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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Religion - Théories psycologiques

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 444-460).

RELIGION - THÉORIES PSYCHOLOGIQUES. — Les théories psychologiques de là religion sont celles qui cherchent l’origine du fait religieux, non plus au dehors, dans la vie sociale, non dans la métaphysique, mais au dedans, dans la pensée, les sentiments de l’individu. Psychologique indique ici origine intérieure, et origine individuelle. — Parmi ces théories, les unes apportent sur la religion une explication totale, exclusive de tout prolongement métaphysique. Le fait religieux est totalement notre œuvre, construit par nous, projeté par nous au dehors en une série d’êtres spirituels et finalement concentré en un Etre unique ; Dieu, comme la religion, est le résultat de notre création, de notre illusion. — D’autres veulent surprendre dans l’expérience dite religieuse une expérience réelle, de valeur égale à l’expérience scientifique, et révélatrice d’une réalité plus grande et plus riche : un Plus grand.

Des interprétations si différentes, au point de vue de l’origine comme de la valeur de la religion, demandent donc des études distinctes. — Nous envisageons seulement :

I. — La théorie de l’étude psychologique, ou animisme.

II. — La théorie du subconscient, ou de la conscience subliminale.

I. Théorie de l’Ecole anthropologique ou animisme


Son nom caractérise assez exactement cette explication de l’origine de la religion. Il signifie que, suivant elle, c’est bien dans l’homme qu’il faut chercher le point de départ de la religion, et dans une tendance naturelle de l’homme. Par là, cette théorie est une réaction contre l’interprétation du naturisme dans l’école philologique. Celle-ci, à la suite de Max Mùller, son initiateur et son plus brillant représentant, rattache la religion à une maladie du langage, à une assimilation inexacte des êtres, à la suite d’une confusion de mots : le fait religieux était donc dû à une confusion initiale, grossière d’ailleurs, à une déviation de la pensée, à une anomalie, accident de la vie psychique. Comment dès lors s’expliquer l’universalité, la pérennité de cette tendance, de plus en plus démontrée par l’histoire, et définitivement prouvée par l’étude des religions chez les non-civilisés ?

L’école anthropologique cherche l’explication de cette universalité, non dans la collectivité, comme l’a fait, avec si peu de succès, par la suite, l’école sociologique, non dans une anomalie, comme Max Millier, mais dans une tendance normale, spontanée, instinctive, de l’homme, dès son origine. C’est la tendance à projeter hors de lui quelque chose de sa vie, de ses sentiments, de ses passions, de ses pensées : anthropomorphisme véritable et nécessaire, dit-on, tout au début delà vie intellectuelle ; il fait, de la nature, des esprits, des dieux, unecréation qui les assimile à des hommes agrandis. Tendance initiale, qui demeure essentielle à l’homme, dont la poésie est la survivance réfléchie et consciente, selon Sal. Reinach, et se retrouve au terme de la spéculation philosophique la plus épurée. Le monisme n’en serait qu’une présentation nouvelle plus spiritualisée. — Tendance nécessaire, ajoutera la philosophie idéaliste. Comment connaître les choses, sinon par assimilation à notre vie, à notre pensée, sinon en nous-mêmes et par rapport à nous-mêmes ? — Sur les influences qui ont préparé cette école, enquêtes ethnographiques plus nombreuses, influence du positivisme et de son point de vue historique et génétique. Cf. Pinard. S. J., L’Etude comparée des lîeligions, t. I, Paris, Beauchesne, 1912.

Cette école s’appelle encore, d’un terme générique, animisme. Celte théorie n’est pas à confondre avec la doctrine métaphysique qui, avec Aristote, ou sous une autre forme avec Stahl(animisme stahlien ou vitalisme), explique la vie par un procédé immatériel. Il s’agit ici d’une explication psychologique : tendance psychologique du non-civilisé, appelé aussi, par application sous-entendue de la thèse évolutionniste, primitif, à tout animer autour de lui. Celle désignation plus large diffère aussi, on le sait, d’une simple étape du développement religieux, que certains distinguent du fétichisme et du polythéisme, et qu’ils intercalent d’ailleurs, à des moments différents de ce développement. « Animisme évolutif », dit le P. Lagrangb, pour mieux caractériser cette doctrine ; op. cit. infra, p. 1.

Cette tendance animiste ainsi comprise — d’autres disent animatisme, se révélerait, nous dit-on, d’une façon évidente chez le « non-civilisé », ou

« primitif * ou « sauvage x. Elle serait le fond de sa

mentalité, sa tendance caractéristique et essentielle — ; elle s’observerait chez l’enfant, dont la mentalité reproduirait, dans son évolution, l’état sauvage — ; elle se confirmerait par l’étude du folklore, contes, récits, coutumes populaires, etc. Ainsi la psychologie, l’ethnographie, l’histoire, s’accorderaient pour découvrir la source mystérieuse d’où a jailli primitivement la vie religieuse. Telle est en raccourci « l’avant-dernière des écoles de science des religions : l’école anthropologique anglaise, allemande, hollandaise » Cf. Hubert. Intr. à Chantbpik, Mari, d’hist. des rel., xxvm : la croyance aux êtres spirituels, cette croyance au point de départ de la religion, cette croyance inhérente à toute religion…

I. Ses représentants. — Parmi les lointains précurseurs de cette théorie, ses partisans revendiquent d’abord Eusèbb, qui s’efforce desaisirun rapport nécessaire entre l’esprit peu développé des premiers hommes et leurs cultes (lois psychologiques ) ; sous l’influence de ces même s lois, se produirait, par la suite, le développement religieux. Cf. Lagrangb, Et. sur relig. sémit, 2e éd., 1907, p. 3.

— Plus près de nous serait Fontenelle, précurseur plus authentique. Cf. Fontenkllr, De l’origine des fables, Œuvres, t. III, Paris, 1758, p. 270 sq. Suivant Andrew Lang, Myt. Cuit. Rel., app. A, « Le bon sens oublié de Fontenelle », les idées essentielles de l’école anthropologique s’y trouvent déjà indiquées : état de sauvagerie presque inconcevable des premiers hommes, illusions de leur interprétation animiste delà nature, faite par des gens accoutumés à voir bien des choses qui n’y étaient pas » ; caractères des explications mythiques, enfermées dans les limites de l’expérience humaine ; attribution d’une vie, d’une personnalité humaine aux êtres ainsi créés, esprits, dieux ; ressemblances entre les mythes du monde entier, conséquence de l’uniformité du développement intellectuel ; survivance de ces ir.ythes dans les traditions populaires des sociétés plus avancées (folk- lore). — On ajoute à ces prédécesseurs le nom du président de Brosses, Dieux fétiches, 1760, qui suit le sentier indiqué par Eusèbe, et I Fontenelle. Au début du dix-neuvième siècle, Benjamin Constant, De la rcligion y 1 83 1, cherche aussi] dans la psychologie l’origine du fait religieux elle affirme sous la variété des formes la permanence de la même tendance essentielle. A. Comte, Cours del ph. pos. 5Q’lec, dans sa loi fameuse des trois états, I rattache le fétichisme, premier début de la religion, ! à u l’essor libre et direct de notre tendance primitive ! 877

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à concevoir tous les corps extérieurs quelconques naturels ou artificiels, comme animés d’une vie essentielleanalogue à la notre, avec desimpies différences mutuelles d’intensité’». De plus, à l’élude de l’Individu, il faut substituer l’étude de l’espèce, par l’histoire : d’où la recherche des origines. Cf. Tylor. Primitive Culture, c.xi, p. ^7 ; sur ce rapprochement, cf. Pinard, S. J., L’étude comparée des reUgions, Reauchesne, 1922, t. I, p..’/6.S. A cette tendance se rattache aussi le nom de Vachrrot, De la Religion, Paris, 1869, qui oppose aux explications théologiques, métaphjsiques ou historiques, une interprétation purement psychologique, (par l’activité créatrice de l’imagination, dans l’enfance de l’individu, comme dans l’enfance de l’humanité. Cf. p. 209-2 i.V Sur les précurseurs de l’étude des « sauvages », au xvme siècle, L. Vico, Court de Gébelin, etc., Pinard, op. cit., p. 211.

Ce sentier où avaient marché les prédécesseurs est devenu maintenant une grande route », écrivait A.L.ANG, dès 1887, M) t. cuit. et relig., p. 29. — « Tylor, Spencer y étaient passés ». « On exagérerait diflicilenient la valeur documentaire et l’importance théorique de l’ouvrage (de Tylor) Primitive Culture, Londres, 1871. C’est le monument durable de la science ethnologique au dix-neuvième siècle. Tylor devenait le fondateur incontesté de l’école anthropologique ». Cf. F. BouviKn. Hech. d. se. relig. 191 1,

« Animisme, préanimisme ». Spencer, dans ses Principes

de Sociologie, I, 1876, ’^attache aussila religion à une tendance psychologique, interprétation du rêve, d’où sort la notion d’un double et de la survivance des ancêtres, premier objet de la religion. > — Après eux, et parmi les représentants plus connus de cette école, il convient de citer Mannhart, Mac Lennan, Andrew Lang — un des plus remarquable » interprèles de cette doctrine en sa première manière, — Rober son Smilh, Tiele, Jevons, Frazer, Goblet d’A'.viella, van Gennep, etparmi leurs disciples français, surtout Léon Marillier, Salomon Reinach, etc., qui ont popularisé en France cette doctrine.

II. L » a postulats. — Trois postulats, d’ordre philosophique, sont placés tout au début de l’interprétation de l’école anthropologique, et dominent, exprimés nettement ou sous-entendus, tout le développement du système. Ces postulats ne sont pas d’ailleurs exclusifs à cette école et se retrouvent dans la plupart des systèmes. Cf.BRos, Semaine d’ethnologie religieuse, i<j15 ; « L’animisme de Tylor et de Spencer 1 ; Mainagb, Fev. dephil., 192 1 p. 1 32.5 ; L. de Grandmaison, ^ Christus, c. 1, 3g sq.

1) Postulat agnostique. — L’origine de la religion doit se chercher uniquement dans les facultés humaines ; la religion ne peut être qu’une création de l’homme, un produit de son imagination, sans que rien de transcendant corresponde au dehors à cette création ; les âmes, les esprits, les dieux, sont les moments successifs de cette création. On ne saurait d’ailleurs imaginer, pour une religion particulière, spécialement pour le christianisme, une solution exceptionnelle. Il n’y a pas de religion privilégiée, avec une origine privilégiée ; l’origine doit être commune, l’explication commune, le développement conforme aux lois générales. — Donc, pas de révélation, apportant du ciel une dogmatique, une morale, un culte tout faits ; pas davantage, une métaphysique, théodicée rationnelle.fcherchant d’abord en Dieu le point d’attache de la vie religieuse.C’est en l’homme, exclusivement en l’homme, qu’est ce point de départ, cette origine et cette (in de la religion : spontanéité qui explique le caractère instinctif et universel de la

vie religieuse, à travers les âges. « A moins d’admettre l’hypothèse gratuite et puérile d’une révélation primitive, il faut donc chercher l’origine des religions dans la psychologie de l’homme, non pas de l’homme civilisé mais de celui qui s’en éloigne le plus ».Sal. Reinach, Cultes, Mythes et Religions, t. I, 1, Paris, Leroux, 1905.

2) Postulat évolution/liste. — Une loi générale, unique, paraîtdominer l’univers. C’est la loi d évolution. Appliquée tour à tour au monde céleste, au monde terrestre, à l’origine et au développement de la vie. dans les sciences biologiques, à l’apparition de la conscience et à ses complications progressives en psychologie, au développement de3 sociétés, avec la sociologie, l’évolutionnisme a paru rendre compte, avec une merveilleuee aisance, des complications croissantes de la matière, de la vie, de la pensée. Il suffit donc, par une méthode vraiment scientifique, d’étendre cette loi de tous les faits au fait religieux. Pourquoi celui-ci serait-il seul à échappera cette domination universelle ? Pourquoi ici cette exception singulière, injustifiée et antiscientifique ? Si l’évolution est la loi de tout l’univers, et de tout l’homme, elle doit l’être aussi de l’homme en tant que religieux.

Or la loi d’évolution est essentiellement une loi génétique ; elle explique le passage graduel du plus simple au composé, de l’homogène à l’hétérogène, de l’inférieur au supérieur. Pour expliquer l’origine du fait religieux, comme pour tous les faits, il faut donc regarder vers les formes les plus rudimentaires, tenues pour primitives.

Ces formes élémentaires de la vie religieuse, l’école anthropologique — comme le système sociologique et parce qu’ils sont tous deux évolutionnistes, — les découvre chez les peuples sauvages, — ou non civilisés — ou « primitifs », parce que, par hypothèse, ils doivent représenter plus exactement l’état primitif de l’humanité. Pour la vie religieuse, comme pour lamorale individuelle, comme pour la famille, comme pour la société, comme pour le langage, comme pour la pensée, le non-civilisé représente une expérience privilégiée, le point de départ de l’évolution, et presque la spontanéité native. Dans tous ces cas, sauvage = : primitif. Par delà l’histoire, réservée aux peuples civilisés, l’ethnographie apportera ses documents et permettra de rejoindre la préhistoire de l’humanité. Cf. Tylor, Prim. Cuil., passim.

3) Postulat déterministe. — Il n’y a pas, nous dit-on, d’hiatus et il ne peut y en avoir dans le développement de l’humanité, et par suite dans la connexion des formesreligieuses ; elles s’engendrent les unes les autres, elles sont en dépendance les unes des autres, fruits naturels et nécessaires des antécédents, des milieux, du degré de culture. « Le principe du développement de la religion est l’application à l’histoire du principe de continuité… que tout tient atout, qu’il n’y a de solution de continuité que pour nous, là où la lumière nous manque. » Cf. A. Rkvillk, Prolégomènes de l’histoire des religions, Paris, Fischbacher, 4’éd. 1886, p. 73. D’où, pour aucune des religions, et en particulier pour la religion chrétienne, pas de transcendance : mais la loi commune, l’origine commune, le développement identique, et, par suite, la même valeur relative. La suite de la religion représente, suivant ce qu’en dit Lessing, l’éducation religieuse du genre humain. S’il y a eu des temps d’arrêt ou de recul, cependant dans l’ensemble la direction n’est pas douteuse. Cf. Goblbt d’Alviella. L’idée de Dieu, Paris, 1892.

III. L’explication. — Sous la- diversité des religions, il y a donc la continuité de la religion. Il com879

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vient de chercher dans l’àmehumaine — ctdansune tendance commune à toute àme humaine — le point de départ de la vie religieuse. Et puisque cette tendance doit s’observer plus aisément chez le sauvage, c’est là qu’il faut la surprendre. Le problème est donc le suivant : « Découvrir un trait permanent du caractère ou de l’intelligence du sauvage, qui doit se retrouver en tout sauvage, du fait seul des conditions d’existence, … et auquel on puisse le ramener comme à sa cause. » Maiullibu, int., vm. Et voiciles grandes lignes delà reconstruction anthropologique : Cf. Jean Rrvillb, Les phases successives de l’histoire des religions, Paris, Leroux, 1909 ; Bros, art. cit., W. Schmidt, S. V.P. ; L’origine de l’idée de Dieu, Picard, 1910, ch. 11.

Ainsi une philosophie domine, commande, fausse l’interprétation des faits religieux : d’où, en face des mêmes faits, des interprétations radicalement différentes. Il importe de bien dégager cette philosophie, incluse dans les systèmes d’interprétation, « pour n’avoir pas l’illusion de ceux qui estimentque l’avenir du christianisme se jouera sur le champ de bataille de l’histoire comparée des religions ». Cf. L. DR Grandmaison, op. cit., p. 42- Dans le même sens, Mainagr, art. cité, p. a5-a6.

1) Tendance primitive et universelle citez le sauvage à tout animer autour de lui. — Selon le résumé qu’en a tracé A. Lang, Myt. Cuit. Relig., i r, r éd., 1887, ch.n :

« En psychologie, le sauvage, c’est l’homme qui

étend inconsciemment à tout l’univers la conscience qu’il a de sa personnalité, regarde tous les objets naturels comme des êtres intelligents et animés, et qui, ne tirant aucune démarcation bien nette entre lui et toutes les choses qui existent en ce monde, est facilement convaincu que les hommes peuvent être changés en plantes, bêtes ou étoiles, que le venl et les nuages et l’aurore sont des personnes qui possèdent les passions et les qualités et les passions des hommes… » Ainsi, chez le sauvage, « confusion de toutes choses : elles sont supposées être également toutes vivantes et intelligentes » ; pas de distinction entre l’animé et l’inanimé, pas de séparation entre les règnes ; « aucune ligne de démarcation entre les hommes et les choses qui existent en ce monde j.Les êtres ainsi créés, les êtres spirituels, c’est-à-dire indépendants des corps, résultat de cette tendance, sont construits sur le modèle de leur propre expérience ; ils sont à base d’anthropomorphisme. Cf. Tylor, Prim. Cuit., I, 543. — A. Lang, op. cit., c. m etiv.

— Marillibr, Grande Encyclopédie, art. Religion.

Pour ces primitifs de la pensée, la logique n’a pas encore fait son œuvre ; organique, vivant, humain, correspondent à desclassificationsqui s’élaboreront seulement plus tard. Pour eux, en définitive, toutest sur le même plan, tout se ressemble et leur ressemble. C’est une spontanéiléd’imagination qui instinctivement configure le monde à leur propre image. Loi universelle, c Tous les sauvages ont une conception animiste du monde. » Marillikr, op. cit. Loi nécessaire. Elle résulte d’une tendance normale.

Onlevoit, cette description de la mentalité du sauvage est à base strictement psychologique et individualiste, par suite en radicale opposition avec la théorie sociologique, et aussi avec toute explication métaphysique.

a) La même tendance animiste se révèle chez l’enfant. — Suivant la loi biogénétique, l’histoire de l’individu récapitule l’histoire de l’humanité, ou, sous la formule plus savante, l’ontogenèse reproduit la phylogénèse. A Comte utilisait déjà cette loi pour vérifier dans le développement intellectuel de l’enfant la loi des trois états et leur succession dans l’huma nité. C. d. ph. pos., 2" leç. ; l’évolulionnisme en a fait un dogme fondamental. Cf. Harckbl. L’école anthropologique l’applique à l’origine de la religion chez le primitif, confirmée par la psychologie de l’enfant. Au début de sa vie, l’enfant ne faitpas nettement la distinction du moi et du non-moi ; en particulier, il tient tout pour vivant autour de lui. Il se fâche un peu plus tard contre l’objet inanimé qui l’a blessé et il le frappe pour le punir ; il prête sa propre vie à ses jouets, à sa poupée, à son cheval de bois ; il croit lui aussi spontanément, activement, à cette animation. La foi animiste du primitif se révèle entière en lui. Cf. Tyi.or, op. cit. ; pour Sal. Reinach, Cuit. myt. relig., la preuve évidente que l’enfant naît animiste — et totémisle — est donnée dans le fait de l’attraction singulière et de l’irrésistible sympathie de l’enfant pour les animaux, t. I, p. 4. — et aussi dans la prédilection de l’enfant pour la fable animale, survivance de la mentalité de l’homme au temps où les bêtes parlaient… Cf. Marillibr, art. cit. ; Goblbt d’Alviblla, L’idée de Dieu, d’après l’anthropologie et l’histoire, Alcan, 1892.

Quelques auteurs développent plus complètement la logique de l’évolulionnisme ; et de même qu’ils retrouvent en l’enfant la psychologie du primitif, ils découvrent la même tendance dans l’animal. En vertu de la même loi de continuité, celui-ci doit manifester déjà quelque chose de toutes les dispositions qui apparaîtront dans l’homme, et par suite on doit retrouver en lui les premiers linéaments des tendances religieuses. Cf. van Endb, Histoire naturelle de la croyance, i re part. L’animal, Paris, 1887. Sal. Reinach attribue à l’animal des scrupules, le scrupule du sang de l’espèce ; et les scrupules, comme pour l’homme, sont le commencement des tabous et de la religion, sp.cit., int. 2.

3) Cette uniformité de tendance du primitif explique la ressemblance des faits religieux, prière, sacrifice, communion, rites matrimoniaux, funéraires, etc. et la ressemblance des mythes, à travers les âges, et en des sociétés entièrement séparées. — Il existe « une surprenante monotomie des idées », « une étrange récurrence des faits », « une frappante concordance » entre les explications mythiques des peuples. Cf. Marillibr, introd., A. Lang, op. cit., Myt. Cuit. Rel., 1897, xii, xiv ; mythes du Déluge, de l’avaleur des eaux, de la terre pêchéc, de la vierge qui donne naissance à un héros, de l’enlèvement du feu, de l’origine de la mort… « L’humanité, livrée à elle-même se répète elle-même perpétuellement, ses créations inconscientes sont jetées dans le même moule et les idées comme les mots qu’elle enfante se développent et se diversifient en conformité aveedeslois toujours pareilles. » Cf. Marillibr, op. cit., xiv.La religion se répète « en se reproduisant à l’infini, comme les images que se renvoient deux miroirs opposés ». Hubbrt, Introd. à Chantbpib nu la Saussaye, Manuel d’histoire des religions. — En particulier, le totémisme serait une preuve de l’universalité de l’animisme, d’où sortirait l’idée d’une parenté de l’homme et de certains animaux. Ita A. Lang, Frazkr, etc.

4) Celte ressemblance des faits et des mythes religieux s’explique elle-même par l’identité foncière de l’esprit humain. — Les lois constatées du développement religieux sont universelles : les circonstances locales, diverses, temporaires sont impuissantes à rendre compte de cette étroite parenté, - pas davantage l’hypothèse d’emprunts n’est admissible, chez des peuples entièrement séparés, et sans contact les uns avec les autres ; l’hypothèse d’une tradition commune, résultat d’une révélation primitive, ne relève pas de la science. II reste donc qu’il faille chercher 881

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une solution plus profonde. Celle-ci nepeul être que l’atlirniation de l’identilé de l’esprit humain, à tous les âges, et dans toutes les civilisations. Voilà a la plus importante vérité » dégagée par l’histoire des religions. Il y a un esprit humain, à l’encontre de loua ceux qui ont raillé cet homme abstrait ; et cet esprit humain se manifeste par des créations semblables. Il existe des lois biologiques générales, sous l.i diversité des fonctions ; de même pour l’universalité de lois psychologiques sous les menues différences de costumes, d’usages, de langage, etc. En face des mêmes phénomènes de la nature, les hommes se posent les mêmes questions, apportent les mêmes réponses. « Les conceptions religieuses de deux peuples qui sont parvenus au même stade de l’évolution sont toujours au fond identiques ». « Les hommes, assujettis aux mêmes lois, dans des conditions analogues, à un stade pareil de l’évolution, enfantent des conceptions semblables. » Cf. Goblht h’Alviklla, Encre, of religion, 190a, art. « Anismisin » — Iïe<. hist. relig., 1910 « L’animisme et sa place dans L’évolution religieuse. »

5) I.’s grandes légendes des peuples civilisés ne sont que des survivances de l’état sauvage. — C’est la preuve que l’on veut tirer du folk-lore. Les mythes grecs, Scandinaves, etc. ne différent pas essentiellement des mythes des Zoulous des Maoris, des Esquimaux, etc. ; chez ceux-ci seulement il y a concordance entre ces mythes et l’ensemble de leurs croyances et idées ; chez ceux-là, il existe un désaccord, une désharmonie : preuve de la survivance, non de l’état sauvage, en tant que sauvage, mais d’un trait permanent « lu ca-actère ou de l’intelligence qui se retrouve en tout sauvage, et par delà en toute nature humaine, la tendance animiste.

— D’ailleurs, ces types innombrables se ramènent à un très petit nombre de types ; le psychologue doit rattacher ces types à la structure intellectuelle et émotionnelle de l’homme. C’est donc à la psychologie, éclairée par l’ethnographie et l’histoire, à apporter la solution de leur origine et du problème de la vie religieuse. Sur le folk-lore, étudié d’abord par les frères Grimm, consulter, en France, les travaux de Paul Mkykr, Gaston Paris, Skbillot. Cf. en particulier Gaston Paris, Grande Encyclopédie, art. Folk-lore. — La thèse des mythes, comme survivances, est surtout présentée par A. Lang, Cf. La mythologie, in Encyclop. Britannica, 1 884, trad.Parnientier, Paris, 1886.

6) L’évolution de cette tendance fondamentale de l’animisme suscite progressivement les idées d’âme, d’esprit, la personnification des forcis de la nature, les idées des dieux (polythéisme), enfin, par voie de concentration logique ou de subordination entre les dieux sur le modé.’e de hiérarchie sociale, l’idée d’un dieu suprême (monothéisme). — Les phénomènes du rêve, de la syncope, de l’extase, donnent naissance chez le primitif à l’idée d’àme, sorte de double qui donne la vie au corps, y habite, mais peut s’en séparer. La mort amène la séparation complète et lime, désormais libre, devient un esprit. Les âmes des morts et leur survivance donnent naissance au culte des ancêtres, qui se p’ace aux origines de l’humanité. Pour Spencer même, le culte des ancêtres est le fait initial de la vie religieuse.

Cet animisme est ensuite étendu aux phénomènes delà nature ; des esprits sont imaginés pour présider à leurs manifestations, surtout quand elles sont extraordinaires : l’éclair, le tonnerre, les eaux, le ciel et la terre, deviennent choses vivantes, gouvernées et habitées par ces esprits : d’où le culte qui leur est attribué pour se les rendre favorables, détourner leur colère, solliciter leur intervention. La

cosmogonie se présente donc comme une extension de la psychologie. Le naturisme est un prolongement de I animisme. (Pour certains, le naturisme est le fait initial). Cf. A. Révillb, Prolég., Marillibr, grande Eue, « Relig. ».

Cet animisme universel ne tarde pas à peupler le ciel et la terre de dieux : multiplicité des esprits pour la multiplicité des phénomènes, par déviation du principe de causalité. Les dieux sont considérés d’abord comme gouvernant les êtres de la nature, habitant en eux, leur donnant des propriétés merveilleuses (Fétichisme). Par la suite, devenus plus indépendants, ils donnent naissance à la forme déjà plus épurée du polythéisme. — Certains auteurs intercalent ici le polydémonisme avant le polythéisme. Cf. Lagrangb, op. cit., p. 24.

Voici enfin surgir l’idée de Dieu unique. Les partisans de l’école anthropologique décrivent avec une précision déconcertante, et une non moins étrange gravité, le processus psychologique qui aboutit à sa formation. Le dieu national, et au dessus de lui le Dieu suprême, souverain des dieux comme des hommes, surgit lentement dans la pensée humaine, soit par développement spontané du travail logique ou métaphysique, soit par simplification et assimilation des dieux représentant des phénomènes analogues, soit par subordination progressive des dieux inférieurs à un Etre suprême, à l’image de la subordination sociale des autorités terrestres, soit même, à un stade supérieur, par la disparition des dieux intermédiaires, passés à l’état d’abstractions, ou reconnus comme les formes diverses d’un même principe unique. Cf. Tylor, Prim. Cult., xv, xvi. ; Goblet d’Alviblla, L’idée de Dieu d’après l’anthropologie et l’histoire, oh. v.Les hommes se sont donné un Dieu, comme ils ont formé l’idée d’àme, de survivance d’esprits. La loi de ce développement est simple, rigoureuse, uniforme. Tout est sorti de la pensée de l’homme. Et ce Dieu obtenu, on en épurera maintenant le concept ; on y introduira des préoccupations morales, des rectifications éthiques. Il deviendra le juge des consciences, le gardien de l’ordre moral, celui qui punit et qui récompense. Et la vie religieuse se mêlera désormais intimement à la vie morale — en attendant qu’un progrès ultérieur, une différenciation nouvelle, sépare la religion et la morale, pour ne plus laisser subsister qu’un pur moralisme, une religion dans les limites de la raison, au sens de Kant, c’est-à-dire un rationalisme sans Dieu, ou ce que Guyau nomme plus nettement une irréligion de l’avenir.

Ainsi l’école anthropologique affirme sa contradiction à l’égard de la pensée chrétienne, et tout autant du spiritualisme philosophique. L’idée de Dieu — du Dieu unique — n’est ni au début de la vie de l’humanité, ni très rapidement au terme d’un travail métaphysique spontané dans la pensée de l’individu. Elle est au sommet de l’évolution et marque le point culminant où la civilisation est parvenue, en attendant qu’il soit dépassé par la continuité même du progrès. L’animisme au point de départ ; le monothéisme au point d’arrivée actuel ; le moralisme, plus tard ; ainsi sans secousses, sous l’effet du même processus, les religions naissent, s’étendent, se spiritualisent : sous la diversité des religions s’affirme la spontanéité, la continuité, l’unité de la religion. Par son recours à la psychologie, l’école anthropologique décrit l’évolution religieuse de l’humanité. Cf. un excellent résumé de l’animisme, chez W. Schmidt, L’origine de l’idée de Dieu, ch. 11.

7) Cette identité d’évolution religieuse, dans les sociétés diverses, légitime l’emploi de la méthode 883

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88’comparative. — Un connaît assez la fécondité de la méthode comparative en géologie pour la reconstitution des animaux disparus, en biologie dans la détermination des fonctions, par analogie avec d’autres fonctions connues, et par leur complexité, détermination de l’ordre de succession des êtres ; voici qu’à son tour, la psychologie apporte à l’ethuologie le même secours. A des institutions semblables, en des sociétés différentes et à des époques différentes, elle donne par analogie la même explication, les unes aident à comprendre les autres ; la même interprétation est transportée des unes aux autres en s’appuyant sur cette identité de processus psychologique. » Dans tous les temps, l’immortel sauvage qui dort dans l’âme humaine a été prompt à s’éveiller et à s’affirmer lui-même en des mythes rajeunis ». Cf. A. Lano, op. cit., p. 317. On voit toute i’ampleur de cette méthode, puisqu’elle compare, non seulement les peuples d’une même famille, mais toutes les races humaines ; elle est « entre les mains des mythologues l’instrument sans lequel i ! paraît impossible de faire désormais aucun progrès danscette science ». Cf. Toutain, EtuJ. de mythologie et d’histoire des religions antiques, Paris, 1909, p. 35. On en verra l’application outrancière dans les travaux de G. Frazbr : Golden Bough’, London, 1890, 1910 ; W. Robbrtson Smitu (1846-18g4), à propos du totémisme ; van Gennrp. dans la Formation des légendes, et son application aux Rites de passage, conçus comme identiques, à propos de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de la mort, et les exagérations plus outrancières encore de leurs disciples français : Gustave Lb Bon, Les premières civilisations, Paris, 1889 ; Salomon Reina™, Cultes, Mythes, Religions, 2 vol. Paris, 1906, etc. A la philologie comparée de Max Muller, l’école anthropologique substitue donc cette méthode comparative ; elle y voit l’équivalent de l’expérimentation. Elle attend d’elle : 1) l’explication des institutions connues ; 2) un procédé de suppléance pour les lacunes actuelles de l’histoire des religions ; 3) une justification de la loi unique du développement de la religion dans l’humanité. Cf. bibliographie sur la valeur de cette méthode, L. Jordan, Comparative religion, Edinburgh, igo5 ; M. Vbrnbs ; Les abus de la méthode comparative, Paris, 1886, et L’histoire des religions, son esprit, sa méthode, Paris, 1887 ; G. Foucart, Histoire des religions et méthodecomparative, Paris, 1912 ; II. Pinard, S. T., Semaine d’Ethnologie religieuse, Paris, Beauchesne, fgi 3 : « Des méthodes dans l’étude des religions, et spécialement de la méthode comparative ». p. ( i-y2 ; L’Etude comparée des religions, Paris, Beauchesne, 1922, p. 35a-385 ; Bros rt Hadbrt, Rev. du Clergé, « Deux méthodes », 1909, p. 583 sq.

IV. Les conséquences. — L’école anthropologique tient le fait religieux, 1) non pour un accident, mais pour une manisfestation spontanée, universelle et naturelle de l’àme humaine ; a) cette universalité est liée à la permanence dans l’homme d’une tendance animiste ou anthropologique ; 3) les religions, dans leur multiplicité, traduisent sous des formes différentes cette identité d’aspiration ; 1) il n’y a donc ni infaillibilité en religion, ni orthodoxie immuable, ni réalisation religieuse définitive, ni transcendance, mais évolution perpétuelle et relativité universelle ; 5) le monothéisme lui-même ne représente qu’un moment de cette évolution, et une forme de ce développement : le Dieu unique disparaîtra sans doute devant une religion nouvelle, pur moralisme kantien, ou irréligion de l’avenir, dans une sorte de culte cosmique ou panthéiste, au sens de

Cuyau, ou une religion de l’humanité, avec l’école de Comte et de Durkheim.o Dieu peut mourir, comme sont morts ses prédécesseurs, les Baalim et les Tesll, Assour et Ainmon, Odin et Jupiter, comme mourront ses contemporainsd’aujourd’hui, le Brahm de l’hindouisme et l’Allah de l’Islam et même Iahveh, le saint d’Israël » (Goblbt d’Alviblla, L’idée de Dieu, p, 3go). L’évolution religieuse qui a formé l’idée d’un Dieu unique, en se poursuivanl, amènera sa dissolution. Kt Dieu disparu, apparaîtra, sous une forme nouvelle, un équivalent de la vie religieuse. Ainsi la perpétuité de la vie religieuse, résultat d’une tendance permanente de l’àme humaine, n’est liée à aucune forme religieuse, à aucun dogmatisme, et à aucune idée du Dieu personnel. Comme la science, l’art, la morale, la religion elle-même se séparera de Dieu, mais pour retrouver le divin. Cf. Félix Pécaul, Ang. Sabatier, F. Buisson, Hébert. Loisy.

V. Critique- — Unecritique complète devrait comprendre une discussion des postulats — de l’explication — des preuves diverses — des conséquences

— de la valeur delà méthodecomparative.

Résumons la discussion sur chacun îles points.

1. Critique des postulats. — D’une façon générale, il importe de lemarquer ce qu’il y a de défectueux, au point de vue scientifique, dans la méthode adoptée. Avant l’examen des faits, avant l’étude des religions, 0Il prend pour définitive une interprétation philosophique qui la conditionne, la domine, la fausse d’avance. Une métaphysique est placée à la base, des recherches historiques ; la thèse initiale est affirmée, avant d’aborder les faits. Comment s’étonner de la retrouver à la conclusion ? Cf. Th. Mainage, Rev. de ph., 1921 : L’histoire des religions, p. 1305.

a) Le postulat agnostique. — L’exclusion d’une révélation primitive, et de toute révélation, n’est pas d’ordre scientifique, mais métaphysique. C’est uniquement par l’étude des faits de l’histoire des religions, par la comparaison de leurs éléments, que nous pourrons légitimement conclure à l’existence ou à la non existence de la transcendance d’une forme religieuse. — De même pour l’affirmation d’un Etre suprême, d’une àme, de sa survivance ; pourquoi et de quel droit décréter qu’elles ne sont pas le résultat normal d’une activité rationnelle de l’homme, mais le produit d’un rêve, de l’interprétation imaginative et illusoire de faits étranges, sinon anormaux ? Ici encore l’on tient pour certain dès l’abord que la religion est le résultat d’une « maladie de la pensée primitive » ; a priorisme que rien n’autorise, que tout condamne, au seuil d’une recherche scientifique.

b) Le postulat évolutionniste. — La loi d’évolution n’est-elle pas seulement une hypothèse ? Cette hypothèse a-t-elle été assez vérifiée dans le domaine de tout le connaissable, pour l’étendre à tout le domaine matériel, psychique, moral, social ? Ne sommes-nous pas en présence d’une induction d nue portée singulièrement aventureuse, puisque par elle on prétend atteindre la loi même de la science, la loi la plus générale, la plus universelle ? — On sait comment les travaux de la critique scientifique, avec Poincaré, Milhaud, Duhem, Leroy, Leclercdu Sablon, ont abouti à abattre l’orgueil du scientisme, à montrer ce qu’il y avaitde mouvant dans les hypothèses, d’artificiel dans les lois, en insistant sur nos ignorances. En face de ce dogmatique universel, ce mouvement contingenliste a rappelé à l’humilité et à la modestie de la vraie science. — Enfin, à la loi d’évolution, d’autres opposent une loi de désintégration, de dissolution, qui marquerait le rythme de cette 885

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8F6

déchéance Cf. Lalanub. La dissolution opposée à l’évolution, Paris, Alcan, p. 254-270.

C est donc l’application non d’une loi, mais d’une hypothèse, combien large, combien hasardeuse, et combien discutée, qui fait débuter une philosophie de la religion par l’étude du sauvage, ou du non civilisé. Celui-ci est tenu pour le point de départ du développement, et les témoignages accumulés montreront de plus en plus en ce prétendu sauvage une complication déjà grande de vie psychologique, de vie morale, de vie religieuse. Sauvage = l’être le plus inférieur, à tous points de vue : application de l’évolution, que l’observation dément chaque jour davantage. Sauvage = primitif ; ici encore, pure hypothèse, formulée par la logique du système et delà loi évolutionniste du développement religieux. Sur la déformation des faits par les thèses évolutionnistes, Cf. Christus, c. I, p. 38, c. 11, p. 51.

c) I.r postulat déterministe. — Les faits historiques et les faits du développement religieux son lie résultat de l’activité humaine. Mais l’homme est un être libre : il ne sera donc pas déterminé dans son action, dans son développement. Influence du milieu, de la race, n’est pas déterminisme. — L’activité d’une même natuie tend à devenir uniforme, les mêmes êtres, avec les mêmes natures, sont portes à agir semblablement. Iei encore tendance, non nécessairement uniformité. — De plus, les liaisonsdes faits humains, sociaux, religieux, laissent toujours place à une intervention d’une Toute-puissance, de la Puissance divine, rompant cette continuité historique, par une action transcendante et un effort transcendant. Sur l’application de cette doctrine a priori, cf. 1rs déclaration

  • , au moins étranges pour un positif et un

critique, de Salomon Reinach, Cuit. Myth. et Bel., I, sur les « principes » qui l’ont guidé dans son travail et sur « les conséquences qu’on en peut logiquement déduire ».

IL Critique de l’explication. — Toute l’explication de l’école anthropologique, par l’apparition nécessaire des idées d’àme, d’esprit, de dieu, du Dieu suprême, est suspendue à un fait primitif et universel : la tendance animiste.

1) La mentalité du primitif n’implique pas l’aninisme universel. — La psychologie réelle du noncivilisé, dit primitif, ne répond pas à cette psychologie idéale, formée pour vérifier la loi évolutionniste, suivant laquelle le primitif doit-être le plus inférieur, au point de vue intellectuel, moral, religieux.

i") Sans doute il y a chez le sauvage une prédominance d’imagination ; puisqu’il est unefaçon de grand enfant, on remarque chez lui les traits caraclérisques de la mentalité enfantine : vivacité des images, prédominance des représentations concrètes sur les conceptions abstraites, puissance de l’imagination créatrice, s’exerçant sur les contes ou les mythologies, intensité de l’état émotionnel, aptitude à se contenter d’explications insufli santés, promptitude à passer de l’image ou de la pensée à l’action, impulsivité très grande, variations dans la manifestation du caractère : chez le sauvage, comme chez l’enfant, il y a prédominance de l’être sensible sur l’être rationnel, encore insuffisamment développé.

2°) Cette prédominance d’imagination et d’impulsivité n’empêche nullement la réalité d’undéveloppement rationnel. De ce primitif, on fait un être à peu près au niveau de l’animal, et parfois au-dessous de lui : dans un tableau tout fantaisiste, on le peint comme ne sachant pas distinguer le vivant de l’inanimé, ni la différence des règnes, vivant <r dans une sorte de songerie vague, qui n’est ni le sommeil, ni

le lève, hors d’étal de distinguer entre sa vie d’homme éveillé et d’homme endormi et de séparer par une infranchissable barrière ses perceptions réelles, des fantômes de ses songes, en proie à des émotions puissantes et vagues, unies par un lien fort libre à des images confuses et instables », dans une sorte d’hallucination habituelle. Cf. L. Maiui i.ir.n, Gr. Encrcl., art. cité, col. 346-48, après Tylor, Prim. Cuit. et ses disciples. Ce non-civilisé est ramené ainsi à un demi idiot, à une sorte de brute, ou à un halluciné.

Contre des conceptions aussi fausses, les observateurs réels protestent au nom de l’observation et de la critique scientifique. « Chacun s’évertue… à se composer un type de sauvage religieux ou de religieux sauvage, dont la première qualité est bien de répondre à Sfs propres conceptions. » Cf. I.kRoy, la tel. des Primitifs, p. 30.Et parmi les catholiques, certains acceptent trop docilement l’authenticité des faits apportés par l’école anthropologique et l’interprétation qui en a été donnée par eux. Ainsi, abbé Bros, La rcligiondespeuplesnon civilisés, Lethielleux, 1908, sensiblement atténué et corrigé par la suite, Sem, Etb. relig., 1913., Rev. du Cl. 1914, etc., Où en est l’histoire des religions, 191 1, c. I.

Le primitif — tel que l’a vu Mgr Le Roy, en vingtannées d’apostolat auprès des pleuples les plus déshérités d’Afrique, les Pygmées, les Bantous, les Négrilles, — « dans sa vie végétative intense, ses instincts animaux, sonintellectualisme épais, est cependant et avant tout un homme, avec toutes les passions, toutes les aspiiations, toutes les énergies, toutes les faiblesses…, et, somme toute, rien ne ressemble tant à son âme que notre âme », bien que ce soit surtout un homme enfant ». Op. cit., p. 69.

En particulier, il y a chez lui un réel développement intellectuel. Le primitif manifeste une grande curiosité ; de là, le besoin d’explication, sa crédulité facile devant les légendes et mythes ; il y a chez luixune aube d’activité rationnelle », ilapplique les principes d’identité, de causalité, aux faits de la nature dont il cherche l’auteur, aux phénomènes étranges dont il essaie une interprétation, si enfantine soit-elle ; il dépasse les images.il les élabore ; il commence un travail philosophique, et qui atteint d’une façon surprenante jusqu’aux sommets de la métaphysique. Cf. Piat, liev. prat. apol. « L’intelligence du sauvage », p. 323-336. « A qui est Ja terre ? » répond, étonné, un chef de tribu à Mgr Lb Roy. « A qui est l’air, à qui est l’eau, à qui est la lumière ? C’c-t à celui-là seul que la terre appartient ». Op, , cil. p. 86. La curiosité du sauvage est donc un commencement de la science et de la philosophie. Dans sa vie pratique, il applique constamment les principes de causalité, à la chasse, pour sa nourriture, pour le feu ; bien plus, il est un inventeur, un inventeur d’outils — ce qui, suivant Bergson, serait la plus grande preuve d’intelligence, et sa fonction essentielle. Cf. Bergson. L’évolution créatrice, Paris, 1906.

« Ne creusons donc pas trop l’abîme qui nous sépare

de ces frères misérables », dira justement Bros. Où en est l histoire des religions, c. 1, p. 69.

3") L’animisme du sauvage est une preuve de ce travail rationnel. Non pas que le non-civilisé confonde le vivant et le non-vivant ; la pierre et l’animal. .. Mais derrière la pierre, ou la plante, i ! cherche un être qui en explique les propriétés, les vertus, l’action. « Quand le primitif pense qu’il y a dans les choses des vertus cachées, il a raison et il fait de la science. Mais il se trompe souvent… dans l’appréciation de ces vertus. » Lk Roy, op. cit., p. 90. Spencer nie cette confusion de l’animé et de l’inanimé par le primitif. Cf. Princ. de soc, I. ex. Que fait l’ani887

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888

mal. Pourle P. Lagrangb, op. cit., le primitif ne distingue pas entre ce qui est mû du dehors, qu’il tient pour anime, et ce qui est mû du dedans (ab intrinseco), le vivant. Cf. op. cit. p. 7.

Et il a aussi raison d’affirmer l’existence d’êtres invisibles, d’esprits, d’un monde immatériel au dessus du monde matériel ; mais il se trompe dans la multiplicité, clans le mode d’action de ces esprits — ; et la magie devient la déviation et la corruption de la religion.

4°) Il a encore raison d’ébaucher dans la mythologie une métaphysique, une théodicée, une cosmogonie. C’est là surtout que se place l’animisme, effort de réllexion philosophique, tâtonnement de l’esprit. Et l’animisme, qui a peu de place dans la religion (suivant la distinction tenue pour essentielle par le P. Lagkanob, Et. s. les rel. sém., ), tient au contraire une place prépondérante dans la mythologie. <x Tout a été pour nous confus, tant que nous n’avons pas distingué entre la religion et la mythologie. Il nous a paru alors que l’animisme, facteur principal de la mythologie, n’a joué qu’un rôle secondaire dans la religion », p. 2. — La mythologie est un mélange de poésie, d’explication scientifique, de merveilleux, destiné à satisfaire l’imagination ; « il y a de tout dans la mythologie : de la théologie, de l’histoire, du conte, de la légende, de la poésie. » Là, l’animisme se donne libre carrière, peuple le ciel et la terre d’esprits, et leur prête des aventures merveilleuses, « c’est la vie de la tribu transportée par l’imagination dans la vie céleste ». Mais le non civilisé n’est pas dupe de sa poésie, de son mythe, et de tout ce merveilleux. « Le sauvage le plus obtus ne croit pas que le soleil est réellement un homme, la lune réellement une femme, les étoiles réellement des enfants, l’éclair un grand oiseau, le tonnerre un animal. Tout cela se dit sans doute, m ; ùs c’est « une manière de dire », jeu de l’esprit pour une large part, mais que le primitif se garde de prendre à la lettre. Lb Roy, op. cit., p. 77. De là, par suite, le caractère irrationnel et souvent immoral du mythe.

Ainsi l’animisme est le facteur principal de la mythologie, mais le sauvage n’est pas totalement diijie de son animisme.

5") Le primitif n’est pas nécessairement, ni universellement, ni principalement animiste à l’égard de la nature. — Si le non civilisé ne distinguait pas entre l’animé et l’inanimé, il serait au-dessous même de l’animal, remarque Spencer, et ce serait aussicontraireà l’hypothèse de l’évolution et de la continuité de développement. — Mais il distingue nettement entre les deux ordres : cette distinction est à la base de son langage, et par suite, de sa pensée. Cf. Lb Roy. op. cit., p. 81. — Cette confusion grossière ne saurait nécessairement coexister avec le développement rationnel déjà signalé, et plus encore avec les hautes idées morales et religieuses qu’il y aura à constater chez lui. — Seulement, derrière la réalité matérielle, il cherche une explication, une causalité, et souvent, d’aprèi sa propre expérience, il en fait une causalité personnelle, intelligente et volontaire comme lui, personne, non esprit. Et c’est en cela que le primitif n’a pas tort, même s’il se trompe sur la nature de cette causalité. Cf. L. de Ghandmaison, in Christus. c. 1, p. 13.

6°) Même si cet animisme primitif et universel existait, la religion ne pourrait immédiatement en dériver. — L’animisme aboutiraità la création d’esprits, peuplant le monde ; mais la croyance à cette existence des esprits ne saurait suffire pour que la religion en sorte. La religion implique toujours l’affirmation d’êtres supérieurs et d’une dépendance

à leur égard : 1e culte vient de la conviction de cette supériorité et de cette dépendance. Comment passer de l’idée d’esprit à celle d’autorité, du point de vue purement psychologique (animation des êtres) à leur culte (vénération de ces êtres) ? « Sans dépendance, point de religion ». « Quelle que soit la philosophie du sauvage, qu’il admette ou non pour les pierres une âme semblable à la sienne, il est certain qu’au point de vue religieux, il ne tient compte que d’êtres semblables à lui par l’intelligence et la volonté, qui peuvent agir librement dans la nature en « ’unissant plus ou moins étroitement aux corps ». Cf. Lagranob, op. cit., 10, 12. 10. Cette notion de dépendance, impliquée essentiellement dans la religion, s’oppose à ce que celle-ci sorte, soit du naturisme direct, au sens de A. Réville, Guyau, etc., soit de l’animisme ancestral, culte des morts (Spencer), soit de la magie (Frazer) Il y a du naturisme et de l’animisme dans la religion des primitifs ; mais c’est coexistence, et compénélration, non confusion.

La magie, en particulier, n’est pas l’action mécanique de l’homme sur la nature, au sens de Frazer ; elle se rapproche davantage de la religion, et souvent s’y mêle étroitement, comme l’ivraie et le froment croissent côte à côte dans le même champ, Cf. Bouvibr, op. cit., parce qu’elle s’adresse à des esprits, par des sacrifices, des incantations : mais ces esprits, elle prétend les a contraindre », par ses rites. Dans la magie, contrainte ; dans la religion, dépendance. D’où la différence essentielle entre les deux. Cf. Lagrangk, op. cit. La magie « a une petite idée des forces surnaturelles, tandis que la religion a du divin une grande idée » ; la différence « est une question de sens moral et religieux, et c’est pourquoi il y a un abîme entre la magie et la religion ». De même Mgr. Lb Roy, Rel. des prim., — Bouvibr, S. J., Sent, ethnol. relig. Mais elle ont une marche parallèle. Cf. Lagrangb, op. cit., p. 27.

Ainsi, ni l’animisme n’est la tendance caractéristique, primitive, essentielle du non civilisé, — ni la religion du sauvage n’est partout et toujours, ni originairement, la religion animiste, — ni l’animisme ne peut être dit, comme le veut l’évolutionnisme, la religion primitive de l’humanité. — A ces données de la psychologie et de l’ethnologie, l’histoire ajoutera les siennes. L’animisme n’est nullement à la base des grandes religions anciennes : Egypte, Chaldée, Chine.

9°) La mentalité du primitif révèle à l’observation un surprenant développement intellectuel, moral, religieux. — On nous avait montré dans le primitif un être à peu près sans intelligence, sans moralité, et sans religion. Toujours, suivant les nécessités de la logique de l’évolutionnisme. L’observation plus attentive aboutit à cette conclusion qu’un tel sauvage n’existe nulle part, que partout il y a une organisation familiale, une morale assez développée, et des idées religieuses surprenantes par leur élévation, sous la couche des superstitions et le voile des mythologies.

En une synthèse remarquable par sa netteté et l’importance de ses conclusions, Mgr Le Uoy a pu résumer les éléments communs qui « ici plu^ effacés, là plus distincts », subsistent chez les primitifs.

1) Distinction entre notre monde visible et un monde invisible. — 2) Sentiment de dépendance de l’homme vis à vis de ce monde invisible et supérieur, particulièrement dans l’usage des choses de la nature. — 3) Croyance en un Etre suprême organisateur et maître du monde, souvent connu comme père des hommes. — 4) Croyance en des esprits indépendants, les uns tutélaires, les autres hostiles. 889

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— 5) Croyance en l'âme humaine, distincte du corps, survivant à la mort. — 6) Croyance en un monde de l’Au-delà, où vive.t les esprits et les âmes désincarnées. — 7) Sens moral universel, basé sur distinction du bien et du mal, sentiment de la pudeur, de la justice, de la responsabilité, de la liberté, du devoir ; reconnaissance explicite ou implicite de la conscience. — 8) Pretcriptions et proscriptions en vue d’un but moral ou réputé tel : notion du péché, avec sanction appliquée par l’autorité du monde invisible ou tes représentants. — 9) Organisation cultuelle : prière, offrande, sacrifice, rites, cérémonies, symboles, etc., comme expression de soumission, de reconnaissance, ou de supplication.

— 10) Sacerdoce, d’abord représenté par le chef de famille, puis par des anciens ou des prêtres spécialement chargés des fonctions sacrées, puis par dis corps organisés. — 11) Distinction entre le Profane et le Sacré, affectant les personnes, les lieux, et les objets, les paroles, etc. — 1 a) Etablissement et organisation de la famille comme centre religieux et social, cherchant à conserver la pureté de son sang, s’imposant des lois, se distinguant par des marques tpéciales et se fortifiant par des alliances. Cf. Le Roy, Sem. Ethn. relig., i ie sess., if)13, p. 3 1 4—3 1 4 — Çhristus, c. 11. Il convient d’ajouter que cet ensemble d'éléments ne constitue pas une « religion commune » créée par certains, mais des « éléments primaires et fondamentaux de la religion ».

On le voit assez, le primitif actuel de l’observation est radicalement différent du primitif inintelligent, amoral et areligieux, imaginé artificiellement ou construit et minimisé pour appuyer l’explication évolutionniste. Sur la famille, la morale des noncivilisés, sur les Pygmées en particulier, regardés comme les plusanciens représentants de l’humanité, Mgr Lb Roy et W. Schmidt ont apporté des précisions qui ne laissent pas de surprendre grandement, tant elles s’opposent à ce qu’on était convenu d’accepter scientifiquement sur les Primitifs ; et à l’affirmation évolutionniste sur l'état entièrement inculte et misérable de l’humanité primitive (atteinte par l’ethnologie], Cf. Tyloh, Prim. cuit., A. Réville, Prolég., p. 5- ; , affirmation tenue pour légitime et Tulgarisée dans les manuels scolaires, on oppose la réalité, chez ces peuples si anciens d’idées religieuses et morales relativement pures ; — ailleurs l’on dira : des « données très pures et très belles », La Rel. des priai., p. 477, — fort simples sans doute, mais dégagées de beaucoup d encombrements superstitieux « et qui font de ces sauvages, si inférieurs au point de vue de la civilisation, des êtres religieusement et moralement supérieurs, non seulement aux populations noires, au milieu desquelles ils sont dispersés, mais encore, si invraisemblable que puisse être l’assertion, aux Grecs et aux Romains des meilleures époques ». — Et il est encore exact de soutenir que « la vie intellectuelle, religieuse, sociale, des non civilisés offre une complexité que l’anthropologie du dix-neuvième siècle n’a pas soupçonnée », Lbmonnybr, Rev. se. ph. et th., 1923, p. 64â. Sur l’arbre primitif ont poussé seulement des frondaisons parasitaires, superstitions, magie, mythologie, qui ont dissimulé aux regards d’observateurs inattentifs ou prévenus le vieux tronc primitif, en partie recouvert, ou étouffé.

III. Les recals progressifs de l'école anthropologique. — Les recherches patientes, désintéressées, objectives, des missionnaires, des voyageurs, d’ethnographes non inféodés d’avance à un système qui d’avance aussi déforme les faits, ont amené l'école anthropologique à démentir progres sivement ses premières conclusions. En 1 897, l'école anthropologique se déclarait « maîtresse du terrain » en face de l'école philologique, tombée dès lors en discrédit. Ving-cinq ans après, il est grandement intéressant de relever les démentis ou les a réductions » apportés par les faits à la théorie de l’animisme évolutif. Sur ces réductions à l'égard des thèses centrales de Lubbock. Spencer, Tylor, Mac Lennan, A. Réville, Robertson Smith, Frazer, etc. Cf. Pinard, L'étud. comp., p. 381, et Huby, Rec. se. Relig., 1 91 7, p. 3a7-350. Relevons en paiticulier quelques points plus importants.

1) Pas d'époque areligieuse dans l’histoire de l’humanité.— L’aflirmationde Lubbock, Letourneau, l.'évol. relig., Paris, 1898, G. le Bon et auparavant de G. de Mortillet et Hovelacque, etc. est en opposition avec tous les faits constatés. Partout et toujours l’humanité saisie dans l’histoire, observée dans l’ethnographie, reconstituée dans la préhistoire, se montre religieuse. L’observation faite par de Quatrefages sur l’universalité et la continuité du fait religieux est confirmée chaque jour davantage par les découvertes de l’ethnographie. L’homme est partout et toujours, à ses origines et en son fond, un être essentiellementreligieux. « Le système d’une époque sans religion, dit Jevons, An introduction to the hist. of Religions, 1906, est maintenant enseveli dans les limbes des controverses mortes ». Cf. L. de Grandmaison, Chrislus, c. 1, p. ai. « Aucun savant de quelque îenom n’oserait le soutenir ». W. Schmidt, L’orig. de l’id. de Dieu, p. 5-j.

a) Pas de religion non éthique ou de religion à ses débuts séparée d’une morale. — Par suite, pas d'état amoral primitif. Partout, suivant les observations sur les non-civilisés, une morale a été liée intimement à des croyanci s et à des rites religieux ; morale sociale, familiale, et même individuelle, et pour celles-ci, « beaucoup plus que les germes, mais quelques-uns des linéaments caractéristiques ». Cf. Lbmonnybr, O.P., op. cit., p. 168. En particulier, pas de peuples sans une organisation familiale précise, souvent compliquée parles réglementations sévères, monogamie ou polygamie, mais celle-ci régie par des lois ; d’où, nulle part cette promiscuité grégaire que l’on suppose tout au début n’est observée. Au contraire, on saisit sur le vif des règles morales imI ératives à propos du vol, de l’adultère, de l’homicide, etc. — Les règles morales sont ordinairement données dans les fêtes religieuses de la naissance, de l’initiation à l’adolescence, de la mort, etc. Aussi la morale et la religion sont si étroitement unies qu’elles paraissent se confondre. — Sous la différence, la variabilité parfois déconcertante des applications et des déformations (esclavage, infanticide, sacrifices humains, etc.), les Noirs, a-t-on pu dire, ont une morale, « dont la base est au fond exactement la même que celle accusée par la conscience de l’espèce humaine tout entière ». Cf. Mgr Ls Roy, La rel. des pr., p. a54 ; Lbmonnybr, O. P., Sem. ethn. relig. 1913, « Religion et morale » p. 166169, Rev, du cl. fr., i « r nov. 1912 ; Bhos, La surviv.de l'âme chez les peuples non-civilisés, Paris, 1909. — La plupart des pratiques immorales sont souvent unies non à la religion, mais à la magie, contrefaçon et ennemie de la religion, voulant obtenir sans Dieu et contre Dieu les résultats que l’homme est impuissant à produire, contrefaçon aussi de la morale religieuse. On a ainsi attribué à tort à la religion des non-civilisés ce qui se rattache à la ma nie. — Enfin ces pratiques morales sont souvent reliées au culte de l’Etre suprême, dont il sera question par la suite.

3) Pureté plus grande de la morale et dépendance plus grande de la religion chez les plus primitifs. — 891

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A l’enconlre de l’école évolulionniste, la morale ne va pas en progressant nécessairement avec le développement de la civilisation chez le Primitif. « Les Négnlles, qui dans l’échelle du progrès se sont arrêtés aux tout premiers échelons, ont une morale spéculative et pratiqué certainement supérieure à nombre de populations africaines relativement civilisées. Cf. Mgr Le Roy, op. cit., p. aô5 ». — Dans ces tribus, la famille est ordinairement monogame, et l’organisation familiale beaucoup plus étroite et plus respectée. Même constatation pour les peuples les plus inférieurs. Cf. infra.

4) Pas de développement religieux de l’humanité unilinéaire, rectiligne, progressif, suivant le schéma évolution/iiste. — On se souvient de l’ambition sans limites des théories évolutionnistes : sous les religions découvrir la religion et la loi unique de son développement dans l’humanité ; progrès continu vers le monothéisme éthique. Or, une morale existe au point de départ ; même démonstration sera faite pour le monothéisme. En sorte que l’évolutionnisme religieux croule sur ses deux postulats fondamentaux. — De plus, aucun accord n’a pu intervenir entre les évolutionnistes sur les étapes nécessaires de ce développement. Pour Tylor, animisme, fétichisme, polythéisme, monothéisme. Pour Lubbock, athéisme, fétichisme, naturisme, idolâtrie. Pour Tiele, animisme, spiritisme, fétichisme. Pour A. Réville, naturisme, animisme, fétichisme, etc. PourSal. Reinach, totémisme, zoolatrie, dendrolatrie… Aucun de ces cadres purement logiques ne s’est trouvé vraiment d’accord avec les faits. — Le développement religieux se fait lui-même souvent par dégradation : substitution de l’animisme au monothéisme, d’une morale plus grossière à une morale plus élevée. En sorte que la succession des phases religieuses dans un peuple, sinon dans l’humanité, ne montre nullement le progrès nécessaire au sens de Tylor, Spencer, Réville, mais souvent les déviations, les déformations, les dégénérescences. (Pas de loi unique d’ailleurs dans cette dégénérescence religieuse ; erreur contraire de certains apologistes sur ce point).

5) Pas de développement synchronique et parallèle de la religion et de la mythologie. — L’étude comparée des religions montre sur le vif la relation inverse de ces deux éléments, si souvent confondus en raison de leur compénétration. C’est la remarque de A. La.no, dans la seconde phase de son système religieux. The making of Religion, Londres 1898. Enchaque peuple, d’après les observations del’ethnographie, il y a coexistence d’un élément supérieur, annulation d’un « père », d’un « maître », d’un

« auteur des choses », et d’un élément inférieur

grossier, parfois, sinon souvent, obscène, l’élément mythologique. Entre ces deux éléments existe un a contraste frappant », l’un prenant sa source dans la raison, l’autre dans les tendances imaginatives et passionnelles. « Ces deux courants existent simultanément et se font concurrence dans l’histoire de l’humanité. Mais ils se développent en senscontraire, les données religieuses primitives et la morale qui en dépend étant progressivement diminuées, sinon presque étouffées, sans jamais disparaître entièrement, sous le développement luxuriant et presque toujours luxurieux de la mythologie ». Cf. Schmidt, L’orig. de l’idée de Dieu, p. 771. Dansle même sens, Lagrange, Etud. sur. relig. sém., p. 28. — La Roy, Christus, cit., p. 88 : les Romains et les Grecs ont une religion v plus chargée, mais moins épurée » que les Assyro-Chaldéens, ceux-ci des croyances moins élevées que les Egyptiens, ceux-ci, àleur tour, des pratiques plus nombreuses et plus compliquées que celles des Négritiens et des Bantous, ceux-ci à

leur tour t des données religieuses plus diffuses et moins simples, et dès lors moins claires que les Pygmées, dont la pauvre imagination n’a rien trouvé pour enrichir le fonds dogmatique et moral qu’ils emportent dans leur vie errante ». Que nous sommes loin du tableau évolutionniste du développement religieux dans l’humanité !

Ainsi l’ethnographie saisit sur le fait et la simultanéité des deux éléments, religion et mythologie, et leur distinction essentielle et leur développement inverse. L’ethnographie joue ici le rôled’une expérimentation qui dissocie deux éléments jusque-là confondus. Et elle arrive, par cette dissociation, à mieux dégager la vraie nature de la vie religieuse.’6) Pas de religion sans relations avec des Êtres supérieurs. — L’école sociologique, on s’en souvient voulait éliminer de la délinition de la religion la croyance à des êtres spirituels, croyance reconnue cependant comme indispensable à la religion même par Tylor, Prim. Cuil., 1, 491, mêmepar A. Réville, Prolégomèn., p. 34, même par Frazer, Gold. liough, I, 30, 3a, etc., parce que cette idée de « dieux » serait absente de certaines religions, ou en d’autres religions plus développées ne jouerait qu’un rôle effacé. « Voilà donc une portion considérable de l’évolution religieuse quia consisté en somme dans un recul progressif de l’idée d’être spirituel ». Durkiibim, Les form. élém., p. 4 », 2^3, 485. Et c’est pourquoi la religion répondrait dès ses débuts à la perception confuse de la vie sociale, se transfigurant sous la forme du sacré. — Sorte de préanimisme sociologique. L’individualisation des êtres supérieurs représenterait une étape tardive.

D’autres, avec Frazer, mettent au point de départ de l’évolution un préanimisme magique ; avant l’apparition des dieux et avant la religion, existerait un ensemble de procédés de contrainte infaillible et anormale, par une vertu transcendante, s’exerçant sur les choses, avant d’atteindre les êtres. Le fait initial ne serait donc plus l’animisme, mais le magisme : d’où le nom de préanimisme magique, pour caractériser cette période. Cf. Fkazkr, Golden Bough, Londres, trad. franc, sur a* édit. Strébel et Toutain, 1 900 ; dans le même sens, Hubert et Mauss,

« Esquisse d’une théorie générale de la magie », 
« Ann. Sociolog. », Paris 1904 et « Mélangés d’histoire

des religions », Paris, 1909, ramenant cette force impersonnelle à la vie sociale. Cf. F. Bouvier, Dict. Apol., art. Maoïsme.

D’autres, moins nets, font de cet élément d’abord perçu, une force semi-personnelle, assez vague, à l’égard de laquelle magie et religion seraient confondues, sorte de « théuplasme ou d’étoffe de dieux » d’après Hartland, et reconnue comme juste par R. Marett. Cf., sur ces nuances de prémagisme, W, Schmidt, l’orig. de l’idée de Dieu, p. a44->58 ; F. Bouvier, Rech. se. relig., 191 1 ; 77-74 » 1912, 167-200 ; Sem. eth. rel., 191 3 ; p. 13g-150 ; A. Lang, Magic and Religion, 1901, « Preanimistic religion » in Contemporary Review, 1909. J. King, The supernatural, its Origin, Nature and Evolution, a vol., London, 189U, serait, suivant Schmidt, « l’auteur classique de la magie préanimiste » ; avec des nuances très variées (linement ai alyséas par Schmidt et Bouvier), King, Marett, Preux, Leckman, etc., substituent à l’idée d’esprit ou de dieux un quelque chose plus objectif, mais vague, capable d’être interprété soit dans le sens panthéiste en des civilisations plus élémentaires, soit en individualités supérieures, chez des peuples plus cultivés Le point d’accord dans ces explications divergentes est la substitution de la magie à l’animisme, an début de la religion, et d’une réalité anonyme.nix êtres spirituels et individuels. 8'J3

RELIGION : THEORIES PSYCHOLOGIQUES

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D’autres retournent à un naturisme, plus ou inoins mystique : saisie de la nature, et adoration de sa force et de ses phénomènes anormaux, ou vague peiceplion d’une unité du monde, conçu comme vivant ; panthéisme, résultant tardivement d’une élaboration philosophique que l’on attribue à la pensée du primitif. Le primitif percevrait quelque chose qui ressemble sans doute au cvntinuiim de Bergson.

, /)Mais au point de vue de la psychologie, la magie apparaît comme la déviation de la religion, l’effort de l’homme pour arriver à contraindre la natu re sans passer par Dieu.

b) Historiquement, les religions de l’Inde, de l’Egypte, ne connaissent pas cette « nébuleuse magicoreligieuse indifférenciée », mais l’aflirmation d'êtres supérieurs.

c) L’ethnologie, de son côté, incline à poser cette loi, qui est le renversement de l’hypothèse prémagiste : plus est dcvejoppé, dans une société inférieure, le culte de l'Être suprême, moins il y a de magie. Cf. F. Bouvier, Sein. Ethn. rai., 19 1 3, p.i^o 14 « j. — Cf. art. Magismr

d) Il n’y a religion, en fait, que s’il y a sentiment de dépendance, et celui-ci n’existe que par l’aflirmation d’Etres personnels et supérieurs. En dehors de la reconnaissance de cette personalité et de cette supériorité, il peut y avoir une philosophie, élaboration abstraite, pour quelques-uns, non une religion concrète, spontanée, vivante, eflicace.

7) Existence d’un monothéisme primitif. Affirmation il Etres suprêmes, chez les peuples de la plus basse civilisation, cl de la plus lointaine ancienneté. — C’est là, de beaucoup, , le plus intéressant résultat de l’ethnographie contemporaine et par où, d’une façon surprenante, elle vient compléter les arguments du philosophe spirilualiste, — peut-être aussi la thèse de la théologie catholique. Par l’aflirmation de cette priorité du monothéisme, « l’animisme, qui veut le regarder comme le produit iinal d une longue évolution, est frappé mortellement dans une de ses principales thèses ». Schmidt, op. cit., p. 67.

Cette priorité du monothéisme primitif, la philosophie spiritualiste la tenait pour possible et pour ré'lle. En distinguant entre connaissance spontanée et connaissance réfléchie ou métaphysique de Dieu, entre ailirmation de son existence et connaissance explicite et systématique de sa nature, le spiritualisme soutenaitque l’application du principe de causalité, et par lui l'élan naturel et spontané de l’intelligence, aboutit à l’aflirmation d’une Première Cause, d’un Auteur du monde… Il ne s’agit pas là d’une abstraction savante, mais du mouvement vivant et spontané de l’esprit, et de sa métaphysique naturelle. Aussi bien, ce passage par l’homme de sa causalité propre et de l’expérience de ses limites à une causalité universelle, transcendante, est-il un simple prolongement ou une interprétation priruesaulièt c de son expérience — à rencontre de LévyBruhl, La mentalité primitive, 1922, écartant du primitif actuel l’interprétation des causes, et la pensée discursive, pour le réduire à un pur intuitif, et de ceux qui, accordant la connaissance de la causalité, refusent d’admettre cet élan de l’esprit, raisonnement, non-intuition, jusqu'à la causalité première. Aux objections de l’animisme ou du sociologisme, sur l’impossibilité philosophique d’un monothéisme primitif, Lagrange répond justement : a Nous ne supposons aucune civilisation chez l’homme primitif, mais il faut lui reconnaître des facultés rationnelles, si peu exercées qu’elles soient. Nous deman B seulement pour l’homme primitif une certaine solidité de l’esprit et ces quelques idées simples que

Renan abrite sous la tente du nomade et qui ne sont l>as la civilisation », op. cit., p. a3.

Les théologiens à leur tour insistaient, après le Concile du Vatican, Const. Dei Ftlius, c. ii, sur la capacité radicale de cette connaissance ; — sur larcalité de cette connaissance chez les païens, Hom., i, 20 ; — sur le fait de la connaissance deDieu, résultat delarévélation primitive ; — sur le fait delà dégénérescence progressive de ce monothéisme. Et ce sont j là mérites éminents et services signalés rendus à la science des religions, comme le reconnaît W. Schmidt. Mais cet auteur reprochait aussi, et non sans vivacité, aux théologiens et aux apologistes, leur méconi naissance trop grande du mouvement scientilique I actuel, en particulier des conclusions actuelles de l’ethnologie religieuse, leur insuflisante préparation sur ce point, leur effort perdu à réfuter des théories religieuses anciennes et abandonnées ; par contre, leur ignorance des travaux de l'école anthropologique, des objections tirées de la diffusion de l’animisme chez les peuples primitifs. — Et il leur reproche aussi de méconnaître les services que la méthode ethnologique historique (celle des cycles culturels) a déjà rendus en utilisant contre l'évolutionnisme les recherches ethnologiques étudiées plus scientifiquement.

En particulier, il leur reproche de ne pas avoir utilisé contre l’animisme évolutionniste les arguments surprenants et décisifs fournis récemment par l’ethnologie sur la réalité et la persistance de l’idée d’Etre suprême chez les peuples de plus basse civilisation et de plus grande ancienneté.

Ces arguments nouveaux — confirmant des témo’gnages anciens qu’on avait récusés de parti-pris ou passés sous silence (ainsi pour Tylor, A. Réville, etc), ou dénaturés —.apportés par A. Lan gaufrefois le plus brillant défenseur de l'école anthropologique, devenu maintenant (f 1912) devant la loyale observation de ces faits, l’intrépide défenseur du monothéisme primitif et, dit-il, lui-même « un paria » de l’Egliseanthoropologiqueontprovoqué à la lettre

« une véritable révolution dans la science des religions », suivant le mot juste de W. Schmidt. — Depuis lors, les enquêtes se sont multipliées, les arguments nouveaux se sont accumulés ; et devant cette

masse d’oservations sur les non-civilisés, dans les diverses parties du monde, si la thèse du monothéisme primitif, en contradiction totale avec le système de l’animisme primitif, n’est pas encore définitivement victorieuse, du moins s’impose-t-elle à l’attention, à la critique, gagne-t-elle tous les jours de nouveaux adhérents, en attendant d'être, et sous peu, en science des religions, la vérité définitivement acquise. Cf. sur ces résultats progressifs, en dehors du livre capital de A. Lang, The making of religion. 1898, du même auteur : article « Dieu » dans Encrclopédia of religion, de Haslings ; La Roy, liel. prim., Chriitus, c. 11, Sein. Eth. relig. c. xiii « Culte de l'Être suprême chez les non-civilisés », les travaux déjà cités de W. Schmidt, prolongeant avec une grande pénétration critique la démonstration de A. Lang, les nouveaux témoignages recueillis et ordonnés par Huby, S. J. liée se. rel., 1917. « La croyance à l’Etre suprême chez les non-civilisés », p. 3a8-35a. Résumons les conclusions qui paraissent se dégager nettement de la masse de ces faits.

a) Chez les non-evilisés, derrière l’animisme, le naturisme, le totémisme, les fétiches, les tabous, etc., à l’arrière-plan, réelle, mais vague et imprécise, domine à peu près partout l’idée de Dieu, d’un Etre suprême. Sous les noms divers qui lui sont donnés, les attributs qui lui sont reconnus sont des attributs propres à la Divinité. — Le vocabulaire lui-même 895

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est très significatif : Dieu est appelé chez les Noirs, le Puissant, l’Invisible, l’Organisateur, le Maître, le Néant, Celui d’en haut, etc. — S’il ne faut pas demander aux non-civilisés une métaphysique abstraite, cohérente, une théodicée systématique, du moins trouve-t-on chez eux des affirmations sur ce Maître, cet Organisateur, ce Père de tous. A. Lang conclut à la présence de cet AU Fatherism, — de cette Paternité universelle de Dieu chez la plupart des primitifs observés : notion élevée de Dieu, et affirmation d’un réel monothéisme.

b) Ce monothéisme ne peut être le résultat d’emprunts ou d’une importation chrétienne (explication de Tylor et de quelques disciples obstinés). Au point de vue ethnologique, 1 existence decette idée de Dieu s’est révélée plus ancienne que l’apparition des missionnaires, indépendante de toute importation, et d’une extension inexplicable par des influences particulières. Cette idée de Dieu est autochtone et primitive. Vérité à peu pré » aujourd’hui reconnue de tous. Eu fait, pas de fétiche de Dieu. Les Noirs en particulier ne sont pas polythéistes.

c) Cette idéede Dieu, en certains peuples, apparaît comme recouverte et en partie étouffée par le développement luxuriant des mythologies, des cultes secondaires ; l’idée de Dieu est ainsi devenue moins nette, on s’est rapproché du culte de l’ancêtre ; elle se montre aussi moins efficace sur la conduite. Ceci suggère qu’il y a eu, chez ces peuples, une dégénérescence de l’idée de Dieu, non pasdisparue, mais en partie effacée, comme ces fresques à demi détruites sous la peinture qui les recouvre et que l’artiste met parliellementàdécouvert(comparaisondeHuBY, op. cit. — Le langage témoignerait chez certains peuples de cette dégénérescence de l’idée de Dieu : chez les Bantous, les langues sont plus précises, plus significatives dans la désignation de Dieu et de ses attributs, que ne le sont généralement, à l’époque actuelle, dans l’expression de leurs croyances, les peuples qui les parlent. Cf. Lb Roy, Bel. des Pr., p. 1 8 1. Ceci serait une preuve négative en faveur du monothéisme primitif, preuve que W. Schmidt regrette de ne pas voir mieux exploitée et plus développée. A. Lang a montré cette dégénérescence chez les Aruntas. Cette loi de dégénérescence est expliquée de même par Hcby, Iïec. Scien. relig., 1917, art. cité.

rf)Par contre, et ici l’argument paraît tout à fait décisif, cette idée de l’Ail Father, comme dit A. Lang, du Père de tous, est singulièrement plus nette, plus précise, plus commune, plus pure aussi d’éléments mythologiques, chez les peuples tout à fait inférieurs, tels les Négrilles et les Negritos, qui, par leur civilisation tout à fait rudimentaire, paraissent représenter les éléments les plus anciens de l’humanité. — Voir Mgr I.E Roy, Rel. ptim.

W. Sehmidt, utilisant la méthode dite des cycles culturels, a montré avec une grande précision de spécialiste, — par la comparaison des armes, de l’habitat, des organisations familiales, sociales, etc. —, que les peuplesoù la notion de Y AU Father est plus nette appartiennent aux couches ethnologiques les plus anciennes. Le développement religieux n’est donc pas lié au développement social, comme le voulait l’école anthropologique. La notion de Dieu chez ces peuples précède tout animisme et tout culte des esprits : l’animisme, même psychologique, n’est donc pas le fait primitif, ni la caractéristique de l’état mental du sauvage. D’où la loi posée par A. Lang : The more aniinism, the less AU Fatheriêm : plus il y a d’animisme, plus décroît la notion du Père de tous.

La science des religions, interprétée dans le sens

évolutionniste, n’a donc pas rencontré dans l’ethnologie l’arme nouvelle et décisive contre le christianisme, arme moderne, critique et scientifique, plus puissante, selon Sal. Reinach, que la raillerie de Voltaire et l’impiété du xviir* siècle. Comme toute science, l’ethnologie, devenue l’instrument préféré de l’histoire des religionsconçue dansun sens athée à son tour, vient déposer en faveur de Dieu. Cf. Pinard S. J., Rev. de ph., 1911. « Le monothéisme primitif ».

e) Cette idée de Dieu, chez les non-civilisés, ce monothéisme primitif, atteint par l’ethnologie, peut s’expliquer philosophiquement. L’homme, à partir des faits de la nature, par le seul et primitif élan de l’esprit, s’appuyant sur la causalité, comme on l’a déjà dit, peut arriver par ses propres forces à cette notion d’un Etre suprême, d’un Maître de la vie et de la mort, d’un Auteur du monde. Dans ces faits simples et journaliers, dans ce raisonnement simple, dans ce résultat simple, quoique sublime, il n’y a rien qui dépasse en soi les forces de l’intelligence humaine, même chez les primitifs. La philosophie peut en soi suffire à expliquer ce paradoxe que l’histoire nous montre, « d’une religion moinsparfaite chez les contemporains de Platon et d’Aristole que dans les misérables campements des Pygmées équatoriaux ». Huby, op. cit., p. 351.

/) L’ethnologie ne nous permet pas de nous prononcer sur l’état initial de l’humanité et son développement religieux. Elle ne nous autorise pas à passer, par simple analogie, ou par l’affirmation de l’identité, de l’état actuel des peuples non civilisés, primitifs actuels, à l’humanité primitive. L’équation : sauvage =j : primitif, est une hypothèse de l’évolution, non une donnée de la science ; il n’y a pas un type sauvage, une mentalité sauvage, en soi : abstraction, ou interprétation des faits ; de multiples constructions ont été tentées ainsi, à partir de ces faits, mais constructions : même dans l’hypothèse de la stagnation, arrêt de développement chez les non-civilisés, combien de siècles inconnus qui les précèdenll Impossible donc de passer, par affirmation d’une identité problematique.de ces sauvages aux vrais primitifs. De son côté, la Préhistoire avoue son impuissance à nous renseigner. Pour cette histoire primitive, beaucoup de feuillets manquent, a t-on dit justement, et ce sont les premiers. Lbmonnybr, « La préhistoire et la méthode ethnographique », //. des se. ph. et th., 1920, p. 72-102, et Les religions de la préhistoire : L’âge paléolithique, Picard, 1921, c. ni. Et l’ethnographie au service de la Préhistoire, est un instrument, un auxiliaire, une interprétation : non suppléance ou observation directe. — Cf. Sem. Eth. relig. l Te sess., Schmidt : « Phases principales de l’histoire de l’ethnologie », et « La méthode de l’ethnologie » — et Lemonnybr, traduction et adaptation de Schmidt, La révélation primitive et les données actuelles de la science, Paris, Gabalda, 1914.

Enfin, et pour certains, par la présence de ces idées d’Etre suprême, chez les peuples les plus inférieurs, par l’étude de cette dégénérescence de l’idée de Dieu et de la floraison progressive de la my’.hologie et des cultes secondaires, par l’histoire aussi, qui montre toujours le polythéisme sortant du monothéisme et jamais le contraire, Lagranob, op. cit., intiod., tout se présente 4 comme si l’espèce humaine s’irradiant d’un point commun sur lequel elle aurait apparu, à une époque que la science est impuissante à fixer d’une Façon précise, avait été mise en possession d’un fonds de vérités morales et religieuses, avec les éléments d’un culte, le tout prenant racine dans la nature même de l’homme, s’y conservant avec la famille, s’y développant avec la société, 897

RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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et donnant peu à peu, suivant les mentalités particulières à chaque race, sa portée intellectuelle, les conditions spéciales de u vie, ces formes à surfaces variées, mais fondement ilement identiques, que nous appelons les religions ; religions aux |uelles partout et toujours, dès le principe, les viciant, les déformant, les détournant de leurobjet, se sont attachées les anthologies, les superstitions elles magies ». Lb Roy, La rel des prim., p. 486.

Ainsi, l’ethnologie, complétée par l’histoire, dépassant les faits, et s'élevanft par une vue d’ensemble du développement religieux jusqu’aux débuts de l’humanité, présenterait la révélation primitive, que la foi allume certaine, comme étant.au point de vue scientifique, l’hypothèse la plus vraisemblable, la plus explicative, la plus conforme aux faits. Cf. Lemonnyer, La Révél. primitive.

L » s savants catholiques, et le principal et le plus remarquable ethnographe catholique, le Père Schtnidt, n’avaient pas tort de voir dans la découverte de VAll Fat In- ris m de A. Lang une « révolution dans la science des religions », un fait d’une i immense portée > et, ajoutons-le, le coup mortel pour les constructions rigides de l'évolutionnisme athée et pour tout le système artificiel, a priorique et anti-chrétien, de l'école anthropologique.

IV. Utilisation de la méthode comparative. — La méthode comparative, on l’a vii, est l’instrument de choix de l'école anthropologique. Le rejet des explications de cette école n’entraîne pas nécessairement avec lui la négation des avantages et de la légitimité en soi de la méthode comparative. Mais à la condition de l’appliquer autrement.

I. Erreurs de l’application de la méthode

comparative dans la théorie évolutionniste.

i) Solidarité établie à tort entre l'évolutionnisme et la méthode comparative. L’animisme évolutif revendique cette méthode comme sa méthode propre, et la preuve scientifique de sa vérité. En réalité, l’utilisation de cette méthode est dominée par une philosophie : mais autre chose est comparer les faits religieux en des sociétés différentes ; autre chose, interpréter ces faits en un système. La méthode omparative est donc légitime, si elle présente des faits, suggère des hypothèses : non, si l’observation est déjà commandée et faussée par cette hypothèse a pru/ri. Un instrument, un instrument précieux, mais délicat à manier, une méthode, non une doctrine ; une méthode de rapprochement, non une doctrine d’assimilation des religions.

a) Passage illogique d’analogies à des affirmations d’identité. Des faits religieux, vus du dehors, en des sociétés différentes, peuvent présenter des caractères assez rapprochés, tandis qu’au dedans, ils diffèrent profondément. D’où abus de négliger ces différences essentielles pour ne voir que desressemblances extérieures oudes ressemblances intérieures partielles ou analogies. Ex : la communion, dans la religion chrétienne, interprétée par le totem : Sax. Rkinach. Cuit, iml. rel., V ; de même, tout sacrifice expliqué par le totem…, également « survivances des sauvages ».

3) Isolement artificiel d’un fait, de son milieu social. Un fait religieux, dans un milieu social donné, peut avoir sa signification distincte ; la même explication nepeut être transportée telle quelle, en des milieux dilférents. Cette objection de Di 'rkiieim, /.es n. de la rel., est à retenir, comme exacte.

Erreur d’un système qui conduit à « découper » artificiellement un fait dans son milieu historique.

i) Induction erronée d’un fait à une loi générale.

! *e quelques cas observés en des sociétés religieuses, 

Tome IV.

il est illogique de dégager la loi de son universalité : exemple suggestif, à propos de la généralisation hypothétique et a priorique du totémisme, observé en quelques sociétés, et attribué à toutes les sociétés :

« tous les peuples, dans toutes les sociétés ont passé

par le totémisme » ; la généralisation du matriarcat, forme isolée de la famille. Cf. Laghangk, op. cil, t p. G. Le fait initial choisi, totémisme, animisme, devient la « clef bonne à ouvrir toutes les serrures », de même pour le manu des Mélanésiens, compris comme impersonnel, et placé partout par le prémagisme.

5) Substitution des suppléances à l’observation des faits. La ruéthodecomparalive, dit-on, peut suppléer au silence ou aux lacunes de l’histoire : en transportant des éléments religieux observés en une société à une civilisation semblable, en restituant, en reconstruisant ; de même pour la préhistoire religieuse, reconstituée à partir de l’histoire religieuse et de l’ethnologie. Cette suppléance, cette reconstruction, risque d'être la pure application d’un système, substitué aux faits. Création, non observation. Cette application suppose arbitrairement que toutes les sociétés passent par les mêmes stades d’organisation sociale : d’où la « paléontologie sociale », dont Sal. Rpu&ci, Cultes, Mythes, Religions, t. I, p. 84, soutient la légitimité, etqui autoriseraità parler, selon lui, du totémisme ou du matriarcat des Grecs et des Celtes, malgré le silence et les démentis de l’histoire. — Thèse sous-entendue : identité de l'évolution dans les divers groupes ; ici encore, vue philosophique, non donnée scientifique.

6) Passage des cas anormaux aux cas normaux. On sait commentla psychologie physiologique, (école de Riljot) a constitué une psychologie normale avec de l’anormal. Le même danger est à craindre pour la psychologie et la sociologie religieuses, dans l’emploi abusif de la méthode comparée : confusion de la mythologie, fait accidentel et secondaire, avec la religion, fait essentiel ; ou identification de la magie et de la religion.

7) Identification arbitraire et totale du non-civilisé et du primitif : l'équation : sauvage — primitif. On l’a vii, ceci est une vue philosophique — et de la philosophie évolutionniste, — non une démonstration appuyée sur des faits. Prolongement en arrière d’une explication du développement religieux de l’humanité.

8) Assimilation arbitraire et initiale de toutes les religions : d’où résulte par avance l’exclusion de tout transcendant. Aucune religion, et en particulier la religion chrétienne, ne peut être une religion à part, privilégiée, surnaturelle : elle doit avoir la même origine, la même explication ; elle n’est qu’un moment du développement religieux. Ici encore, évolutionnisme initial et radical, qui précède les faits, leur observation loyale et objective, et fausse la méthode.

II. — Avantages de la méthode comparative, sous les réserves précédentes.

i) Extension à la science des religions de son utilisation normale en d’autres sciences : géologie, biologie, philologie, etc. ; en ces sciences, cette méthode a rendu de vrais services. Il peut en être de même ici, à s’en tenir aux vraies règles de la critique scientifique.

2) Mise en valeur des faits religieux par leur rapprochement, aux trois stades d'étude de ces faits, o Au premier, hiérographie (observation des faits), elle fait saillir analogies et anomalies ; elle aide à mieux observer et à mieux comprendre. Au second, hiérologie (découverte des lois), elle supplée

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aux tables de présence, d’absence et de variations concomitantes de l’expérimentation libre. Au troisième, hiérosophie (explication et interprétation des faits), elle aide à reconnaître l’accessoire et l’essentiel ». Cf. Pinard, Sem. Eth. rel., ig13. « La méthode comparative », p. 66 sq. — Arilhropos, 1910, p. 536 sq. « Quelques précisions sur la méthode comparative ».

3) Utilisation apologétique en faveur de la’transcendance d’une religion. La conclusion sur cette transcendance n’est pas affaire de la méthode comparative, mais de la philosophie ; la méthode comparative, par ses rapprochements, met en valeur, dans la religion chrétienne, des éléments nouveaux, représentations, croyances, rites, irréductibles à d’autres ; un mode d’origine, de développement, d’action, nouveau, supérieur, étranger, par rapport aux autres. De cette spécialité, de cette supériorité, ainsi constatée, la philosophie conclura à une transcendance, à un surnaturel, à un divin. La méthode comparative et la science comparée des religions retourneront, après une enquête plus approfondie, conduite selon les règles de la plus rigoureuse méthode scientifique, à confirmer à ce qu’un hardi initiateur de l’histoire des religions avait déjà fait en faveur de la transcendance du christianisme. Cf. Adbr de Broglib, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 3" éd., 1885.

II. Théorir du subconscient, ou de la conscience subliminale : (Myers, W. James, Delacroix, Segond, Pierre Janet, etc.)

Exposition. — Ce système a été surtout appliqué à la religion par W. James (-f- 191 o), dans son livre célèbre Varieties of religions expérience, 1902 — trad. franc., par Abauzit, L’expérience religieuse, Alean, 1906, — le plus In peut-être des ouvrages de philosophie religieuse contemporains.

L’aut'-ur s’applique à l'étude des faits religieux, en tant qu’ils vivent d’abord dans la conscience — Les religions sont avant tout des états de conscience, des formes de vie intérieure, avant de se prolonger au dehors dans les manifestations sociales. Il faut donc commencer par analyser ces expériences. Le psychologue ne peut les saisir qu’en lui-même, dans sa conscience, ou à travers les confidences du sujet, récits, analyse*, autobiograpliies de ceux qui les ont éprouvées. Cette documentation est immense. James emprunte les faits à toutes les religions, avec une richesse surprenante de citations et une égale sympathie pour toutes les formes religieuses ; pour lui, toutes sont également des expériences.

Jccord de cette méthode avec sa psychologie générale. — Sa psychologie vise d’abord au concret, au vivant, à l’homme individuel. Cf. Précis de psychologie, traduct.du Text-book of psychologr, London, 1908, introd. Baudin, Rivière, 1910. — Pour étudier cet homme concret, il remet en honneur l’introspection, si décriée par le positivisme, le sociologisme, la psycho-physiologie. Il y a, dit James, une originalité irréductible des faits de conscience(à rapprocher sur c ? point de Bergson et ses Données immédiates de la conscience) ; la psychologie doit s'étudier comme une science naturelle. Les éiats de conscience ont leurs conditions constantes dans certains phénomènes physiologiques, « hypothèse fondamentale, hypothèse du chevet et trame de ce livre ».Mais cette corrélation ne doit pas s’entendre d’une identification (contre la psychologie matérialiste). — Les faits de conscience sont des synthèses, essentiellement vivantes, mouvantes, individuelles, c’est de celles-ci qu’il faut partir pour dégager les éléments premiers.

Application religieuse de la méthode. — La vie religieuse se présente d’abord comme une expérience intérieure : d’où nécessité de la psychologie, avant l'étude des institutions, culte, etc. ; ces faits ont leur originalité indélinie en chacune des conscien ces : d’où les variétés de l’expérience religieuse et la nécessité d’en tenir compte, contre les théories a priori, générales ; pas de sentiment religieux uni que et identique. — En chacun des croyants, le senti ment religieux n’est pas un élément unique ; pas d'émotion religieuse qui serait une entité spéciale elle implique toutes les impressions, les sentiments et les actes de l’individu, dans sa relation avec le divin ; dans cet ensemble qu’est l’expérience reli gieuse, l'émotion, le sentiment, l'élément affectif représente ce qui est fondamental ; la croyance est surajoutée, accidentelle, postérieure ; l’expérience religieuse se rapporte à un divin, non nécessaire ment à une divinité concrète : à l'égard de ce divin, il suffit d’une attitude sérieuse, tendre ; les expé' riences religieuses se rapportent à deux types fon damenlaux : type optimiste : confiance, joie, exal talion ; et le type pessimiste : sentiment du péché, désir de la délivrance, etc.

L’Explication des faits, par l’adoption de l’hypo thi’se de Myers. — La découverte de Myers, en 1886, sur l’existence de la subconscience, serait le plus grand progrès de la psychologie contemporaine. La méthode scientifique, et économique demande dt l’appliquer aux fai : s religieux. Il y a en nous des idées, sentiments, qui s’organisent en groupes, an dessous de la conscience claire ; cesgroupes fontpar fois irruption dans cette conscience, brusquement à l’ordinaire, ils expliquent le caractère, nos motifs secrets d’action. Le moi plonge ses racines dans ce moi subliminal, n’en manifeste qu’une partie res treinte.

Ce subconscient rend compte de la vie religieuse et de ses manifestations intérieures. La prière réussit : elle apporte conlianee, joie, surcroît de force, pénétration du subconscient en nous, expérience d’une union avec un transcendant, un plus grand que nous ; les faits mystiques, illuminations, extases, paroles intérieures : tout autant de révélations du subconscient ; les conversions lentes, et surtout les conversions soudaines : manifestation d’une incubation lente, suivie d’une explosion soudaine au jour de la conscience. Ainsi la psychologie ie.igieuse se relierait à une loi de psychologie générale.

Critique — A. Ses mérites. — 1) Elle reconnaît la réalité des faits de conscience et l’expérience rcli gieuse. — Ainsi s’oppose-t-el !e au système sociolo giqne, pour qui seul l’extérieur, l’objectif, le collectif a une réalité véritable, et seule susceptible de connaissance scientifique ; elleréagit tout autant contre les tendances de la psychologie inspiiée de l’empi risme anglais, pour qui le fait de conscience est secondaire, sorte d'épipbénomène, sans efficaiité pure repli que ou ombre du phénomène physiologique Suivant l'école expérimentale anglaise et la psycho logie deRibot, qui a importé en France ces théories, en opposition si nette avec la tradition philosophique française, toute explication psychologique, pour être scientifique, doit s’interpréter en termesde biologie W. James, et avec lui Bergson, réagissent vigoureu sèment contre une telle suppression de la psychologie — Les faitsde conscience sont réels, constituent des données immédiates. — De même, l’expérience religieuse demande à être analysée, avant d’en ven r à l'élude des institutions ; ni la sociologie, ni l’histoire des religions ne peuvent suppléer à la psyché901

RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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logie religieuse. Sans celles-ci, elles demeureront inintelligibles.

a) Elle affirme l’irréductibilité des faits de conscience - et de l’expérience religieuse. — Même si les faits de conscience sont conditionnés par des données biologiques et des antécédents nerveux, théorie du chevet acceptée par James, et qui est, on le sait, la donnée du composé humain dans la scolastique, ces faits ne peuvent se ramener à ces antécédents. Même si l’expérience religieuse s’accompagne de phénomènes de névrose, oude manifestations pathologiques, en son fond elle garde sa réalité et sa valeur. Y. James a énergiquement repoussé et ridiculisé les théories du matérialisme médical, qui ramène la conversion, dans l’adolescence, à une crise de l’instinct sexuel, la conversion de saint Paul, o à une décharge épileptiforme dans l’écorce occipitale », et la mélancolie de Carlyle à un « catarrhe gastroduodénal « Contre ces fantaisies matérialistes, la réfutation pleine de verve de V. James gardera toute sa valeur.

3) Elle reconnaît les variété » de l’expérience religieuse. — Dans les théories sociologiques, l’individu n’est que le résultat du milieu social ; son individualité n’existe pas, ou demeure inexplicable, ou du moins ne peut s’expliquer que par l’entrecroisement des facteurs sociaux, qui nient cette illusion de personnalité, toute factice on le voit ; ici James insiste sur ces variétés, sur ses aspects strictement individuels, sur cette coloration personnelle des idées, des sentiments religieux. Cette expérience se réalise dans la personne, et elle partage son inimitable originalité ; les expériences ne se révèlent jamais entièrement les mêmes. Pas de conformisme religieux, ni de pure imitation, ni d’écho inerte, mais la vie, la vie individuelle, avec les marques de cette individualité.

4) Elle s’attache surtout aux expéricncesreligieuses originales, plus complètes, plus élevées. — Par là, cette méthode nous débarrasse de ce privilège ridicule, de cet engouement des thèses évolutionnistes pour le primitif. Elle rappelle la science des religions au respect des méthodes scientifiques : étudier d’abord ce qui est le mieux connu, le plus directement observable, le plus près de nous ; expérience qui, scientifiquement, est plus accessible à la fois et plus significative. Elle renverse donc et d’abord tout l’échafaudage évolutionniste, pour se mettre immédiatement en face des faits religieux, sans théorie interposée, comme James se préoccupe d’entrer dans la psychologie, en oubliant toute explication préconçue. Cf. Y. James, Précis de psych., trad. fr., prof., vii, 19.

.">) Elle met su ; le même pied l’expérience religieuse et l’expérience scientifique. — Ede n’entend pas supprimer la religion au nom de la science : la méthode scientifique lui impose de reconnaître des faits religieux d’un autre ordre que les faits matériels, observables du dehors, mais tout aussi réels, qui s’imposent à l’observation, et que la science doit, non pas nier arbitrairement, ou dédaigner de parti-pris, mais s’efforcer d’expliquer. D’ailleurs, cette expérience nous apporte l’atlirmation de nouvelles réalités, plus hautes, plus larges, que les étroites limites où la science prétend nous enfermer.

6) Elle proclame la valeur é m inente de la vie religieuse. — Et ceci, par application du pragmatisme. Les formules significatives abondent, dans l’œuvre de James ; « la religion… est un rouage essentiel » de la vie, une fonction biologique des plus importantes ; la sainteté est un facteur essentiel du bien-être social : lessaintscomptent parmi les grands bienfaiteurs de l’humanité. En face du scientisme

orgueilleux, et du scepticisme qui paralyse les âme- ; , l’œuvre de James exalte la valeur de la vie religieuse source de force, de paix, de joie et d’héroïsme.

B. Les erreurs. — j) Cette théorie rapproche des faits essentiellement différents. — C’est d’abord le résultat d’un excès de richesse : trop de faits, etpuisés à pleines mains, sans discernement suffisant ; c’est aussi la conséquence de la méthode : entre les états rudimentaires et les manifestations aiguës, une sériede cas nombreux qui servent d’intermédiaires et relient les extrêmes. Par là, nous relournonsau procédé cher à l’évolulionnisme, s’efforçant de suivre par étapes le développement qui fait sortir le supérieur de l’inférieur. Ainsi James rapproche les révélations anesthésiques, l’ivresse produite par le chloroforme, la « conscience cosmique » et le mysticisme chrétien, le sentimentde l’irréel, les casd’hallucination et le sentiment de la présence divine, la mélancolie de l’aliéné et la mélancolie religieuse etc. Pêle-mêle de citations, de faits, qui, malgré l’auteur, aboutissent, par ces rapprochements singuliers et tout à fait superficiels, à discréditer le fait religieux.

2) Elle apporte une analyse incomplète de l’expérience religieuse. — Dans cette analyse, les sentiments, les émotions, sont considérés comme les éléments essentiels de la religion ; les croyances, qui suscitent ou modifient ces sentiments, sont passées sous silence, ou traitées de faits secondaires et accidentels. C’est le cœur, nous dit-on, qui est lasource de la vie religieuse ; la spéculation, qui s’y mêle par la suite, dénature cette expérience, demeure sans valeur et sans action. James adopte donc un anti-intellectualisme dont les conséquences s’affirmeront dans son acceptation de la philosophie du pragmatisme. Mais dès l’abord, ce mépris de la spéculation philosophique et théologique, au regard de l’expérience, conforme à l’empirisme du psychologue, s’explique aussi en lui par une survivance de culture protestante. Son expérience religieuse s’apparenteà la piété du cœur, au sentimentalisme — expérience ainsi tronquée et interprétée d’après l’anti-intellectualisme.

3) Elle supprime la caractéristique des faits religieux.

: — Religion signifie pour lui impressions, sentiments

et actes de l’individu pris isolément, pour autant qu’il se considère comme étant en rapport avec ce qui lui apparaît comme divin, — mais sans signifier nécessairement une divinité concrète ; le naturisme d’Emerson, son adoration de l’univers, ainsi entendus, relèvent delà religion. Pour qu’il y ait vie religieuse, il suffit d’entendre par ce divin

« une réalité première, de telle nature que l’individu

se sente obligé de prendre vis-à- vis d’elle unealtilude solennelle et grave ». L’Exp. rel., p. 34. — Mais, at-on justement remarqué, c’est confondre la philosophie et la religion, lemonisme philosophique etl’adoration religieuse. Entre celle-ci et le culte du cosmos, il y a seulement analogie, rapprochement superficiel, vu du dehors. Au dedans, les attitudes apparaissent nettement différentes. La vie religieuse est un rapport avec un être vivant : Dieu connu, aimé, prié. Et toute attitude solennelle envers Diei’n’est pas religieuse : agnosticisme, moralisme, mate ria’isme, doctrines sérieuses et graves, ex| rimen’des philosophies, non des religions. Aussi bien, James a-t-il fait cet aveu : « Le personnalisme est le fond de la pensée religieuse », op. cit., p. ^99 4) Elle ne parvient pas à expliquer par le tubcoi 1 cientm les faits religieux en général, ni la ci ru sion en particulier. — Signalons d’abord les diverses intcrprétatiot.s du subconscient. Dans une étudesu, ce sujet, Dieu et l’agnosticisme contemporain, Ga. 903

RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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halda, 4’éd.. 1922, p. 131 sq., nous avons cru qu’il fallait distinguer :

a) La théorie physiologique des faits inconscients, qui, avec Huxley, Maudsley, Carpenler, Ribot, fait de la conscience un reflet, une ombre, un « épiphénoniène », se surajoutant aux phénomènes déjà constitués ;

b) La théorie des phénomènes psychologiques sous-conscients, oudela multiplicité desconsciences, acceptée par Binet. Colsenet, Pierre Janet, etc., le fait de conscience accompagnant chacun des éléments mentaux, affectifs, et pouvant former, avec d’autres éléments de conscience, des moi distincts ;

c) La théorie animiste de faits psychologiques entièrement inconscients, adoptée par Leibniz, Maine de Biran, à laquelle ne répugne pas la philosophie aristotélicienne ; et acceptée explicitement par Leibniz, de Broglie, Mgr Mercier, Domet de Vorges, Farges, Blanc, etc.

Or, il nous semble que la thèse de James se rattache à l’interprétation des phénomènes psychologiques sous-conscients. James se réfère explicitement, on l’a vii, au système de Myers, aux expériences d’automatisme psychologique de Binet et Pierre Janet.

« Notre conscience normale n’est qu’un type

particulier de conscience, séparé par une fine membrane de plusieurs aul res, qui attendent le moment favorable pour entrer en jeu », op. cit., p. 329.

Mais la théoriede Myers est elle même une hypothèse, une interprétation des faits. S’il est exact que nos phénomènes psychologiques tendent à s’associer, à se fusionner, à se grouper en synthèses, ces synthèses ne constituent nullement des consciences distinctes : les scissions ne sont jamais complètes entre ces consciences ; celles-ci s’enveloppent souvent les unes les autres, elles persistent dans la mémoire, elles sont rapportées au même sujet ; elles supposent donc son unité et sa persistance. Rien n’est venu, depuis James, apporter une preuve décisive en faveur de ce sous conscient ou de ce subliminal ainsi compris. — Pour expliquer des faits difficiles, on a inventé, des mots nouveaux : subliminal, automatisme ; mais l’explication n’a pas avancé d’un pas. Ita Wundt, Ilypnot. cl sugg., p. 56. Au point de vue scientifique, l’explication de Myers demeure une hypothèse, et de plus en plusdiscutée.

Même si ce subconscient existait, il serait incapable d’expliquer l’origine de la religion, l’expérience religieuse normale, les faits de conversion soit lente, soit soudaine. Le fait de la conversion lente, avec ses hésitations, ses retours, ses contradictions, est en opposition avec les poussées insurmontables de l’automatisme : le converti se rend compte de ses motifs, même s’il ne les analyse pas ; il se rend à la lumière : rien qui ressemble au caractère fatal, involontaire, de l’adhésion et de l’impulsion. Les conversions soudaines diffèrent des cas pathologiques, ou des manifestations automatiques, par les circonstances dans lesquelles elles se produisent : lumière sur une vérité morale ou religieuse, sur le néant de la vie, l’horreur du péché, la grandeur de Dieu ; par leurs résultats : ici, transformation de l’âme dans le repentir et commencement d’une vie durable de sacrifices, d’héroïsme, de sainteté.

!) Elle ne permet pas de reconnaître l’intervention

de Dieu, — A l’explication psychologique, James superpose une possibilité d’ordre métaphysique. Sans doute, dit-il, les manifestations de l’art ivilé subconsciente ne dépendent que du sujet. Mais la eonscience subliminale pourrait être « un champ plus propice aux expressions spirituelles ». L’action divine pourrait s’exercer plus aisément dans ces

régions plus paisibles. « Une force transcendante pourrait s’exercer directement sur l’individu, à condition qu’il ait un organe récepteur approprié, c’est à-dire une conscience subliminale. » l.’c.rp. relig., p. 206. — Si l’action divine est rendue ainsi possible, comment le croyant connaltra-t-il cette expérience ? Aucun moyen légitime pour atteindre cette certitude. Sur ce qui se passe au delà du subconscient, il ne peut former que des hypothèses. L’expérience religieuse, par elle-même, lui interdit d’aller au delà. Jamais il ne pourra donc affirmer la transcendance de son action.

S’il consent cependant à se risquer dans la métaphysique, James déclare que le moi supérieur de l’individu — le moi subliminal — fait partie de quelque chose de plus grand que lui, mais de même nature— que ce plus grand, c’est sa « surcroyance », n’exige pas, pour vérifier l’expérience religieuse, un Dieu infini et un Dieu unique, qu’il suffit d’admettre une puissance supérieure à l’individu, et intervenant dans son expérience —, que la théodicée de l’Absolu n’est pas nécessaire pour l’âme religieuse ; bien plus, que « la philosophie de la religion devrait accorder plus d’attention qu’elle ne le fait à l’hypothèse pluraliste ». Sur ce pluralisme, James s’est expliqué ailleurs, encore qu’assez confusément, A Pluralistic Univtrse, trad. franc. Philosophie de l’expérience, Flammarion, 1910. Le théisme (philosophie catholique) représente Dieu et la création comme deux entités distinctes, et fait de nous « des êtres étrangers à Dieu et lui restant étrangers ». L’homme étant ainsi un simple sujet, Dieu n’est plus le cœur de notre cœur, mais un souverain. Ce dualisme s’est toujours trouvé en lutte avec le monisme — plus simple, plus logique, plus rationnel, plus radical ; et avec les expériences mystiques des âmes religieuses sur un Dieu intime. Cette intimité du divin et de l’humain écarte tout autant le panthéisme, système spéculatif, issu du besoin d’unité. Le pluralisme nous fait découvrir des zones multiples d’existence, dans le inonde, des régions nouvelles et inexplorées ; l’expérience naturelle n’est qu’un fragment de l’expérience totale ; et le monde du pluralisme ressemble à une république fédérale plutôt qu’à un empire. Il y a, non un univers, mais un multivers. Cet empirisme pluraliste établit pour nous la relation la moins lointaine avec Dieu ; avec Dieu conçu comme fini.., qui n’a plus à expliquer le mystère de la chute, le mystère du mal, le mystère du déterminisme universel : notre conscience humaine, par l’expérience religieuse, s’unit donc à cette « conscience surhumaine », elle-même finie dans l’univers.

Ainsi James retourne à sa définition du début : la religion est un rapport avec Dieu. De ce Dieu, il ne connaît pas les attributs métaphysiques ; ou plutôt il les nie. — Cette métaphysique n’est-elle pas en contradiction formelle avec les données de l’expérience religieuse : l’affirmation d’un Dieu transcendant, personnel et unique ? Les primitifs, en réalité, Cf. Mg. Le Hoy, Itel. des primil., en savent plus que le métaphysicien improvisé qu’est ici James.

5) Elle aboutit enfui à l’élimination de Dieu. — Certains philosophes, à la suite de James, utilisent la subconscicnce et y superposent cette « surcroyance métaphysique » ; quitte à l’interpréter dans un sens plus rapproché du spiritualisme catholique. Ainsi Sr’c.oND, dans son livre sur la Prière, Etude de psychologie religieuse, Alcan, 1911, où tour à tour le recueillement, l’aspiration, le sentiment de présence, l’abandon, les formes diverses de la prière sont étudiées et leur réalité, comme leur efficacité, expliquées par la subconscience : et c’est aussi en 905

RELIGION : THEORIES PSYCHOLOGIQUES

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elle que se réalise, au sommet do la vie spirituelle c la communion parfaite mystique avec la source intarissable « le l’autonomie personnelle et de l’universelle charité ». — La subconscience devient l’intermédiaire entre l’origine collective des émotions religieuses et leur caractère individuel, entre l’explication sociologique et l’intuitionnisme de Bergson. L’hypothèse a transcendante » est réservée.

Mais d’autres n’imitent pas cette réserve et considèrent l’interprétation psychologique en général — et l’interprétation subconsciente en particulier — comme suffisamment explicatives pour rendre compte de tout le contenu de l’expérience religieuse. Parmi les principes de la psychologie religieuse, Arcli. de psych., déc. 190a, Flouunoy place au premier rang le principe d’exclusion de la transcendance, principe négatif et de défense, en vertu duquel — tout en enregistrant à titre de données mentales les appréciations de valeur et les sentiments de réalité transcendante dont les expériences religieuses s’accompagnent daas le sujet, — la psychologie s’abstient île tout verdict sur la portée objective de ces phénomènes. » Mais on sait ce que devient cette réserve provisoire de l’auteur, quand on connaît son effort et l’elfort des psychologues de la même école pour

« déthéologiser » l’expérience religieuse. — Delàchoix, 

Etud. d’/iist. et de psych. du mystic, préf., xix, écrit plus nettement : « Nous croyons que les états les plus sublimes du mysticisme n’excèdent point la puissance de la nature ; le génie r ligieux suffit à expliquer ses grandeurs comme ses faiblesses… Si la méthode psychologique réussit, toute discussion dogmatique est vaine… Or il nous paraît que l’ensemble des travaux de l’école psychologique prouve qu’elle est en chemin de réussir ».

Ainsi le développement de la théorie du subconscient l’a amené à ce sens radical, exclusif et antireligieux. Le subconscient, dans la religion, travaille à éliminer Dieu.

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