Dictionnaire classique de la langue française/Tome 1
PRÉFACE
Il existe, dans la langue française, une infinité de Dictionnaires, des grands, des moyens, des petits ; mais, parmi ces derniers, nous n’en connaissons pas qui aient encore traité les difficultés du langage. À proprement parler, ce sont des vocabulaires, dont le moindre défaut est de pécher par d’immenses lacunes et de graves omissions.
Depuis longtemps le besoin se faisait sentir d’un Dictionnaire où l’on trouvât la solution non-seulement de toutes les difficultés grammaticales, mais encore de toutes les difficultés que présente notre langue. C’est pour répondre à cette nécessité que nous publions aujourd’hui un Dictionnaire classique de la Langue française. Nous avons voulu qu’il fut le plus complet sous le rapport de la nomenclature, comme le plus exact sous le rapport des définitions. C’est surtout par là que pèchent presque tous les Dictionnaires.
Nous ouvrons le Dictionnaire de l’Académie, au mot chat, qui est défini ainsi : animal qui prend les rats et les souris.
C’est là une mauvaise définition. Il suffit, pour s’en convaincre, d’en faire un syllogisme, qui est comme la pierre de touche de toutes les définitions.
Celui qui prend des rats et des souris est un chat ; or, nous prenons des rats et des souris ; donc, nous sommes des chats.
Bien d’autres définitions ne sont pas meilleures, et il faut espérer que, dans sa nouvelle édition, l’Académie les aura corrigées.
Dans un autre Dictionnaire, le mot âne est défini de cette manière : animal qui porte des fardeaux. Faites de cette définition le syllogisme suivant :
Celui qui porte des fardeaux est un âne ; or, il y a beaucoup de gens qui portent des fardeaux ; donc, il y a beaucoup de gens qui sont des ânes.
Vous voyez maintenant tout le ridicule de la définition.
À son tour, un lexicographe bien connu définit l’âne : un animal à longues oreilles. Cette définition ne nous semble ni plus logique, ni plus heureuse.
Nous ferions des volumes, si, en fait de définitions, nous voulions relever toutes les erreurs, toutes les bévues de nos lexicographes ; mais elles sont en si grand nombre, qu’on s’étonne que jusqu’à présent la critique ne les ait pas signalées.
Ouvrez encore tous les Dictionnaires aux mots qu’on nomme figures de rhétorique, comme hyperbole, ironie, métaphore, prosopopée, etc. Est-on bien avancé, quand on vous a dit que tous ces mots sont des figures de rhétorique, et rien de plus ? Nous faisons mieux : nous donnons toujours l’exemple.
On veut connaître le pluriel des substantifs et des adjectifs en al ou des noms composés. Presque tous les Dictionnaires sont muets à cet égard. Pourtant la difficulté ne manque pas d’importance. Aussi, quel que soit le mot en al ou le nom composé que l’on cherchera dans le nôtre, on y trouvera, avec le singulier, toujours le pluriel.
Un avantage que notre Dictionnaire offrira sur tous les autres, et même sur celui de l’Académie, ce n’est pas seulement la conjugaison de tous nos verbes irréguliers, c’est encore la forme orthographique d’un grand nombre d’autres verbes. Donnons-en quelques exemples.
Si l’on cherche payer, planchéyer, se noyer, s’ennuyer, on trouvera : je paie, nous payons, je paierai, je paierais, que je paie, que nous payions. De même pour les autres verbes. Nous changeons l’y en i simple devant l’e muet ; mais on peut, d’après l’Académie, conserver l’y dans toute la conjugaison.
Si l’on cherche les verbes en eler, eter, comme appeler, jeter, etc., on trouvera j’appelle, je jette, avec cette remarque que les lettres l et t redoublent la consonne devant un e muet dans la conjugaison de ces verbes.
À la vérité, il y a de nombreuses exceptions ; mais on les trouvera à leur ordre alphabétique, dans notre Dictionnaire.
Si l’on cherche les verbes en ier, comme concilier, négocier, remercier, nous donnons les premières et les secondes personnes de l’imparfait de l’indicatif et du présent du subjonctif : nous conciliions, nous négociions, nous remerciions, vous conciliiez, vous négociiez, vous remerciiez ; que nous conciliions, que vous conciliiez, etc. L’i du radical se conservant dans toute la conjugaison, il y a nécessairement deux i à l’imparfait de l’indicatif et au présent du subjonctif.
Enfin, si l’on cherche les verbes terminés en ouer, uer, comme allouer, atténuer, etc., nous écrivons, à l’imparfait de l’indicatif et au présent du subjonctif : nous allouïons, vous allouïez, que nous allouïons, que nous atténuïons, que vous allouïez, que vous atténuïez, parce que, dans ces verbes, l’i précédé d’un u prend un tréma.
Nous n’aurions pas été complet, si nous n’avions placé, à leur ordre alphabétique, tous nos synonymes. C'est encore une partie qui manque dans tous les petits Dictionnaires et qui se trouve dans le nôtre.
On trouvera encore, à la suite de notre Dictionnaire, un Dictionnaire d’histoire, de géographie et de mythologie. On nous saura gré de ce supplément qui empêchera de recourir aux livres spéciaux et épargnera ainsi bien des frais.
En un mot, nous n’avons rien négligé pour que notre Dictionnaire répondît à son titre. Ce qui le fera apprécier encore davantage, ce sont les nombreux exemples que nous donnons pour éclaircir le sens des mots, et en justifier l’emploi.
Tous ces avantages réunis nous permettent d’espérer que le succès couronnera nos efforts, et que le public accueillera avec bienveillance un livre qui sera d’une utilité réelle, et qui manquait incontestablement à toutes les classes de la société. En ce qui concerne la prononciation, il sera on ne peut plus précieux pour les personnes de la capitale et de la province, et pour les étrangers qui voudront faire usage de notre Dictionnaire. On trouvera à tous les mots dont la prononciation est douteuse la prononciation figurée.
Nous avons apporté le plus grand soin à cette partie si négligée par les autres Dictionnaires, et si incomplète dans le Dictionnaire de l’Académie.