Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Pascal (Le pari de)
PASCAL (LE PARI DE). — On trouve l’argumentation de Pascal désignée sous le nom de Pari aux pages 536 et suivantes de la petite édition des Pensées », par M. L. Brunschwicg (Hachette).
A ces pages mystérieuses et paradoxales la pensée moderne revient sans cesse, après avoir été rebutée, comme le papillon à la flamme ; or c’est une question, de savoir si elles éclairent ou si elles brûlent.
Voici ce dont il s’agit :
Pascal a essayé de convaincre l’incrédule de la vérité de la religion chrétienne résumée dans la thèse de l’existence d’un Dieu Père et rémunérateur, « Dieu d’Abraham, d’isaac et de Jacob ». Il n’a pas réussi. L’incrédule, que Pascal fait parler lui-même, ne se rend pas. Les arguments ont glissé sur lui : il est ébranlé, il n’est pas conquis. Alors Pascal se donne l’air de battre en retraite, il concède (mais disons-le une fois pour toutes, c’est là une concession ad hominem, tout le contexte des Pensées en témoigne), il concède que la religion chrétienne, que l’existence die Dieu n’est pas susceptible d’une démonstration rigoureuse, même indirecte’ ; mais nonobstant, dit il, il faut l’admettre, car de deux choses l’une : ou Dieu est, ou il n’est pas. Force nous est de souscrire à l’une ou à l’autre de ces deux propositions contradictoires. Impossible d’être neutre : ne pas se prononcer, c’est pratiquement se prononcer ; être inilifTérent, c’est être contre. — Que choisirons-nous donc ? Celle des deux propositions qui apparaît vraie ? Ni l’une ni l’autre n’est dans ce cas. Contraints d’opter, nous ne pouvons le faire dès lors que pour des raisons étrangères à la vérité objective : nous ne pouvons que « parier ». Et pour parier raisonnablement, nous avons seulement à nous demander laquelle de ces deux thèses adoptée ou rejelée entraîne avec soi le moins de risques ; c’est celle-là, si nous sommes sages, que nous choisirons. Calculons donc. Si j’opte pour Dieu, qu’est-ce que je risque ?
— Rien. Il me faudra sans doute, pour être conséquent avec moi-même et pour affirmer Dieu réellement, renoncer à certains plaisirs coupables, mais c’est là ne rien faire de plus que ce que déjà, en dehors de toute hypothèse, ma raison me prescrit ; je serai loyal, bon, chaste, tempérant, toutes choses excellentes. .u cas où, ayant parié pour Dieu, je me serais trompé, j’en serais quitte pour avoir vécu en honnête homiiie, voilà tout. Donc de ce côté-là tout à gagner, rien à perdre ; le risque est nul. Et si j’opte contre Dieu ? — Ah I ici le risque est immense, il est infini. En cas d’erreur, je tombe, on m’en a prévenu et menacé, entre les mains d’un juge irrité : c’est l’enfer éternel qui m’attend. Entre les deux partis il n’y a pas à balancer, et puisqu’il faut parier, puisque cela n’est plus libre, puisque nous sommes embarqués, parions pour Dieu, disons : il est ; et soyons chrétiens par
1. Pour voir ce que Pascal a réellement pensé au sujet ilo la Cognoscibilité de Dieu, on peut consulter notre
ticle inlittdé : l
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Tier-.Mars 1921.
texte difBcile di » Pascal, essai d’exé-Becherches de sfirnce religieuse, Jan1583
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calcul et par volonté, puisque nous ne pouvons l'être par conviction.
Telle est à première vue l’argunienlation de Pascal.
L’affaire de la foi, la grande affaire, nous est présentée comme une sorte de spéculation commerciale, qui se traite par chiffres. On dirait que Pascal nous fait l’article et qu’il com|)tc vraiment sur son ap|)areil malUématique pour nous entraîner dans la religion. Cela ne laisse pas de choquer, bien plus, d’irriter. Mais en même temps nous sentons vaguement qu’une vérité se cache derrière cette façade arithmétique. D’une part, nous nous disons : quand Pascal cherche à arracher la foi à notre volonté, il peut se tromper et nous tromper dans son calcul, mais au fund il a raison : c’est de la volonté que doit dépendre la foi. Si la foi pouvait ou surtout devait être le résultat d’une démonstralionintellectuelle.elleserait le privilège des intelligents. Elle serait, contrairement à la parole évangélique, aux atTirmations de Jésus-Christ, cachée aux petits et réservée aux sages. De plus, les habiles, les esprits déliés et rompus à la dialectique n’auraient aucun mérite ù croire, jmisque croire, en l’espèce, serait admettre des conclusions démontrées. Cela est inadmissible. Si on croit, ce ne peut être que parce qu’on le veut. — D’autre part, nous sentons et jusqu’au scandale, qu’il y a une erreur tout aussi grossière à estimer que la foi puisse dépendre purement et simplement d’un acte de volonté, résulter d’une sorte de calcul utilitaire où le facteur rationnel n’intervient jias, être assimilable ! même de loin à un pari. Celte foi n’est pas ce que les chrétiens entendent par foi et ce qu’il faut apjieIcr ainsi. Opter pour Dieu, parce que cette option entraîne le moins de risques, jouer sur lui, c’est sans doute se décider à faire comme si Dieu existait, ce n’est pas proprement confesser qu’il est. La foi, adhésion positive, ferme et intellectuelle, n’existe pas.
Ainsi, la pensée de Pascal, telle qu’elle nous est apparue jusqu'à présent, prête à deux genres de réflexions contradictoires. Car, d’une part, il semble qu’il faille l’adopter sous peine d’admettre un intellectualisme rigide qui fait de la foi une science ; et d’autre part, il semble qu’il faille la rejeter sous peine d’admettre un Gdéisme rationnel pour qui la foi n’est plus même une connaissance. Ne serait-ce pas le signe qu’elle tient compte de conceptions complémentaires, et qu'à mi-chemin entre des erreurs extrêmes, elle a le caractère complexe et équilibré de la vérité?
S’il fallail, pour arriver à cette vérilé que nous devinons présente à l’esprit de Pascal, dépasser Pascal, nous n’hésiterions pas. Les philosophes n’ont j>arlé que pour que nous puissions nourrir nos âmes de la vérité qu’ils ont découverte ou pressentie. C’est encore leur faire honneur, c’est les traiter <lignement que de rendre à la vie leur pensée jadis vivante, pour lui permettre de se compléter ou même de se corriger en nous. Mais pour demeurer dans l’orthodoxie, il n’est pas besoin de déjiasser Pascal ; il suffit, estimons-nous, de lui rester strictement fidèle.
Pour Pascal, la vérité chrétienne se pose en face de l’erreur rationaliste comme constituant avec elle les deux seules doctrines entre lesquelles a priori il y ait lieu d’opter, les deux seules vraisemlilables. Le bouddhisme, l'épicurisnie, le inahométisme, le judaïsme même ne comptent pas ; seul le christianisme mérite attention. C’est la position d’un honmie du XVII' siècle et Pascal entend qu’elle se justifie absolument : le rôle des miracles, des prophéties, des arguments généraux de l’apologétique classique.
n’est-il pas justement de privilégier la thèse chrétienne et catholique par rapport à toutes les autres ? I) autre part, la vérité chrétienne présente deux caractères distinctifs, spécifiques, qui entraînent chacun respectivemeut deux conséquences importantes :
I" La vérité chrétienne n’est jias une vérité abstraite, sans rapport avec la vie, dont le coeur et la volonté puissent se désintéresser. C’est, comme le dira OUé-Laprune, une lérilé morale. Toutes nos actions et nos ])ensées doivent prendre des routes bien différentes suivant qu’il est vrai ou faux que Dieu existe. Dès lors, cette vérité n’entre pas dans l'âme sans y susciter un parti d’opposition : tout ce qu’il y a en nous de mauvais et qui aimerait à s'émanciper, tout ce qui craint le joug, tout ce qui redoute le châtiment, tout ce qui tient au plaisir coupable, tout cela s’insurge… Et alors qu’une vérilé géométrique n’a qu'à se manifester à l’intelligence j)Our être admise, une vérité morale doit encore, pour assurer son empire, se fuire accepter par le cœur. De là le trouble et l’inquiétude, le malaise dont nous parlions tout à l’heure, et qui est l'état du libertin auquel on a o démontré » la re^gion chrétienne : il est ébranlé dans les assises de son esprit, et il résiste.
Conséquence : Pour arriver à la vérité chrétienne, il faut aller à elle non pas seulement a ec son intelligence, mais encore avec sa volonté. Il faut n’avoir point de préJMijé, d’hostilité a priori contre elle : il faut t^ainter j>our la connaître.
2 » La vérité chrétienne est surnaturelle. La raison ne peut la découvrir par ses projires moyens. Elle ne f>eut même strictement la percevoir avec ses yeux seuls, ni en sentir par elle-même toute la force.
Conséquence : Il faut, pour y accéder, un secours de Dieu, la grâce. Or, la grâce n’est pas quelque chose que nous puissions nous donner. Nous ne pouvons que nous y disposer. Et les dispositioi s à la grâce peuvent se résumer en deux mots : pureté et humilité ; se quitter soi et les plaisirs.
Du coup, la tâche qui incombe à l’apologiste se révèle à nous nettement déterminée. îl ne sullit pas de présenter la vérité à l’incrédule et de chercher à y attirer son esprit par des arguments. Cela est nécessaire, mais cela n’est pas tout. Il faut commencer par là, parce que l’homme, pour arriver à la foi, doit être mis en présence de l’objet à croire ; mais il ne faut point s’en tenir là, parce que les arguments n’opérant que sur l’intelligence préparent la certitude surnaturelle et ne l’engendrent pas. — Ce qu’il reste à faire, c’est la conquête de la volonté. Si le libertin résiste, sans avoir rien à redire aux preuves, c’est que son coeur n’est pas pris. Le rôle de l’apologiste qui eut aller jusqu’au boute : -t d’amener l’incnrlule à réaliser en lui-même les conditions stdijectites <e /fl foi. L’apologétique de l’intelligence doits’achevei jiar une apologétique de la volonté.
Comment convertir la volonté? C’est ici qu’intervient, selon nous, le fameux argument du Pari ; et c’est seulement quand on a posé le problème comme nous venons de le faire, que ce « pari » prend sa véritable signification. Pascal va « raisonner » U volonté, il va parler à l’incrédule comme on parle i un joueur, à un commerçant. C’est sa tactique originale, mais ce sera non pas, comme on l’a trop dit, pour lui extorquer une foi de calcul, une foi qui ne serait pas la Foi, mais jiour obtenir de lui, d’abord que, persuadé du bonheur de ceux qui croient, il les envie, désire leur ressembler ; ensuite, qu’il fasse les démarches nécessaires pour l’acquisition de la grâce, de laquelle seule viendra la foi. Ce sont les deux con1585
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ditions que nous avons déduites. — Voyons donc Pascal ; i l’ci^uvre, ou plutôt niellons-nous à sa i)lace et parlons en son nom.
Vous êtes l’inerédule, je veux « disposer » votre volonlé, je vous dis : écoutez mon apologue ; il n’esl pas texlnellenienl celui qu’on peut lire au livre des Pensées, mais il va dans le même sens et il a la même portée ; il esl seulement plus clair.
Je suppose que, contraint de conlier voire fortune entière à un vaisseau, acuis n’ayez le choix qu’entre deux, et que les capitaines de l’un et de l’autre vaisseau vous tiennent resptclivcment les discours suivants :
Le capitaine du premier vaisseau : « Conflez-moi votre fortune. Je ne vous garantis rien, à vrai dire, en cas de tempête, mais je vous aflirme seulement, sans pouvoir d’ailleurs prouver mon assertion [ceci esl remarquable], qu’il n’y a pas de tempête à craindre. >i
Le capitaine du second vaisseau : « (lontiez-raoi votre fortune. Je la garantis contre tout péril, en particulier contre les tempêtes qui, je vous l’atlirme, sans pouvoir d’aillrurs prouver mon assertion [et ceci encore est remarquable], sont continuelles aux parages où nous allons, n
Que feriez-vous ? Quel parti vous semblerait le plus raisonnable, le seul raisonnable ? — Dans l’ignorance où vous êtes, el dont je suppose que vous nu pouvez sortir^ des dangers véritables qui menacent votre fortune, nul doute que vous ne calculiez de la manière suivante : « Si je me conlie au premier vaisseau, au vaisseau sans garantie, si en d’autres termes je fais comme si le péril de tempêtes était illusoire, j’aurai tout perdu en cas d’erreur. Si, au contraire, je me confie au second vaisseau, j’aurai sauvé ma fortune au cas où son capitaine dit vrai, au cas où il y a des tempêtes ; et au cas où le capitaine m’aurait trompé sur ce point, du moins je n’aurai rien perdu. Tout est avantage, tout est parti. » Vous opteriez prur le second vaisseau, et vous feriez bien.
Or, je V(ms dis : Vous êtes actuellement el en fait dans une situation semblable à celle que je viens de décrire. Vous avez une fortune à risquer, qui est vous-même, votre salut éternel. Que aous le A’ouliez ou non, vous êtes lié à la vie, il vous faut faire la traversée. Or, deux doctrines se présentent à vous pour vous acconi|iagner et comme vous [)ortrr, deux seulement, car les autres sont comme n'étant pas. Il vous faut opter entre elles. L’une, c’est le rationalisme, fait miroiter devant vos yeux la perspective d’une traversée sans danger dont le terme serait le néant.
« Ado])tez mes convictions, vous dit-il, confiez moi
votre àme, et je vous nic’uerai, tout doucement, sans heurt, sans roulis, sans mal de mer, jusipi’au terme où tout aboutit, lequel, je vous l’atlirme (sans d’ailleurs être à même de vous le prouver), est l’anéantissement. » L’autre, c’est la religion ehrclienne, l’esl la Foi, proclame au contraire que la traversée de la vie est pleine d’embûches, et que qui y tombe ne va pas au néant, mais à un enfer éternel. « Adoptez, vous dit-elle à son tour, adoptez mes croyances, confiez-moi votre àme, el je vous mènerai, à travers toutes sortes de dangers, au terme qui est le ciel, la béatitude éternelle ; je vous garantis contre l’enfer, dont jf vous allirme l’existence bien que je sois incapable actuellement de vous la prouver. »
Dans l’ignorance irrémédiable où vous êtes relativement au terme réel de cette vie, quel parti prendrez-vous ? Si vous êtes raisonnable, vous ne pouvez hésiter. Vous ojilerez pour la foi, vous jouerez sur elle ; si vous vous trompez, si elle vous trompe, vous ne perdrez rien, tandis qu’en risquant sur le rationalisme, s’il vous trompait, vous perdriez tout.
il semble que jusqu’ici, et pour peu que la reli ::io71 chrétieiuif ail en elle-même une apparence d’autorité, il soit imjiossil>le de résister à l’argumentation de Pascal. Or, y acquiescer, c’est reconnaître que l’attitude de la foi est lattitude la plus avantageuse, la seule même qui le soit. L’incrédule qui a compris ce qu’on vient de lui dire n’a qu’une chose à faire, avouer qu’iV voudrait avoir la foi. Vous me dites donc, vous qui êtes l’incrédule : « Heureux ceux qui croient… je voudrais avoir la foil… » et vous ajoutez : « Mais je ne puis ! je suis lié, ma bouche est muette. » — Je vous réponds : « Parfait I cela sufTit, c’est tout ce que je voulais. Mon raisonnement n'était pas destiné à vous donner la foi, mais le désir de la foi ; si vous enviez ceux qui croient, vous vous trouvez dans la première des dispositions requises pour l’obtenir. Le premier but de l’apologétique de la volonté est atteint. Il reste à poursuivre le second, en vous amenant à la deuxième disposition requise, la pureté du cœur et l’humilité. »
Reprenons l’apologue. Je suppose que vous avez compris qu’il y a tout avantage pour vous à confier votre fortune au second vaisseau. Vous êtes décidé à le faire. Être décidé à faire une chose, ce n’est pas encore lavoir faite, ni même la faire. Vouloir croire, ce n’est pas encore croire cfl’cctivement. Il y a i>lace pour une démarche entre le désir el l’exécution. — Celte démarche consistera, en l’espèce, à aller trouver le capitaine du second vaisseau : « Prenez ma fortune, lui direz-vous, je vous la confie. » Imaginons maintenant que le capitaine vous réponde :
« J’accepte de transporter votre fortune, mais à condition que, avant loul, vous payiez une prime. Mon
concurrent, lui, ne réclame rien ; mais il n’assure rien. Ce que je vous demande esl d’ailleurs insignifiant, à peine un franc pour un million. » — Un franc pour un million ? La garantie a beau être incertaine, étant donné la minime valeur intrinsi^que de ce qu’on vous demande de sacrifier (un franc) et surtout sa proportion à ce que par là. et par là seuletneni vous avez le plus de chance de conserver (un million), toute hésitation serait déraisonnable : vous accepteriez.
Or çà, raisonnons : si pour conserver un million, vous pouvez el devez risquer un franc, pour assurer vingt millions, vous devriez être disposé à risquer vingt fois un franc, soit vingt francs. Et ainsi de suite, à mesure que croit la fortune à garantir. Si celle-ci avait une valeur infinie, vous devriez èt-e prêt à jouer n’importe quelle valeur, pourvu qu’elle soit finie. — Qu’objecter à cette argumentation ? Si vous la comprenez, vous devez être convaincu.
Appliquons maintenant l’apologue. Vous venez à moi et vous m « dites : « Je voudrais avoir la foi. » Je vous réponds : C’est bien, mais avant tout il y a une condition à remplir, un gage à donner, une prime à payer. Le rationalisme n’exige rien de ses fidèles ; mais la vérité chrétienne, elle, ne se livre qu'à qui lui sacrifie quelque chose : abandonnez les plaisirs, abandonnez votre amour-propre, soyez humble et puri — Vous vous récriez ? « Le prix, ditesvous, est considérable 1 Je gage peul-êlre trop ! » Raisonnons : ce qu’il s’agit d’assurer, c’est vousmême, votre éternité, votre tout. Rien ne peut être plus grand pour vous que ce qui pour vous esl tout. Ce qu’il s’agit de garantir est donc infini. Or, quel est l’enjeu, la prime, le gage ? Ce sont vos plaisirs. Qui niera que vos plaisirs représentent un bien fini ? Je vous demande donc un gage de valeur finie pour vous assurer une fortune de valeur infinie. Il n’y a pas à hésiter ! — Si vous êtes pareil au libertin de Pascal, vous vous avouerez convaincu, vous céderei, vous vous déciderez à sacrifier le Uni jiour vous 1587
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assurer l’inlini, aous quitterez vos plaisirs et votre orgueil.
Or, ce sera vous mellre dans la seconde des dispositions que nous savons être requises pour la foi. Le dernier but de l’apologétique de la volonté est atteint.
Le reste n’est plus l’affaire de l’Iiomnie, mais on peut prédire ce qui se produira. Sous la lumière et l’action de la grâce, la même vérité qui paraissait obscure, les mêmes arguments qui semblaient inefficaces, se transformeront. L’invisible deviendra visible, parce que l’aveugle aura des j’eux. Ayant fail tout ce qui dépend de vous, il sera fait en vous ce qui ne dépend que de Dieu : vous aurez la foi. C’est sur quoi a compté Pascal.
Concluons par une remarque. Si l’argumentation de Pascal est, comme nous le croyons, rigoureuse, à quoi peut-il tenir que l’incrédule ne s’y rende pas ? Car, en fait, tout le monde n’est pas convaincu. Quel est donc son vice, ou du moins son point faible ?
S’il s’agit du premier argument, destiné à prouver que la foi est iivantaoeuse, il faut, selon nous, dire que quiconqjie le comprend y agrée. Et l’expérience nous donne raison. Combien d’incrédules, et ne sont-ce pas les plus avertis, qui envient les croyants 1
A notre avis, c’est dans le second argument que se cache récliap])aloire. Toute la force de la dialectique pascalienne est, comme on l’a vii, dans la disproportion quelle fait valoir entre le peu que la Foi demande de sacrilier et VInfini qu’elle promet de garantir. Ce n’est pas l’incertitude de la garantie qui crée une diOiculté : tout joueur hasarde avec certitude pour p.Tgner avec incertitude, il hasarde certainement le liiii pour gagner incertainement le Uni ; et il ne pèche pas contre la raison, parce qu’il sacrilie peu pour avoir beaucoup. Si au lieu du fini il y a 1 inlini à gagner, c’est à meilleur droit encore que le joueur hasardera : le peu ((u’il mise devient en face de l’inlini comme rien. Même, en ce cas, il doit miser, et c’est seulement en misant qu’il est raisonnable.
Ce qui constitue le point relativement faible de l’argument de Pascal, c’est plutôt la nature de la disproportion sur laquelle il s’appuie. Pour faire équilibre au bien à gagner, qui est infini et incertain, il ne sullit pas, en effet, que le bien certainement sacrifié soit Uni, il faut encore qu’il soit reconnu et avoué tel. Or, sans doute aux yeux de la raison et de la conscience, tout ce qui appartient à l’ordre sensible est véritablement petit et méprisable, mais il dépend de nous do voir avec les yeux de la raison et de la conscience, et par conséquent de reconnaître la disproportion qu’on nous signale. liegardé acec les yeux de la passion, n’importe quel bien éclipse tous les autres ; à lui seul, il semble être tout, et semblant être tout, il semble être inlini. En ce cas, le raisonnement de Pascal ne porte plus.
Seulement, ce qu’il faut bien remarquer, c’est que. si Pascal n’arrive pas à décider infailliblement le libertin, ce n’est point qu’il pèche, lui, contre la logique ; c’est que le libertin a toujours la ressource de pécher contre sa conscience. Ainsi, on peut dire de l’argumentation de Pascal qu’elle est malgré tout triomphante, car pour elle, c’est également réussir, de convaincre celui qui l’écoute, ou de le condamner.
ArousTR Valbnsin, S. J.