Dictionnaire d’architecture civile et hydraulique/Chapiteau

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CHAPITEAU, ſ. m. C’eſt la partie ſupérieure de la colonne qui porte immédiatement ſur le fuſt. Comme il y a autant de ſortes de colonnes que d’Ordres d’Architecture, il y a autant de différens Chapiteaux : le Chapiteau Toſcan, le Chapiteau Dorique, le Chapiteau Ionique, le Chapiteau Corinthien, & le Chapiteau Compoſite. Nous allons faire connoître ces Chapiteaux qui caractériſent mieux les Ordres qu’aucune autre partie de la colonne.

Chapiteau Toſcan. Chapiteau ſans moulures, dont la partie ſupérieure eſt quarée, & dont la hauteur eſt égale à celle de la baſe. Il a trois parties, qui ſont le tailloir ou l’abaque, l’échine, l’ove & la gorge & l’aſtragale qui eſt ſous l’échine avec ſon filet. Ces parties occupent chacune le tiers de toute la hauteur du Chapiteau. Ce tiers partagé en huit parties, forme la proportion des moulures : de ces huit parties, deux ſont pour l’aſtragale, une pour le filet au-deſſous, & le reſte pour la gorge. On règle la ſaillie du Chapiteau ſur l’orle d’en bas de la colonne qu’elle doit égaler, & qui eſt de huit cinquiémes & demi, à prendre du milieu de la colonne. L’aſtragale de deſſous l’échine, & celui du haut de la colonne, doivent cependant en avoir les ſept cinquiémes.

Selon Palladio, Serlio & Vitruve, le caractère du Chapiteau Toſcan eſt un tailloir ſimple ſans talon. Scamozzi & Vignole ſubſtituent un filet au talon ; & Philander fait le Chapiteau rond, en ſupprimant les coins du tailloir. De ſorte qu’on ignore encore, à en juger par cette diverſité de ſentimens, on ignore, dis-je, ce qui caractérise le Chapiteau Toſcan. M. Perrault, pour terminer toute diſcuſſion, & pour fixer le caractère de ce Chapiteau veut que le tailloir ſoit ſimple & ſans talon, & que ſous l’échine il n’y ait point les armilles qui ſont au Chapiteau Dorique, mais un aſtragale & un filet. C’eſt auſſi cet Auteur que nous avons ſuivi dans la proportion du Chapiteau Toſcan, proportion qu’on doit à Vitruve, & qui forme encore un ſujet de diſpute parmi les Architectes que nous venons de nommer. Car Philander prend l’aſtragale & le filet du haut de la colonne ſur la troiſiéme partie du Chapiteau, que Vitruve donne à la gorge & à l’aſtragale qui eſt ſous l’échine. Selon Serlio & Vignole, cette troiſiéme partie doit être pour la gorge, & le filet doit être pris ſous l’échine dans la ſeconde partie. Or Vitruve donne à l’échine cette ſeconde partie toute entiere. Enfin Palladio ſubſtituant un filet à l’aſtragale, laiſſe la troiſiéme partie à l’échine. Sur tout cela nous avons préféré les proportions de M. Perrault, que nous croyons les meilleures, & nous ne penſons pas être contredit par les Architectes habiles.

Chapiteau Dorique. Ce Chapiteau a un tailloir couronné d’un talon, & trois annelets ſous l’ove. Le tailloir, l’échine & la gorge ont chacun le tiers de toute la hauteur du Chapiteau, qui eſt le demi-diametre du bas de la colonne. C’eſt ſur la gorge qu’on prend l’aſtragale & le filet qui eſt ſous l’échine. Pour les proportions des moulures, ayant diviſé le Chapiteau en trois parties, on donne au tailloir le tiers d’une de ces trois, & les deux autres au talon. La partie, qui eſt entre le tailloir & la gorge, ſe diviſe encore en trois, dont deux ſont pour l’échine, & l’autre pour les annelets qui en occupent chacun le tiers.

A l’égard de la ſaillie du Chapiteau Dorique, c’eſt ſur les cinq parties du module qu’on la régle. On en prend d’abord trois pour la ſaillie de tout le Chapiteau, depuis le haut de la colonne. Les annelets occupent chacun le quart de la premiere de ces trois parties ; & la ſeconde termine l’échine. Enfin on diviſe la troiſiéme en quatre parties, dont la première eſt pour la ſaillie que la plate-bande du tailloir a ſur l’échine, & les trois autres réglent les parties du talon.

M. Perrault fait de la ſaillie une marque de caractère du Chapiteau Dorique, parce que cette ſaillie ſe préſente, dit-il, tout d’un coup à la vûe. Vitruve détermine cette ſaillie à 37 minutes ½ à prendre depuis le milieu du Chapiteau. Barbaro & Serlio ont adopté cette régle. Alberti & Cataneo ne lui donnent que 32 minutes ½, Bullant 40, Palladio 39, & Vignole & Viola 38. Scamozzi, Vignole, Alberti & Viola caractériſent encore plus particulierement ce Chapiteau avec des roſes ſur le coin du tailloir & dans la gorge.

Chapiteau Ionique. Un tailloir qui n’a qu’un talon avec ſon filet, une écorce qui produit les volutes, (nom qu’elle a de ſa reſſemblance à une écorce d’arbre qui ſe recoquille étant ſechée) & une échine ou ove, forment les parties de ce Chapiteau. On en prend la hauteur depuis le tailloir juſques à l’aſtragale, & cette hauteur a onze parties de douze qu’on donne au petit module, leſquelles onze parties ſe diſtribuent ainſi : trois au tailloir (deux au talon, une au filet), quatre à l’écorce, dont une eſt pour le rebord & quatre pour l’ove. M. Perrault, pour fixer les dimenſions de ce Chapiteau, donne 18 minutes à ſa hauteur, 16 à la hauteur de la volute, 23 ½ à ſa largeur, & il égale l’échine & l’écorce. Cette proportion, quoiqu’adoptée autrefois par Alberti & Scamozzi, n’eſt point reçue cependant par Palladio, Vignole, Barbaro, Bullant & De Lorme. Comme Vignole eſt aujourd’hui très ſuivi, nous allons faire connoître ces ſentimens, que nous n’aurions pas diſcutés ſi ce dernier Architecte & M. Perrault étoient d’accord ſur ce point. Nous diſons donc que la dimenſion approuvée par ces habiles gens eſt entre 22 minutes ⅔ de hauteur, & 21 ½. À l’égard de l’échine, les uns la font plus grande que l’écorce ; d’autres donnent à la hauteur de ce membre plus que n’en a le reſte du Chapiteau. Et des troiſiémes veulent que l’échine ſoit plus petite que l’écorce. Chacune de ces opinions a ſes partiſans. C’eſt encore une queſtion à décider que celle de la largeur de la volute du Chapiteau Ionique. On compte 24 minutes ½ au Coliée ; 26 ¼ au Théâtre de Marcellus ; 25 ¼ au Temple de la Fortune virile ; & toutes ces autorités tiennent les Architectes en ſuſpens. Tout cela prouve bien, comme nous l’avons dit à l’article Architecture, que les proportions de ce bel Art ne ſont point encore déterminées.

Chapiteau Corinthien. C’eſt le plus riche de tous les Chapiteaux. Il eſt orné de deux rangs de feuilles, de huit grandes & huit petites volutes. Les quatre faces de ſon tailloir ſont courbées & creuſées en dedans (cette courbure eſt ordinairement un arc de 60 degrés) & à chacune de ces faces eſt une roſe. Un rebord de vaſe y tient lieu d’oves & d’annelets. La hauteur de ce Chapiteau eſt de 3 modules ½. On la partage en ſept parties, dont on donne quatre d’en bas aux feuilles, deux au premier rang, & deux au ſecond. Les trois parties qui reſtent ſont pour les tiges, les volutes & le tailloir. Et le vuide qui eſt entre la volute & le coin du tailloir, eſt rempli par une petite feuille d’acanthe, qui ſe recourbe vers ce membre.

Les rangs de feuilles qui décorent le Chapiteau Corinthien ſe diſtribuent en trois étages. On refend en cinq parties ou en trois, les plus petites feuilles. Dans le premier cas on les nomme feuilles d’Olivier ; & feuilles de laurier, dans le ſecond. Celui-la eſt ſuivant le gout antique. Pluſieurs Architectes modernes, tel que Serlio, Barbaro, Cataneo, ſans s’arrêter à toutes ces diviſions, ſe contentent d’employer la feuille d’acanthe route ſimple, (voyez Acanthe) une herbe qui a donné naiſſance au Chapiteau Corinthien. Voici l’hiſtoire de cette découverte tirée de Vitruve.

Une jeune fille de Corinthe étant morte, ſa mère affligée de ſa perte, voulant lui donner un dernier témoignage d’amitié, fit mettre ſur ſon tombeau un panier de fleurs choiſies, que cette fille avoit beaucoup aimées. Pour conſerver ces fleurs plus long-tems, on les couvrit d’une tuile. Or le hazard voulut que ce panier fut placé ſur une racine d’acanthe, qui venant à végéter au printems, pouſſa des branches qui entourerent le panier, & après pluſieurs tours ſe recourberent ſous la tuile en forme de volutes. Cet ouvrage de la nature & du hazard, fut remarqué par un homme habile : c’est Callimaque ſurnommé l’ingénieux ; & cet artiſte célebre, perfectionnant cette idée, forma le Chapiteau Corinthien.

Chapiteau Compoſite. Ce Chapiteau a les deux rangs de feuilles du Corinthien, & les volutes de l’Ionique. Le fleuron du milieu du tailloir, qui est une roſe au Chapiteau Corinthien, est ici compoſé de petites feuilles, dont les unes ſe joignent au milieu, & les autres ſe détournent à côté. Et au lieu de caulicoles qui décorent l’autre Chapiteau, l’ornement de celui-ci conſiſte en de petits fleurons collés au vaſe du tambour, contournés vers le milieu de la face du Chapiteau, & finiſſant en une roſe. Palladio, Vignole & Scamozzi, vouloient qu’on rendît preſque ſolides les volutes de ce Chapiteau. Cependant on a reconnu que l’effet est beaucoup plus agréable, lorſque les volutes, bien loin de ſe toucher, ſont tellement dégagées que les replis de l’écroce tortillée qui les compoſe, laiſſe beaucoup de jour.

On détermine la hauteur du Chapiteau Compoſite, en donnant à cette hauteur le diametre du bas de la colonne, & un ſixiéme en ſus : ce qui donne ſept diviſions, dont on donne quatre aux feuilles. La ſixiéme partie de cet eſpace est pour la courbure de ces feuilles. Les trois autres ſixiémes qui reſtent des ſept, ſe partagent en huit parties qu’on diſtribue ainſi : ſix & demie à la volute qui poſe ſur le haut des feuilles du ſecond rang ; deux au tailloir ; une à l’eſpace qui eſt entre le tailloir & l’ove ; deux a l’ove, & une à l’aſtragale avec ſon filet. Dict. Mathém.

On trouve l’origine des Chapiteaux à l’article Colonne.

Chapiteau angulaire. C’eſt un Chapiteau qui porte un retour d’entablement à l’encoignure d’un avant-corps ou d’une façade.

Chapiteau Attique. Chapiteau qui a des feuilles de refend dans le gorgerin, comme on en voit dans la ſalle des Suiſſes au Louvre, Chapiteaux qui ont été faits par Jean Goujon, Sculpteur du Roi Henri II, & dans la cour du Val-de-Grace à Paris, du deſſein de Le Duc. Il y en a auſſi d’aſſez beaux au château de Meudon.

Chapiteau de balustre. C’eſt la partie ſurieure du baluſtre qui le couronne, & dont quelques-uns reſſemblent aux Chapiteaux des Ordres, comme à celui de l’Ionique.

Chapiteau de colonne. Chapiteau qui eſt rond par ſon plan.

Chapiteau de couronnement. C’eſt un amortiſſement. (Voyez ce mot.)

Chapiteau de lanterne. C’eſt la couverture qu’on met pour terminer une lanterne de dôme, & qui eſt de différente figure, comme en cloche, ainſi qu’à la Sorbonne en adouciſſement, comme au Val-de-Grace ; en dôme ou coupole, comme à l’Egliſe des Filles de Sainte-Marie, rue Saint-Antoine à Paris & même contourné en ſpirale, tel qu’eſt celui de l’Egliſe de Saint Leon de la Sapience, à Rome.

Chapiteau de moulin. C’eſt la couverture en forme de cone, qui tourne verticalement ſur la tour ronde d’un moulin, pour en expoſer les volans ou aîles au vent.

Chapiteau de niche. Eſpèce de petit dais au-deſſus d’une niche peu profonde, qui couvre une ſtatue portée ſur un cul-de-lampe en encorbellement. Il y a des Chapiteaux de niche décorés de petits Ordres & portiques, tels qu’aux Egliſes de Saint-Euſtache à Paris, & de Saint-Etienne du Mont. Dans l’Architecture gothique, ils ſont en manière de pyramides à jour, artiſtement travaillés, comme aux Egliſes de Milan & de Strasbourg.

Chapiteau de trigliphe. Plate-bande ſur le trigliphe, appellée Tænia par Vitruve. C’eſt auſſi quelquefois un trigliphe qui fait l’office de Chapiteau a un pilaſtre Dorique, comme on en voit à la porte de l’Hôtel de Condé, & Paris.

Chapiteau écrasé. Chapiteau qui eſt trop bas, parce qu’il eſt hors de la proportion antique, comme le Corinthien de Vitruve, qui n’a que deux modules en toute ſa hauteur, & qui a été imité à l’Hôtel d’Angoulême a Paris.

Chapiteau galbé. Chapiteau dont les feuilles ne ſont qu’ébauchées, comme les Chapiteaux Corinthiens du Coliſée.

Chapiteau mutilé. C’eſt un Chapiteau qui a moins de ſaillie d’un côté que d’autre, parce qu’il eſt trop près d’un corps ou d’un angle.

Chapiteau pilastre. Chapiteau qui eſt quarré par ſon plan, ou ſur une ligne droite.

Chapiteau plié. Chapiteau d’un pilaſtre qui eſt dans un angle rentrant, droit, ou obtus.

Chapiteau refendu. C’eſt un Chapiteau dont la ſculpture des feuilles eſt terminée.

Chapiteaux symboliques. Ce ſont des Chapiteaux ornés d’attributs de Divinités, comme les Chapiteaux antiques, qui ont des foudres & des aigles pour Jupiter ; des trophées pour Mars ; des lyres pour Apollon, &c. On appelle auſſi Chapiteaux ſymboliques, ceux qui portent des armes & deviſes d’une nation, d’une victoire, d’une dignité, &c.