Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Vanini

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 951-952).

VANINI (Jules-César), dit Lucilio. — Né vers le I mois de février 1586 à Taurizano, dans le royaume de Naples, entra jeune comme novice dans un couvent de Naples, étudia à l’Université de cette ville, puis à celle de Padoue, où il s’engoua des écrits de Pomponace et de Cardan, voyagea en Allemagne et dans les Pays-Bas, puis devint précepteur à Paris. A la suite d’un meurtre qu’il aurait perpétré en cas de légitime défense, il se retira à Venise dans un couvent de Carmes ; ses relations avec des diplomates anglais le décidèrent à partir pour l’Angleterre, où il passa à l’anglicanisme, malgré son caractère sacerdotal. Etant devenu suspect de catholicisme par suite de ses accointances avec Moravi, chapelain de l’ambassade de Venise, il fut jeté en prison, puis conduit par la Seine jusqu’à Rouen, d’où il se rendit à Bayonne, puis à Gènes. Il y vécut paisiblement et écrivit son A mphitheatrum aeternac Providentiae divinomagiciim ; pour le faire imprimer, il se hasarda à venir à Lyon, puis à Paris. Vanini, qui avait repris la soutane, y exerça les fonctions de prédicateur et devint commensal d’Arthur d’Epinay Saint-Luc, neveu de Bassompierre et abbé commendalaire de Bedon. Compromis par la publication du De admirandis naturæ arcanis, il se réfugia à l’abbaye de Redon, puis à Bayonne, et enfin à Toulouse. Il y fut très vraisemblablement accueilli et patronné d’abord par le professeur espagnol Sanchez (cf. Cazac, Le philosophe Francisco Sanchez le

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sceptique, Boletin de la Real Academia de la Historia, juillet-septembre 1908, pp. 85 et ss.), sous le nom supposé de Pompeio Usiglio, et devint familier du comte de Caraman, gouverneur de Foix. Arrêté par suite de dénonciations, il futrelàché faute de preuves, puis emprisonné de nouveau et condamné par arrêt du Parlement à avoir la langue coupée et à être étranglé, pour athéisme, blasphèmes et autres crimes ; le cadavre fut brûlé (9 février 1619). Huit mois après, avis fut donné au premier président Le Masuyer que l’Usiglio ou Lucilio, comme on disait à Toulouse, n’était autre que Vanini.

Il n’est pas exact de dire que Vanini fut condamné à titre de philosophe libre-penseur ; mais beaucoup d’autres titres le signalèrent à la sévérité des juges de Toulouse : moine défroqué ; mauvais prêtre, homme de mœurs détestables, apostat, passant d’une religion à l’autre sans croire à aucune, selon l’intérêt du moment. Il avait de l’esprit et de l’érudition, s’amusait volontiers aux questions curieuses de la physique et des sciences naturelles, s’occupait d’astrologie et faisait des horoscopes. Après avoir vécu, au point de vue religieux, dans une feinte perpétuelle jusqu’à son dernier jour, se confessant et communiant régulièrement dans sa prison, après, avoir prouvé à ses juges, le matin même de sa mort l’existence de Dieu dans un brillant discours, il jetn le masque lorsqu’il fut condamné, et mourut en athée et eu blasphémateur impénitent. La sentence du

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Parlement de Toulouse était sévère, mais conforme aux lois de l’époque.

Bibliographie : Baudouin, ancien archiviste en chef âelvlhiule-Guronne, Histoire critique de Jules-César Vanini (Revue philosophique, 1879, n os 7, 8, 9 et 10 ; réimprimé dans la Revue des Pyrénées, iqo’i, tiré à part in-S’, 128 p., Toulouse, Privât, 1908 ; l’auteur est très favorable à V., d’ailleurs, le livre est bien documenté et impartial dans l’exposé des faits) ; — César Cantu, Les hérétiques d’Italie, t. 111, p. 5835go ; — Cazac, Le philosophe Francisco Sanchez le sceptique (outre le passage cité dans le texte, cf. p. 109 et s. du Boletin) ; — Dubédat, Histoire du Parlement de Toulouse, t. II, chap. m ; — Garasse, Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, Paris, 1624 ; — Barthélémy de Gramond, Historia Galliae abexcessu Henrici 1 V, lib. xvm ; — Rosset, Histoires tragiques, édit. d’août 16 ig(achetée et détruite par Arthur d’Epinay Saint-Luc, qui voulait dissimuler ses rapports avec Vanini ; il y en a un exemplaire à la bibliothèque de Chartres).

Jules Souben, O. S. B.