite liesponsio que les deux archevêques anglicans avaient adressée, sous la date du 19 février 1897, à « tout le corps des évêques de l’Eglise catholique ». Cet écrit expose sous une forme plus accessible les raisonnements de la bulle Aposlolicæ curæ et la défend contre les idées étranges que s’en étaient formées les prélats protestants.
C. Ou>rages de controverse écrits au point de fue anglican.
Mason (Francis). Vindication of the Ordinations of the Church nf England. 1613. Ce fut la première défense systématique des ordres anglicans, et ce fut aussi le premier ouvrage qui fit connaître le fait de la cérémonie de Lambeth et la pari qu’y avaient prise Guillaume Barlow et les trois évêques qui l’assistaient. Une deuxième édition latine augmentée d’additions qui font allusion aux réponses opposées à la première édition parChampney et d’autres, parut à Paris en lè’ii.
Bramhall. Œuvres. Edition primitive de ses œuvres réunies. 1677. Edition avec notes et préface du Révérend A. W. Haddan, 1842-1 845. Le troisième
volume contient la discussion sur les ordres anglicans.
Prideaux (Humphrey). The yalidity of the Orders ot the Church of England. 1688.
Burnet (Gilbert, A.). Vindication of the Ordinations ofthe Church of England. 1677.
Courayer. Dissertation sur la validité des ordinations anglicanes. 1724. — Défense de la Dissertation sur les ordinations anglicanes. 1726. — Courayer publia encore en 1-82 sur le même sujet un troisième écrit intitulé : Le supplément aux deux ouvrages… Une traduction anglaise de ces trois livres a paru en 1844, enrichie de notes précieuses par le Révérend A. W. Haddan. C’est la meilleure, édition à consulter.
Elrington. The Validity of the Englisch Ordinations established, 1818.
Haddan (A. W.). Apostolic Succession in the Church of England.
Lee (F. G.). Validity of the Orders of the Church of England, 1869.
Bailey(T.G.). English Orders and Papal Supremacy. 1871. Donne le texte de nombreux statuts et d’autres documents, dont quelques-uns sont utiles.
Denny (Edward), ^n^/i’can Orders and Jurisdiction. 1893.
Denny (E.)et Lacey (T.A.). De Hierarchia Anglicana. Préface par l’évêque Jean Wordsworth de Salisl )urj-. 18g5.
Lacey et PuIIer (Les RévérendsT. A. — etF. W.—). De re Anglicana. Publié à Rome et distribué parmi les cardinaux durant le temps de l’enquête papale de 1896 sur la question des ordres anglicans.
liesponsio ad Literas Apostolicas Leonis Papæ XIII, directa adtotum corpus episcoporum Catholicorum ab archiepiscopis Ecclesiæ Anglicanae. 1897.
Sydney F. Smith, S. J.
- ↑ Nous citons le Service de Communion d’après la traduction française du Prayer Book publiée par ordre de Jacques Ier en 1616.