Dictionnaire de Trévoux/1re édition, 1704/Abyssin ou abissin

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Jésuites de Trévoux
Trévoux (1-1p. 12-13).
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ABYSSINS, ou plutôt Abassins ou Hhabassins, comme prononcent les Arabes, sont des peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’huy nommée Abassie. Ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoye le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui reside au Caire, desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Sçavans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslebe qui a rapporté le Canon dans son histoire de l’Eglise d’Alexandrie, chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670. Les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres de vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Patriarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être lûë.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Caldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Caldée : Mais elle est très différente du Chaldéen ordinaire. C’est pourquoi on l’appelle langue Ethiopienne, & qui n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’huy. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes, comme il y a dans l’hebreu & dans les autres langues Orientales, mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI.